Hugh s'étira avec paresse. L'ombre des arbres au sol était mouvant, s'amusant à glisser sur ses avants bras nus pour y former moult motifs changeants. Le blond ramena ses bras sur ses genoux, posant un instant son menton pour observer, un léger sourire aux lèvres, les sportifs en plein effort. Il avait une certaine fascination pour le sport, certainement parce que cela lui était interdit. Il enviait un peu ceux qui pouvaient pousser ainsi leur corps avec pour seule limite leur fatigue physique ou leur volonté, et qui ne devenaient pas complètement neurasthénique au moindre effort.

Il déplia ses jambes, reprenant son carnet ouvert sur ses genoux. Il profitait actuellement d'un après-midi de libre après les cours. Nombreux étaient les élèves qui profitaient de cet après-midi de libre pour s'adonner à leur sport préféré. Lui faisait un peu de même, sauf que c'était ses dessins qu'il était venu entraîner. Hugh s'était mis en tête de dessiner un manga de sport. Il s'était vite retrouvé confronté au souci des personnages en action, et était venu là pour glaner quelques infos. Il avait son appareil photo dans son sac à dos, mais hésitait à le sortir. Pourtant, ce n'était pas l'envie qui manquait.

Non loin devant lui, sur le terrain de sport, nombreux étaient ceux à s'exercer, et parmi eux, un jeune homme retenait particulièrement son attention. Un grand garçon aux cheveux étrangement clairs pour un japonais, qui enchaînait étirement sur étirement après plusieurs tours de terrain furieux. Hugh ne savait pas ce qu'il préférait chez lui : sa manière de courir comme s'il eut piétiné à chaque pas plus violent que le précédent toutes les contrariétés qui semblaient amener un jour d'orage sur son visage, ses jambes souples et musclées, ou la courbe de ses hanches qui saillait sous le ravissant short de sport qu'il portait. Il avait également remarqué un tatouage sur l'omoplate du garçon, mais sans parvenir à voir de quoi en il en retournait. Oui, vraiment, sortir l'appareil photo était tentant. Et pas seulement pour étudier les mouvements d'étirement au sport.

Pensif, Hugh mordillait le bout de son crayon, sans lâcher le jeune homme des yeux. Il faisait chaud ... Hugh ferma les yeux un instant. Il n'était plus habitué au climat japonais. Tiens ? N'était-ce pas un furin qu'il entendait tinter quelque part au loin ? Un sourire fleurit sur ses lèvres à ce son quotidien. Il se demandait ce qu'il ferait cet été. Certainement rejoindrait il ses cousins, comme à l'accoutumé. A moins que quelque chose ne le retienne ici ? Mais il en doutait.

Rouvrant les yeux, il baissa la tête sur son carnet, esquissant quelques silhouettes en action, concentré sur les garçons sur le terrain, son regard coulant malgré lui plusieurs fois sur le grand jeune homme au tatouage. C'est alors qu'une silhouette, remontant la pente herbeuse sur laquelle il était assis, passa dans son champ de vision, lui coupant la vue. Il s'agissait d'un autre jeune homme d'à peu près son âge, au visage fermé, qui sortait appartement d'une séance de tennis, comme en témoignait l'étui qu'il portait à la main. Ses cheveux étaient collés à ses tempes par la transpiration, mais pourtant il n'avait aucune bouteille d'eau avec lui. Hugh haussa un sourcil à cette image inhabituelle. Peut-être le sportif l'avait-il oublié ? Pourtant, avec sa fine monture de lunettes et son air fermé, il ne semblait pas du genre tête en l'air. Hugh glissa la main dans son sac. Il avait pris une petite bouteille d'eau au distributeur avant de venir s'installer ici, et l'eau était encore fraîche. Il hésita un instant, avant de héler le jeune homme sans gêne apparente.

" Hey ! "

Hugh affichait un air paisible, les bras croisés par dessus ses jambes repliées, sa main libre tenant du bout des doigts le carnet dont il avait gardé la page en court avec son index. L'autre agitait nonchalamment la petite bouteille d'eau à l'intention du jeune homme.

" Une petite soif ? "

En terme de joli minois à mater, celui-là était déjà plus proche. Même s'il ne devait pas sentir la rose vu son état. Bah, en plein air, ça ne devait pas causer grand souci ...

Dans un bruit mat, la balle jaune heurta violemment le cordage de la raquette et repartit à l'autre bout du terrain, où elle rencontra un second cordage qui lui infligea le même traitement. Le souffle court, aucun des deux garçons ne semblait vouloir concéder l'avantage à l'autre. De niveau équivalent, ils en étaient arrivés au jeu décisif pour pouvoir se départager. La balle traversa une nouvelle fois le terrain mais échappa à la raquette et alla s'écraser sur le bord extérieur de la ligne blanche. Out.

