[hrp]*GOKAKU GEIKO : Combat d'entraînement entre deux Kendoka de même niveau.[/hrp]

Le jeune homme regarda une fois de plus l'adresse notée sur sa petite feuille de papier avant de comparer à l'immeuble de standing qui se trouvait devant lui. Sa haute façade cossue visible derrière les grilles n'avait rien à voir avec les immeubles classiques qu'on voyait un peu plus loin dans le quartier, et, à dire vrai, Eiji n'aurait jamais associé un tel endroit à un professeur, mais l'adresse était bien celle indiquée sur sa feuille, et il ne pensait pas la personne qui lui avait donné capable de duplicité, pas quand elle aurait simplement pu la lui refuser.
Récupérer l'adresse de Jiro avait été ridiculement facile : il avait suffit au président du club de kendo de s'entretenir un peu avec le président du club de Kyudo. Présent pendant les vacances, c'était à lui que revenait la gestion du dojo et du matériel. Fort de cette explication, il n'avait pas été bien dur de récupérer l'adresse du sensei du club de Kyudo pour voir avec lui quelques détails. Quand son collègue lui avait donné l'adresse en s'inclinant et en le remerciant de prendre en charge le dojo pendant son absence, le jeune homme s'était presque senti coupable.
Presque, puisqu'il comptait bien s'en occuper avec toute l'attention nécessaire. Cependant... l'adresse de Jiro n'avait pas grand chose à voir avec cela.

Le kendoka ferma les yeux et adressa une prière rapide à quelque kami qui passait par là, avant de pousser la grille et d'entrer, pour se trouver intercepté par un concierge en uniforme qui vaquait à ses occupations. Le regard qu'il posa sur Eiji était curieux plutôt que méfiant, prenant note de sa tenue – un simple jean et un t-shirt clair par cette chaleur – avec une telle intensité que le jeune homme était presque persuadé qu'il avait noté précisément la forme de sa boucle d'oreille et qu'il avait du percevoir le tatouage pourtant invisible dans son dos.
L'échange de salut fut bref, ponctué d'inclinaisons millimétrées. Curieusement, l'homme lui rappelait un des voisins de son grand-père, un vieux monsieur accroché bec et ongles aux traditions et à la politesse et qui n'hésitait pas à traiter durement toute personne un peu trop désinvolte à son gout.

" Vous cherchez quelque chose jeune homme ? "

Eiji hésita un instant avant de répondre. Il n'était pas un bon menteur, et chercher à embobiner le gardien ne le mènerait pas bien loin. Il n'avait qu'à espérer que la vérité délicatement amenée suffirait à faire pencher la balance du bon côté. Certes, la délicatesse n'était pas tellement son point fort, mais ce n'était que secondaire...

" Oui, je viens voir Egawa-san. Je suis au lycée Gingko Gakuen, et nous devions nous entretenir à propos du club de Kyudo."

Sans qu'il comprenne comment ou pourquoi, le visage du gardien se détendit en un large sourire alors qu'il inclinait la tête.

" Un kyudojin alors ? C'est une bonne chose, trop de gamins s'intéressent à des sports sans âme maintenant. Son appartement est au dernier étage. "

" Merci Ojiisan !"

" Un peu de respect voyou ! "

La dernière phrase avait été dite sur un ton rieur alors que le jeune homme entrait dans le hall. Eiji se figea sur place, observant quelques secondes la taille des lieux. C'était... imposant ? A se demander pourquoi Jiro avait vécu en colocation dans un lycée s'il avait les moyens de vivre dans un tel endroit.
Pendant le court trajet en ascenseur, il essaya de se souvenir de ce qu'il devait lui dire, mais peine perdu : son coeur ne cessait de s'emballer, comme avant un combat, sans que ses techniques habituelles pour se calmer ne marchent. Une fois devant lui, la porte au bout du couloir semblait l'attirer autant que le repousser. Un instant, il hésita. Mais à quoi bon ? Il n'avait pas fait tout ce trajet pour rien, et s'il commençait à vraiment réfléchir, il risquait de faiblir... Il était temps de se battre maintenant.

L'enseignant déposa sa sacoche sur la table basse et prit la direction de la salle de bain après avoir octroyé quelques caresses à la seconde occupante des lieux. La dernière journée de cours avait été semblable à toutes les autres : chaude. L'été battait son plein et le soleil faisait valoir sa suprématie en dardant ses rayons sans aucun obstacle pour préserver les habitants terrestres. Après l'entraînement de kyudo, le jeune sensei avait renoncé à sa traditionnelle douche aux vestiaires, pour se précipiter chez lui, à la recherche de fraîcheur. La climatisation y remplissait parfaitement son œuvre et la terrasse, ombragée grâce aux plantes et à l'auvent, empêchait le soleil de taper sur les vitres sans qu'il y ait besoin de baisser les volets.

Jiro resta un long moment sous l'eau fraîche, au point qu'il grelottait presque en sortant de la douche. Il enfila un yukata léger, aux teintes bleues claires, et gagna la cuisine pour s'y préparer un thé. Choisir son thé, écouter le léger frémissement de l'eau, sentir le parfum émaner de l'infusion,... autant de petits plaisirs dont il ne se lassait pas et qui l'apaisaient quelle que soit son humeur.
Son humeur ... Ces derniers temps, elle avait la fâcheuse tendance à être mélancolique. Et les visites régulières de ses amis n'y changeaient pas grand-chose. Il avait même tendance à ne plus vouloir les voir pour quelques temps. Ce qui allait être exhaussé, puisque ni Cathan ni Akutsu n'était assigné aux cours d'été. De ce qu'ils lui avaient dit, ils allaient même passer quelques temps tous les deux. Des vacances entre frangins ...

Quant à lui ...
Jiro pausa son regard sur la sacoche. Il n'avait pas tout à fait terminé les programmes des cours d'été. Il lui restait environ les deux tiers de celui des prépas à faire, et fignoler les trois autres. S'il s'y mettait maintenant, il aurait son week-end de libre ... et pourquoi ne pas aller à la résidence familiale pour se changer les idées ?
Après une légère hésitation, le brun renonça à s'enfermer dans son bureau et s'installa en tailleur devant la table basse du salon, le dos appuyé contre le canapé. Il était tout aussi bien là pour ce qui lui restait à faire. Prenant cela pour une invitation, Hime vint se nicher au creux de ses jambes dans un petit bâillement. Jiro passa ses doigts dans la fourrure beige, puis se mit au travail.

Le regard rêveur tourné vers la terrasse, le dossier des prépas ouvert devant lui sans qu'il n'y ait encore touché, Jiro était loin de la concentration qu'il aurait dû avoir. Les cours d'été le rendaient ... nerveux ... Et il savait tout à fait pourquoi ... Dans un soupir, il sortit la liste des élèves qui restaient au lycée. Celle des troisièmes années était sur le dessus. Il la consultait tous les jours depuis qu'il l'avait. Plusieurs fois par jours même. Mais le nom restait irrémédiablement dessus ...

