Tout aurait pu être comme on le voyait si souvent. De l'orange, du noir, des toiles d'araignées. Quelques citrouilles aussi pour faire bonne mesure et pourquoi pas deux ou trois fantômes. Ça n'était pas très difficile à faire, pas très original non plus. Là avait été le problème. Le nouveau directeur aimait quand les choses devenaient extravagantes (d'autres auraient dit "à côté de la plaque") alors pour cette fête de Halloween 2008, il avait prévu une surprise de taille pour ses élèves.

Le personnel entier avait mis la main à la pâte. Des femmes de ménage jusqu'à lui, nul n'avait échappé à la dure loi de l'entraide. Le résultat, toutefois, dépassait de loin leurs espérances à tous. C'était visible sur leurs visages souriants, ils étaient satisfaits. Raisonnablement, il n'était pas permis de penser que cela ne puisse pas plaire. Les pensionnaires adoreraient, ils en étaient certains ! Le doute, pourtant, se distillait en eux à mesure que l'heure approchait.

Et si. Voilà un début de phrase qu'il commençait à bien connaître. Takamura Kisuke n'était pas homme à douter de lui-même, mais les efforts fournis s'accompagnaient d'excitation mêlée d'anxiété. Peut-être que finalement, les jeunes n'aimeraient pas cette ambiance feutrée, ces réverbères à l'intérieur et ce faux sol dallé.

L'homme laissa son regard courir sur les voilures sombres qui filtrait la lumière extérieure. Fines, d'un rouge sanguin, elles lui avaient plu au premier regard et il n'avait eu de cesse de les montrer à son personnel. En quelques jours, elles avaient été adoptée par la quasi totalité du corps enseignant et par la plupart des autres adultes. Face à cette écrasante majorité, les réticents avaient du s'aligner.

Maintenant, il se trouvait bien content d'avoir été soutenu. L'effet étaient vraiment réussi. L'ameublement avait même été refait et ils avaient du aller fouiller dans les réserves de l'école pour trouver un mobilier adapté. Qui eut crû que les greniers du pensionnat regorgeaient de trésors de ce genre ? Vraiment, il était fier du réfectoire et se demandait même s'il n'allait pas le laisser comme ça le reste du temps.

Des bruits de pas l'extirpèrent de ses pensées et il se pressa de monter sur l'estrade Derrière lui se trouvaient déjà des instruments,mais il préféra se diriger vers le micro qu'il testa sans attendre. Un groupe en vogue viendrait jouer le soir même, précédé de quelques élèves qui assureraient la première partie. Le programme avait été vu et revu et les répétitions s'étaient très bien passées. Tout fonctionnerait à merveille ! Il en était sûr, mais plus que tout, il le fallait !

Une arrivée particulière lui fit lever la tête. Une femme à la chevelure grise relevée en une coiffure sophistiquée venait d'entrer dans la pièce. Sa longue robe pourpre lui recouvrait la totalité du corps, se finissant en une élégante dentelle au bout des manches. Non qu'il voyait tant de détails de sa place, mais il connaissait le vêtement pour l'avoir offert à sa femme. Et celle-ci le portait magnifiquement, l'ayant agrémenté d'un loup de velours pourpre également et d'une ombrelle noire. Le directeur était prêt à offrir un dîner au restaurant à qui reconnaîtrait l'austère et si peu souriante secrétaire (qui, d'ailleurs, affichait un sourire étincelant en cet instant même). Il étira les lèvres de la même façon et vérifia une fois de plus son déguisement de dandy. Un masque identique à celui de son épouse, quoiqu'aussi sombre que l'ébène, cachait son visage aux curieux. Sa barbe suffisait cependant pour qu'on le reconnaisse sans grande difficulté.

***

"Hum hum... Je pense que vous êtes à peu près tous présents. C'est donc avec plaisir que je ne m'attarderai pas en discours futiles pour vous annoncer... le commencement du bal !

Je cède donc ma place à Kyoko-chan !"

Takamura tendit son micro à l'intéressée (une élève de seize ans qui venait chanter) avant de rejoindre son épouse...