" Si j'avais su qu'elle serait out, j'me serais pas fatigué à courir après ! "
" C'est vrai qu'elle était limite ... "

Kantaro se redressa, le cœur battant. Il y avait cru un instant, lorsque son adversaire avait raté la balle de peu, mais il avait un peu trop appuyé son revers et, au final, c'était lui qui perdait le set. Malgré tout, il était plutôt satisfait. Il avait un niveau très légèrement au dessus de la moyenne, rien de mirobolant, mais il s'ennuyait ferme en jouant contre des amateurs, tout en étant bien incapable de suivre le rythme des sportifs. Du coup, il avait parfois du mal à trouver un joueur de niveau équivalent au sien. A son arrivée à Hamura, il avait commencé par observer le jeu des adeptes du terrain de terre battue et avait fini par repérer Shôta. Au bout de deux jours d'entraînement commun, ils étaient tombés d'accord pour un petit match en un set, qu'il venait de perdre.

Les deux adolescents ne s'entendaient pas trop mal au final et décidèrent donc de poursuivre les entraînements ensemble, chaque fois que leurs emplois du temps respectifs le permettrait. Ils se séparèrent sur une poignée de main et Kantaro rejoignit le banc où il avait laissé ses affaires. Il déposa sa raquette et attrapa sa serviette d'un geste vif pour s'essuyer le visage, totalement oublieux de la bouteille d'eau glissée dessous pour qu'elle ne chauffe pas au soleil. Cette derrière fit un vol plané sur trois mètres, avant d'aller s'éclater sur une des pierres au pied du grillage.

" Et merde ! "

Kantaro soupira en regardant l'eau se déverser sur la terre. Il n'avait plus qu'à retourner aux vestiaires sans avoir pu se désaltérer. Ce n'était vraiment pas le bon jour avec cette chaleur !
Pestant contre lui-même, il rangea sa raquette dans son étui, passa sa serviette sur les épaules et alla ramasser la bouteille perforée dans laquelle ne restait plus qu'un fond d'eau. En quittant le terrain, le jeune homme jeta ce qu'il restait de sa défunte bouteille en plastique dans la poubelle la plus proche et prit la direction des vestiaires.

Boire, se doucher, se changer, grignoter un morceau ... Il lui resterait encore une bonne partie de l'après-midi après ça. Ayant déjà bouclé ses devoirs, il avait tout son temps libre. Qu'allait-il pouvoir faire des heures qu'il lui restait ? Et s'il sortait en ville voir ce qu'il y avait à croquer. Il ne connaissait pas encore Hamura, c'était donc en quelque sorte une terre nouvelle pour ses envies artistiques. Oui. Pourquoi pas ...

Kantaro était plongé dans ses pensées lorsqu'il entendit une voix appeler. Il tourna la tête pour voir un jeune homme blond assit dans l'herbe qui regardait dans sa direction. C'était lui qu'il appelait ? L'adolescent s'immobilisa et regarda autour de lui, mais il n'y avait personne d'autre de proche qui aurait pu être la cible de l'interpellation. Lorsque le blond proposa sa bouteille d'eau, Kantaro resta perplexe. Qu'est-ce qu'il lui voulait au juste, celui-là ? Il le fixa un moment, affichant l'air d'un nobliau estomaqué qu'un manant vienne lui faire une accolade - ce qui était le cas à peu de choses près d'ailleurs.

Il s'apprêtait à reprendre son chemin vers les vestiaires lorsque son regard se posa sur ce que tenait le jeune homme. A peu de chose près, il possédait le même carnet, celui-là même qu'il envisageait d'emmener avec lui en ville quelques secondes plus tôt. D'une manière générale, Kantaro n'était pas d'une curiosité dévorante. Mais quand il s'agissait d'art ... L'hésitation ne fut pas de longue durée et il s'approcha de l'inconnu, prenant finalement la bouteille qu'on lui tendait. L'eau était fraîche et un véritable soulagement pour son corps assoiffé, qui manifesta son plaisir par un léger frisson.

" Merci. "

Kantaro resta debout un instant, jetant un coup d'œil aux terrains de sport en pleine effervescence. Puis, comme attiré par un aimant, son regard se reposa sur le carnet. Il finit par s'asseoir dans l'herbe et rendit la bouteille à moitié vide au blond. Il ouvrit la bouche, la referma, puis lança la question qui lui brûlait les lèvres.

" Tu dessines ? "

Mais dans sa tête, la question était plutôt : "Est-ce que je peux voir ce que tu dessines ?".

Les yeux mi clos à cause de la lumière, un sourire mutin sur le visage, Hugh s'amusa de la réaction de son interlocuteur qui avait alors l'expression outragée d'un chat à qui l'on aurait barré le passage. Comme s'il trouvait inconcevable que l'on puisse lui adresser la parole. Mais l'appel de l'eau fut apparemment le plus fort, puisqu'il se saisit finalement de la bouteille d'eau tendue, buvant à longues gorgées. Une goutte d'eau coula furtivement sur son menton, descendant sur son cou, éparpillant le rayon de lumière qui s'y était posé en myriades de lueurs. Hugh profita de cet instant pour détailler des pieds à la tête son interlocuteur. Sa tenue et ses lunettes lui donnaient un faux air de Tezuka Kunimitsu dans "Prince of tennis". Son expression austère aussi y était pour quelque chose. Hugh se morigéna mentalement, il était vraiment un "otaku" pour établir ce genre de comparaison ! Mais il fallait avouer que c'était tentant.

