Kantaro Fugiwara [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] La réaction emportée d'Eiji lui fit aussi chaud au cœur que celle de Hugh, lui montrant au passage à quel point il avait fait erreur en gardant tout pour lui. Il avait des amis à présent. Probable que Sun aurait une réaction semblable quand il l'apprendrait. Il allait falloir qu'il change sa mauvaise habitude de ne compter que sur lui-même. Mais ... c'était plutôt une bonne chose en fait ... une très bonne chose.
Kantaro esquissa un léger sourire. C'était vraiment ... agréable, de les avoir ...
La question d'Eiji fit émerger le souvenir de cette fameuse colle et il acquiesça doucement de la tête. Après une brève hésitation, il précisa que le harcèlement avait débuté dès le jour de son arrivée au lycée. Maintenant qu'il y repensait, ça faisait quelques mois déjà. Il avait rencontré Hugh et Eiji quelques temps plus tard. Avec eux aussi les choses avaient beaucoup évolué.
La plaisanterie qui suivit les insultes sur le CPE, amena en revanche une moue dégoûtée sur les lèvres de Kantaro. Heureusement que c'était une tentative pour détendre l'atmosphère, autrement il aurait pu mal le prendre. L'idée le révulsait tout autant que le souvenir des mains de Manabu posées sur lui. Il réprima un frisson désagréable à cette image. Bon ... ça l'avait sans doute touché un peu plus qu'il ne le laissait voir.
Sans vraiment y penser, Kantaro appuya la demande de barbe à papa et regarda Eiji s'éloigner. Les paroles de Hugh trottèrent un moment dans sa tête avant qu'il ne se décide à tourner la tête vers son ami pour lui répondre.
" Oui. Promis. "
Ce qu'il pouvait être mignon avec cette mine où se mêlaient inquiétude et reproches. Etait-ce parce qu'ils étaient amis ? Ou y avait-il un peu plus ? Comment savoir ce qui se passait dans cette tête blonde qui le faisait chavirer ? Si seulement il pouvait avoir un indice, les choses seraient tellement plus simples ...
Un soupir s'échappa de ses lèvres tandis qu'il se décidait enfin à détourner le regard de sa contemplation.
" Jusqu'à présent je m'étais toujours débrouillé tout seul pour affronter mes problèmes. Je sais que je peux compter sur vous maintenant, mais c'est encore nouveau pour moi. Désolé, je ne sais pas encore très bien me confier. Mais je tacherais de ne plus garder les choses pour moi. "
Ne plus les inquiéter à posteriori, les impliquer dans sa vie, que ce soit pour les bons ou pour les mauvais côtés ...
" Tant que c'était du harcèlement moral, je pouvais gérer. C'était une sorte de défi. Ne pas céder face à lui. Mais ... j'avoue quand il a essayé de me violer, j'ai eu peur ... Je crois que j'aurais totalement paniqué si je n'avais pas eu quelqu'un à qui me raccrocher pour trouver la force de lui échapper ... "
C'était vrai. Penser à Hugh l'avait aidé, plus qu'un peu ... Parce qu'il était hors de question que quelqu'un d'autre que lui ne le touche. Est-ce qu'il serait capable un jour de lui dire tout ça ? Qu'est-ce que Sun lui avait dit déjà ? Ah oui ... se jeter à l'eau ...
Kantaro reporta son regard sur le blond, cherchant le courage et les mots qu'il fallait, et tentant de faire abstraction des takoyakis qui s'étaient soudainement mis à danser au creux de son estomac.
" Hugh, je ... Est-ce que ... Est-ce que tu accepterais de sortir avec moi ? "
Il l'avait dit, enfin ... et il n'avait plus qu'une envie : s'enfuir très loin. En fait, la réponse le terrifiait ... Parce que, quelle qu'elle soit, ça changerait tout ...
