Tomoe commençait son nouveau travail aujourd'hui, et elle n'avait même pas fini de s'installer. Il fallait dire qu’elle avait passé davantage de temps à découvrir la ville et ses environs que de ranger ses vêtements dans le placard de son nouveau logement, préférant de loin se familiariser avec ce qui entourait le pensionnat que d’être coincée entre quatre murs. La blonde était davantage à l’aise à l’extérieur. Conséquence, elle n’avait toujours pas rencontré son colocataire, un certain Vlad Asran, professeur de sciences, mais elle n’était pas sûre du nom ni de la profession de son collègue. Tomoe et ce dernier n’avaient décidemment pas eu les mêmes horaires ces trois derniers jours, car il aurait été difficile de pas le croiser si cela avait été le cas.

Mais cessons ces bavardages inutiles autour du semblant d’installation de la blonde. Quand Tomoe s’était levée ce matin-là, son colocataire était déjà parti –ou dormait encore-, et ce fut donc seule qu’elle petit-déjeuna. Après avoir enfilé un pantalon noir de tissus léger et un chemisier blanc, tenue on ne peut plus classique, la blonde attacha ses cheveux en une haute queue-de-cheval, enfila ses lunettes de soleil noires et partit pour la bibliothèque. Enfin, c’était sans compter qu’elle avait oublié ses chaussures, ce dont, heureusement, elle se rendit compte en atterrissant sur le palier. Tomoe se rua dans l’appartement, se sentant la pire idiote d’avoir oublié de mettre ses chaussures… Elle enfila une paire d’escarpins, et ce malgré son mètre 70 –désormais 80-, et partit plus décidée que jamais pour la bibliothèque, après avoir vérifié qu’elle n’avait rien oublié.

Etant un peu en avance, Tomoe passa par le parc pour se rendre sur son lieu de travail. La matinée venant à peine de commencer, la température était douce, n’atteignant pas les plus hautes températures du milieu de journée. Elle ne croisa personne, à part un ou deux élèves qui avaient apparemment effectué une promenade très matinale, et qui ne la remarquèrent même pas. Derrière ses lunettes de soleil, Tomoe les regarda se diriger dans la même direction qu’elle pour se rendre en cours. La jeune femme regretta que la cigarette soit interdite dans l’enceinte du pensionnat, même si elle avait récemment décidé de ne plus fumer avant dix heures du matin.

En arrivant devant le bâtiment au sein duquel se trouvait son antre, les élèves se furent moins rares, jusqu’à devenir une masse d’adolescents à moitié endormis se rendant en classe. La sonnerie retentit, et c’est accompagné de rouspétages intensifs que les plus jeunes montèrent dans leurs salles et que les plus vieux s’y rendaient la mine maussade. Tomoe sourit devant ce spectacle universel et entra dans le bâtiment.

Elle était déjà allée fureter dans la bibliothèque, de manière officieuse ainsi que rapide. La blonde avait voulu voir à quoi ressemblait son nouveau lieu de travail sans pour autant se faire connaître de son collègue, un blond massif campé derrière le comptoir –du moins quand elle s’y était rendue. La bibliothèque était moderne, et bien entretenue, au contraire de celle de son lycée à Naples. En même temps, Tomoe s’était vite rendue compte que, sur certains points, les Japonais étaient bien plus modernes que les Italiens, même si la terre nippone regorgeait de traditions et de coutumes ancestrales qui ne s’étaient pas effacées avec le temps.

Tomoe entra dans la bibliothèque encore vide à cette heure-ci, excepté une poignée d’élèves, qui semblaient être en classe préparatoire, ou peut-être des rônins –bien que ceux-ci devaient sûrement venir plus tard, vu leur emploi du temps. Tomoe se dirigea vers ce qui serait à présent son territoire personnel, à savoir le comptoir. Territoire qu’elle devrait partager avec l’imposant blond qu’elle avait aperçu l’avant-veille. Il fallait simplement espérer que les étudiants de Ginkgo Gakuen n’avaient rien contre les blonds, car ils allaient en bouffer…

« Bonjour. Je suis Nikome Tomoe, la nouvelle bibliothécaire. » lança la blonde à son nouveau collègue, un sourire un peu forcé aux lèvres, en s'inclinant comme de coutume. Bon, il n'avait pas vraiment l'air japonais, mais Tomoe était décidée à montrer son côté nippon malgré sa chevelure blonde que son Anglaise de mère lui avait légué. *Dieu qu’il est grand !* pensa Tomoe qui, au Japon, n’était plus habituée à se faire dépasser de deux têtes, surtout avec des talons de dix centimètres de haut !