Kantaro tourna son regard vers les terrains de sports, imité en cela par Hugh. Le garçon au tatouage était toujours là, et apparemment il avait pris conscience d'être observé. Hugh ne se démonta pas, continuant à le fixer du regard avec un léger sourire. Il lâcha son regard lorsque le joueur de tennis lui rendit sa bouteille, le forçant à se tourner vers lui pour la récupérer, dévoilant par ce geste, dans un instant furtif, la cicatrice sur sa poitrine qu'il dissimulait inconsciemment grâce au pli de son tee-shirt. Le jeune homme face à lui sembla hésiter, avant de poser LA question. Hugh dodelina de la tête, tenant la bouteille du bout des doigts.

" Tu sais, tu peux la garder. Je ne voudrais pas t'imposer un baiser indirect. "

L'expression du blond était amusée, apparemment peu soucieux de comment réagirait le jeune homme face à lui. Il ne draguait pas Kantaro. Il ne cherchait pas à dissimuler son attirance pour les jolis garçons non plus. Un comportement un peu trop franc qui n'aurait pas fini de lui attirer des ennuis. Il posa la bouteille dans l'herbe, redressant le carnet qu'il tenait à la main dans un geste tranquille. C'était son carnet de croquis habituel, un brave méli-mélo contenant divers croquis d'observation plus ou moins réussis, des crayonnés de ses personnages, des mises en page, des notes et des dates de rendez-vous à l'hôpital. Un joli petit foutoir quoi. Hugh eut une petite moue. Il n'avait pas l'habitude de partager ce jardin secret là. La seule personne avec qui il l'eut fait l'avait totalement et irrémédiablement abandonné. Ça laissait un drôle de goût dans la bouche, malgré le sourire qu'il s'efforçait toujours d'avoir.

" Un peu. Tu veux regarder ? "

La proposition était simple et honnête, sans fioriture ou arrogance. Hugh proposait un simple partage.

Après avoir lâché une phrase dont Kantaro n'était pas certain de l'interprétation qu'il devait en faire, le blond redressa son carnet à dessins. La moue qu'il affichait laissait deviner une certaine réticence à parler de ses croquis et le jeune homme se demanda s'il n'avait pas commis une erreur en lui posant la question. Après tout, lui-même était peu enclin à montrer ses "œuvres" - s'il pouvait utiliser ce terme pour parler de ses gribouillages -. En fait, pour lui, dessiner relevait du plaisir et de l'expression de ses émotions. Il était difficile de partager quelque chose d'aussi personnel. Peut-être était-ce également le cas de son interlocuteur. Il pouvait comprendre ...
Pourtant, Hugh finit par lui proposer de regarder son carnet. Ah ! Bien sûr qu'il voulait voir ! C'était la seule et unique raison qui l'avait poussé à accepter l'eau. Kantaro acquiesça donc d'un signe de tête et prit délicatement l'objet si précieux entre ses mains.

Une petite moue amusée se dessina sur les lèvres de l'adolescent après quelques pages. Déjà qu'il trouvait que son carnet était un joyeux bordel, celui-ci était encore pire. Un vrai régal. Au fil des pages, il découvrait à la fois les dessins et leur auteur. D'après les annotations en anglais - et l'accent - il devait être d'origine américaine. Le mot "hôpital" revenait trop souvent pour être anodin. Le style graphique était très inspiré manga - tout en ayant déjà une touche personnelle marquée - et, à en juger par les derniers croquis, il se lançait dans une histoire autour du sport ...

Kantaro releva la tête et observa le terrain en face d'eux. Le point de vue était effectivement idéal pour observer et étudier les mouvements des sportifs. Parfait pour un travail d'étude avant de se lancer. Le blond faisait bien les choses. Il replongea sur les crayonnés quand un détail attira son attention. Sur une seule page, ce n'était pas frappant, mais sur l'ensemble du carnet ... Le jeune homme eut soudain une idée plus précise de ce que pouvait sous-entendre le "baiser indirect" évoqué plus tôt.

Il rendit le carnet, ouvert à la dernière page de croquis et s'étendit sur l'herbe, les mains sous la tête. Des rayons de soleil s'amusaient à lui faire de l'œil à travers les branches mouvantes. Tiens ... C'était le genre d'angle de vue qu'il n'avait pas encore testé ...

" J'aimerais bien pouvoir dessiner les portraits comme tu le fais. Les expressions des visages ... Tu les rends très bien. "

C'était vraiment sa bête noire. Dessiner les contours d'un visage, ça allait. Mais dès qu'il fallait commencer à y mettre la bouche et les yeux, qui étaient ce qui donnait vie aux portraits, il bloquait systématiquement. Du coup, ses rares croquis d'êtres vivants étaient ceux d'animaux, ou d'humains de dos. Quelques tentatives de portraits traînaient dans ses cartons, toutes raturées ou inachevées.