Le regard un peu flou, Hugh soupesait les paroles de Kantaro. Depuis la rentrée ... Il y avait un étrange malaise dont il ne parvenait à se défaire, suite à cette subite déclaration. Qui sait ce que le brun cachait d’autre ? Les mains jointes, Hugh tripotait ses doigts dans un geste nerveux qui ne lui était pas coutumier. Eiji était parti en quête de sucrerie, les laissant seuls un instant. Un petit vent tiède courrait, agréable sur sa nuque. Il releva le regard lorsque Kantaro reprit la parole après un soupir. Ses explications étaient un peu mécaniques et hésitantes, comme s’il n’était même pas sûr des mots à employer. Hugh ne l’aurait pas imaginé à ce point handicapé des relations sociales. Aurait-il du en être surpris ? Il était vrai qu’au final, Kantaro était souvent silencieux, un peu décalé, et il ne l’avait pas vu traîner avec beaucoup d’autres personnes qu’eux.
Un sourire torve étira les lèvres de Hugh. Il était mal placé pour penser ça. Lui même n’avait-il pas eut un comportement similaire, au fond ? Derrière des allures ouvertes et bout en train, il ne se liait pas vraiment. Et même maintenant ... Il avait reproché à Kantaro de ne pas avoir parlé, mais peut-être eut-il agit de la même manière. Au fond de lui, il doutait garder le contact avec eux une fois son année à Hamura terminée. A quoi bon ?
Hugh repoussa ses pensées, agacé de la tournure que s’amusait à prendre son esprit. Ce n’était ni le lieu ni le moment pour réfléchir plus en avant sur la véritable portée des relations et toutes ces choses qui échouaient forcement vers quelques réflexions peu heureuses. Mieux valait se laisser vivre et rire sans réfléchir, non ? Cette idée lui laissait un goût amer. C’était quoi au final, être vraiment lié ?
Kantaro continuait à parler, employant des mots qui firent s’agrandirent les yeux de Hugh tant ils étaient crus. C’était les faits, mais énoncés de manière si terre à terre, cela ne les en rendait que plus dérangeants. Les derniers mots de Kantaro lui firent légèrement froncer les sourcils, ne voyant pas où il voulait en venir. Quelqu’un à qui se raccrocher ? Les derniers mots de Kantaro éclaircirent la situation avec une soudaineté que le blond n’aurait pu voir venir.
Hugh fixa Kantaro avec une franche surprise, ayant soudainement l’impression que son cœur battait si fort à ses oreilles. Une rougeur franche marbrait ses joues pâles, tandis que les paroles du brun étaient passées en mode auto repeat dans sa tête, ne semblant plus vouloir s’arrêter de résonner. Veux-tu sortir avec moi. Depuis quand ... C’était gênant. Flatteur. Tentant. Surprenant.
« ... Je ne savais pas que tu étais attiré par les garçons ... »
... Certainement pas spontané et occasionné par sa présence. Hugh rapprocha ses genoux de sa poitrine, inspirant lentement, cherchant à se calmer. Il n’aurait pas cru devoir tenir ces propos envers Kantaro.
« ... Kantaro, je ... Si je ne m’étais pas montré ouvertement attiré par les garçons, est-ce que tu m’aurais demandé ça ? »
Le visage de Hugh s’était fait plus dur, tandis qu’il regardait son interlocuteur sans ciller, laissant pour un moment la gêne et ses propres sentiments de coté.
« Ça surprend, ça intrigue. Ça donne envie d’essayer. Mais moi, je sais bien que si je n’avais pas dit que j’étais gay, tu n’y aurais même pas pensé. »
C’était au final classique, et peu surprenant. Il avait déjà été confronté à cette situation, avec un ami d’un de ses cousins, qui s’était posé des questions sur sa propre sexualité suite à sa simple présence et avait du coup été tenté d’essayer avec lui. Parce que sa présence et son assurance sur ce sujet avec un petit côté fantastique qui dédouanait l’autre de s’être posé des questions de ce genre. Ce n’est pas moi, c’est ce gay qui m’a incité. Et d’avoir ainsi goûté au fruit interdit, satisfait sa curiosité, avant de retourner parmi les normaux, ceux qui draguaient des filles et n’avaient pas à se justifier de leurs préférences.
« ... C’est normal que ça te rende curieux et te fasse te poser des questions sur toi-même Kantaro, et je t’aime beaucoup, mais ... »
Mais je ne suis pas là pour satisfaire tes curiosités d’adolescentes, et je ne veux plus avoir de relation avec quiconque. C’eut été trop de mots acerbes. Et il semblait qu’il en ait déjà dit trop. Ses dents étaient plus serrées qu’il ne l’aurait imaginé, et il peinait à garder une expression neutre. Il se sentait le cœur serré.