Avachi dans le fauteuil de service qui était le sien, Gabriel se passa la main sur le visage avec lenteur, les yeux fermés. D’un œil extérieur, il était certainement en train de flemmarder ou de se réveiller en ce début de journée, comme tous les autres êtres vivants de cet établissement, professeurs ou élèves. La vérité était légèrement autre. Ce n’était pas uniquement la fatigue qui faisait soupirer le jeune homme.

La douleur dans sa jambe l’avait réveillé en milieu de nuit, et depuis, il lui avait été impossible de se rendormir. A l’aurore, il s’était levé pour un peu d’exercice à la barre de traction, avant de rejoindre la bibliothèque de bonne heure, pour une fois, et aussi pour ne pas avoir à justifier son horaire de levé à qui que ce soit. Il avait pris le temps d’arroser les plantes, avant de s’interrompre au milieu de sa tache, gêné par la douleur.

Gabriel s’était permis d’installer une cafetière derrière le comptoir, qu’il n’hésitait pas à faire tourner à n’importe quel moment. Jusqu’à présent, personne n’avait eut l’envie ou le cran de lui en faire la remarque. Qu’ils étaient pratique, ces chers japonais et leur sens des bonnes manières…

Sa tasse à la main, il tripota un petit cachet bleu dans sa main, calculant sa dernière prise, avant de hausser les épaules et le gober tout rond, et d’adoucir sa gorge de café chaud. Les yeux fermés, il guetta les sons alentours.

S’endormit il ? Le bruit d’une paire de talon le sortit de ses songes. La douleur semblait s’être un peu amenuisée, et il rechigna à l’idée de bouger et au risque de la faire revenir. Accoudé au comptoir, il coula son regard clair vers la porte, qui s’ouvrit bientôt pour laisser entrer une jeune femme blonde à la démarche assurée qui vint directement vers lui, le forçant à se lever pour être suffisamment poli.

Sa présentation fut brève et rapide, le prénom japonais contrastant avec son allure et sa taille mais explicitant sa présence ici. Métissée certainement, de par son père. Revenue au japon suite à une variation du complexe d’œdipe ? L’idée le fit ricaner intérieurement.

« Vous appréhendiez tellement notre rencontre qu’il vous a semblé nécessaire de venir faire du repérage avant ? »

Il ne savait pas si elle avait cherché à être discrète, mais une blonde dans une marée de chevelures noires, ça se repère. Surtout sous l’œil aiguisé de Gabriel qui peinait à ne pas observer les alentours et à retenir moult détails inutiles. Déformation du métier.

Il sourit chaleureusement, n’ayant pas envie de la mettre mal à l’aise non plus, et lui tendit une main accueillante.

« Si comme moi vous venez d’un pays ou l’on se sert la main pour faire connaissance, je ne serais pas contre. Gabriel Ritter. »

Seule sa mâchoire un peu crispée laissait percer un peu de la douleur qu’il ressentait actuellement.

Le bibliothécaire s’était levé à son arrivée, sans doute par politesse. Une fois qu’elle se fut rapidement introduite à son nouveau collègue, celui-ci lui répondit :

« Vous appréhendiez tellement notre rencontre qu’il vous a semblé nécessaire de venir faire du repérage avant ? » Ainsi le grand blond avait remarqué sa furtive venue, deux jours auparavant. En même temps, les blondes d’un mètre soixante-dix, ça devait pas courir les rues, par ici… Le sourire en coin qu’affichait le bibliothécaire informa Tomoe qu’il ne faisait que plaisanter, bien que la jeune femme reçut cette remarque comme une pique. Quand on a un caractère aussi taciturne que celui de Tomoe, les plaisanteries du second degré, valait mieux éviter… Mais la blonde ravala sa salive.