" Tu veux être mangaka ou c'est juste un loisir ? "

Un court silence s'étira entre eux deux, alors que l'ombre des feuilles agitées par le vent faisait glisser sur leurs visages d'étranges ombres mouvantes. Kantaro, malgré sa tenue décontractée de tennisman, avait l'air quelque peu rigide. Peut-être était-ce du à ses lunettes ? Mais quelque chose dans son regard venait démentir cette image. Il prit le carnet avec une sorte de dévotion qui fit sourire Hugh. Ça n'en méritait pas tant. Tandis que le jeune homme feuilletait les pages avec lenteur, apparemment réellement intéressé, Hugh croisa les bras sur ses jambes, regardant le terrain sur lequel les sportifs s'activaient. Le grand gars y était toujours. Effronté jusqu'au bout des ongles, Hugh tendit la main vers son sac, récupérant son appareil numérique, et le porta à ses yeux. Son zoom était-il assez puissant pour obtenir une image correcte du coureur ? C'est alors que celui-ci partit à toute vitesse pour un nouveau tour de terrain. Hugh n'obtint qu'une silhouette floue sur son appareil. Il fit la moue, un peu déçu.

L'américain coula son regard vers le jeune homme encore occupé à feuilleter son carnet. Hugh réalisa soudainement qu'il pouvait très bien être en train de lire diverses choses assez personnelles. Quoique. Hors contexte, quand bien même certains mots parlaient d'eux-mêmes, ses dates de rendez-vous ou de médicaments à récupérer ne pouvaient pas évoquer grand chose à un néophyte. Pas un instant, Hugh ne se soucia de certaines esquisses qui auraient mérités une gentille mention NC 13. Ce n'était pas quelque chose dont il avait honte ou dont il craignait les commentaires. Son carnet lui fut rendu en silence, ouvert à la page en cours, et Hugh le prit dans ses mains avec un léger sourire. Il fut surpris de voir le jeune homme s'installer à coté de lui dans l'herbe, non pas assis mais carrément allongé, les mains sous la tête. Il avait peut-être simplement du mal à s'exprimer. Il n'allait pas lui lancer la première pierre. Et puis, sur ce plan là, il ressemblait un peu à Brian quelque part. Une ombre passa dans le regard de Hugh. Voilà bien quelque chose auquel il était inutile de penser. Il y avait plus intéressant, comme par exemple "Ai-je bien pris de la crème solaire dans mon sac ? Ma peau habituée au bronzage cathodique pourrait bien être altérée par ce chaud soleil.", ou alors "J'aurais du prendre un bob, vraiment, ça tape. Heureusement qu'on est à l'ombre."

Kantaro ouvrit finalement la bouche, avec un petit commentaire à l'égard de ses dessins. Hugh n'avait pas fréquenté assez de jeunes de son âge pour supporter les sempiternelles "Tu sais faire les portraits ? Tu peux me dessiner ?" et autres "Tu as un don, moi j'arriverais pas à faire ça." pour pouvoir être empli de préjugés par rapport à ce qui allait lui être dit. Et quand bien même eut-il entendu ces sempiternels refrains ... Dans la bouche de Kantaro, les mots avaient une autre signification. Plus sincères et intéressés.

" Bwarf... C'est facile en bd, de tout exagérer ... "

Le blond se passa la main sur la nuque, alors que son regard se coulait le long des jambes de Kantaro. Et s'il mettait des tennismen dans son manga ? Hugh tilta à retardement sur la remarque qui laissait préjuger que le jeune homme dessinait lui aussi. Il devait les attirer.

La question le laissa perplexe un court instant, chose rare chez lui. Elle le perturbait parce qu'elle avait trait à son avenir, chose qu'il n'envisageait même pas. Pragmatique, Hugh ne s'imaginait pas vivre au delà de 25 ans. Mais aussi, en dehors de ces pensées un peu trop sombres pour un jeune homme de son âge, parce qu'elles relevaient directement de la culture japonaise. Ça n'était en fait pas chose impossible, ici.

" ... Je t'avoue, je n'y ai jamais pensé. Je vis aux states, alors là bas, être mangaka ... "

Mais c'était tout autre chose en terre japonaise. Les postes d'assistants ne manquaient pas, et il savait avoir l'envie et la hargne nécessaire de tenir ce genre de poste et ensuite tenter de commencer sa propre série. Mais son corps lui, suivrait-il la cadence ? Il se souvint des remarques d'un docteur qu'il n'aimait pas du tout, qui disait qu'il se laissait trop aller, et qu'il pourrait certainement vivre comme un jeune homme normal s'il y mettait du sien. Le jeune homme plissa le regard, agacé de voir ses pensées dévier ainsi. Il en revint à son interlocuteur, allongé nonchalamment dans l'herbe.

" Tu veux bien rester là ? C'est sympathique d'avoir un modèle plus proche. "

Un après-midi comme les autres, où le chaud soleil de mai rendait l'entraînement encore plus agréable. Il ne devait pas être le seul à penser ainsi, et partageait le terrain de sport avec pas mal d'autres personnes, garçons et filles de toutes les classes. Qu'importe, il pouvait courir sans se soucier des autres, et c'était ce qu'il avait fait un long moment, avant de ralentir le pas et de se lancer dans une série d'étirements familiers.
Depuis plusieurs dizaines de minutes déjà il ressentait l'impression désagréable d'être observé. Sensation qu'il avait mis de côté comme stupide, vu qu'il était sur un terrain de sport au milieu de dizaines d'autres sportifs ... Il était logique qu'il y ait des témoins ou des observateurs.

