Tout comme Cathan avait tenu à lui fêter son anniversaire, Akutsu avait été fermement décidé à célébrer le sien. Le souhait du grand roux de ne pas avoir de cadeau était, fortuitement, sorti de son esprit aussi vite qu'il y était rentré. Bien sûr, il n'avait traîné en ville le lundi au soir pour une virée nocturne un peu plus amusante que la compagnie de leurs colocataires respectifs. Akutsu était même parvenu à convaincre Jiro de les suivre dans l'aventure, et force était d'admettre que les trois avaient profité. Puis la semaine s'était écoulée et fut avec une excitation de plus en plus intense du côté du japonais que le samedi arriva. Là, il n'avait pas fait part de l'idée au professeur d'espagnol – de toute façon injoignable le week-end, et Akutsu préférait ne pas trop y penser –. En lieu et place, le jeune homme avait sonné à la porte de son aîné, s'était fait accueillir par l'assistante de direction un peu bougonne de le voir à la porte, et avait alors seulement pu entraîner son frère dehors.

Son humeur joyeuse transparaissait clairement sur ses traits tandis qu'il papotait gaiement, bien décidé à atteindre sa destination sans protestation de son frère. Il parlait de choses et d'autres, plaisantait pas mal, maintenait le secret sur sa destination et y parvenir mieux qu'il ne l'aurait cru, Cathan lui épargnant curieusement ses menaces. Finalement, les deux rouquins arrivèrent devant une maison traditionnelle, dont Akutsu ouvrit la porte avec assurance pour ensuite saluer les personnes présentes. Sitôt après, l'un des deux propriétaires vint à sa rencontre. Il présenta son frère et les deux furent guidés jusqu'à une petite pièce au sol recouvert de tatami, une table et quelques coussins en son centre. On entendait, un peu plus loin, le bruit du bambou cognant la pierre lorsque l'eau le balançait. Et l'eau, en ces jours pluvieux, ne manquait pas.

« Je vous laisse vous installer. » Le propriétaire – un homme de taille moyenne entre deux âges, vêtu très classiquement – s'inclina brièvement en leur présentant les coussins. « Moe-san, dois-je l'amener maintenant ?
- D'ici cinq minutes, s'il vous plait. Nous prendrons commande à ce moment-là.
- Très bien. »

Son sourire s'amplifia en voyant l'homme quitter la pièce, mais Akutsu ne parla pas immédiatement, choisissant plutôt de s'installer.

« Je sais que tu ne voulais pas de cadeau pour ton anniversaire et qu'on l'a déjà fêté lundi, mais je tenais quand même à célébrer ça dignement. »

C'était un américain curieux et somme tout amusé qui suivait son demi-frère dans les ruelles d'Hachioji. En train de se demander ce que le grand gamin avait pu trouver qui amenait à ses lèvres ce petit sourire satisfait difficile à manquer, sans toutefois chercher à lui arracher la réponse. D'une parti parce qu'il aurait été bien trop facile d'y arriver et qu'il préférait un peu de défi, et d'autre part parce que la réponse viendrait bien assez vite.
Après leur soirée plutôt tranquille du lundi – enfin tranquille c'était vite dit, mais par rapport à certaines soirées qu'il avait pu faire, il pouvait dire avec honnêteté que ça avait été plutôt soft – il avait supposé, à raison, que son cadet, frustré, avait encore quelque chose en tête.

Le roux s'arrêta sur le palier de la petite maison tranquille, observant les alentours avec la même méfiance d'un agent infiltré qui entre dans la base ennemi sans être sur que son contact sur place est digne de confiance. Ce qui était à peu près la même chose face au genre de lieux devant lequel ils se trouvaient : un établissement ultra traditionnel et probablement très haut de gamme où il fallait probablement avoir ses entrées pour réussir à mettre une geta. Surtout accompagné d'un gaijin qui n'était pas en costume trois pièces.

« On se croirait dans une maison de mafieux. »

La remarque avait été faite tranquillement en anglais, loin des oreilles qui pouvaient traîner autour d'eux. Et qui furent bien vite un autre soucis puisqu'ils se retrouvèrent dans un petit salon privé aux allures zen. Amusé, Cathan se plia aux diktat japonais et s'agenouilla sur un des coussins. Même ainsi installé, il semblait trop grand pour les lieux, trop encombrant par rapport à la petite table et à la taille de la pièce.