Kantaro Fugiwara [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Ca faisait mal. Ca faisait horriblement mal ... Et chaque mot qui venait surenchérir sur le précédent, arrachait un lambeau supplémentaire parmi les sentiments qu'il avait exposé. Un simple non aurait été moins douloureux que ces justifications dont il n'arrivait pas à saisir le sens. Que se passait-il dans la tête du blond pour que sa demande reçoive une pareille réponse ? En temps normal, peut-être aurait-il réussi à tirer des informations au milieu de tous ces mots, mais là ... il n'arrivait pas à comprendre ... Si seulement les battements de son cœur pouvaient arrêter de lui vriller les tempes !
Il fallut un moment à Kantaro pour prendre vraiment conscience du silence. Seuls les derniers mots de Hugh résonnaient encore à ses oreilles. "
Je t'aime beaucoup, mais" ... Et ce "
mais" qui se répétait à l'infini comme porté par l'écho ...
Tandis que son regard était toujours posé sur le blond, les paroles remontaient péniblement le chemin inverse. Il fallait qu'il reprenne pied, qu'il comprenne ce que Hugh lui avait dit. Lentement, comme si les rouages du mécanisme de ses pensées étaient grippés, des bribes d'explications se formèrent, en même temps que l'incompréhension se dessinait sur ses traits.
Hugh pensait vraiment qu'il agissait par curiosité ? Qu'il se posait des questions sur son orientation sexuelle ? Et qu'il oserait utiliser un de ses amis pour satisfaire ses interrogations ? "
Je t'aime beaucoup, mais" ... Ou alors c'était une façon de dire non sans se mouiller ? De lui faire croire que c'était lui-même qui ne voulait pas réellement ?
Non ! Stop ! Ce n'était pas Hugh ça.
Hugh agissait en général pour se protéger. Alors ... Est-ce qu'il avait déjà vécu ce qu'il était en train de décrire ? Et dans ce cas, comment lui faire comprendre que ce n'était pas son cas ? Pourquoi Sun ne lui avait-il pas parlé de cette éventualité ? Qu'était-il sensé dire pour rattraper le coup ?
" Idiot ... "
Le mot était sorti tout seul et s'adressait autant à Hugh qu'à lui-même. Ils étaient deux idiots handicapés des sentiments. Pour des raisons totalement différentes, mais ça revenait au même. Ils se cachaient derrière leurs barricades et, à présent qu'ils voulaient se montrer, l'autre ne comprenait pas. Si au lieu de tout garder pour lui, Kantaro avait laissé voir ne serait-ce qu'un peu ce qu'il ressentait, ils ne seraient pas en plein quiproquo à l'heure actuelle. La leçon était amère, mais peut-être pas irrattrapable.
"
Je t'aime beaucoup, mais" ... Tais-toi ! Pas maintenant !
Prendre une inspiration profonde, respirer, et recommencer. Mais de façon plus claire cette fois. En répondant aux inquiétudes de Hugh. Lui montrer qu'il se trompait ... pour avoir une vraie réponse ... peut-être ...
" On en a déjà parlé, pendant les vacances. Je pensais que tu avais compris ... Pour résumer, je n'aime pas les filles et je n'éprouve pas plus d'attirance que ça pour les garçons. En revanche ... "
C'était vraiment difficile de mettre des mots sur ses pensées et surtout sur ses émotions, le tout en s'efforçant de ne pas lâcher son regard. S'il le perdait ne serait-ce qu'un instant, il craignait que ce ne soit pour toujours.
" Hugh ... ce que je ressens ... ça va au-delà de l'attirance ... Ce n'est pas de la curiosité ou un caprice ou quoi que ce soit d'autre. Je sais exactement ce que je veux, et il se trouve que c'est toi. Et si je n'avais pas su que tu étais attiré par les hommes, la seule chose que ça aurait changé, c'est que j'aurais continué à le garder pour moi. "
Une nouvelle inspiration, et reprendre. Continuer à parler tant qu'il en avait le courage.
" Tu me connais assez bien pour savoir que ce n'est pas une proposition lancée en l'air. Je suis très sérieux Hugh. Laisse-moi au moins une chance de le prouver. "
"
Je t'aime beaucoup, mais" ...