Au cours de sa deuxième série d'étirements, le jeune homme se releva et se retrouva à fixer droit dans les yeux un jeune homme assis beaucoup plus loin dans l'herbe, au côté d'un autre garçon en tenue de sport. Si un regard avait pu tuer ... autant dire que Hugh n'aurait pas été seulement liquidé, mais probablement envoyé sur orbite très loin au delà de l'attraction terrestre. Eiji resta un instant figé, furieux et décontenancé, hésitant sur la conduite à tenir.

De quel droit le regardait-il celui-là ? Il n'y avait rien d'intéressant dans sa course ou dans ses étirements, et l'idée que le jeune homme puisse le regarder pour une raison purement esthétique lui donnait des envies de massacre. Heureusement pour Hugh, celui-ci était au final trop loin pour qu'il vienne lui demander des comptes. Traverser le terrain pour arriver jusqu'à lui avait quelque chose d'un peu trop vengeur, il devait le reconnaître malgré sa colère. C'était peut-être aussi bien, car Eiji n'aurait pas gardé son calme devant la situation. Sur un dernier regard noir, le jeune homme partit d'une foulée rageuse à l'extrême opposé du terrain de sport, fuyant le regard bien trop inquisiteur - et provocateur - du blond.

Plus facile de dessiner les expressions des visages en bd ? Kantaro esquissa une petite moue. C'était fort probable. Mais, et d'un, ce n'était pas son style de dessin, et de deux, même comme ça, il s'en savait incapable. A son niveau, ce n'était même plus un souci de capacité artistique, mais bel et bien un blocage psychologique. Les fantômes du passé étaient difficiles à chasser. En même temps, se serrait-il mis au dessin s'ils n'avaient pas existés ? Ha ! Vaste question ... mais pas vraiment utile ... Le jeune homme chassa ses pensées en même temps que la mèche de cheveux poussée devant ses yeux par un souffle de vent tiède. Le mois de mai était si agréable. A quoi bon se morfondre dans des interrogations métaphysiques qui n'avaient pas lieu d'être ...

Kantaro tourna la tête pour observer son interlocuteur. Le blond semblait perturbé par sa question. Peut-être n'avait-il jamais songé à son avenir. C'était courant chez les jeunes de leur âge. Vivre au jour le jour, sans penser beaucoup plus loin qu'à demain. Et la réponse vint lui confirmer ses pensées, en même temps que la nationalité de l'autre. Hé bien, maintenant qu'il était au japon, il devrait peut-être y penser. Il avait un bon style. Enfin, selon son point de vue en tout cas. Le brun ouvrait la bouche pour le lui dire, lorsque son interlocuteur reprit la parole, lui faisant une proposition inattendue.

Le regard gris clair rencontra celui d'un bleu sombre qui le fixait du dessus. Il était sérieux ? C'était bien la première fois qu'on lui demandait une telle chose ... Surtout après à peine quatre phrases échangées. Le moins qu'on puisse dire, c'est que le blond avait un sacré aplomb. Difficile de cacher l'expression de franche surprise qui s'était peinte sur son visage.

" Tous les américains sont aussi directs que toi ? "

Kantaro le fixa un moment sans ajouter un mot. Il faisait quoi maintenant ? Rien ne l'obligeait à rester. Il avait feuilleté le carnet du blond, échangé quelques paroles et il avait même pu se désaltérer. N'avait-il pas prévu d'aller découvrir la ville de Hamura ?
Malgré tout, le jeune homme ne bougeait pas. Le fait est que l'américain lui avait permis de regarder ses croquis, dans ce que Kantaro considérait comme un objet intime. Le moins qu'il puisse faire en retour n'était-il pas d'accéder à sa demande ? Aussi étrange qu'elle puisse lui paraître ?

" ... Et je reste juste là ? ... Comme ça ? "

Et voilà. Il venait d'accepter ... Tant pis pour sa virée à Hamura. Il aurait d'autres occasions de toute façon. Son regard retourna se poser sur les branchages au dessus d'eux. Il fallait vraiment qu'il teste cet angle de vue. La prochaine fois, il y penserait.

" Au fait, je m'appelle Fugiwara Kantaro. Et toi ? "

Kantaro reporta à nouveau son attention sur le blond. Ils n'étaient pas dans la même classe, mais ils se verraient sûrement en cours d'arts plastiques. Autant faire connaissance de suite, puisqu'ils étaient là.

Le visage de Kantaro parlait pour lui, alors qu'il semblait fort surpris de sa demande. Avait-il été trop direct ? Hugh n'avait pas peur d'être rabroué, et lorsque c'était le cas, il n'en tenait pas rigueur. L'expérience lui avait appris que mieux valait demander que de se morfondre dans des "et si" sans finalité. Le blond eut une petite moue espiègle à la question du jeune homme surpris.