Jiro reposa les listes sur sa sacoche en soupirant. C'était sûrement à cause de lui ... Même si Eiji n'était pas parmi les meilleurs élèves, il s'en sortait mieux que ça habituellement. Ses résultats étaient entièrement sa faute à lui ... Mais que pouvait-il faire ? ... Et dire qu'ils allaient se voir pendant toute la durée des cours d'été ...
Le jeune homme glissa une main dans ses cheveux, puis se leva après avoir déposé Hime sur un coussin à côté. La petite chatte ne sembla pas lui en vouloir et se contenta de bailler en regardant son maître retourner vers la cuisine. Il lui fallait un autre thé.

La sonnette d'entrée rompant le silence ambiant, hérissa le poil des deux habitants. Jiro réajusta un peu son yukata avant d'aller ouvrir, assez curieux. Il n'attendait personne et les visites à l'improviste n'était pas vraiment monnaie courante. Il espérait juste qu'aucun des deux rouquins ne venait lui proposer une énième soirée pour lui changer les idées. C'était gentil de leur part, mais un peu fatigant à la longue, surtout que cela ne changeait strictement rien à son problème.

La silhouette qui apparut une fois la porte ouverte, le laissa totalement stupéfait. Un énorme blanc venait de se créer dans son esprit. Pas un instant il n'avait envisagé qu'Eiji se présenterait directement chez lui. Pris de court, il s'écarta et le laissa entrer, incapable de dire quoi que ce soit. Tandis que le jeune homme se déchaussait, Jiro se détourna et regagna la cuisine, sortant machinalement une seconde tasse dans laquelle il versa un peu de thé. Il alla la déposer sur la table basse, tandis qu'il gardait la sienne dans les mains en s'installant sur le canapé.

" Puis-je connaître la raison de cette visite impromptue, Kimihiro-kun ? Les cours ou le dojo ? "

Il le savait parfaitement que ce n'était pour aucune de ces deux raisons, mais il n'avait pas le droit d'en évoquer une autre. En vue de ses sentiments, il n'avait même pas le droit d'y songer ... Les yeux rivés sur sa tasse, Jiro prenait conscience qu'il allait être plus difficile d'éviter le regard du kendoka que dans la salle de classe. Et son cœur qui battait déjà un peu plus vite semblait lui répéter qu'il avait eu tord de le laisser entrer ...

Impossible de ne pas comparer le yukata bleu pâle à la tenue qu'avait porté Jiro pendant le festival. Le jeune homme dut faire un énorme sur lui pour ne pas laisser ses pensées partir vers des images qui seraient venues rougir son minois, mais ne réussit à détourner son regard de son professeur qu'au moment où celui-ci partit vers la cuisine pour lui ramener une tasse de thé dans un silence surréaliste. Sagement assis dans un fauteuil, le kendoka observait la pièce autour de lui. Elle était à l'image de tout l'immeuble : grande et cossue. Le regard du jeune homme s'arrêta sur la vue de la terrasse. Sur fond de ciel bleu se découpait le mont Takao en une image somptueuse. Le kyuodjin ne devait guère regretter son appartement dans les locaux du lycée...

La tasse délicatement déposée devant lui ramena son attention à l'homme assis près de lui, l'objet de sa visite. Acceptant de jouer le jeu, pour un temps seulement, Eiji prit la tasse entre ses mains, une très jolie tasse en raku d'un gris pâle que venait égayer quelques veines bleutées. A l'intérieur, un sencha dont la couleur d'un vert intense ne pouvait que lui rappeler les quelques cérémonies du thé qu'il avait pu faire avec son sensei.

Le silence perdura encore quelques instants avant que l'étudiant ne trouve ses mots. Il s'était préparé à les prononcer à la porte, persuadé que jamais le professeur d'espagnol ne le laisserait entrer. Il fallait croire que le combat était amené à se dérouler ailleurs que sur le seuil puisque que quelques minutes avaient suffis à le trouver confortablement installer, mais l'esprit en ébullition. Après l'échec des examens, le kendoka avait eu du temps pour lui pour réfléchir et chercher conseil. Toutes ces réflexions n'étaient arrivées qu'à une seule conclusion. A la question "Voulait-il oublier Jiro ?" La réponse était non. Fort de cette réponse, et des conseils d'aller de l'avant, il se trouvait maintenant ici, à chercher avec quels mots il pourrait faire changer d'avis un homme d'honneur qui l'avait repoussé pour des raisons qui n'avaient rien à voir avec le coeur. Le jeune homme imaginait que les choses auraient été plus simple si le kyudojin n'avait jamais été attiré par lui... mais les choses n'étaient jamais simples.

" Je ne suis toujours pas doué pour les discours. C'est toi que je suis venu voir. Je n'ai pas changé d'idée... Regarde-moi Jiro."

Le jeune homme avait reposé sa tasse intacte sur la table basse pour tendre la main vers son sensei. Initialement dirigée vers sa main, sa course dévia au dernier moment pour se glisser sous son menton et lui relever le visage vers le sien. A quel moment s'était-il redressé pour s'approcher de lui et toiser ainsi au dessus ? Non, ça n'allait pas, il ne souhaitait pas être ainsi au dessus et menaçant. Avec l'aisance que lui donnait un corps entrainé et habitué à obéir, le sportif se laissa tomber sur un genou, se retrouvant avec le visage au même niveau que le sien.

" Si tu me dis qu'il y a autre chose que le fait que tu sois prof, je ne t'importunerais plus. "

Le cas échéant... il était hors de question qu'il baisse les bras, mais ça, sa présence en ces lieux le disait déjà haut et fort, non ?

Boire son thé et attendre qu'Eiji se décide à saisir la perche qu'il lui tendait pour éviter qu'ils ne se fourvoient tous deux à nouveau. Les cours ou le dojo. C'étaient les deux seules discussions qu'ils étaient en droit d'avoir, la seule alternative existante. D'ailleurs, s'ils s'y étaient tenus dès le départ, s'ils n'avaient pas appris à se connaître au cours de leurs longues discussions, sans doute n'en seraient-ils pas là aujourd'hui, leurs sentiments ne se seraient peut-être pas égarés. Tout ce qu'espérait Jiro à présent était qu'Eiji comprenne qu'ils devaient tous deux rester à leur place, tel professeur et élève.
Si seulement son cœur pouvait se montrer aussi raisonnable ... Mais vu son rythme actuel, c'était loin d'être gagné ... Et, à l'entendre, Eiji semblait bien être sur la même voie.

Jiro fronça les sourcils, fixant toujours sa tasse de thé, mais jugea préférable de la reposer avant que ses mains ne se mettent à réellement trembler : l'utilisation de son prénom le perturbait toujours autant.
Le regarder ... Est-ce qu'Eiji réalisait ce qu'il lui demandait de faire ? C'était tout bonnement impossible. Le jeune homme était la personnification même de sa faute, la preuve vivante qu'il s'était montré indigne de son statut. Mais surtout, chaque fois qu'il posait son regard sur lui, son cœur s'emballait sous l'action conjuguée du désir et des sentiments. Pour tout dire, sa plus grande crainte était sans doute qu'Eiji ne le lise dans ses yeux ...

