Deux mois... En fait cela faisait deux mois maintenant qu'elle y pensait. Elle ne savait pas si elle devait dire déjà ou seulement...? Elle avait décidé de s'inscrire dans cette école, avait réussit les examens d'entrée et... et maintenant quoi en fait ? Elle ne s'était pas fait plein d'amis comme elle l'avait espéré et, par dessus tout, elle était loin de sa seule source de confiance en elle, à savoir ses parents.

Oui oui, elle était belle et bien pour la première fois de sa vie éloignée de ses parents sur une longue période. Sachant qu'elle allait gentiment sur ses 17 ans malgré tout, elle se demandait si elle devait en rire ou, au contraire, en pleurer. Cela faisait donc 2 mois, et les prochaines vacances scolaires n'allaient pas être de si tôt. La source de la confiance en soi n'allait pas revenir de sitôt.

Enfin bref, Nagisa venait de sortir d'une heure de cours particulièrement éreintante dû au fait que le professeur n'avait pas arrêté de vouloir l'interroger oralement (et qu'elle avait réussit à ne pas le faire grâce à tout un tas de stratagèmes que toutes les personnes qui n'ont aucune confiance en soi connaissent et se refilent entre elles). Elle était contente de s'en être sortie aussi bien, mais se demandait en même temps à quoi ça lui avait servi. N'avait-elle pas décidé de venir ici afin de se séparer un peu du cocon familial ? Oui sans doute, mais si elle en avait l'opportunité, elle reviendrait bien en arrière afin de tout annuler et d'aller dans une école ou elle aurait pu rentrer chez elle.

Enfin, le mal était fait, et elle se baladait actuellement durant l'intercours dans ce que les étudiants avaient coutume d'appeler les passerelles. Et bien que les cours venaient de se terminer, elles étaient passablement vides. Deux ou trois étudiants qui trainaient par-ci par-là, mais aucun ne la regardant. Ils discutaient entre eux et il n'y avait donc pas matière à paniquer dans l'immédiat, même si elle accélérait instinctivement le pas en passant à coté d'eux, des fois qu'il y en ait un dans le tas qui décide de lui agripper l'épaule et de vouloir lui parler (comme si ils n'avaient que ça à faire.)

En fait, elle ne savait pas si elle avait envie que cela se produise ou pas. D'un coté, jusqu'à maintenant, elle n'avait réussit à parler qu'as ses professeurs et s'était enfuie à toute jambe à chaque fois qu'un camarade de classe avait eu l'audace d'essayer de lui adresser la parole. Elle avait rapidement gagné la réputation de fille un peu dérangée pour les uns, et extrêmement timide pour les autres. Dans les deux cas, cela n'avait pas arrangé ses affaire puisque plus personne ne venait lui parler à présent, et qu'il ne fallait pas compter sur elle pour faire le premier pas.

Elle voulait changer, elle le désirait ardemment, mais n'arrêtait dans le même temps pas de se répéter que c'était totalement impossible. Oui oui, l'esprit de contradiction la définissait également plutôt bien.

Soudain, elle s'arrêta net, forçant les quelques étudiants marchant derrière elle à la contourner. Se rendant compte du fait qu'elle avait dérangé ses derniers, elle s'inclina bien bas à grand renforts de désolé (ce que personne d'autres n'auraient fait) et se mit un peu sur le coté pour réfléchir. Elle avait eu une idée, stupide, comme d'habitude, mais qui lui semblait bonne en ce moment.

La prochaine personne qui arriverait dans sa direction serait... serait quoi au fait ? La personne qui deviendrait son ami...?

*C'est totalement impossible !*

pensa-t-elle en secouant frénétiquement la tête de droite à gauche, s'attirant quelques regards qu'elle ne remarqua heureusement pas. Ce serait... une personne à qui elle parlerait, voilà qui était sûr. Mais à peine avait-elle pensé ça que déjà, elle entendait des bruits de pas venant du détour du couloir. Elle se dressa en face dudit couloir, droite comme un i, l'air d'une recrue militaire attendant les ordres et le visage complétement crispé.

