Nathan était assit sur sa chaise, installé à son bureau et relisait ses cours d’espagnol, tentant de trouver la réponse à aux questions posées en devoir. Il soupira doucement et se passa une main dans ses cheveux noirs, puis chassa une mèche rebelle de devant ses yeux. Il faisait pas mal chaud, ce qui accentuait considérablement le fait que Nathan ne pouvait pas trouver la concentration nécessaire à un tel devoir.

Poussant un énième soupire, notre jeune homme referma son cahier d’un geste vif et se recula contre son dossier, se passant les mains sur son visage. Il ferma les yeux et souffla doucement. Décidément, cette langue n’était vraiment pas faites pour lui et il songea de plus en plus à allez demander des cours de rattrapages au nouveau prof. Il ne l’avait pas encore beaucoup eu en cours, mais il avait l’air gentil. Si seulement ils enseignaient l’allemand, ici. Le regard de Nathan se perdit dans le pendant qu’il s’évadait dans ses pensées et ses souvenirs.

C’était il y avait 7 ans lors de son entrée au collège. Il avait été obligé de suivre des cours d’anglais et choisir une troisième langue. Pour cela, il avait eu le choix entre l’espagnol, l’italien ou l’allemand. Nathan n’avait que onze ans, mais savait déjà ce qu’il voulait. Ce sera l’allemand pour lui. Cette langue qualifiée de barbare, de rude. Cette langue horrible et tant déteste par les jeunes. Certes, ce n’était pas faux mais ce qui faisait sa laideur faisait en même temps sa beauté et la distinguait des autres langues. Oui, Nathan aimait cet apprentissage. Il aimait les nombreuses déclinaisons et la grammaire illogique et casse-tête. Il adorait inventer des mots et comprit rapidement l’art de broder, chose indispensable avec cette langue.

Seulement voilà. L’allemand ne lui servira pas à grand-chose. L’espagnol, étant la 3ème langue la plus parlée dans le monde, était sans doute bien plus importante, mais Nathan ne pouvait pas accrocher à cette langue, tellement plus horrible que l’allemand car elle n’avait rien pour elle et rien pour se distinguer des autres.

Soupirant, Nathan secoua légèrement la tête et se redressa. Il attrapa son cahier et, d’un geste de rage, l’envoya sur le sol à côté du bureau puis se releva de sa chaise. Il pivota, attrapa sa veste qui était accrochée à sa chaise et sorti de la chambre. Il longea les couloirs, sorti du hall, traversa un chemin et rejoignit un autre bâtiment. Il s’immobilisa ensuite devant une porte et reprit rapidement son souffle. La bibliothèque. Etait-ce un hasard ? Non, je ne pense pas.

Nathan posa sa main sur la clenche puis poussa la porte et entra. Il laissa la porte se refermer derrière lui, la retenant pour qu’elle ne claque pas dans ses gongs. Laissant furtivement son regard glisser autour de la pièce, notre français se dirigea sans hésiter vers le comptoir où était installé le bibliothécaire. Il se plaça devant lui et le fixa quelques instants, avant d’inspirer et prendre la parole

«bonjour» dit-il doucement « Excusez-moi de vous déranger monsieur, je voulais savoir si vous auriez des livres en allemand … ici… ? »

La fin de ses paroles se perdit dans un murmure hésitant. Espérait-il réellement trouver du Schlink ou du Goethe ici ? Un peu quand même …

Nikome san venait tout juste de lui passer son tour, et Gabriel s’était installé au comptoir pour potasser les quelques papiers administratifs qui leurs étaient échoués. Rien de réellement important, de la paperasse japonaise, pour s’occuper sans réellement produire. Ça pouvait se montrer décontractant.

Mais bien vite, son intérêt avait glissé sur les dernières news sur les sites d’informations sur Internet, à propos d’un conflit en Égypte qui l’intéressait de prêt : Une vieille connaissance y habitait. Fausse excuse d’ailleurs : Nombre de conflits l’intéressaient de prêt par instinct. Au fond de lui, il bouillonnait de ne pas y être. Ces derniers temps, il ressentait cruellement l’inactivité à laquelle il était condamné, et ce n’était pas ses séries de tractions sur la barre dans l’appartement qui suffisaient à compenser son énergie non utilisée.

La question du jeune homme face à lui – il avait du mal à tous les différencier, ces enfants parfois – le prit un peu au dépourvu, et son regard quitta à regret l’écran pour se poser sur lui, interrogateur.

« … En allemand ? »

Répéta t’il, surpris de la demande. Ce n’était pas une langue très étudié par ici, voir même inconnue pour certains. Rien à voir avec l’Europe ou c’était une langue qui s’imposait.

« Ça doit se trouver, mais le choix sera restreint. C’est pour un devoir ? »

Demanda t’il, avec un petit sourire amusé, se préparant mentalement à aller farfouiller dans les livres perdus au fin fond de la bibliothèque pour réellement trouver ce qu'il voulait.