Avant qu'il n'ait pu répondre quoi que ce soit, et faisant fi de toute convenance, Eiji lui relevait la tête, comme il l'avait déjà fait au dojo, s'imposant dans son champ de vision. Pourtant, cette fois, il modifia sa position, s'abaissant pour lui faire face dans une attitude moins agressive. Un genou ainsi au sol, il faisait presque penser à un prétendant déclarant sa flamme. Et il y avait presque de ça derrière ses propos.
Jiro déglutit difficilement. Jamais il n'aurait dû le laisser entrer ...

" Au...tre chose ... ? "

La voix de Cathan résonna insidieusement dans sa tête, lui soufflant que c'était le bon moment pour dire qu'il ne l'aimait pas, qu'il s'était juste laissé aller une soirée, que ce n'était qu'un jeu ... N'importe quoi qui fasse renoncer au jeune homme.

" ... Je ne ... "

Jiro se mordit la lèvre. Impossible, ce n'était pas lui. Il ne pouvait pas sortir de tels mensonges à Eiji, d'autant qu'ils lui feraient mal s'il venait à les croire.
Rassemblant un reste de courage, il attrapa le poignet du kendoka et écarta la main de son visage.

" C'est plus que suffisant. Non ? "

Si déjà il arrivait à se convaincre lui-même de cette vérité purement raisonnée ...

Son coeur avait-il un jour battu aussi fort dans sa poitrine ? Des centaines de fois où il avait couru jusqu'à en perdre haleine, les dizaines de combat qu'il avait engagé avec hargne et passion, pas un ne rivalisait avec ces moments en tête à tête avec Jiro où l'émotion semblait vouloir lui ôter toute capacité. La délivrance vint avec les mots de son aîné, cet impératif agaçant de toujours remettre en avant leur différence de place. D'un point de vue rationnel, le jeune homme comprenait tous les soucis qu'une telle relation pouvait engendrer. Il ne voulait pas être rationnel. Il voulait écouter la voix du coeur qui lui disait que ce genre de raison n'en était pas une. Il préférait croire la personne qui lui avait dit de foncer si c'était ce qu'il voulait. Il avait 20 ans... si ce n'était pas matin qu'il le faisait, à quel moment oserait-il se lacher ? Quand il serait vieux, et marié à ses habitudes ?

Le kendoka transforma le geste de Jiro pour lui éloigner la main en l'englobant dans la sienne pour l'amener contre sa joue. Un coin de son esprit nota que ses mains étaient un peu moites, comme celles de Jiro. Dans un combat de kendo, une telle nervosité aurait été un grand handicap, et il n'avait d'ailleurs plus été si émotif depuis le passage de sa première dan. Le kendo n'était plus une nouveauté. Les hommes... cet homme, si. A savoir qui, de sa peur ou de Jiro serait le plus facile à apprivoiser, il n'en avait aucune idée.

" Non. Tu devrais savoir que je suis têtu."

Et qu'il allait à nouveau devoir faire le premier pas. Celui qui, voilà trois mois de cela, mettait son poing dans la figure pour un regard trop appuyé sur sa personne ou pour la moindre suggestion quand à une possible déviance dans ses préférences, se retrouvait à non seulement devoir accepter ses préférences mais à devoir les embrasser entièrement pour aller jusqu'au bout. Il espérait au moins que Hugh et son prof d'anglais étaient fiers de leurs efforts réunis pour l'amener jusqu'à cette voie.

" Je suis majeur dans quelques semaines. Sans arrêt, tout le monde me répète de cesser de me comporter comme un gamin et de prendre mes responsabilités. Alors pourquoi sur un seul sujet suis-je sensé rester un enfant pas capable de faire ses choix ? Je suis un adulte... même toi tu ne peux pas me l'ôter. "

Eiji lacha la main de Jiro et posa les deux siennes de part et d'autre des jambes du kyudojin, se redressant juste assez pour le fixer droit dans les yeux, avec la volonté inconsciente de l’empêcher de fuir. Si proche mais séparé par cette barrière que le jeune professeur tenait tant à voir, celle qui séparait les adultes et les enfants. Elle était donc si nette cette barrière, qu'à la veille de sa majorité il n'avait même pas le droit de la franchir ? Une simple affaire de statut, même plus d'âge ou de comportement ? Les discours changeaient selon ce qui arrangeait chacun.

" Tu crois vraiment que tu m'influences de par ta position ? "

Avant qu'il n'ait eu le temps de faire quoi que ce soit contre, Eiji avait inversé les rôles en prenant à son tour le contrôle de sa main. C'est les yeux écarquillés que Jiro la vit atterrir sur la joue du kendoka. Son cœur en rata quelques battements et il sentit le rouge lui monter aux joues. Le jeune homme avait-il conscience d'à quel point il pouvait être désarmant ?

Posé et réfléchi, le discourt se tenait. Les paroles le touchaient bien plus qu'il n'aurait voulu, faisant flancher doucement sa détermination ... même si le souci n'était pas l'âge. Qu'il soit majeur ou non, le problème venait de son statut et de rien d'autre. Jiro était le professeur d'Eiji. Par ce simple biais, en théorie, il avait une influence sur lui, même s'il ne s'en était jamais servi autrement que dans son rôle d'enseignant. Et, quand on voyait l'insistance du jeune homme, on était même en droit de se demander qui influençait qui.

Jiro ne bougea pas qu'un pouce lorsqu'Eiji lâcha sa main. Cette joue au creux de sa paume, il voulait la sentir encore, le plus longtemps possible. En revanche, il marqua un léger recul en se retrouvant encadré par deux bras musclés. Le souffle un peu plus court, il devenait presque impossible de faire passer son émoi pour un simple coup de chaleur. Ou du moins, cette chaleur n'avait-elle rien à voir avec la température extérieure ...

" Même quand tu seras majeur, je resterais encore ton professeur. "

Il y avait comme de la fatalité dans le ton de sa voix. Mais la révolte d'Eiji face à tout ce qui les séparait commençait à le gagner aussi. Est-ce que ses sentiments valaient la peine de trahir ses convictions et de risquer son honneur ? Question idiote, il connaissait déjà la réponse. Restait à l'assumer ...

Jiro ferma les yeux un instant, un soupir filtrant entre ses lèvres entrouvertes.

" Je ne serais jamais tombé amoureux d'un enfant ... "

Comme aveu, il y avait plus direct ...

Si Jiro avait voulu mettre fin à cette entrevue, il aurait pu le faire depuis longtemps. Cet indice en soit rassurait le jeune homme sur le tournant des évènements, tout autant que la main sur la joue, ou que l'aveu qui fit rater un battement à son coeur. Son professeur voulait faire ce qu'il pensait être bien, mais semblait pencher du côté de la passion, comme son élève. Que manquait-il donc à la balance pour pencher du bon côté ?
Il fallait qu'il assume, qu'il aille jusqu'aux bouts de ses désirs, aussi terrifiants lui semblaient-ils à ce moment. Le sportif en lui l'avait toujours su, et n'avait jamais tourné le dos à l'épreuve, même quand les exercices semblaient vains ou futiles. Il fallait juste passer la première appréhension, et ensuite...
Ne l'avait-il pas déjà fait de passer le premier cap, en posant ses lèvres sur celles de Jiro dans la salle de classe ?