Juste une chance ... Et s'il devait le rejeter, que ce ne soit pas sous un faux prétexte.
Hugh eut du mal à ne pas détourner la tête face à l’expression de Kantaro, dont le masque de froideur s’effritait face à ses mots, laissant percer quelques un de ses sentiments. Il lui faisait mal. Il n’aurait jamais voulu ça. Hugh se sentait mal à l’aise, encore plus exposé qu’à l’habitude dans ce tee-shirt pas assez large pour qu’il s’y cache. Il résista à l’envie de croiser les bras pour se protéger. Bien. Il fallait qu’il arrange les choses, qu’il ne fasse pas trop souffrir Kantaro. Mais comment ? Le mot prononcé à voix basse le fit frémir.
Hugh ne savait trop par ou commencer. Laisser Kantaro prendre la parole lui semblait une bonne option. Il n’aurait jamais cru se retrouver un jour gêné de la sorte. Pourquoi ne parvenait-il pas à le planter là et à quitter les lieux, tout simplement ? Parce qu’il n’était pas totalement insensible à ce que lui disait le brun ? Parce que quelque part, au fond de lui, il aurait bien voulu se comporter comme n’importe quel adolescent, et dire oui sans réfléchir à plus loin ? Sauf qu’il en était incapable. Que le futur était désespérément noir, et qu’il ne voulait emmener personne avec lui là-dedans. Qu’il soit de nouveau abandonné, ou qu’il emmène quelqu’un dans son malheur, l’issue serait de toute manière des plus tristes. Alors, autant y aller seul.
Hugh baissa la tête, comme faiblissant sous des coups invisibles. Ils en avaient parlé durant les vacances ? Ah, oui ... Il avait souvenir d’une conversation confuse avec le brun, disant ne pas aimer les filles. Il n’aurait jamais pensé alors que ce fut une perche tendue à son égard. Le regard de Kantaro ne voulait pas lâcher et, comme mu par une force invisible, Hugh se retrouva contraint de le soutenir. Quelle était cette boule dans sa gorge ? Les propos de Kantaro, plaidant sa cause, étaient étrangement similaires à ceux que lui avait dit Brian, il y avait longtemps. Que c’était simplement « lui » qu’il voulait, peu importe son sexe.
Kantaro s’accrochait, argumentant de cette manière posée qui lui était propre, même si sa voix tremblait un peu. Hugh lui, se sentait trembler de tout son corps. Il posa ses mains sur ses genoux, cherchant à retrouver une contenance.
« ... Tu trouveras quelqu’un de bien à un moment ou un autre Kantaro ... Tu es quelqu’un de bien ... Mais ... Ça ne doit pas être moi. »
Il s’était juré. Il s’était juré qu’il n’aurait plus de relation avec qui que ce soi. Parce que ça se terminerait forcement mal, quelle que soit l’issue. Qu’il se retrouve abandonné ou à faire souffrir des gens attachés à lui, ça se finirait mal. Alors, encore plus de cette manière là. Etre proche de quelqu’un à ce point ... Il s’était résolu à ne plus le faire. Ils étaient de toute manière trop jeunes pour parler d’amour, tous autant qu’ils étaient. Quant aux sentiments de Kantaro ... Ce dont il avait parlé précédemment, c’était un processus inconscient. On ne pouvait pas dire que ça n’avait pas eu lieu. En son fort intérieur, il était certain que s’il n’avait pas montré ses préférences, alors Kantaro n’aurait pas cru développer un attachement de cette sorte envers lui. Ca avait forcement été le déclencheur.
Sa poitrine lui faisait mal physiquement. Hugh porta la main à son cœur, le souffle court. Etait-ce l’angoisse, la tension de l’instant présent ? Ou une manière comme une autre d’exprimer à travers son corps ce qu’il ne parvenait à exprimer avec des mots.
« Je suis désolé Kantaro, je ne veux pas te faire de mal, mais je ... »
Les mots s’embrouillaient dans sa tête. N’était-ce pas inconsidéré de sa part de regarder ainsi Kantaro de haut ? Et si pour une fois, il ne réfléchissait pas et se comportait comme un adolescent de son âge, et non pas comme une âme adulte coincée dans un corps d’adolescent trop frêle ?