Le regard que lui adressa le bibliothécaire n’eut pas pour effet de rassurer tout de suite notre jeune homme. L’adulte donnait l’air d’avoir été profondément dérangé dans un travail. M’enfin. D’un air pas mal étonné il répéta la langue et Nathan afficha un sourire un peu forcé. Si le bibliothécaire réagissait de la sorte c’est que notre français devait sans doute aller trouver son bonheur autre part. Mais où ? Il était évident qu’en ville il n’y avait pas de bibliothèque internationale. Bon, peut-être à Tokyo. Encore que, ce n’était pas sûr. Soit, lorsque l’adulte lui posait la question s’il cherchait ces livres pour un devoir, le sourire de Nathan se fit plus assuré et il secoua doucement la tête

« Non, c’est pour mon plaisir personnel »

Plaisir ? Oui. Aussi bizarre que cela puisse paraître, notre jeune homme ressentait le grand besoin de revenir sur l’allemand, langue qu’il n’avait guère eu l’occasion de pratiquer depuis sa venue à la Ginkgo Gakuen. Certes, il avait écrit pas mal de lettre et des emails à son correspondant de Essen, mais ce n’était pas la même chose. Ce Nathan voulait était un vrai livre, truffé de mots inconnus qu’il se fera un plaisir de rechercher dans le dictionnaire et ainsi enrichir son vocabulaire –au cas où il aurait affaire un germanique, ici.

Reportant son attention sur l’adulte en face de lui, il haussa les épaules et hésita quelques instants. Devait-il se montrer curieux et un peu plus chiant en demandant un livre précis ? Franchement, pourquoi ne pas essayer, qu’avait-il a perdre ? Alors, se redressant légèrement, tentant de se montrer plus assurer, il reprit la parole

« Et tant qu’a faire, est-ce que vous auriez Der Vorleser de Schlink ? Ou Faust de Goethe ? Ce sont deux livres que j’ai toujours voulus lire mais … pour des raisons assez complexes, je n’en ai pas eu l’occasion »

Bon, il avait cité deux des livres les plus connus et les plus marquants de la littérature allemande. S’ils devaient avoir des livres, alors ceux-ci étaient quasiment obligés d’en faire partis. Espérons-le. Attendant une quelconque réponse de la part du bibliothécaire, Nathan croisa intérieurement les doigts, priant.

Gabriel pianota d’une main sur le clavier, l’écoutant même s’il n’en avait pas l’air. Pour son plaisir personnel ? Plus d’un professeur eut été ravis d’entendre pareilles paroles dans la bouche d’un élève. Gentil garçon studieux.

Face à cette silhouette redressée et cette demande précise, Gabriel sentit monter en lui un agacement qu’il ne chercha pas à contenir. Il n’avait jamais cherché à maîtriser ses humeurs. Son regard froid ne démentit pas le ton de ses paroles alors qu’il regardait Nathan sous ses cils baissés.

« Sinon, il y a amazon.com et tu peux commander n’importe quel livre dans n’importe quel langue. »

Sérieusement, c’était quoi ces gamins friqués qui venaient jouer les tatillons à propos de littérature allemande dans une bibliothèque japonaise ? On aurait dit une mauvaise blague. La bibliothèque, c’était pour emprunter les livres scolaires dont on voulait éviter l’achat. Pour son plaisir personnel, il y avait d’autres moyens non ? Quand aux raisons complexes, il n’avait pas choisi le badge « psychologue des élèves » mais bien celui de « bibliothéquaire » : Il n’était pas la pour parler de leur passé et de leurs états d’âme.

Avec un petit bruit agacé, Gabriel se leva, se dirigeant en claudiquant vers le fond de la bibliothèque après avoir fait signe au jeune homme de la suivre. Malgré ses paroles précédentes, il ne semblait pas vouloir congédier le jeune homme ou cesser de s’en occuper. Il avait simplement exprimé son avis sur le sujet.

« Il me semble qu’il y a un exemplaire de Faust ici. Mais même si ce livre à été mis à la mode par quelques références dans les manga, ça reste un livre très difficile à lire, même pour un allemand. »

Cette bibliothèque manquait du charme de l’ancien. Les rayonnages étaient trop bien rangés. Seuls ceux du fond, moins usités, permettaient de s’y perdre un peu. Grace à sa taille, Gabriel n’avait cependant aucun problème pour accéder aux livres, même les plus reculés.