Quels mots pour convaincre, quand il avait déjà dit tout ce qu'il avait à dire ? Il avait déjà étalé ses convictions au pied de Jiro, pour les voir repousser faiblement par la raison et la loi. Nulle logique de séduction ou de demande de grand orateur dans ce cas... il s'agissait plus d'un travail de sape, lent et méthodique, ou la patience des deux hommes se confrontaient par rapport à quelque chose qui leur tenait à coeur tous les deux. Mais pourquoi être si têtu quand à quelque chose qu'ils voulaient en fait tous les deux.

" Soit mon professeur pour autre chose alors."

Les mots s'étaient échappés sans qu'il y réfléchisse.
C'était lui qui avait osé prononcer de tels mots qui semblaient tous droits sortis d'un de ces mangas débiles de Hugh ? Eiji sentit ses joues virer à un rouge écarlate. Si son sensei choisissait de le repousser maintenant, plus jamais il ne pourrait le regarder en face. Non qu'il admettait que la défaite puisse être une option entre eux deux. Pas pour cette raison là.
Lentement, laissant tout le temps à son aîné de le repousser si tel était son désir, Eiji fit disparaître l'espace entre deux jusqu'à poser ses lèvres sur les siennes. Sa main droite vint se glisser sur sa nuque, sous les mèches douces comme de la soie, pour l'attirer contre lui si jamais il tentait à nouveau de se dérober pour discuter. Sa peau était douce, et ses lèvres chaudes et agréables sous les siennes, comme dans ses souvenirs. Le baiser était doux, presque chaste, incomparable à celui qu'ils avaient partagé pendant le festival... mais tout autant grisant.

Il ne voulait plus discuter. Le jeune homme sentait que s'il continuait de parlementer, la conversation risquait de lui échapper tout simplement parce qu'il n'aurait pas les nerfs de continuer à revendiquer ce qu'il désirait. Les discours et les explications n'étaient pas son point fort quand il était tellement plus simple de s'exprimer par les gestes. Malheureusement, même pour les gestes, son inexpérience le limitait là où il aurait voulu se montrer plus entreprenant.

Les paroles d'Eiji lui firent rouvrirent les yeux de surprise, juste à temps pour contempler le changement de couleur de ses joues. Le jeune homme était fidèle à lui-même, déterminé et entêté, malgré l'appréhension qui devait lui tirailler le ventre. Comment faire autrement que de baisser les armes face à une telle volonté ? Ne serait-ce pas lui faire affront que de le repousser une nouvelle fois, pour une raison que lui-même avait envie de rejeter ?

Lorsque le visage du kendoka se rapprocha, sa main se crispa légèrement sur la joue, sans qu'il ne fasse rien pour le repousser. Une fois de plus, il cédait à ses sentiments. Mais, si le soir du festival il s'était laissé aller sous le coup de la pulsion, cette fois-ci était parfaitement consciente. Il ne reviendrait pas dessus. Jamais. Il cédait parce qu'il le voulait, en son âme et conscience, malgré tout ce que cela impliquait. Plus question de faire machine arrière après avoir accepté ce baiser.
La rencontre de leurs lèvres fut douce, la main d'Eiji derrière sa nuque électrisante ... Sa main libre alla rejoindre sa sœur pour encadrer le visage du jeune homme. L'échange était délicat, tendre et ... grisant. Jiro avait l'impression que son corps entier frissonnait.

Il s'écarta légèrement après quelques instants, plongeant ses prunelles noires dans celles de son élève. Son pouce dessina le contour de ses lèvres, un sourire infime sur les siennes. Difficile de mettre à mal ses convictions et de plonger dans l'illégalité en toute sérénité ...

" Ca ne va pas être facile ... On va au devant de gros problèmes ... "

On ... enfin, plutôt lui ... Eiji le réalisait-il pleinement ? Ce n'était pas seulement sa place d'enseignant qui était en jeu. Il en allait de son honneur, de celui de sa famille ... Le nom des Egawa ne s'en sortirait pas indemne s'ils venaient à être découverts. Non. Il préférait ne même pas y penser. Ils n'auraient qu'à agir avec prudence jusqu'à la fin de l'année scolaire. Après, ce ne serait plus un problème. Il fallait juste qu'ils tiennent jusque là ...

Jiro alla chercher un nouveau baiser tout aussi chaste, de son propre chef cette fois-ci. Une de ses mains se faufila jusque sur les hanches d'Eiji pour le rapprocher un peu de lui. Il l'étreignit en douceur, allait nicher sa tête au creux de son cou dans un soupir.

" Eiji ... pardon ... "

Maintenant qu'il y pensait, ses états d'âme avaient dû causer bien du trouble chez le jeune homme. Preuve en était ses résultats scolaires ... et sans doutes d'autres choses dont Jiro n'avait pas encore conscience ...

Au devant de gros problèmes... Eiji en avait conscience autant que possible. Impossibilité de se montrer ensemble en public, interdiction de changer de comportement en cours ou dans le dojo... Les risques seraient gros, mais il était près à tout. Tout contre Jiro, cruellement conscient de la position du prof d'espagnol contre son corps, le jeune homme ne pouvait voir que les aspects positifs tandis que les inconvénients reposaient dans quelques côtés noirs de son esprit, de vagues menaces lointaines. Un sourire plus franc que celui de Jiro sur son visage, Eiji appuya son front contre celui de l'autre homme, appréciant la familiarité physique qu'il pouvait maintenant se permettre avec lui.

" Je sais... On y arrivera. "

Facile d'être optimiste en cet instant où il pouvait difficilement accepter un nuage menaçant au début de cette relation débutante. Il n'avait envie que d'une seule chose : se concentrer sur l'instant présent, le plaisir d'être avec Jiro, dans une relation tout autre que celles qu'ils avaient déjà parcouru déjà, celles dont il avait pu gouter les prémices à quelques reprises, et dernièrement au bord d'un lac, comme dans un rêve mal oublié le matin au réveil.

Guidé par la main posée sur sa hanche, le kendoka se rapprocha pour trouver le canapé bien génant à son gout. Faisait fi de toute timidité,le jeune homme se redressa pour s'installer non pas à côté, mais sur Jiro, ses genoux de part et d'autres de ses jambes, les mains sur ses épaules. L'idée que la position soit plus celle d'une demoiselle sur les genoux de son copain l'effleura un instant, avant qu'il ne la bannisse pour s'intéresser de plus près au sujet qui le préoccupait plus et respirait pour le moment dans le creux de son coup, envoyant des frissons sur son échine à chaque expiration.
La position était suffisamment équivoque pour troubler le jeune homme d'une manière impossible à cacher. Pour un moment romantique, il n'y avait pas de quoi en être très fier. Prenant une courte inspiration, Eiji parla tout près du visage de Jiro, les lèvres effleurant presque ses cheveux.