« Si comme moi vous venez d’un pays ou l’on se sert la main pour faire connaissance, je ne serais pas contre. Gabriel Ritter. » Ce dernier lui tendit une main proportionnée à sa taille et sa corpulence, ce qui intimida un peu la blonde : et si il lui cassait la main ? Question idiote qu’elle balaya de son esprit. Tout en serrant la main de Gabriel, Tomoe essaya de déceler l’accent qui perçait dans ses paroles. Une langue de l’est de l’Europe, slave peut-être. Mais c’était peine perdue pour Tomoe. Celle-ci avait fait un tour du Vieux Continent avec son amie Vittoria, l’été de leur première année d’étude supérieure, et Tomoe s’était montrée incapable de différencier les langues de l’est. On pourrait tout aussi bien lui parler le croate ou le polonais et lui faire penser qu’il s’agissait de slovaque. La blonde était bien meilleure dans les langues rondes et légères de l’ouest, bien qu’elle n’avait jamais vraiment cherché à les apprendre : elle avait assez à faire entre l’italien, le japonais et l’anglais, et ce dans l’enceinte de son foyer.

Décidée depuis son arrivée au pensionnat à battre son côté taciturne, Tomoe décida d’oublier –bien que difficilement- les premiers mots que lui avait adressé Gabriel. Elle voulait lui dire quelque chose, mais le fait de ne pas se trouver face à un Japonais la perdit un peu : devait-elle le tutoyer ? le vouvoyer ? L’appeler par son nom ? son prénom ? Lui-même ayant vouvoyer la blonde, Tomoe décida de faire de même, mais d’employer le prénom de son collègue. Elle, taciturne ? C’est ce qu’on verra !!

« Et quel est ce pays d’où vous venez ? » répondit-elle quand il eut retiré sa main de géant de la frêle menotte –en tout cas, au près de celle de Gabriel, elle l’était- de Tomoe. Celle-ci avait renoncé à utiliser le prénom du bibliothécaire. Il ne fallait pas trop lui en demander d’un coup, quand même… Et puis, pour une fois, elle était vraiment curieuse. Un grand blond aux larges épaules et aux yeux bleus, avec un accent d’Europe de l’est –elle était à peu près sûre de ne pas trop se tromper quant à cela…-, il n’y en avait pas quinze à Ginkgo Gakuen ! Et Tomoe se sentirait moins seule. Les étrangers ne manquaient pas au pensionnat, que ce soit au sein de l’équipe pédagogique ou parmi les élèves, mais peu d’entre eux arrivaient d’Europe. La plupart étaient d’Asie même, et les rares autres venaient plutôt d’Amérique. Hors, la blonde étant elle-même à moitié Européenne, ce mode de pensée était plus proche du sien, bien qu’elle soit venue s’installer au Japon car elle voulait s’accoutumer aux us et coutumes du pays. La mâchoire apparemment contractée de Gabriel n’échappa pas à l’œil attentif de la blonde, mais Tomoe ne dit rien à ce sujet. Elle venait à peine de le rencontrer, elle n’allait pas se comporter comme une bonne vieille copine !

« De l’Europe de l’est, si je ne me trompe pas ? » rajouta-t-elle presque aussitôt. Tomoe pria intérieurement pour ne pas s’être trompée, même s’il y avait peu de doute quant au continent. Tout en espérant que Gabriel n’était pas Espagnol ou Ecossais, elle se félicita tout de même pour ne pas avoir dit un pays au hasard. Elle s’était constituée une apparence assurée pour ce premier jour, et désirait éviter qu’elle ne se brise en moins d’une minute…

Malgré une réticence apparente, elle lui tendit la main, pour une poignée un peu faible qui peinait à se décider quand à quel apparence prendre : La fermeté de la personne sure d’elle, ou la douceur d’une jeune femme bien élevée ? Une poignée de main révélait bien souvent plus sur son propriétaire que bon nombres de personnes l’imaginaient. Sa peau n’était pas abîmée, pas de travail manuel, elle venait d’un milieu moyen. Pas de bague, elle restait pratique pour son emploi, sans pour autant se négliger. Jeune mais sérieuse même si pas encore totalement assurée. Normal.