« Quand tu me dis ça en me traînant dans ce genre d'endroit Akutsu, tu pourrais presque me faire peur. »

« Oh, il faut pas. Je suis sûr que ça va beaucoup te plaire ! »

La remarque sur les mafieux l'avait assez amusé pour qu'il reconsidère l'endroit, et plus exactement la confidentialité de la pièce où il se trouvait. Il était vrai qu'avec les salons privés qui composaient chacune des pièces en-dehors de la cuisine, qu'avec les bruits de pas feutrés que l'on pouvait entendre et le silence tranquille de l'ensemble, il y avait de ça. A dire vrai, comme les mœurs des lieux incluaient une certaine discrétion réciproque, il aurait bien été incapable de dire qui au juste y venait. Des yakuzas, il y en avait probablement eu.

« J'aime bien cet endroit, on a la paix. Pour les soirées tranquilles, c'est l'idéal. »

Pour les affaires aussi, très certainement, mais il n'avait pas eu à en conclure. Et dans la mesure où il n'espérait pas changer de métier un jour, il aimait autant que ça en reste à ça. Pour l'heure, il était décidé à profiter du frangin qui serait sans doute accaparé plus tard par d'autres considérations et puisqu'ils n'étaient qu'en milieu d'après-midi, il escomptait bien boire un thé quand on viendrait els servir.

« Pas trop dépaysé ? »

«  Dépaysé ? Par un endroit en huis-clos pour processus discrets ? Si ce n'est la taille jardin d'enfants, je pourrais presque me sentir comme chez moi. »

Le roux regarda autour de lui, un sourire amusé aux lèvres. Le concept était le même, mais l'application différente par tellement de points qu'il aurait été trop long de les nommer. En particulier le calme absolu qui régissait ce genre d'endroit, calme et silence qui était une denrée extrêmement rare aux Etats-Unis, comme si le silence pouvait être de mauvais augure.

« J'imagine que la principale différence est qu'aux USA, les filles entrent en petite tenue alors qu'au Japon, elles sont en kimono de plusieurs kilos. Et qu'il est impossible de les toucher. »

Si Aku voulait qu'il joue au gaijin surpris, il pouvait mener le jeu jusqu'au bout, en attendant que son cadet daigne révéler sa surprise. Il y avait de forte chance qu'il craque avant lui à ce petit jeu.

Craquer ? Que nenni ! Il avait préparé son coup avec minutie et en ces rares occasions, ses lèvres se clouaient pour ne rien révéler. Il bavassait gentiment, pouvait bien rire de tout, mais Cathan ne saurait rien avec le moment fatidique. Cela dit... Il était d'autant plus tentant de rentrer dans son jeu qu'il avait effectivement songé à quelque chose comme ça à une époque. Et puis il avait trouvé bien mieux.

« C'est pour mieux coller avec le décor. Reconnais qu'une escort en tenue légère trancherait avec le côté calfeutré de l'endroit. Et puis franchement... » Son sourire s'élargit. « Tu crois que le propriétaire les laisserait rentrer ? »

Il imaginait assez bien la tête du propriétaire en question face à une jeune femme si courtement vêtue. Du reste, il l'aurait bien un peu plainte, cette pauvre demoiselle venue jusqu'ici sous la pluie et dans le froid. Il n'était pas si cruel.

« Donc, les kimonos. Ça fait joli, ça tient chaud, c'est culturel. Autant de qualité que vous ne savez pas apprécier aux USA. Sauf peut-être pour le premier aspect, mais vos femmes ne s'entretiennent pas franchement. »

Akutsu dessina avec les mains un corps féminin aux formes plus que généreuses.

Cathan leva les yeux au ciel avec un théâtralisme qui aurait fait quitter la pièce à cette chère assistante de direction si elle s'était trouvée dans la pièce. Ce qui aurait été pour le mieux, vu que la suite lui aurait encore moins plu, à cette fausse frigide dont la danse aurait pu faire fondre la barre avec laquelle elle dansait.