Ses yeux le brûlaient, et sans qu’il s’en rendre compte, commençaient à déborder.
Kantaro Fugiwara [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Encore ... Il lui faisait encore le coup de remettre ses paroles et ses sentiments en doute. Pourquoi faisait-il ça ? Il s'était déjà suffisamment interrogé lui-même pour ne pas avoir besoin d'en remettre une couche. Il y avait même passé des heures entières durant ses nuits d'insomnies, sur les cours de tennis, et même pendant les cours ... Mais quelques soient les raisons qu'il trouvait à ses sentiments, le résultat restait toujours le même. Et il en était venu à la conclusion qu'au final, peu importait la raison.
" J'ai déjà trouvé. "
Qu'est-ce que Hugh entendait par quelqu'un de bien ? Visiblement pas la même chose que lui. Ou alors c'était une façon de plus d'esquiver. Oui, c'était exactement ça. Et ça devenait vraiment douloureux et agaçant. Kantaro ne comprenait pas pourquoi son ami ne réussissait pas à faire preuve de sa franchise habituelle. Oui ou non, mais pas 'tu te trompes'. C'est une voix teintée à la fois de peine et d'agacement qui s'éleva pour répondre.
" Ne me dit pas ce que je devrais faire ou ressentir. Depuis tout à l'heure, tu ne fais que ça. Mais toi, qu'est-ce que tu veux ? Tu esquives la question et c'est ça qui me fait mal ... "
C'est à peu près à cet instant que Kantaro prit conscience des larmes s'échappant des yeux du blond. A quel moment avait-il commencé à pleurer ? Mais surtout ... pourquoi ?
La situation lui échappait totalement - si tant est qu'il l'ait contrôlée à un moment donné -, et Kantaro avait à présent l'impression d'assister à la scène de l'extérieur. C'est ainsi qu'il se vit enlacer Hugh, une de ses mains glissant dans la chevelure blonde et fine. Son rythme cardiaque avait encore accéléré, et il pouvait sentir celui du blond contre lui. A travers cette étreinte, il essayait tout autant de consoler et rassurer son ami, que de lui transmettre tout ce qu'il n'arrivait pas à dire.
" Hugh ... je ... désolé ... "
Ses bras tremblaient légèrement mais ne l'auraient lâché pour rien au monde.
" Pardon. C'est trop soudain. Je ... j'attendrais ... J'attendrais que tu sois capable de me donner une vraie réponse. Garde juste en tête que ... je t'aime ... "
Les deux derniers mots avaient été prononcés à mi-voix, alors que ses lèvres effleuraient la tempe de Hugh. Un aveu qui lui donnait l'impression de s'être mis à nu. Mais, il avait eu le sentiment qu'il devait le dire, comme pour couper court aux objections de l'autre jeune homme.
Le temps semblait s'être arrêté, dans ce petit coin du parc à l'écart de la foule. Même les musiques des attractions jouaient en sourdine, comme pour ne pas les déranger.
Figé, Hugh retint l'envie de se mordre les lèvres. Il savait que ça les faisait saigner bien plus que de nécessaire. Kantaro était agacé de ses réponses, c'était compréhensible. Comment eut-il pu prendre ses propos autrement que comme une injure à ce qu'il était ? Ce n'était pas le but de Hugh, mais le fait était qu'il se sentait ... détaché ? après ? Un peu comme s'il était plus vieux, avait vécu plus de choses, et voyait les choses avec une objectivité que le garçon face à lui ne pouvait pas avoir, tant il était impliqué dans ses sentiments. Il ne cherchait pas à lui dire quoi ressentir, mais plutôt à lui exprimer de la manière la plus honnête qui soit ce qui s'affichait pour lui comme la plus claire des évidences : l'attirance de Kantaro à son égard n'était pas mue uniquement par sa simple fréquentation, il y avait forcement autre chose. Quelque chose qu'il projetait à travers lui, quelque chose qu'il avait cru voir en lui.
Depuis quand ... pleurait-il ? A quel moment le barrage érigé avec un soin minutieux en lui-même s'était ainsi effondré ? Il ne vit pas le moment où Kantaro l'attira contre lui, et eut l'impression de se retrouver subitement contre la poitrine du brun, celui-ci le serrant avec une ferveur tremblante contre lui, comme s'il avait peur qu'il ne s'échappe ou ne s'évapore.