" Non, ce sont vous les japonais, qui êtes un peu trop coincés. "

Il rouvrit son carnet, se décalant un petit peu pour voir Kantaro de coté sans se dévisser le cou. Machinalement, il porta la main à la bouteille d'eau pour en boire une gorgée, avant de s'essuyer la bouche du revers de la main. Diantre, ce qu'il faisait chaud. Humide surtout. Le début de l'été japonais en somme. Il s'éventa un court instant de son carnet, faisant voler quelques mèches de cheveux, et se redressa, révélant un instant, de manière furtive, la cicatrice entre ses clavicules. Il rouvrit le carnet devant lui et reprit son crayon, esquissant quelques courbes générales indicatives de la position de Kantaro, relevant à intervalles réguliers les yeux pour le découper du regard.

" Hugh Brown. En fait, seul mon père est américain, ma mère est japonaise. "

La précision était-elle nécessaire ? Aux yeux de Hugh, oui, d'une certaine manière. Un pur gaijin avait plus de mal à s'intégrer, il le savait bien. Et pourtant, malgré son apparence et ses manières toutes américaines, il se sentait peut-être plus japonais dans son cœur. Parce que c'était avec sa mère qu'il avait passé le plus de temps, et parce que c'était au japon qu'il avait passé ses plus beaux jours de vacances. Mais l'Amérique aussi tenait une place importante dans son coeur, et dans sa manière d'être, il s'en rendait bien compte maintenant qu'il était ici : il détonnait dans le paysage. Peut-être devrait-il se teindre les cheveux en bruns ?

" Oui oui, t'es très bien comme ça. Les bracelets mousse au poignet, c'est systématique ? Tu en mets pas un autour de la tête quand tu joues aussi ? "

Dans la foulée, autant se renseigner sur le tennis et ses accessoires. Internet était bien utile pour trouver toutes ces informations là, mais Hugh avait toujours préféré le contact direct et réel, les discussions en direct. Et il tenait à faire un manga aussi réaliste que possible, sa précédente histoire avait été bien trop fabulée. Un manga de sport, mais ses personnages ne pourraient pas effectuer tous les sports possibles et imaginables, il fallait un peu de logique, au vu de l'entraînement nécessaire pour chacune de ces activités, ils ne pourraient pas en cumuler plus de 3 ou 4 ... Il avait déjà pensé au tennis comme sport assez accessible - sous les shorts, il faudrait dessiner les mollets, et il adorait dessiner les mollets -, tout comme la course, le saut d'obstacle, et pour finir le baseball. Le baseball, il adorait ça. C'était une parfaite passerelle entre Japon et Etats-Unis, car ce sport était populaire dans les deux pays. Le golf l'était aussi au Japon, mais étrangement bien moins attrayant pour le jeune homme.

Un sourire naquit un bref instant sur les lèvres de Kantaro à la réplique du blond. Forcément, le point de vue était différent selon d'où l'on regardait. Un peu trop coincé d'un côté, un peu trop direct de l'autre ... Un peu comme sur le blason du Yin et du Yang, l'américain était cette tache blanche au milieu du noir, d'autant plus visible qu'elle était isolée. C'était sans doute ça qui choquait réellement Kantaro. Bien plus que son comportement, c'était qu'il soit le seul à agir ainsi qui était marquant.

La précision sur les origines de Hugh ne fit pas réagir plus que ça le jeune homme. Ce n'était pas le genre de détails auxquels il s'attachait. En revanche, la marque qu'il aperçut fugacement l'intrigua beaucoup plus. Le mot "hôpital" qu'il avait vu plusieurs fois dans le carnet, associé aux mots bizarres - qui pouvaient effectivement être des médicaments - et à cette cicatrice, lui permettait d'en conclure que son vis-à-vis avait des soucis de santé. Bien ... Mais ça ne le regardait pas vraiment en fait ...

Kantaro ferma les yeux un instant, jusqu'à ce que Hugh reprenne la parole, l'interrogeant sur le tennis. Il leva machinalement son bras pour regarder le bracelet mousse qu'il portait. C'était un réflexe tellement conditionné qu'il en oubliait parfois la vraie raison.

" Hm... Non. Chacun fait comme il le sent. Personnellement, je préfère les porter. Ils retiennent la sueur qui coule le long des bras. Ca évite que le manche de la raquette soit trop humide. Et puis, mine de rien, ils maintiennent le poignet. Ca le protège un peu. "

Il ferma à deux reprises son poing avant de repasser sa main derrière sa tête, reprenant sa posture d'origine. Parler tennis et dessin dans la même conversation était un peu étrange, mais amusant. Etrange aussi de tomber sur quelqu'un qui préparait justement un manga sur le sport.

Kantaro tourna la tête vers Hugh pour voir ce qu'il faisait, mais ne vit au final que le crayon s'agiter au dessus du carnet. Vu sa position, c'était assez logique en même temps. Il en profita donc pour détailler un peu plus le jeune dessinateur. Ses yeux avaient effectivement la forme caractéristique des yeux japonais mais, dans l'ensemble, il était plutôt typé occidental. Ses cheveux blonds naturels étaient vraiment beaux, loin des décolorations ou des teintures fades que se faisaient certaines japonaises. Les rayons de soleil qui passaient parfois dessus leur donnaient un éclat particulier, hypnotisant.