« Le but n'est pas de la faire entrer déjà déshabillée. Tu n'as jamais entendu parler de paquet cadeau à ouvrir ? Tu dois passer trop de temps à observer les étudiants en cours de gym. »

L'américain secoua la tête, comme désespéré par son demi-frère. Amusé par la tournure que prenait leur sortie et par la familiarité qui s'était établie entre eux, au final renforcée depuis leur monumentale prise de bec face à leur père.

« Tu peux enrouler quelqu'un dans un aussi joli tissu que tu veux, ça reste un bout de tissu. A la limite un drap a une meilleur fonctionnalité. Vous les japonais, à force de vous coincer dans la symbolique et une esthétique austère, vous oubliez tous les côtés amusants de la vie. »

Ouh, la mention des étudiants en cours de gym était fourbe, vraiment. Il aimait mieux ne pas songer à ses élèves de cette manière, quand bien même en d'autres circonstances, les plus âgés d'entre eux auraient pu avoir une éventuelle petit chance. Si ce n'est qu'il les préférait plus vieux. Peu importe, il chassa la pensée de son esprit avant que ça ne dérive un peu trop, avant de donner la satisfaction à son aîné de le voir rougir stupidement alors que le sujet dont ils parlaient ne le perturbait pas outre mesure.

« Un drap ! Tu te serais plu au temps des romains, ils s'en couvraient ! »

L'idée semblait l'amuser cela dit. Il la nota dans un petit coin de son esprit pour usage ultérieur.

« Et on dit bien que l'attente rend ça meilleur. Quand tu as passé cinq minutes au bas mot à déshabiller la dame, tu ne peux qu'apprécier la suite. »

L'américain ricana à l'expression gênée qui passa quelques secondes sur le visage du professeur d'anglais avant qu'il ne se reprenne en contre-attaquant. Il délaissa l'histoire des thermes sans faire de référence à l'équivalent actuel, les saunas publics. Ce genre d'histoires n'auraient été bonnes qu'à les gêner tous les deux et ce n'était pas la peine de donner à son frère de quoi le faire chanter.

«Ça dépend des moments. Et de toute façon, tu devrais savoir que les américains sont des brutes sans manière qui n'apprécient pas la patience à leur juste valeur. »

Un instant, l'image d'une certaine japonaise aux cheveux roux passant devant lui, en kimono traditionnel et toute la retenue qui va avec. Le sourire qui ourla les lèvres de l'américain se fit carrément torve alors qu'il retenait un rire.

« Et toutes les japonaises ne sont pas délicates. »

Akutsu plissa les yeux en observant le sourire torve du frangin, tant il lui semblait évident à cet instant que son aîné pensait à quelqu'un en particulier. Il fit défiler mentalement tous les visages des japonaises de l'école, toutes celles du moins qui l'avait marqué parmi les adultes. Quelques unes, en effet, manquaient de délicatesse. Et une seule d'entre elle se faisait connaître pour ses matières un peu trop viriles, qu'elle réprimait avec un succès mitigé.

« Non, y en a aussi comme la technicienne là, j'ai plus son nom. Mais elles sont rares. Le reste, c'est plutôt... »

Et il mima, papillonnant des yeux en imitant quelques gestuelles bien connues, avant d'éclater de rire. Un rire qu'il contint vite, ou tout du moins dont il baissa le volume pour respecter la politique de l'endroit.

« Bref, allez, tu as mérité ton cadeau, et je crois d'ailleurs qu'il arrive. »

On entendait effectivement des bruits de pas dans le couloir et la porte ne tarda pas à s'ouvrir, révélant le propriétaire qui se décala pour laisser entrer la troisième personne qui devait profiter de la soirée. En l’occurrence une femme aux cheveux aussi éclatants que ceux de l'Américain, tenant entre ses mains une boite où l'on entendait un chat miauler.

[Surprise /o/]

L'américain tourna la tête avec un petit sourire pour voir l'arrivée de son cadeau, s'attendant à moitié à voir une geisha ou équivalent arriver. Et se retrouva à écarquiller les yeux comme un gamin devant la grande silhouette qui n'avait pas grand chose de japonais et dont le sourire n'avait rien à lui envier niveau rouerie.