*Tout va bien se passer, je crois, j'espère... Ah je veux fuir !*

Mais déjà, ses jambes ne répondaient plus...

[HJ : Ouvert à tous, si vous vous sentez d'essayer de faire connaissance avec une phobique des relations humaines vous êtes bienvenue]

La suite se passa au ralenti. N'importe qui se serait écarté en voyant ce jeune homme lui foncer dessus, mais pas Nagisa. En fait, son cerveau s'était mis en veille et triait à son rythme toute les possibilités qui s'offraient à elle. La première était de fuir vite et loin, mais les jambes renvoyaient un message d'erreur comme quoi la dll « move » était absente, tout en suggérant de la réinstaller au passage.
Ne se laissant pas décourager, il étudia la solution deux qui était de savoir si il était possible de hurler « attention » à celui qui allait fatalement lui rentrer dedans. Mais là aussi, les cordes vocales renvoyaient un message comme quoi les drivers de la carte son étaient malheureusement HS, tout en suggérant au passage de les télécharger sur le site du constructeur (oui oui cherchez pas, j'aggrémente.)
Toujours sans se démonter, il regarda quel était la solution trois. Solution trois qui consistait à ne pas bouger et attendre. Aucun message d'erreur cette fois là, et le cerveau valida son choix, laissant à l'utilisateur, à savoir Nagisa, la suite des événements.

Et la suite des événements fut plus ou moins brutale. Fort heureusement, Nagisa n'était pas de constitution fragile mais le choc lui fit tout de même mal, et la déséquilibra à tel point que ses jambes retrouvèrent leur mobilitée (au mauvais moment bien sûr) afin de lui permettre de les plier pour se péter la tronche, ce qui se fit à merveille.
Elle tomba donc vers l'arrière et eut le réflexe et la présence d'esprit d'utiliser sa main gauche pour amortir sa chute. Car oui, la droite n'ayant plus aucune sensation, elle aurait risqué de se la casser sans même s'en rendre compte. Néanmoins, sa technique ne marcha pas superbement bien. Comme elle n'utilisa que sa main gauche pour se rattraper, elle épargna le gros du choc à ses fesses mais fut déséquilibrée et s'effondra lamentablement sur son coté droit, se tordant le bras gauche involontairement en essayant de maintenir son équilibre une fois de plus.

Oui, quand Nagisa-chan foirait quelque-chose, elle le foirait jusqu'au bout. Là ou beaucoup se seraient contenté de s'écrouler sur les fesses et de bien s'en sortir, elle avait décidé de les protéger tout en se tordant le bras gauche (qui l'élançait maintenant horriblement) et de s'écraser la moitié du visage sur le sol heureusement relativement propre.
Enfin, elle se redressa pour constater que celui qui l'avait percuté, qu'elle avait initialement pris pour une fille au début, se révélait en fait être un garçon qu'elle connaissait... Enfin, qu'elle connaissait de vue vu qu'il s'agissait d'un jeune homme de sa classe. Il lui tendait la main gauche tout en disant qu'il était désolé.
Elle était certaine qu'elle n'allait rien pouvoir répondre, comme d'habitude mais... Quelque-chose se débloqua, comme si le pare-feu avait décidé de laisser passer une exception de sécurité et c'est à sa plus grande surprise qu'elle s'entendit répondre aux deux questions posée par... Hanamura-kun. C'était son nom, elle s'en était enfin souvenue.