" J'ai un peu peur tu sais. "

Du moment présent, comme de celui à venir. Il voulait cette relation qui lui déchirait les entrailles sans trop savoir à quoi il s'exposait. A une relation cachée bien sur, mais au delà de ça, qu'est ce que c'était ? Une relation avec une fille, la finalité en était simple : même si elles n'étaient toutes pas dédiées à devenir mariage puis famille, les rôles étaient logiques, inscrites dans son esprit depuis sa plus tendre enfance. Mais une relation avec un autre homme ? Y avait-il des choses auxquelles il devait penser ? Des attentes auquel il devrait se soumettre ? Il avait foncé pour l'avoir, sans aucun regret, mais maintenant qu'il était tout contre l'objet de son désir, à tenir réellement en main son futur, la concrétisation de son projet venait lui mordre les fesses.
Mais pour le moment... délicat, le jeune homme embrassa avec douceur la tempe de son professeur, curieux d'expérimenter ce qu'il n'avait fait qu'entrapercevoir jusque là.

Jiro ne put qu'esquisser un sourire plus franc à la réponse du kendoka. Pourquoi l'inquiéter avec ça alors qu'il venait tout juste de franchir une épreuve difficile ? Accepter son homosexualité, puis ses sentiments, ... pour finalement se voir repousser pour des raisons qui n'avaient rien à voir avec les deux obstacles précédents ... Maintenant qu'il y pensait, choisir de venir le chercher jusqu'à son appartement n'avait pas dû être une décision facile à prendre pour Eiji. Il le voulait donc à ce point ? Oui, probablement autant que lui-même ... C'était bien pour ça qu'il s'était rendu aussi facilement, tout en sachant qu'il n'avait pas fini d'être tout aussi heureux que torturé par cette relation.

Son cœur s'emballa un peu plus lorsque le jeune homme s'installa sur ses genoux. Jiro déglutit difficilement en essayant de garder le contrôle de ses réactions physiques, mais l'opération se trouva grandement contrariée par celle d'Eiji qu'il pouvait sentir à travers ses vêtements. Il frémit sous le baiser, avant de se redresser un peu.
Une main toujours accrochée aux hanches du kendoka, l'autre alla effleurer la joue rosie. Ses doigts allèrent se perdre dans les mèches châtaines et il lui adressa un sourire tranquille.

" Je sais, oui. Je suis passé par là aussi. "

Vivre une relation était déjà difficile de base, encore plus lorsqu'il s'agissait de la première, ... alors si en plus les amants étaient de même sexe et que la situation s'avérait compliquée ...

" Ne t'inquiète pas Eiji. Je ne ferais rien que tu ne veuilles pas. Si tu as des appréhensions ou des questions, j'y répondrais autant que possible. Je suis là, pour toi. Je ne reviendrais plus dessus. "

Et pour ça, il allait falloir qu'ils commencent par ne pas sauter les étapes. Certes, ils en avaient brûlé un grand nombre le soir du festival, mais ce n'était pas une raison pour continuer sur cette lancée. Il ne s'agissait plus de répondre à une pulsion et - même si son corps ne semblait pas être tout à fait du même avis - il n'était pas affamé à ce point. Ce ne serait pas comme ça qu'il apaiserait les craintes d'Eiji.

Ce fut donc un baiser relativement sage que Jiro offrit à son tout nouvellement petit ami. Cette simple pensée le fit frémir et resserrer un peu son étreinte. Il avait beau savoir qu'il n'aurait jamais dû s'engager sur cette voie, il était heureux ...

Pour toute réponse, ce fut un reniflement moqueur qui sortit de la gorge d'Eiji devant les sages paroles de Jiro. La douceur, la réassurance et l'idée d'être sage étaient bien loin de son esprit à ce moment, même s'il n'avait utilisé sa voix pour s'exprimer de crainte que son léger stress ne transparaisse dans sa voix. 19 ans, réellement amoureux et en couple pour la première fois, dans l'expectative à un point qu'il n'aurait jamais pu l'imaginer, le jeune homme ne pouvait pas - ne voulait pas - en rester là.
Qu'il était loin le moment où il s'était allongé dans l'étroit lit de Konata dans le but de la séduire, sans en avoir réellement l'envie ou le désir... Son corps n'avait plus de doute sur ce – ou qui – il désirait.

Comprenant que Jiro lui laissait la primeur des initiatives, Eiji caressa doucement les épaules de Jiro au travers du coton léger du yukata, jusqu'à remonter jusqu'au col. Quelques secondes encore, le jeune homme hésita, son innocence déjà bafouée encore protégée sur les genoux de son partenaire qui ne ferait rien sans qu'il ne lui demande expressément. Quelques instants d'hésitation, avant qu'il ne tire sur le col pour faire glisser le yukata sur ses épaules, offrant à sa vue et à ses mains le spectacle de la peau pâle dénudée.
Curieux, le jeune homme se détacha un instant des lèvres de Jiro pour le regarder avec attention. Dans la nuit du festival, l'obscurité lui avait dissimulé l'objet de son désir. En cet fin d'après-midi, la pleine lumière de la pièce lui donnait toute latitude pour observer l'homme avec attention, ce dont il ne se priva pas, avant de commencer à l'explorer des lèvres et des mains.

Lors de leur dernière rencontre, il avait été quasiment tout le temps passif, à la merci de ses passions et de celle du kyudojin. Ce n'était plus ce qu'il voulait. Quoi qu'il se passerait dans cette relation, il en serait acteur au même titre que Jiro, même si plus jeune et moins expérimenté.
Joueur, il darda une petite langue pointue dans le creux de son cou, à l'endroit même où il avait laissé un bleu lors de leur dernière rencontre. L'idée de refaire de même, de marquer à nouveau Jiro comme sien, était si tentante qu'il dut se faire violence, parlant contre lui pour éviter de se laisser aller à ce genre d'envie qu'il ne connaissait pas chez lui. A la place, il ouvrit la bouche pour s'exprimer, ses mots loin de ce qu'il avait réellement en tête à cet instant.

" Jiro... j'ai assez des cours théoriques en espagnol. "

Le sportif se découvrait des capacités à plaisanter sur un sujet pour lequel il avait toujours été hautement sérieux, et incapable de l'envisager autrement.
Une pensée qui n'avait rien à voir avec le physique traversa son esprit, lui intimant de se redresser pour fixer Jiro, ses mains se promenant toujours sur les flancs de l'homme, sous son yukata.

" Tu restes là pendant ses vacances ? "

Sa voix était douce, contenant une infime par de supplique dans l'interrogation, et un léger trouble sur son visage, celui-là toutefois plus du au mouvement un peu brusque sur les genoux de Jiro qui avait rappelé à son attention sa propre excitation et son miroir contre lui.

Tout à son baiser, goûtant avec un plaisir tout nouveau la saveur des lèvres d'Eiji, Jiro mit quelques instants à réaliser où le jeune homme voulait en venir. Ce qu'il avait pris pour de simples caresses, se transforma en dénudement, découvrant à demi son torse. C'est avec étonnement qu'il contempla le kendoka se livrer à un matage en règle de son corps. Le désir qu'il lisait dans son regard ne prêtait guère à confusion, faisant changer la teinte de ses joues pour un rose délicat. Lui qui voulait prendre son temps pour laisser Eiji découvrir progressivement cette nouveauté qu'était leur relation, voilà que le concerné préférait plonger tête la première sans se soucier des vagues.
Un soupir de satisfaction filtra entre ses lèvres mi-closes. Les caresses hésitantes n'en étaient pas moins électrisantes.