" J'ai aussi un bandeau pour la tête, oui. Sinon, j'aurai les cheveux dans la figure. Pas vraiment pratique pour voir la balle. "

La tête penchée sur son carnet, Hugh hocha légèrement la tête à la réponse de Kantaro, avant de se redresser pour le regarder avec étonnement. Retenir la sueur qui coulait le long des bras ? Waw ! Il ne pensait pas que c'était pour une raison aussi extrême ... En vérité, il ne savait pas trop pourquoi les tennismen portaient ce genre de bracelets. Mais l'image d'un joueur de tennis en sueur au point qu'il y ait besoin de ces petites serviettes éponges pour éviter que sa raquette ne lui glisse des mains avait quelque chose de fascinant. Les représentations de joueurs trempés de sueur comme s'ils sortaient de la douche dans les mangas de sport n'étaient peut-être pas si exagérées que ça finalement !

Kantaro se rallongea, amenant Hugh à finir le croquis esquissé et en reprendre un autre, s'intéressant cette fois-ci de plus près à la tenue que portait Kantaro, aussi banale soit-elle. Il aurait bien aimé le voir en action aussi, même si c'était quelque chose de plus difficile à dessiner ... Hugh avait les yeux dans le vague, parti dans ses rêveries. Il en revint à Kantaro, détaillant son visage. Ne pas avoir les cheveux dans les yeux. Le petit détail qui rendait sexy. Il devait l'être, en plein effort, des mèches volantes échappées de son bandeau ... Hugh eut un petit sourire mutin, et entreprit d'esquisser une version stylisée de Kantaro, un simple portrait rapide.

" Et les lunettes, c'est pas gênant quand tu joues ? Tu peux pas mettre des lentilles ? "

Demanda t'il en pointant le jeune homme du bout de son crayon. Une petite musique s'éleva de son sac, faisant faire la moue au jeune homme. Il reposa son carnet entre Kantaro et lui, sortant son téléphone portable de son sac. Un appel de son père qui partait au travail, vu l'heure qu'il était, et compte tenu du décalage horaire.

" Hi Daddy. Yes. Yeah. Yeah, I know ... No, I won't forget it of course. Yes. I'll go. Daddy, I'm with someone. Yes. Yeah I love you too. "

Le jeune arbora un court instant un regard un peu fuyant alors qu'il répondait d'une voix un peu plus traînante et moins enjouée, mâchant les syllabes comme le font tous les américains. Son parlé était loin d'avoir la distinction d'une diction anglaise. Hugh raccrocha avec un petit soupir agacé. Le comportement de son père avait changé depuis qu'il était venu ici, dix jours auparavant. On aurait cru qu'il s'était soudainement réveillé d'une longue hibernation dans laquelle il avait tenu pour acquis la présence de son fils. Et il réalisait soudainement que celui-ci était désormais de l'autre coté de l'hémisphère et semblait se souvenir de ses devoirs de père. Mais lui rappeler les dates de ses rendez-vous pour son INR mensuel ...

Les anti-coagulants que prenait Hugh avaient besoin d'être régulièrement dosés, pour être au plus près de sa morphologie. Petite contrainte comme une autre, outre le fait de voir régulièrement sa peau pâle marbrée de bleus marqués qui lui donnaient l'air d'être un gosse battu dès qu'il avait le malheur de se prendre un angle de table. Il frotta machinalement son bras gauche sur lequel s'étendait une marque de la sorte, avec l'angle de la fenêtre celui-ci. Hugh releva soudainement la tête vers Kantaro, gêné de l'avoir oublié un instant.

" Désolé. Au moins il a enregistré la notion du décalage horaire et il m'appelle plus en pleine nuit. "

Railla t'il, apparemment détaché. Il se permit de tendre la main pour prendre l'étui à raquette de Kantaro, l'ouvrant et prenant l'objet en main. C'était apparemment une raquette personnelle, au manche usé par le temps et les matchs.

" Tu dois faire des compétitions au moins non ? "

Il s'avançait peut-être un peu, mais quelque chose dans la musculature du jeune homme et l'état de sa raquette ne semblait pas reléguer au rang de simple passe temps ce sport. Et puis, il ne mettait pas les bracelets par frime non plus.

Etendu tranquillement dans l'herbe, Kantaro laissait vagabonder ses pensées au gré de la légère brise qui adoucissait l'air ambiant, les premières chaleurs annonçant un été qui prévoyait déjà d'être lourd. Le silence installé entre les deux jeunes gens n'était perturbé que par le grattement du crayon sur le papier et par les voix plus lointaines des sportifs. Un après-midi paisible, comme il n'en avait pas passé depuis un moment. Il ne regrettait déjà plus sa virée dans la ville de Hamura. Il était aussi bien ici au final.

Au bout d'un moment, la voix de Hugh s'éleva à nouveau, lui faisant tourner la tête. Ses lunettes ? Des lentilles ? De quoi est-ce qu'il parlait ? ... Ah ...

" Ah ! Ca, c'est ... "

La mélodie d'un portable l'interrompit dans sa réponse. Kantaro se tut pour laisser le blond répondre et détourna le regard, comme pour lui laisser plus d'intimité. Mais il était difficile de faire abstraction des paroles qui lui parvenaient. Malgré le parlé américain - l'accent n'était pas désagréable en soi, mais la manière dont les américains mangeaient les mots le perturbait toujours un peu -, il n'était pas difficile de comprendre ce qu'il disait. Des parents ordinaires, qui s'inquiétaient pour leur fils parti à l'étranger ... Un adolescent ordinaire, gêné que ses parents l'appellent alors qu'il était avec d'autres personnes ... Une famille normale en somme ...
"Daddy" ... "I love you too" ... Ces mots résonnaient de façon amère dans sa tête.