« Oui, je suis Fujioka Nagisa... Mon bras gauche me fait mal. »

Et c'était tout. Si vous ne comprenez pas, sachez que Nagisa-chan avait fait là un effort complètement surhumain en réussissant à répondre à Yuu-kun et elle se demandait elle même comment cela avait bien pu être possible. De son point de vue de jeune fille, il n'était pas si mal même si elle n'avait jamais pris le temps de le détailler jusqu'à présent, mais elle ne l'observa pas longtemps.
Très vite, elle avait à nouveau détourner son regard pour regarder le mur d'à-coté qui semblait être devenu le truc le plus passionnant de l'univers pour Nagisa, du moment qu'elle n'avait pas à le regarder dans les yeux. Néanmoins, elle l'observait quand même un peu en coin pour constater qu'il lui tendait toujours la main pour se relever, la main gauche.
Elle leva sa propre main à hauteur de ses yeux, révélant sans le vouloir l'horrible cicatrice qui trônait en plein milieu à Hanamura, puis la rebaissa précipitamment lorsqu'elle se rendit compte de son erreur.

« J... Je... vais... très... b... bien... »

La phrase était hachée, et parfois coupée en plein milieu, révélant un début de panique pour le moment encore maitrisé. Elle tenta de se relever en utilisant sa main droite mais ne parvint pas à trouver de prise correcte, faute de sensibilité, et son bras gauche lui faisait encore trop mal. Elle finit par s'asseoir par terre en rougissant.
Elle n'avait pas la moindre intention de montrer sa main droite à un parfait inconnu, même si ce dernier allait fatalement s'inquiéter pour elle et chercher à savoir ce qui n'allait pas.

Elle ne le connaissait pas, mais elle connaissait les réactions normales des gens, même si elle ne les appliquaient pas à elle-même. Le temps était plus ou moins suspendu à présent pour elle, et tout ce qu'elle voulait était qu'il s'en aille sans se soucier d'elle, même si elle n'était absolument pas capable de le faire comprendre clairement. Au contraire, tout dans son comportement indiquait qu'elle avait besoin d'aide, et le tout le plus involontairement possible.

Un cas cette Nagisa ? Vous êtes bien loin de la vérité...

Bon, la douleur était omniprésente car, à voir, elle s'était tordue le poignet. D'ailleurs, ce dernier prenait une jolie teinte bleuâtre et avait gonflé entre temps. La douleur n'était pas insupportable mais c'était sûr qu'avec un poignet pareil, elle aurait bien du mal à se relever. Elle choisit donc de rester par terre... Enfin, choisir, ce n'était pas trop le mot car son vis-à-vis ne semblait pas être prêt de la lacher. Il lui avait tendu une main secourable et elle l'avait refusée à cause de son handicap.

Apparemment, Yuu n'avait vu qu'une petite partie de la cicatrice et elle en était soulagée. Car si il l'avait vu en entier, avec tout ce que cela impliquait de peau rouge vive qui s'accumulait en un amas gras de chair à demi-morte, elle ne s'en serait sûrement pas relevée <--- jeu de mot tout à fait involontaire sur la position actuelle de Nagisa.

Il lui proposa de l'emmener à l'infirmerie et elle secoua vivement la tête de droite à gauche, à vrai dire tellement vivement que ses cheveux pourtant relativement court volèrent en tout sens tout le temps que dura le geste. Elle ne pouvait pas reculer, pas dans son état actuel en tout cas... Pas avec une main droite insensible et un poignet gauche foulé, c'était le meilleur moyen de se faire encore plus mal et elle le savait bien, mais sa panique sous-jacente à l'égard du jeune homme qui, à présent, était beaucoup trop proche d'elle commençait à se ressentir extérieurement. Elle sentait qu'elle allait lui faire un truc vraiment pas cool si il tentait de la toucher.

Tout simplement timide n'était pas le mot juste. Nagisa souffrait d'une timidité proche de la paranoïa aigüe... Ou plutôt, c'était de la paranoïa aigüe. N'était-ce pas elle qui, constamment, croyait que les gens parlaient dans son dos et la désignait du doigt ? C'était à cause de ce genre de pensée totalement illogique qu'elle s'était retrouvée seule. Le petit rire de Yuu fit monter sa peur de quelques crans supplémentaires lorsqu'elle se rappela soudain pourquoi ce dernier lui était rentré dedans.