« Tu as vu un fantôme Mo Ruin ? »

« Maman... »

En un bond, le roux s'était levé et avait enveloppé sa mère dans une étreinte écrasante. La seule femme de sa vie et envers laquelle il n'avait absolument pas un complexe d'Oedipe. S'il n'avait pas été si séparé d'elle, gardant toujours contact par téléphone ou mail, l'avoir contre lui était un plaisir sans fin.
Avec un bras autour de sa taille, il la ramena vers la table pour l'inviter à s’asseoir, écopant au passage de la boîte qu'elle avait amené avec elle.

« Comment vous avez fait ça tous les deux ? »

La boite, oubliée, se rappela à son bon souvenir en miaulant bruyamment, attirant enfin l'attention du rouquin qui peinait à décoller de sa mère.

« Et qu'est ce que c'est que ça ? »

Il ne voulait pas deviner ce qu'il pensait comprendre. Et aux miaulements agressifs, il n'était pas le seul à penser ça.

Le sourire d'Akutsu était si étiré qu'il s'en faisait mal, mais il n'y pensait pas vraiment. Le jeune homme avait voulu marquer l'anniversaire de Cathan d'un grand coup, avait voulu lui faire plaisir, réellement – quand bien même le cadeau recelait d'une petite part de foutage de gueule miaulant – et c'était avec joie qu'il le regarda se lever pour se jeter sur sa mère. Mission accomplie. Si bien accomplie qu'il se sentit un instant de trop alors que les deux seuls vrais roux de la pièce s'enlaçaient.

Akutsu se releva tout de même pour pouvoir saluer leur invitée d'honneur, invitée qu'il avait eu au téléphone bien longtemps avant et à intervalle régulier pour prévoir leur coup. Il était étrange de la voir en vrai et il la détailla autant qu'elle le fit, avant qu'elle lui fasse signe de l'approcher pour lui ébouriffer les cheveux en guise de bonjour Pour le coup, le jeune japonais s'en sentait timide et se contenta sobrement d'un « bonjour » en américain, avec l'accent new yorkais imparable.

« Je l'ai appelée. » répondit-il sobrement en allant s'asseoir. « Je me suis dit que ça te ferait plaisir. Enfin... que ça vous ferait plaisir à tous les deux. »

Et ils avaient eu... un arrangement, pour le dire ainsi. On aurait aussi pu appeler ça une longue bataille qui leur avait pris plus de temps que d'acheter les billets ou encore payer l'hôtel. Elle était le cadeau d'anniversaire pour son frère et la preuve vivante que le caractère était héréditaire. Et indifférente au cour de ses pensées – quoi que le sourire en coin laissait présager qu'elle songeait exactement à la même chose que lui – elle s'installa près de son fils.

« Et ça, Mo Ruin, c'est un chat. Ton autre cadeau d'anniversaire, si j'ai bien compris.
- C'est bien ça. L'ancien propriétaire l'a appelé Kousen, apparemment son caractère va avec. J'ai pensé que vous iriez bien ensemble. »

«  Ptit con. »

Le terme reflétait toute l'affection et la gratitude qu'il portait en cet instant à son demi-frère, que les miaulements effroyables provenant de sa boîte ne parvenaient même pas à ternir. Avec toute l'intéret d'un gosse qui a besoin d'un moment pour se remettre de ses émotions, il attrapa la boite et regarda dedans. Deux yeux jaunes le fixaient avec intensité, lui promettant une mort certaine dès qu'il pourrait mettre une griffe dehors.

« Kousen hum... tu veux me faire concurrence pour le nom ? Je te préviens saleté, je pense que je mords plus fort que toi à défaut d'avoir des griffes. »

Dès l'ouverture de la boite, l'américain ne dut qu'à d'excellents réflexes de réussir à échapper à la patte griffue qui s'était enhardie pour s'ouvrir le chemin. Bien vite, elle fut suivie par un corps roux surmonté d'une tête aux oreilles complètement aplatie sur le crâne.
Maître et esclave – l'ordre importait peu, qui aurait pu distinguer l'un de l'autre de toute façon ?- s'observaient en silence. Et si Cathan savait que pour mettre un chat en confiance, il ne fallait pas le fixer dans les yeux, tentative d'agression s'il en était, il était hors de question qu'il baisse la tête devant un vulgaire chat de gouttière.

« Il va falloir qu'on voit très vite qui de nous deux dirige, rouquin raté. »

Les deux autres se regardèrent avec un sourire identique, apparemment très amusés des réactions émues de Cathan. Akutsu se sentait aussi excité qu’à Noël, et à dire vrai, plus content encore d’avoir pu faire plaisir à son frère qu’au moment d’avoir Hiro. Pourtant, la présence de chien l’avait véritablement ravi.