« Tu a des origines allemandes ? »

Demanda le blond d’un ton distrait, laissant sa voix goûter au plaisir d’utiliser sa langue maternelle. L’exercice de style était perturbant lorsque l’on cherchait des titres en japonais, mais puisqu’il cherchait en allemand…

Se taire, aurait été une solution envisageable. La parole est d’argent, le silence est d’or. Si Nathan n’avait pas été aussi pointilleux quant au choix du livre, le bibliothécaire n’aurait sans doute pas été aussi tranchant en lui répondant d’une voix sec que de nos jour il y avait internet pour ce genre de chose. A cette déclaration, Nathan avait baissé la tête afin de dissimuler ses joues qui avaient prit une légère teinte rouge. Mais intérieurement, il bouillonnait. L’adulte, ne devait-il pas être content qu’un jeune homme s’intéresse à la littérature étrangère ? Ne devait-il pas tout faire pour l’aider ? Non, bien sûr. Prendre l’excuse de l’internet était tellement plus simple. Mais quand on n’était pas majeur, on fait comment ? Quand on ne s’y connait pas en ville, on fait comment ?

Il réprima un soupire et s’apprêtait à se détourner, lorsqu’il prit en compte le bruit de la chaise de l’homme. Relevant rapidement son regard, Nathan arqua un sourcil lorsque l’inconnu se leva, contourna son bureau et lui fit signe de le suivre. Sans hésiter d’avantage, notre jeune français le rejoignit et ensemble ils marchèrent jusqu’au fond de la bibliothèque. Là, Nathan attendit patiemment, observant les doigts de l’adulte glisser sur les livres. Ce fut avec une certaine joie qu’il entendit dire qu’il devait y avoir un exemplaire de Faust. Nathan fut d’autant plus satisfait que le bibliothécaire se mit à parler en allemand. Alors, hochant doucement la tête, il prit à son tour la parole, dans sa langue préférée

« Non. Aucun membre de ma famille ne parle allemand. Je … j’ai commencé à l’apprendre à mon entré au collège. J’ai plusieurs contacts en Allemagne chez qui je passais la plupart de mes vacances. » Il se redressa légèrement, liant ses mains derrière son dos « et en ce qui concerne Faust, je sais bien que c’est un livre difficile que même un allemand pure souche aurait du mal à comprendre. Mais … c’est ju … justement ce que je recherche, à vrai dire. »

Il était conscient d’avoir raconté un peu sa vie là, mais le bibliothécaire ne lui avait-il pas posé une question personnelle ? Si. Et donc si ça l’énervait, tant pis, il ne pourra que s’en prendre à soi-même. Mais, une question triturait l’esprit de notre jeune français lorsque l’adulte s’était exprimé en Allemand. Il n’avait … aucun accent. Certes, sa phrase n’était pas très complexe, mais il avait parlé de manière fluide. Se pouvait-il que … ? Non, impossible. Qu’est-ce qu’un allemand ferait là, dans une bibliothèque ? Se mordillant légèrement la lèvre inférieure, Nathan hésita longuement, laissant le silence s’installer entre eux pendant que l’adulte marchait lentement, tourné vers le rayon. Puis, inspirant profondément, Nathan rompit ce silence

« Je … vous avez des origines allemandes, vous ? Si ce n’est pas trop indiscret …. »

S’attendant à être à nouveau remit à sa place, il se recula légèrement, abaissant à nouveau le regard vers les livres.

Le jeune homme saisit sa perche au vol comme une assoiffée se jetant sur une cruche d'eau fraiche. Il n'était visiblement pas habituée à ne pas être chouchouté et entretenu à la moindre parole de sa part. Il faudrait grandir et apprendre à l'être ptit gars. Pour le moment, heureux d'être sollicité - Gabriel pouvait se montrer bourru mais il n'était pas un sauvage non plus, il savait entretenir une conversation de surface - il s'épanchait et faisait part de sa situation. Allemand par apprentissage et non pas d'origine alors. Son accent était cependant correct, fait appréciable.

Habitué à être cajolé et pretentieux : Il revendiquait la difficulté de l'ouvrage choisi. Finalement, le flot de paroles ouvert se tari de lui même, comme si le jeune homme réalisait qu'il parlait peut-être un peu trop, juste un petit peu. Gabriel mis finalement la main sur l'ouvrage. Il était comme neuf, tellement peu utilisé. La question le fit sourire, et il retint une remarque sarcastique du genre "Non, je me suis réveillé et je parlais allemand". A la place, il leva la main vers ses cheveux, tenant une boucle blonde entre deux doigts.

"Je ne suis pas un assez gros cliché de l'allemand pour que ça se remarque ? "

Il était vrai cependant qu'il y avait de quoi être surpris. Il n'était pas courant pour une europeen de se retrouver de ce coté du globe. Globalement, le japon restait certes fermé, mais c'était encore plus marqué pour les gens venant d'europe. Rare étaient ceux implantés au japon. Lui même ne se sentait pas véritablement japonais d'ailleurs. C'était une période de transition, le seul endroit ou il se sentait une attache et ou il avait voulu se poser le temps de lecher ses plaies.

"Marié à une japonaise."

Pas qu'il se sente le besoin de se justifier ou de se confier. Mais une telle bizarrerie meritait bien une explication, même si succincte. De manière automatique, son doigt vint frotter l'anneau à son doigt, dernier lien tangible avec elle.