Jiro ne put retenir un rire léger à la remarque d'Eiji. C'était bien le sportif qui s'exprimait. Relever le défi de passer à la pratique ... Oh ! Il y avait aussi certainement les hormones, celles-là même qui se tortillaient au creux de son estomac depuis quelques minutes ...

" Ca ... Je crois avoir compris. "

Un sourire amusé sur les lèvres, il repoussa Eiji, l'obligeant à se lever et faisant de même. D'un petit mouvement de tête, il désigna les piles de papiers sur la table basse, à côté des tasses de thé restées intactes.

" J'en connais un qui n'a pas encore regardé la liste des professeurs qu'il aura pour les cours d'été. "

Jiro glissa sa main dans celle du kendoka, l'entraînant à sa suite, toujours à moitié dénudé. Quitte à se laisser aller, autant que ce soit dans de bonnes conditions, et un lit lui semblait bien mieux adapté pour ça.
Roulée en boule sur le fauteuil à bascule de la chambre, Hime releva la tête pour observer les deux hommes un instant, avant de s'en désintéresser comme de sa première croquette et d'entamer une toilette qu'elle devait juger particulièrement urgente.

" D'accord pour les cours pratiques, mais arrête-moi quand tu veux. "

Il valait mieux que ce soit Eiji qui décide jusqu'où il était prêt à aller pour cette première fois. Car, de son côté, avoir accepté leur relation avait réveillé pleinement le désir qu'il avait étouffé jusqu'à présent ...
Jiro vint se blottir contre le kendoka, faisant glisser ses mains sous le t-shirt. Les muscles étaient fermes sous ses doigts, bien plus que dans son souvenir, et il ôta le vêtement pour accompagner par le visuel son impression tactile.

Il lui fallut quelques secondes pour comprendre que si Jiro se détachait, ce n'était pas pour le repousser, mais bien dans l'optique de rejoindre un endroit plus confortable. La vision de la chambre et de son grand lit ramena du sang sur ses joues pendant que ses hormones dansaient la samba dans son bas-ventre, parfaitement consciente de ce qui allait arriver et heureuses comme tout de pouvoir s'exprimer pleinement. Eiji se retrouva assis sur le lit, torse nu, avec les mains de Jiro sur lui plus rapidement qu'il n'aurait su prononcer "je comprends" en espagnol.
D'un geste nerveux, le jeune homme tira sur la ceinture du yukata, ouvrant complètement celui-ci pour lui laisser libre-accès au corps de Jiro.
S'arréter quand il le voulait... dans un geste brusque qui n'était pas sans rappeler un plongeon en avant au kendo, Eiji bondit sur Jiro et le renversa sur le lit, s'installant à califourchon contre lui, si proche qu'il sentait leurs torses se toucher. Le contact des peaux nues était électrisant, ne faisant rien pour diminuer sa tension. Il l'avait devant lui, maintenant, et Jiro parlait encore de s’arrêter ? Eiji se pencha dangereusement près pour parler au creux de son oreille, savourant la proximité et le désir qui montait dans ses reins. S"arréter... en était-il seulement capable ?

" J'ai envie de toi... j'ai pas envie de m'arréter. Je veux qu'on fasse l'amour."

Tel un rêve duquel on n'émerge pas totalement durant les quelques minutes qui suivent le réveil, Jiro se laissait porter sur la vague de sensations qui le faisait encore frémir. Il n'avait pas freiné la monté de son plaisir, pour s'accorder au rythme d'Eiji. Trop décalé, il aurait risqué de faire mal au jeune homme, chose qu'il ne voulait surtout pas, en particulier pour cette première fois. A présent, sa respiration et son cœur avaient du mal à retrouver un rythme plus calme. Et il pouvait sentir qu'il en était de même pour son amant callé entre ses bras.

Après quelques minutes de silence que seules leurs respirations brisaient, Eiji l'enlaça, le serrant comme s'il risquait de le perdre. Jiro répondit au baiser tendre qui accompagnait l'étreinte, glissant sa main dans la chevelure brune légèrement humide de sueur. Ses doigts se crispèrent sur les mèches fines au moment de l'aveu.

" Et moi donc, Eiji ... "

Le jeune enseignant écarta un peu son visage pour plonger son regard dans celui de son compagnon.

" Je t'aime. "

Un nouveau baiser vint appuyer ses dires. Ce qu'il pouvait être bien là, dans les bras d'Eiji ... Joueur et câlin à la fois, Jiro laissa traîner ses lèvres au creux du cou à la saveur légèrement salée, alors que sa main libre effleurait doucement la peau tiède, dessinant les contours des muscles. Le corps d'Eiji ... Le kyudojin réalisa soudain pleinement qu'il venait de faire l'amour avec son élève ... Ils étaient bel et bien devenus amants ...
Ses lèvres affichèrent un sourire tendre tandis que son regard détaillait chaque parcelle du visage lui faisant face.

" Et si on allait prendre une douche ? "

Même s'il n'avait pas plus que ça envie de bouger.

Les pensées se bousculaient dans son esprit, pensées qu'il repoussait paresseusement pour ne savourer que l'instant présent. La proposition de Jiro, aussi innocente soit-elle après leur étreinte, le rappela presque brutalement à la réalité. Son regard se posa sur celui de son amant, curieux et interrogateur. Collé à lui, les mains occupées à suivre le trajet de ses muscles, il semblait aussi motivé que lui à l'idée de se bouger. Néanmoins, Eiji ne pouvait que s'incliner devant l'idée de prendre une douche : bien que repu de plaisir, il ne se sentait pas des plus à son aise.
Dans un mouvement bien plus maladroit que ce qu'il avait toujours pu faire après les pires entrainements de sport, le jeune homme se redressa, tendant une main à son partenaire pour l'inciter à faire de même. Son corps se rappelait à son bon souvenir dans les endroits les plus incongrus, faisant naître une légère rougeur sur ses joues. Bizarrement, aucun mode d'emploi n'avait jamais mentionné ce genre de détails. Ou il n'était pas tombé sur les bons.

" Ça me parait une bonne idée."

L'idée de se lever et de se promener nu devant son amant lui sembla d'un coup génante. Il avait beau avoir conscience qu'après cette expérience, c'était plus que ridicule, le kendoka resta figé sur place sans trop oser se lever, attendant que le kyudojin fasse le premier pas, au sens figuré comme littéral. Devant le manque de bonne volonté de son aîné, bien trop occupé à être lascif sous son regard intéressé, Eiji se décida à prendre le taureau par les cornes. Avec toute la délicatesse dont il était capable, le sportif attrapa Jiro à bras le corps et le chargea sur son épaule dans un éclat de rire, avant d'avancer de quelque pas avec attention pour ne pas être déséquilibré par ce poids sur son épaule. Jiro avait beau être mince, il n'était pas particulièrement petit et aussi musclé qu'il était, l'illusion d'aisance n'était que ce qu'elle était : une illusion.

" C'est par où maintenant ? "

Jouer les fiers à bras dans cette position était plus simple, plus proche de ce qu'il connaissait et avait toujours vécu. Il avait juste troqué un camarade d'un club par quelqu'un de plus important, et un vestiaire en désordre par un appartement beaucoup plus cossu dans lequel il ne savait trop où aller. Plus tôt dans l'après-midi, il avait été bien trop obnubilé par Jiro pour faire attention à l'arrangement des pièces – ou même simplement à la décoration – pour savoir où se diriger.