Ni l’Irlandaise, ni lui ne firent le moindre commentaire face au dialogue chat-humain qui s’instaura devant leurs yeux. Le “rouquin raté” comme le rouquin tout court bataillaient à leur manière et c’était finalement très drôle à observer. Akutsu en aura presque regretté de ne pas vivre avec son frère pour voir ça.

“Ça lui fera du bien d’avoir quelqu’un pour lui tenir tête. Je suppose qu’il est toujours aussi difficile de lui faire entendre un autre son de cloche ?”

Akutsu hocha la tête avant de regarder la mère de son demi-frère du coin de l’oeil. Son sourire se fit chafouin.

“Il est têtu comme une mule. D’ailleurs, vous ne voudriez pas essayer de le convaincre de deux ou trois petites choses pour moi ?”

Il y avait une table entre la rousse et lui. L’obstacle fut aisément franchi et il se prit une calotte derrière la tête, qu’il frotta doucement en se marrant.

“Tu es grand jeune homme, débrouille-toi.” Le regard de Tara dériva sur son fils. “Alors, tu te fais obéir ?”

Regard vert et regard brun se tournèrent vers Tara d'un commun accord avant de se désintéresser l'un de l'autre avec une synchronisation et une maestria qui trahissait la tension sous-jacente des deux mâles dominants de la pièce. Kousen, en bon félin, s'offrit le luxe de se toiletter une patte tandis que Cathan se ré-intéressait à la personne la plus extraordinaire de la pièce. Seuls, il aurait probablement passé à nouveau son bras autour de sa taille, tactile, mais pour le coup, l'ex-agent se contenta de se rapprocher d'elle de manière infime.

« On verra si on a besoin de marquer nos territoires pour réussir à nous mettre d'accord. »

Aku ne payait rien pour attendre, telle était la seule certitude. Et pas seulement parce que le chat semblait avoir bien été choisi, de la même manière qu'il avait pris Hiro pour Aku.

« Comment as-tu pensé à ça au fait ? »

Son regard passa alternativement de sa mère à son demi-frère. Si une fois, par jeu, il avait bien lancé le téléphone à Aku alors qu'il était au téléphone avec sa mère, jamais il n'aurait cru que les deux réussissent à s'entendre. Pas quand son cadet semblait tant inquiet de l'intégrité de l'honneur de sa famille.

“Oh hum...”

Comment pouvait-il lui dire ça ? En vérité, il avait eu l’idée subitement au moment de chercher un moyen de faire passer la pillule pour le chat - ce cadeau-là, il l’avait envisagé très peu de temps après avoir eu Hiro. De tous les cadeaux possibles, c’était finalement de façon tout à fait naturelle qu’il avait songé à la femme que Cathan appelait au moins une fois par semaine : sa mère.

“Ça fait quelques mois que tu es là et tu l’appelles souvent alors...” Il haussa les épaules. “Et pour le chat, je reconnais que je cherchais un moyen de te casser les pieds. Admets qu’il a été admirablement bien choisi !”

Tara, de son côté, s’abstint de toute remarque.

« Je suis beaucoup moins visible que ça quand je n'aime pas les gens. »

Le ça en question avait interrompu sa toilette pour les fixer d'un air hautain, la queue enroulée autour de ses pattes arrière. Si la petite chatte de Jiro avec qui il avait vécu quelques temps avait eu la délicatesse de se faire douceur et caresse, même si trop imposante et s'estimant partout chez elle, celui-là ne faisait pas dans la mystification.
L'américain hasarda sa main du côté du félin et se vit récompenser de son audace d'un coup de patte violent, tout juste un avertissement vu qu'il n'avait même pas daigné y mettre les griffes. Il secoua la main, promettant silencieusement à l'animal de finir en descente de lit s'il tentait d'en venir au sang.