Loin d’imaginer que sa stature puisse impressionner la jeune femme, il sourit aux questions un peu trop directes pour être parfaitement japonaises. Il ne lui en tenais pas rigueur de toutes manières.

« Avec mon apparence stéréotypée, c’est presque trop facile comme devinette. Je suis né en Allemagne. »

Il se rassit, sa jambe le lançant de nouveau. Il songea vaguement à la béquille laissée à l’appartement, dans un acte inconsidéré quasiment adolescent. Mais rien n’y faisait, cette fichue béquille, il n’en supportait pas la vue.

« Pour vous par contre, c’est plus difficile. Nom japonais mais apparence d’étrangère… Vous surprenez Nikome san. A moins que votre blondeur soit le résultat d’une décoloration, mais je serais déçu alors. »

Habitué à fréquenter des personnages aux origines et aux horizons variés, Gabriel savait s’adapter à chacun et choisir alors la dénomination la plus appropriée. Le Miss eut peut-être mieux convenu, mais ce nom japonais exigeait la compagnie d’une formule japonaise et n’auraient rien toléré d’autre. Pour le reste de ses propos, ils restaient égal à lui même, un peu gouailleur mais jamais vraiment méchant.

Il fit tourner sa chaise sur le coté pour fouiller dans une liasse de papier, laissant à l’arrivante la liberté de décrire ses origines et son arbre généalogique si l’envie lui en prenait. Ce n’était pas comme s’il s’en souciait réellement au final. Sauf si elle avait des nouvelles fraîches d’une autre contrée, mais à l’époque d’Internet, même cette qualité se perdait et rares étaient ceux en possession d’une réelle exclusivité.

« Voilà nos emplois du temps. Comme vous le voyez, il arrive que l’on soit seul l’un ou l’autre à garder les locaux, ainsi que des fois ou nous sommes la en même temps. On s’arrange entre nous pour échanger des horaires ou se libérer une après-midi, c’est très souple, du moment que la bibliothèque ne reste pas vide. »

Il lui tendit la feuille imprimée à l’ordinateur, rédigée de manière sobre mais claire.

« Avec mon apparence stéréotypée, c’est presque trop facile comme devinette. Je suis né en Allemagne. » Tomoe poussa un soupir de soulagement intérieur. Même si l’Allemagne était plutôt considéré comme un pays d’Europe de l’ouest de nos jours, il restait bien à l’est, du moins géographiquement, pour l’Anglaise qu’était Tomoe, née en Italie de surcroît. Bref, elle ne s’était pas trompée, et ne passait pas pour une idiote. La blonde ne comprit pas tout de suite l’allusion à l’ « apparence stéréotypée » de Gabriel, puis remarqua les yeux bleus du bibliothécaire : en effet, ajoutés à la chevelure blonde, il devenait le parfait cliché de l’Allemand, surtout avec son imposante stature. Tomoe se rendit alors compte que la taille de Gabriel la marquait énormément, mais à bien y réfléchir, beaucoup d’Italiens ou d’Anglais dépassaient le mètre 80, mais ces deux dernières années passées au Japon l’avaient habituée à croiser des hommes qui faisaient à peine quelques centimètres de plus qu’elle, quand ils n’étaient pas plus petits.

« Pour vous par contre, c’est plus difficile. Nom japonais mais apparence d’étrangère… Vous surprenez Nikome-san. A moins que votre blondeur soit le résultat d’une décoloration, mais je serais déçu alors. » Ces quelques phrases eurent un double impact sur Tomoe. Tout d’abord, elle comprit que Gabriel était du genre jovial et à plaisanter à tout bout de champ. Bref, l’inverse total de la blonde. Ca allait rigoler derrière le comptoir… Ensuite, un étrange sentiment de routine. Depuis sa tendre enfance, l’annonce de son nom surprenait ses interlocuteurs, qui face à sa taille et sa couleur de cheveux s’attendait plus à une Italienne, tout du moins une Européenne, qu’à une Japonaise. Mais sa mère lui avait plus transmis que son père, qui lui lui avait seulement légué ses yeux noisette et son sourire. Ses traits, eux, étaient ceux de sa grand-mère.