Un court instant, Hugh oublia tout ce qu'il y avait et après, pour juste apprécier, alors qu'il fermait les yeux, la sensation si agréable de deux bras l'entourant de cette manière. Depuis combien de temps personne ne l'avait pris dans ses bras ? La main de Kantaro était douce dans ses cheveux.
Alors que le brun s'excusait, Hugh reprit pied avec la réalité, prenant alors conscience d'infimes détails qu'il avait occulté : la position un peu inconfortable de sa jambe, le fait qu'il avait, sans s'en rendre compte, agrippé le vêtement de Kantaro lui aussi, l'enlaçant à moitié ... La voix du brun proféra quelques excuses hachées qui succédaient étrangement à ses oreilles après la colère, avant de finir sur des mots qu'il n'auraient pas imaginé entendre, tandis que les lèvres du jeune homme effleuraient sa tempe, lui déclenchant des frissons dans le dos.
Se laisser aller, sans réfléchir ... Peut-être que ce n'était pas si difficile. Tous les autres de son âge le faisaient bien, non ? Ils se faisaient de grandes déclarations et brûlaient les étapes, avant de se séparer sans état d'âmes. Peut-être devrait-il le faire, lui aussi. Vivre ainsi, pour le reste de l'année, avec Kantaro, avant que la vie ne les sépare et qu'ils ne poursuivent leur chemin chacun de leur coté par la suite. Même si les mots trop lourds de sens de Kantaro le mettaient quelque part mal à l'aise.
Hugh leva lentement la main, essuyant furtivement ses yeux, avant de relever la tête, son visage plus proche de celui du brun qu'il ne l'avait jamais été, à tel point que leurs souffles pouvaient se mêler.
" Ce n'est pas si facile que ça en a l'air, tu sais. Les gens se moquent, te méprisent ou t'agressent. "
Son visage s'était fait plus sombre tandis qu'il énonçait cette étrange mise en garde au brun. Se rendait-il vraiment compte de tout ce qu'incluait une potentielle relation entre eux ?
Quant à lui ... Hugh était bien en peine de définir ses sentiments. Il s'était interdit de ne serait-ce qu'envisager une relation avec quelqu'un, alors ... Les fantasmes et autres rêveries sous la douche à propos de son entourage plus au moins proche n'avait rien à voir. Tiens, d'ailleurs en y pensant, il lui était arrivé de fantasmer sur Kantaro. Plus d'une fois. Il sentit ses joues chauffer à cette pensée déplacée en cet instant.
" Il ne suffit par d'être deux pour que les ennuis disparaissent. "
Et puis d'abord, qu'entendait-il vraiment par sortir ? Réalisait-il vraiment ce qu'il demandait, ce que ça impliquait ? Fugacement, l'image d'Eiji s'infiltra dans ses pensées, nimbée d'une certaine tension. Autant parce que le sportif lui plaisait, d'une certaine manière, que parce qu'il imaginait sans mal sa réaction à une telle situation.
Kantaro Fugiwara [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] S'il avait pu, Kantaro aurait arrêté le temps sur cet instant où Hugh l'avait agrippé. Le corps du blond semblait réagir positivement à sa déclaration, comme une réponse gestuelle inconsciente pour contredire ses paroles. Ca avait un côté encourageant mais ... Qu'est-ce qui pouvait bien le bloquer ? Pourquoi pleurait-il ? Pourquoi ... pourquoi ce n'était pas simple ?
C'est à regret que le jeune homme laissa son ami s'écarter un peu de lui. Son visage si proche, son souffle chaud un peu saccadé, ses lèvres encore humides de larmes ... S'il s'était écouté, il les aurait scellées d'un baiser. Parce qu'il en avait envie depuis si longtemps ... et parce qu'il ne voulait pas entendre ce qu'il présageait être à nouveau une non-réponse ... Mais ce n'était pas quelque chose qui se faisait et, surtout, ce n'était pas lui. Quoique s'il y pensait ...
Kantaro soupira doucement aux paroles du blond. Encore ... Sauf que cette fois, c'était les autres qui lui servait d'esquive. Bon. Il avait compris. Il n'aurait pas de réponse. Du moins, pas maintenant. Mais tout de même ... Depuis le temps qu'il se retournait la tête pour comprendre ce qui lui arrivait, il avait eu de quoi en faire le tour plus d'une fois.