« Si je n'étais pas persuadé qu'un de tes colocs était pire que lui, je t'aurais invité à partager nos premiers jours de vie commune. »

On pouvait sentir, même sans la regarder, tout l'amusement qui se dégageait de Tara au moment où son fils prétendit être moins visible quand il n'aimait pas les gens. Et sur ce point, quoi qu'il se fendit simplement d'un sourire sans s'autoriser à développer sa pensée, Akutsu la rejoignait assez. Son frère n'était pas transparent. En revanche, il n'était pas très difficile de savoir quand il n'appréciait pas une personne. Peut-être au FBI...

« Mo Ruin, je suis désolée de te l'annoncer, mais tu n'es pas très différent de Kousen sur ce point. »

Le geste semblait se transmettre de mère en fils chez les O'Leary : elle lui ébouriffa les cheveux tandis qu'Akutsu regardait ailleurs pour ne pas éclater de rire. Seule la remarque de son aîné le fit l'observer à nouveau alors que la main de l'Irlandais revenait sur la table.

« Qui ? Murakami ? Il n'est pas si terrible que ça. »

Face à un appareil photo, il était même carrément sexy. Akutsu se gratta la gorge et regarda vers le chat, comme pour ne pas laisser filtrer ses pensées (et il savait qu'il y réussissait avec un succès particulièrement mitigé).

« Combien as-tu de colocataires ?
- Moi ? Deux, mais je déménage bientôt.
- Je vois. Bientôt ?
- Hm, j'attends que les travaux soient finis. D'ici la mi-janvier, je devrais pouvoir y vivre.
- Et toi, Cathan ? Quand te décideras-tu à déménager aussi ? »

Akutsu eut l'impression que la question revenait particulièrement souvent lors des conversations entre eux.

Une réponse bien plus vulgaire flotta sur ses lèvres avant d'être ravalée et traduite dans un petit sourire alors qu'il acceptait avec bonne humeur le commentaire de la seule personne au monde qui pouvait se le permettre.
Les deux autres personnes présentes ne savaient pas à quel point il pouvait être manipulateur ou dissimulateur, et ce n'était pas quelque chose qu'il était pressé de les faire découvrir. Certaines facettes de son ancien job n'étaient pas faites pour être partagées avec la famille.

Il haussa un sourcil en flairant le lièvre au ton de la voix qu'utilisant son demi-frère pour parler de son colocataire, l'intendant dont tout le monde connaissait les qualités sociales, mais l'interruption de sa mère le ramena à un sujet beaucoup moins intéressant à son goût. Plus précisément, qui touchait de très près à des sujets dont l'ex-agent n'avait pas envie de s'épandre.

« Pour quoi faire ? Je ne compte pas passer ma vie au Japon, la colocation correspond bien plus à ce que je prévois que chercher un appart. »

Sans ciller, le métis soutint le regard vert de sa mère. Oui, elle connaissait ses habitudes et ses préférences. Et devinait sans aucun doute l'anguille sous la roche. Mais question caractère, il avait de qui tenir, merci maman.

« Tu restes longtemps ? »

Tara O'Leary - mère de Cathan

Elle ne croyait pas son fils un instant. Ou, plus exactement, elle savait qu'il lui disait la vérité – et osait penser qu'elle le connaissait assez pour que ce soit le cas le plus souvent – mais devinait également qu'il y avait quelque chose. Cathan ne s'était jamais montré fondamentalement asocial, mais de là à partager son espace vital avec trois autres personnes aussi affirmées que lui... Les deux roux s'observèrent un instant, puis l'Irlandaise consentit à ne pas insister plus avant et hocha la tête.

« Je suis ici en vacances pour une semaine, avec le soutien de ton frère. »

Le reconnaître lui coûtait un peu, mais elle fut gratifié de l'aveu par la surprise qui se lut brièvement sur les traits du plus jeune, puis par le sourire qu'il tenta de contrôler ensuite. La bataille avait été âpre – il allait sans dire que Tara l'avait emportée haut la main – et elle se montrait bonne joueuse. Le petit avait de qui tenir.

« Tu as intérêt à prendre soin de lui, Cathan. »

Un grattement de gorge détourna son regard de son fils, et un sourire matois étira ses lèvres alors qu'Akutsu semblait chercher un endroit où se cacher. S'il n'était pas adorable ce gosse, franchement ! Lorsque ses yeux captèrent à nouveau ceux de son fils, ce fut pour un regard aussi amusé que complice.

[Aku : Le PNJ me remplace sur ce tour.]