Elle n'y avait pas pensé depuis le début en fait. Si il lui était rentré dedans, c'était uniquement car elle s'était tenue au milieu du couloir, juste devant un angle et elle se devait de s'excuser. Mais cette pensée pourtant tout à fait naturelle ne parvint pas à franchir la barrière paranoïaque qui s'était formée tout autour de son cerveau. Elle était acculée, tel un animal traqué, et n'avait pas de moyen de fuir. Si elle avait trouvé le moyen de se relever, elle aurait déjà été à l'autre bout de l'école que Yuu n'aurait pas eu le temps de dire ouf.

Il lui fit la remarque qu'elle risquait de se faire marcher dessus si elle restait au milieu du couloir. Elle regarda autour d'elle pour constater que les lieux étaient plus ou moins désert. Deux ou trois élèves au fond mais aucun ne prêtait réellement attention à eux malgré la situation pour le moins inhabituelle. Elle s'était totalement figée lorsqu'il lui avait touché l'épaule en guise de soutient, en retenant son souffle, et avait laissé sortir une longue expiration lorsqu'il retira sa main. De toute les craintes idiotes que pouvait avoir Nagisa-chan, celle de se faire toucher par un inconnu était la pire. C'était généralement cette dernière qui la faisait fuir jusqu'en Australie si il le fallait. Dans sa position, elle n'avait rien pu faire et c'était simplement contentée de faire abstraction de la réalité, sans rien dire.

« Je... P.Personne ne v...va me marcher d.dd..dessus je pense... »

Et c'était tout. La voix était presque inaudible, un murmure à peine plus fort que la rumeur des voix des occupants des classes adjacentes, mais vu sa proximité, le jeune homme l'avait sans doute entendue. Il s'était assise à coté d'elle depuis un petit moment déjà, et elle trouvait la situation hautement déstabilisante. Sans moyen de fuite, elle se trouvait obligée d'être confrontée à la réalité à de la situation, et prit pour cela le temps d'observer son interlocuteur. Plus grand qu'elle, les cheveux noirs, un petit air espiègle sur le visage... C'était le genre d'individu qu'elle observait généralement de loin en se disant qu'il serait bien de s'en faire un ami. Peut-être que c'était une épreuve divine pour la forcer à faire en sorte que Yuu devienne son ami ? Elle ne voyait que ça à présent... et décidait de se plier à la volonté de Kami-sama... Elle entendit à peine la phrase suivante du jeune homme, toute concentrée qu'elle était sur son délire, mais entendit très bien la suivante. Il croyait la déranger... Elle n'avait pas encore mangé certes, mais ce n'était pas le plus important pour l'instant. Elle aurait bien aimé aller à l'infirmerie toute seule. Elle prit tout de même le temps de répondre à Yuu.

« Non je... ce n'est pas le plus important, je vais aller à l'infirmerie. »

Sa voix tremblait encore légèrement, mais elle ne bégayait plus. Elle parlait toujours par contre en dessous du volume de décibels habituels auquel on pouvait s'attendre lors d'une conversation type <--- c'est fou ce que l'auteur peut raconter comme connerie pour rallonger ses phrases vous trouvez pas ?

Enfin passons, elle croyait avoir trouvé la solution. Elle recula jusqu'au mur le plus proche et s'appuya contre ce dernier pour se relever doucement, en se poussant avec les jambes, lorsqu'une vive douleur à sa cheville droite la fit retomber brutalement sur les fesses.

« Aïe ! »

Elle se retrouva donc à nouveau par terre, ayant mal aux fesses, et pris le temps d'observer le point culminant de la douleur. Elle observa sa cheville en retroussant légèrement sa chaussette et constata que cette dernière avait pris la même couleur que son poignet gauche.

« Je crois que je me suis foulée la cheville... »

Elle était douée... Se fouler la cheville et le poignet en même temps n'était pas donné à tout le monde, mais ce qui était sûr c'est qu'elle n'avait plus les moyens d'aller à l'infirmerie seule maintenant.