« Mon père est Japonais, ma mère Anglaise. » répondit brièvement Tomoe. « Mais je suis née et j’ai grandi en Italie » se sentit-elle obligée d’ajouter. Il fallait l’avouer, vingt-quatre ans passés à Naples, ça marquait ! Tomoe se rappela soudain –allez savoir pourquoi… en même temps, elle est peut-être pas blonde pour rien- que Gabriel l’avait appelée par son nom. Voilà qui n’allait pas faciliter les choses… Un seul « r », cela pouvait passer, mais deux ! Tomoe n’allait jamais pouvoir prononcer Ritter correctement. Les seules prononciations que la blonde pouvait envisager, c’étaient celles de l’anglais, de l’italien et du japonais. Mais aucune de ces trois langues n’intégraient le son « r » de la même manière que l’allemand, ou même le français. Tomoe afficha une mine maussade l’espace de courts instants, maudissant Gabriel de ne pas posséder ne serait-ce qu’un nom prononçable. Elle fut tirée de sa rêverie quand l’intéressé s’adressa à elle.

« Voilà nos emplois du temps. Comme vous le voyez, il arrive que l’on soit seul l’un ou l’autre à garder les locaux, ainsi que des fois ou nous sommes la en même temps. On s’arrange entre nous pour échanger des horaires ou se libérer une après-midi, c’est très souple, du moment que la bibliothèque ne reste pas vide. » Tout en récupérant le papier que lui tendait Gabriel, Tomoe se rendit derrière le comptoir, se rendant compte qu’elle était restée plantée face à celui-ci depuis quelques bonnes minutes, alors que sa place se trouvait de l’autre côté. La blonde s’assit sur le fauteuil qui semblait être le sien et déposa son sac à ses pieds, tout en observant l’emploi du temps. Il n’était pas énormément chargé, mais pas non plus trop léger. Le fait qu’ils ne travailleraient pas toujours de pair la rassura tout autant qu’elle ne serait pas seule à chaque fois. Même si Tomoe aimait être parfois « on her own », elle n’appréciait pas non plus le fait de devoir toujours se débrouiller par elle-même.

Tomoe posa l’emploi du temps sur sa petite surface de bureau et retira les lunettes de soleil qui se trouvaient encore dans sa chevelure, qu’elle rangea dans son sac. C’est à cet instant qu’elle aperçut la machine à café. *God bless Germany !* pensa-t-elle. Bien qu’Anglo-japonaise, elle n’en restait pas moins native d’Italie, pays de l’expresso et du café de toute heure !

« Puis-je me faire un café ? » demanda-t-elle à Gabriel, décidée à ne pas utiliser le nom du grand blond.

Bien loin des affres linguistiques de la prononciation de son prénom pour la jeune femme, Gabriel ne pensait qu’à une chose : La douleur qui ne voulait pas quitter sa jambe, envahissant sa hanche et lui coupait toute envie de se lever. Ce qui hélas ne se mariait que moyennement avec la visite succincte mais néanmoins utile de la bibliothèque qu’il souhaitait effectuer avec sa nouvelle collègue.

Celle-ci s’était finalement décidée à faire le tour du comptoir et à prendre la place qui lui était due, tout en consultant leurs emplois du temps. Une des raisons pour laquelle Gabriel aimait ce post. Il disposait d’une liberté d’action assez conséquente, pouvant aménager les choses comme il le souhaitait. N’ayant pas d’obligations particulière, il avait rédigé ces emplois du temps avec neutralité, s’appliquant surtout à le rendre équilibré.

La question lui fit relever la tête, adressant un sourire un peu tordu à l’attention de sa nouvelle collègue.

« Il faudra penser à apporter du café alors, Nikome san. C’est la taxe de la cafetière. »

Le café et les Japonais. Encore une chose dont ils avaient réussi à détourner et quasiment même ôter la saveur. Mais en achetant ses paquets dans un petit producteur bio, il était parvenu à retrouver un goût presque honnête du divin breuvage.