Avec un large sourire, Cathan tendit le bras et ramena son cadet plus près de lui et lui ébouriffa les cheveux avec enthousiasme. S'il n'était pas près à parler du dénominateur commun entre eux trois en la personne d'un père qu'il détestait - et surtout, il ne préférait pas savoir précisément les sentiments des deux autres sur son compte – s'intéresser à ce petit frère adopté était bien plus amusant. C'est pour ça qu'il adorait sa mère, loin de toutes les considérations xénophobes, japonaises, ou de jalousie par rapport à la famille « normale » dont était issue son demi-frère. Elle l'appréciait parce qu'il était intéressant, point final. Encore un détail pour montrer à quel point elle était formidable.

«  Je n'aurais jamais imaginé qu'avoir un petit frère puisse être aussi amusant. Il a même écopé du roux irlandais par mimétisme inconscient. »

Comme un gosse, en plus costaud, l'américain résista aux tentatives de son frère pour se débattre. Tant qu'à faire le grand frère, autant en profiter jusqu'au bout.

« Cathan, arrête ! T'abuses, j'ai plus huit ans ! »

Faible protestation même pas vraiment agacé alors qu'Akutsu tentait de se désempêtrer de son grand-frère soudainement devenu joueur et collant, le tout sous l’œil parfaitement indifférent de Kousen. Le chat venait de finir sa toilette et le tour de la pièce, et vint s'installer à la place anciennement occupée par le plus jeune des trois roux pour piquer un roupillon. Et l'enseignant savait bien qu'il ne la récupérerait pas de sitôt puisque l'ex-agent ne le lâchait pas.

« Et je prends très bien soin de moi tout seul. » fit-il dans une moue à moitié sincère.

Quelque part, il trouvait bien son compte dans la situation. Calé contre son aîné à qui il n'avait qu'assez peu l'occasion de faire de câlin – il avait toujours été trop tactile, mais s'efforçait de se retenir et de ne jamais aller en quémander – le plus jeune se repositionna un peu pour être mieux installé. Qu'à cela ne tienne, il s'adaptait.

Sous l'oeil amusé de sa mère, Cat se retrouva avec un Aku relativement docile contre lui et pas forcément mécontent de la place. Et en lieu et place du Aku en question, un félin qui prenait la place confortable qui lui revenait de droit. L e professeur de maths suivit du regard l'avancée de l'animal, amusé.

« C'est à se demander qui est le félin et qui est l'humain. »

La porte s'ouvrit dans un bruit feutré, pour laisser place à un homme âgé qui vint déposé un plateau de thés et douceurs sur la petite table entre eux, son regard passant alternativement sur les deux hommes à la position peu honorable puis au chat calé sur le coussin sans prononcer le moindre mot. L'américain pouvait presque sentir la désapprobation irradier de lui, et admira la manière muette dont il réussit à la traduire sans pour autant bouger un millimètre de plus que ses gestes nets et précis.

« Bienvenue au Japon Maman. »

Le chat ignora superbement l'entrée et la possibilité de fuite offerte par le panneau coulissant dorénavant ouvert. Ce fut tout juste s'il observa la sortie, mais son regard en revanche se posa sur l'homme qui venait d'arriver. Il paraissait bien moins s'en émouvoir que le plus jeune des trois roux qui se redressa subrepticement pour retrouver un peu de dignité. Un grattement de gorge ponctua par ailleurs le geste.

« Merci. »

Pour le thé, pour les confiseries – tellement peu sucrées qu'il se demanda si Tara O'Leary allait réussir à les manger –. Akutsu adressa à leur hôte un sourire un peu gêné, mais pas un mouvement de sa part trahit l'intention de se dégager complètement de là. A ce stade, ça ne changerait plus grand chose et quand bien même son père en entendrait parler, lui savait quel type de relation les liait.

Quant à l'improbable étrangère, qui n'avait pas un quart de métissage la rendant légitime en ces lieux, elle patienta avec humour en attendant que l'homme quitte les lieux. Ce qu'il fit sans paraître se presser plus qu'il ne le fallait, en leur souhaitant un agréable après-midi et rappelant qu'il était disponible à tout moment en cas de problème.

« Les enfants, vous ne savez pas vous tenir. » gronda-t-elle les deux jeunes – et peut-être le chat – avec un rire dans la voix.