L'action cavalière d'Eiji fut accueillie par un cri de surprise étouffé qui fit sursauter Hime. La petite chatte lança un regard accusateur aux deux hommes pour avoir troublé sa sieste, puis se leva et quitta la chambre d'une démarche offusquée. N'ayant guère envie de se retrouver par terre, Jiro cessa de se débattre une fois qu'il eut réalisé sa position. Et puis, même s'il n'appréciait pas vraiment de se retrouver ainsi, il pouvait deviner la raison de ce geste et il lui était donc difficile de le reprocher au jeune homme.
D'une voix où perçait une légère intonation boudeuse, il indiqua la direction de la salle de bain. Le trajet n'était pas très long, mais avec le fardeau qu'il représentait après l'effort qu'ils avaient fourni, c'était une autre histoire. Jiro retrouva cependant le sol ferme ainsi que la position verticale, une fois arrivés à destination.

Jiro poussa Eiji vers la douche traditionnelle. Il prépara serviettes et peignoirs - puisque pour l'instant la nudité semblait gêner le kendoka - dans une corbeille qu'il déposa à l'entrée avant de rejoindre son amant. Il ne put retenir un sourire en le voyant mal à l'aise, fixant le tabouret de bois près de la douche, comme s'il hésitait à s'asseoir dessus. C'était d'ailleurs très probablement le cas.
Prenant à nouveau les initiatives, Jiro s'approcha pour prendre le pommeau de douche tout en déposant un baiser au creux de la nuque d'Eiji.

" Reste debout. Je vais te savonner. "

Accompagnant le geste à la parole, Jiro commença par le dos, dans un geste doux. Voulant rassurer Eiji, il reprit la parole.

" Ce sera plus facile de t'asseoir dans la baignoire que là. Et ne t'inquiète pas, la douleur passe assez vite, et tu es bien trop sportif pour réellement craindre les courbatures. "

Il eut un léger rire, puis tourna autour de son amant pour passer au côté face. Tandis qu'il faisait glisser l'éponge savonneuse sur son torse, une idée lui revint en tête. Il l'énonça sur le ton de la conversation.

" J'y pense ... J'aimerai bien récupérer la photo que tu as prise sur mon bureau. C'est une photo de ma mère et moi lors d'un entraînement. J'y tiens beaucoup. "

Après plusieurs jours à s'interroger sur les possibilités, Jiro en était venu à la seule conclusion possible. Rien d'autre n'avait été subtilisé dans la salle des profs lors de cette intrusion nocturne. C'était forcément personnel. Et, à part un admirateur secret dont il n'aurait pas eu connaissance, qui d'autre qu'Eiji aurait voulu de cette photo ?

Les pommettes du jeune homme prirent une teinte encore plus rouge, chose qui aurait paru impossible encore quelques instants plus tôt quand il se faisait à l'idée de la petite toilette guidée par son amant pendant que celui-ci évoquait sans soucis son inconfort du moment. La fameuse photo récupérée la nuit du coup d'éclat de la 3-A, soigneusement cachée dans son placard, à laquelle il avait tour à tour jeté des coups d'oeil furtifs ou des regards appuyés... symbole réel et bien trop visible de deux choses qui feraient mieux de rester cachées : cette sortie nocturne qui avait fait grincer des dents à un certain président des élèves, et ses sentiments envers le professeur d'espagnol.
Pourquoi l'avait-il prix à ce moment ? La photo était tombée et il s'était retrouvée avec dans la main sans vraiment comprendre. Quand un de ses camarades s'était approché, son réflexe avait été de la ranger dans sa poche. La ressortir et la reposer aurait été plus génant que dissimuler son geste. Un peu plus tard, en lorgnant l'image qui dépassait de sous un livre, le kendoka s'était senti un peu mal à l'aise, comme voyeur, mais n'avait pu s'efforcer de la remettre dans le casier de son professeur, s'inventant diverses excuses.

" Ah... je... "

Difficile de savoir quoi dire dans cette position. Mentir ne vint même pas à l'idée du jeune homme. Pas ici, pas maintenant, pas après ce qu'ils venaient de vivre. Restait que la situation était assez mortifiante. La situation ou la position ? Les deux étaient encore bien nouvelles pour lui.
Le sportif hasarda un petit sourire qui oscillait entre la gêne et une certaine fierté mal dissimulée.

" Oui... Désolé ? "

D'un geste hésitant, le kendoka attira l'autre homme contre lui, interrompant le savonnage pour le prendre dans ses bras, partageant au passage les petites bulles savonneuses qui recouvraient ses muscles. C'était étrange de pouvoir prendre quelqu'un d'autre contre soi, d'une manière encore différence que ces étreintes quasi fraternelles avec une Konata enjouée ou boudeuse. Il avait encore besoin de s'habituer à pouvoir le toucher librement sans se poser de question.

" Elle était tombée, j'ai oublié de la reposer en repartant. Je l'aime bien moi, cette photo... "

L'honneur de la 3-A était sauf, il ne faisait nulle mention de leur vaste pitrerie. Il avait beau adorer Jiro, ce qui se passait au sein de la classe restait le secret de la classe, défendu avec vaillance et ardeur. Quand à discuter des motivations et des tenants et aboutissants d'une telle œuvre, nul doute qu'un élève et un professeur ne pourraient s'entendre dessus.
Bien sur, il était peu probable que Jiro puisse utiliser contre lui quelque chose dit dans ces conditions – le témoignage aurait été délicat à ramener au directeur, à tous le moins...

Ce qu'il pouvait être mignon dans sa confusion de se savoir percé à jour pour ses deux "délits". Jiro ne put dissimuler un sourire tendre alors qu'Eiji bafouillait quelques excuses. Pour la photo ? Ou pour sa participation à la virée nocturne ?
En ce qui concernait la seconde option, il aurait pu le rassurer. Mais un accord tacite semblait leur dicter de n'en parler qu'à demi-mot. Pourtant, comme la majorité de ses collègues, Jiro se moquait de savoir qui avait refait leur tapisserie. C'était une action un peu bravache, certes, mais il n'y avait eu aucune dégradation, même la porte avait été ouverte avec une clé. Alors il s'agissait de donner l'illusion qu'il y avait offense, plus qu'autre chose.
Quant à la première raison ... Il ne pouvait pas lui reprocher d'avoir voulu se raccrocher à quelque chose alors qu'il l'avait tant tourmenté.

Jiro se laissa enlacer en fermant les yeux. Ce qu'il pouvait se sentir bien dans les bras d'Eiji ! Ses doutes et sa culpabilité quant à leur relation naissante s'effaçaient dès qu'il le touchait. Il lâcha un petit soupir satisfait.

" Moi aussi je l'aime. C'est la seule que j'ai avec mon sensei. "

Oui, sur cette photo, sa mère était avant tout son sensei. Et c'était bien pour cette raison qu'il y tenait tant. Jiro recula légèrement la tête pour pouvoir regarder son amant.