« C’est un premier poste, ou vous avez déjà effectué ce genre de travail ? »

L’assurance avec laquelle il posait cette question ne laissait pas deviner que pour sa part, c’était effectivement la première fois, même si des mois de pratique et un sens désormais presque inné de l’adaptation l’avaient parfaitement accoutumé au lieu et à sa fonction. Pour tout dire, il appréciait même de travailler ici. Malgré leur jeune age, les étudiants étaient calmes et organisés, et il ne passait pas la moitié de son temps à faire le flic. Reposant.

La pointe de douleur revint, lui faisant serrer les dents, et il frotta sa cuisse avec la paume de sa main pour faire passer la douleur.

Tomoe hocha la tête à la réponse que formula son collègue. Sitôt la pause déjeuner arrivée, elle filerait chez elle pour ramener autant de café qu'elle pourrait, envoyé fraîchement d'Italie par ses parents. Le père de Tomoe l'avait prévenue du goût infect du café local, surtout si on le comparait au café italien, et les parents de la blonde lui faisaient parvenir par les moyens qu'ils trouvaient des boîtes et des boîtes pour qu'elle ne soit pas en manque de la boisson dont l'odeur l'entourait depuis sa naissance.

Après réflexion, Tomoe préféra attendre l'après-midi pour boire une tasse de café, effrayée à l'idée d'avaler le liquide sans goût et bien trop amer du café japonais. Elle regarda autour d'elle en silence, observant les étudiants livrés à leurs recherches, plongés dans de gros volumes. C'est à ce moment-là que Gabriel lui demanda si elle avait déjà été bibliothécaire par le passé, ou si c'était la première fois. Du haut de ses vingt-cinq ans, Tomoe n'avait pas une grande expérience du monde du travail, ayant été à l'université de ses dix-huit à ses vingt-trois ans, et ayant passé les deux années suivantes chez ses grands-parents pour améliorer son japonais. Autant dire qu'à part quelques petits boulots comme serveuse ou baby-sitter, Tomoe n'avait jamais travaillé.

"C'est un premier poste" répondit la blonde. "En tant que bibliothécaire, s'entend." se sentit-elle obligée d'ajouter.

Si Tomoe remarqua les grimaces de douleur de Gabriel, elle n'en dit pas mot. Elle ne demanda pas à son nouveau collègue s'il pouvait lui faire visiter la bibliothèque, ou quelque autre action nécessitant au grand blond de se déplacer.

S'imaginant mal passer la journée entière à se taire et à regarder ses ongles, Tomoe demanda à Gabriel :

"Depuis combien de temps travaillez-vous à Ginkgo, si ce n'est pas indiscret?"

(HJ désolée, c'est très court :s)

[Bon toi t’a intérêt à pas commencer à t’excuser pour la longueur des rps, de toute façons la longueur de mon popol contrebalance le chagrin de la plus courte des reps.

Et je m’excuse au passage du temps de réponse, la coupure m’a bloqué dans mon élan et du coup je savais pas trop quoi faire ‘_’;;; Si ça te dérange pas j’aimerais bien qu’on finisse ce topic assez vite quite à en refaire un autre histoire d’être ok temporellement parlant ^^ ]

Elle sembla hésiter un instant avant de répondre, se voulant plus assurée qu’elle ne l’était réellement, quand à son poste. Premier post, premier job, un bébé travailleur qui commençait dans le grand chemin de la vie de salarié. Sous de bons hospices visiblement, elle était jeune et semblait équilibrée. Et ce poste la restait un poste confortable.

« C’est indiscret. »

Répondit il du tac au tac, avant d’adresser un sourire amusé quoique tordu par la douleur à la jeune femme. Elle aurait intérêt à s'habituer à son humour.

« Je suis ici depuis environs 6 mois. »

Déjà 6 mois. Même plus peut-être. C’était étrange de se dire que tout ce temps s’était écoulé ici. Qu’elle n’était plus la depuis tout ce temps… Gabriel caressa furtivement son alliance. Elle lui manquait. Vraiment. Le deuil était une chose qu’il avait éprouvé à plusieurs reprises avec des amis proches et des connaissances, mais pour sa femme, c’était quelque chose d’insurmontable. Quelque chose qui lui donnait l’impression qu’il ne parviendrait jamais à passer au-dessus.