" Je me moque pas mal de ce que peuvent penser les gens et je suis parfaitement capable de me défendre si besoin. Je suis peut-être maladroit pour exprimer ce que je ressens, mais je suis loin de ne pas comprendre ou d'être aveugle sur tout ce que ça implique. "
Il avait parlé de façon calme, presque à mi-voix, presque pour lui-même. A ce stade, il se sentait surtout las. Et puis, une partie de lui n'oubliait pas qu'ils étaient au parc d'attraction, qu'Eiji allait revenir sous peu, et qu'ils étaient sensés fêter son anniversaire. En fait, il aurait mieux fait de se taire encore un peu, de choisir un meilleur moment ... Mais c'était quand "le bon moment" ?
Kantaro s'écarta un peu plus de Hugh, relâchant son étreinte et éloignant ce visage trop tentateur. Un léger sourire et ses doigts allèrent faire disparaître une larme oubliée sur le visage du blond, avant de rompre définitivement le contact physique. S'il le touchait plus longtemps, ce serait encore plus dur. Ca l'était déjà suffisamment comme ça.
" Désolé ... Je ... Eiji ne devrait plus tarder à revenir ... "
Changer de sujet, et vite. Revenir à une situation plus normale, pour ne pas gêner ses deux amis. On ne pouvait pas dire qu'il savait choisir ses moments pour annoncer les choses, quelles qu'elles soient, mais se planter deux fois de suite, c'était plus que ce dont il était coutumier. Et il avait beau faire bonne figure, la boule qui s'était formée au creux de son ventre avait un goût amer ...
Hugh se recula quelque peu sans s’en rendre compte, comme si son corps prenait les décisions à sa place, estimant qu’il s’était suffisamment laissé aller dans les bras du brun. Toujours si posé et sûr de lui, Kantaro lui répondit sans se démonter, de manière pratique et terre à terre, affirmant comprendre et maîtriser les tenants et aboutissants de tout ce qu’incluait "sortir avec lui". Le sourire de Hugh était amer. Savoir et réaliser étaient deux choses bien différentes.
Kantaro était peiné. Il le voyait au ton de sa voix, à sa posture et à son regard. Qu’était-il sensé faire ? Lui répondre spontanément "oui" ? C’était quelque chose tellement hors de propos ... Il voyait bien ou une relation pareille mènerait : nul part.
La main de Kantaro effleura sa joue, le surprenant tandis qu’il essuyait une larme restée en suspens. Hugh se força à sourire, donnant lieu à une étrange grimace tordue.
« Je pleure un peu trop, pour un garçon. »
Il se frotta une dernière fois les yeux, reculant plus que nécessaire pour rétablir une distance correcte entre lui et Kantaro. Il détourna bien vite la tête pour regarder le parc, faisant mine de réfléchir vers quelle attraction se diriger ensuite. Effectivement, Eiji n’allait pas tarder à revenir, et se montrer proche l’un de l’autre face à lui était la dernière chose qu’il ait envie de faire. La réaction d’Eiji : une autre chose qu’il n’avait pas mentionnée, mais bien sous entendue. Le sportif aurait certainement bien du mal à ne serait-ce que concéder une relation entre eux deux ...
« Je vais réfléchir. »
Les paroles s’échappèrent de ses lèvres sans qu’il ne l’ait vraiment voulu, le jeune homme n’arrivant pas à se résoudre à énoncer un véritable "non". Le regard obstinément fixé vers le parc, il s’efforçait de reprendre le contrôle de lui même, pour ne pas afficher une mine défaite lorsque Eiji les aurait rejoints.
Non content d'avoir fait 15 minutes de queue pour récupérer deux barbes à papa et un paquet de churros, Eiji avait à dessein ralenti le pas pour rejoindre Kantaro et Hugh. Il y avait beau avoir du monde et beaucoup de passage dans le parc d'attraction, il était difficile de ne pas reconnaître la petite tête blonde caractéristique de l'américain. Alors quand celle-ci était blottie contre une autre silhouette, qui ne pouvait être que celle de Kantaro ... Eiji préféra ralentir pour ne pas se retrouver confronté à une situation dont il ne voulait absolument rien savoir.