" Tu m'as en chair et en os maintenant. C'est mieux qu'une photo non ? Mais si tu y tiens, j'ai plusieurs albums. Tu n'auras qu'à choisir celle que tu préfères. "

Jiro ponctua ses dires par un baiser, avant de reprendre où il s'était arrêté. La douche, le bain, ... autant de moments où se mêlaient détente et sensualité, auxquels aucun ne semblait vouloir mettre un terme, au point que le temps qu'ils y passèrent s'éternisa.

Lorsqu'ils gagèrent enfin le salon, vêtus de kimonos légers, le ciel se teintait déjà d'une lueur orangée. Jiro prit les deux tasses abandonnées intactes et les vida dans l'évier tout en allumant la bouilloire. A présent, un thé serait le bienvenu. Appuyé au comptoir, il observa le jeune homme qui semblait hésiter sur ce qu'il devait faire. Lui-même ne savait trop comment agir. La seule chose dont il était certain, c'est qu'il voulait le garder auprès de lui le plus longtemps possible ...

" Eiji ? Tu ... as quelque chose de prévu ... ce week-end ? "

A ses pieds, Hime commençait à faire des ronds de jambes pour réclamer à manger. Il n'avait pas vu le temps passer, mais il se faisait assez tard visiblement. Si Eiji acceptait de rester, ils pourraient manger sur la terrasse. Il ne l'avait même pas encore fait depuis qu'il avait emménagé.

La réponse ne fut pas verbale, mais bien compréhensible à la manière dont le jeune homme vint enlacer son sensei et voler ses lèvres dans un baiser fougueux. Pour un moment au moins, il ne voulait pas retourner dehors et faire face à ce qu'ils devraient affronter par la suite.
Le reste du week end se déroula sur la même teneur, entre découverte de moins en moins timide et discussions feutrées autour d'une tasse de thé, ses mains retournant naturellement vers le corps de Jiro. Eiji n'aurait jamais cru pouvoir être aussi obnubilé par quelque chose, au point d'oublier son entrainement matinal pour le simple plaisir de se réveiller dans les bras du professeur d'espagnol. Etrange moment où le temps n'avait plus prise sur eux. Ce n'était pas le retour au lycée qui le dérangeait... mais devoir se taire et contempler Jiro dans loin en faisant comme si rien de ce qui s'était passé ce week end n'était arrivé, à attendre le prochain week end en rongeant son frein, à s'occuper sur du travail scolaire. Avec un peu d'humour, le kendoka savait déjà qu'il allait passer énormément de temps à courir et faire du sport les jours à venir.

Bien trop vite, le dimanche soir arriva, trouvant un Eiji blotti contre Jiro sur le canapé, un bras passé autour de sa taille, deux tasses de thé refroidies abandonnées sur la table basse. Dans ses bras, il y avait quelque chose qui tendait à lui faire oublier ce qui se passait autour de lui. La familiarité – la possessivité ? - était vite venue, là où il tâtonnait encore maladroitement dans des domaines plus intimes, encore gêné et pas tout à fait à son aise.
Le jeune homme avait réintégré ses propres vêtements, la normalité venant se recoller à lui comme une seconde peau là il n'aurait rien voulu d'autre que de l'arracher. Un soupir maussade s'échappa de ses lèvres alors qu'il se redressait, avant de changer d'idée et d'aller déposer un baiser sur la clavicule de Jiro, là où il avait sans le vouloir laissé une marque bleutée. Sans le vouloir, mais qu'il était au final satisfait de voir à cette place.

" Je vais devoir rentrer."

Qu'espérait-il en cet instant ? Que Jiro le retienne prisonnier et l'empêche de retourner à l'internat ? Le professeur d'espagnol avait déjà abandonné ses principes au pied du lit dans lequel il avait mis son élève, il ne pouvait non plus abandonner toute logique, même lui en avait bien conscience. Alors pourquoi aurait-il voulu...
Un petit sourire dépité sur les lèvres, le jeune homme commença à nouveau à s'éloigner, cherchant à concilier ce dont il avait envie et ce que la raison lui imposait. Il s'était toujours cru sérieux – relativement sérieux, à travailler en cours là où il n'était pas tellement intéressé, à présider son club – alors pourquoi en ce moment être sérieux semblait si difficile ? Il détourna le regard, posant les yeux sur la petite chatte blanche qui n'avait jamais vraiment été bien loin du week end, petite espionne qui n'avait pas perdu une miette de tout ce qui s'était passé. S'il y avait pensé, il aurait pu en être gêné.

Le week-end était passé comme dans un rêve, entre découverte de l'autre et discutions paresseuses. Oubliés tous les doutes et les remises en question. Le moment où ils devraient se pencher arriverait bien assez tôt. Pour l'heure, l'heureuse béatitude que les deux hommes partageaient ne semblait avoir d'égale que la vitesse à laquelle le temps s'écoulait. Pourquoi fallait-il que les moments les plus heureux donnent l'impression d'être si courts ? Courts, mais si intenses... C'était au final ce qui qualifiait le mieux ce week-end surréaliste.

Jiro retint un frisson lorsque qu'Eiji embrassa la preuve de son méfait. La peau était encore un peu sensible. Un sourire se dessina sur ses lèvres en songeant à la façon dont le jeune homme semblait apprécier laisser des traces de son passage sur son corps. Il donnait l'impression de marquer sa propriété. Cela ne le dérangeait pas... tant qu'il pouvait le dissimuler sous ses vêtements...
Son sourire s'effaça au brusque rappel de la réalité, et Jiro eut toute la peine du monde à retenir un soupir lorsque l'étreinte prit fin. C'était pourtant vrai... Eiji ne pouvait pas rester éternellement... Pourtant, il aurait tellement voulu le garder dans ses bras, encore et encore.

" Oui... Il faut que tu y sois avant la fermeture des portes. "

Jiro se reprit et réafficha un sourire pour son amant. Ils n'allaient tout de même pas se séparer sur une note triste après un tel week-end. Et puis, dès le lendemain, ils se reverraient. Certes, ils devraient agir comme si de rien n'était mais c'était déjà ça. Le brun se leva pour enlacer Eiji et l'embrasser tendrement. Les au revoirs se prolongèrent quelques minutes, puis la porte se referma sur le kendoka.

Jiro resta un moment désoeuvré, ayant du mal à reprendre le cours de son quotidien. L'appartement lui semblait terriblement vide, tout à coup. Machinalement, il prit les tasses abandonnées et les vida dans l'évier avant de se préparer un nouveau thé. Pendant que l'eau chauffait, il remit un peu d'ordre dans le salon et la chambre.
Ces petits gestes anodins finirent par le remettre sur les rails et, une heure plus tard, l'enseignant dégustait son thé devant ses cours pour les prépas. Il avait la soirée pour finir de les préparer. Son regard dérivait de temps en temps sur la liste des élèves de 3ème année. Le nom d'Eiji ne lui provoquait plus du tout la même douleur que deux jours plus tôt. Les trois semaines de cours d'été seraient plus faciles que prévu. Ce serait même un très bon entraînement pour eux deux, avant la rentrée et le retour de tous ces gens auxquels ils devront cacher leur relation...