Ils ne pouvaient pas éviter de faire ça juste sous son nez ? Certes, ils avaient attendu qu'il parte chercher les friandises ... Le jeune homme inspira, essayant de réfléchir rationnellement : si l'homosexualité de Hugh - et de Kantaro ? - le mettait mal à l'aise, il appréciait quand même les deux autres garçons. Tant qu'ils ne faisaient rien sous son nez, il n'avait pas à leur reprocher ... et ils restaient ses amis. Pas besoin de se prendre plus la tête que ça.
Quand Eiji arriva au niveau des deux autres, dur de faire comme si de rien n'était : les deux jeunes gens regardaient résolument chacun de leur côté, Hugh fixant la fontaine avec passion et Kantaro étudiant le grand huit comme s'il pouvait dépecer son anatomie rien qu'en le regardant. Un peu flippant comme situation. Eiji fourra l'énorme confiserie rose et mousseuse sous le nez de Hugh.
" Désolé de l'attente, il y avait pas mal de queue. "
Dans le genre, je suis sourd et aveugle, je ne vois rien et je ne veux rien savoir, Eiji se posait en maître. Qu'aurait-il pu dire de toute façon ? Il ne savait pas ce qui s'était passé, et même s'il avait voulu savoir, n'aurait pu être que de mauvais conseil. Avec un peu de chance, le malaise n'était dû qu'à lui et se lèverait dans la journée. Pensée douloureuse s'il en était, et que lui-même avait du mal à accepter vu l'expression des mauvais jours qu'arborait Kantaro. Hugh était bien plus doué que lui pour dissimuler ses expressions.
Machinalement, il plongea la main dans le paquet de churros, manquant de se brûler avec les beignets. S'occuper la bouche lui semblait une excellente idée à l'instant. Occuper le silence pesant entre les deux aussi. Et ne pas penser à ce qui perdurerait une fois qu'ils seraient tous rentrés dans leur chambre.
" Vous voulez faire quoi maintenant ? "
Le retour d’Eiji signa la remise en branle d’une situation comme figée d’une pièce de théâtre dramatique, les postures en moins. Hugh se saisit avec plaisir de la barbe à papa, y goûtant avec empressement, mais se gardant d’en proposer à Kantaro pour une rare fois. Celui-ci était d’ailleurs occupé, lui aussi, à attaquer la sienne sans se départir de sa réserve. Malgré la situation passée, les deux jeunes hommes donnaient bien le change. Ne restait que cette infime tension qui flottait dans l’air, s’obstinant à venir leur caresser les joues.
Sans qu’on ne sache vraiment comment, la machine reprit sa route, Hugh débordant d’un enthousiasme qu’il ne figurait pas avant, suivi dans cette initiative par Kantaro qui en faisait peut-être même un peu trop, sortant de sa réserve habituelle et donnant à Eiji l’impression que toute cette bonne humeur était bien plus flippante qu’autre chose. Et le poussant à agir de même pour donner la réplique à ses compagnons.
C’est donc une bande on ne peut plus classique de jeunes hommes riant et plaisantant qui continua d’arpenter les allées du parc d’attraction. Sous toute cette bonne humeur feinte, peut-être percèrent quelques instants de sincères amusements ? Eiji fit montre de ses talents à l’arc, gagnant une peluche d’un goût presque honnête à Hugh. Ils manquèrent de tomber à l’eau en se chamaillant lors d’une ballade sur les cygnes du parcours des amoureux, et luttèrent de toutes leurs forces pour ne pas mourir dans la démoniaque maison des poupées, qui se voulait pourtant enfantine.
Emportés par cette effervescence, l’après-midi s’écoula rapidement, entre rires et amusements, tandis que Hugh réalisait l’exploit de ne pas toucher ni même effleurer Kantaro, et que celui-ci réussit à ne quasiment pas croiser son regard.
C’est avec quelques skills supplémentaires en matière de théâtre et des doutes qui ne demandaient qu’à s’étendre au fond de leur cœur que les jeunes gens regagnèrent finalement Hamura tandis que la journée touchait à sa fin, les musiques tapageuses du parc d’attraction diminuant d’intensité au fur et à mesure qu’ils s’éloignaient.