Kantaro mit quelques secondes avant de réaliser que Hugh s'adressait à nouveau à lui. Il eut un sourire forcé à la plaisanterie sur le décalage horaire.

" Vu la distance qui vous sépare, tes parents s'inquiètent pour ta santé. Je suppose que c'est normal ... "

La phrase avait été énoncée sur un ton bas, presque pour lui-même. Ce n'est qu'après l'avoir prononcée que le jeune homme prit conscience qu'il s'était peut-être un peu avancé sur les problèmes de santé du blond. La sensation désagréable de s'être un peu trop dévoilé le titillait également.
Bien qu'elles n'en aient pas besoin, Kantaro remonta d'un doigt la monture de ses lunettes sur son nez. Ce geste relevait plus du tic nerveux qu'il exécutait pour reprendre contenance, mais eut le bon goût de lui rappeler ce qu'il s'apprêtait à dire avant d'être interrompu.

" Pour ... les lunettes ... En fait, je n'en ai besoin que pour lire. J'ai juste oublié de les enlever après les cours. Je ne joue pas au tennis avec. "

Le changement de sujet avait été laborieux. Revenir à un sujet plus terre-à-terre comme le sport n'était pas si aisé après tout ce qui lui était passé par la tête. L'adolescent se raccrochait aux questions qui lui avaient été posées comme à une bouée de sauvetage. Cette comparaison lui tira une petite moue. Etait-ce le changement radical de vie qui le rendait plus sensible à ce genre de chose ? Il avait intérêt à se reprendre rapidement !

" Des compétitions ? C'est un bien grand mot. Le tennis est un loisir, même si le terme n'est pas tout à fait exact ... Disons que je pratique plus qu'un amateur, mais moins qu'un sportif. J'ai bien participé à quelques tournois amateurs, mais je ne suis pas un grand fan de la compétition. "

Kantaro tourna la tête pour voir Hugh manipuler sa raquette. Il ne pouvait pas dire qu'il appréciait vraiment qu'il ne lui ait pas demandé la permission avant, mais il le laissa faire à sa guise. Son regard glissa sur les bras frêles et pâles, puis remonta vers la cicatrice dont il apercevait une extrémité. Il se surprit à s'interroger sur ce dont pouvait souffrir le jeune homme.

L'expression de Hugh se ternit un instant, face au commentaire de Kantaro. Certainement était-ce un commentaire innocent, que de mentionner sa santé, mais quelque chose qui suivi dans l'expression du joueur de tennis, ainsi que le souvenir du fait qu'il avait feuilleté son carnet amenèrent une conclusion logique dans l'esprit de Hugh qui ne fut pas pour lui plaire. Il sentit monter en lui une bouffée de colère. Il n'avait jamais été confronté aux autres jeunes de son âge, questionné sur ce point, ou n'avait jamais eu, tout simplement, sa maladie évoquée lors d'une conversation.

Il se rendait compte que cela le rendait furieux quelque part, et qu'il refusait cette maladie de toutes ses forces, et ne voulait surtout pas en entendre parler. Un étrange silence gêné s'étira entre eux, alors que Kantaro remontait ses lunettes sur son nez d'une manière qui lui évoquait fortement Ishida de Bleach. Voilà, c'était plus réconfortant et amusant, de revenir à ce genre de comparaison ou de pensée. Hugh se dispensa néanmoins du moindre commentaire ou de la moindre réponse aux propos du jeune homme face à lui. Il n'avait pas envie de renchérir.

Kantaro relança la conversation sur des choses plus terre à terre, comme les lunettes évoquées précédemment.

" Ah oui, je vois. "

La réponse de Hugh fut un peu plate, le jeune homme refroidi par les quelques mots échangés auparavant. Il s'efforça de reprendre contenance en s'intéressant à la raquette de Kantaro, qu'il manipula sans gêne. Les paroles un peu mécaniques et coincées du jeune homme lui arrachèrent un sourire. Hugh remit avec délicatesse la raquette dans son étui, croisant les bras sur ses genoux pour s'y appuyer et le regarder avec un léger sourire.

" Je ne t'ai pas vu jouer, mais je pense que tu es modeste. "

S'amusa t'il. Il poussa un léger soupir. Il n'avait plus trop envie de dessiner. Le coup de fil de son père l'avait un peu miné. Quand allait-il le lâcher ? Il ne s'était jamais formalisé plus que ça de son absence à la maison, alors pourquoi, maintenant qu'ils étaient loin l'un de l'autre, il s'obstinait à l'appeler ? Il n'avait rien à lui dire. Ils n'avaient pas de souvenir en commun ou de choses à s'échanger. Les conversations tournaient à chaque fois autour de sa santé ou de ses rendez-vous médicaux. Il ne se résumait qu'à cela ? Son père l'imaginait trop faible pour pouvoir s'occuper de lui correctement ? Il devait l'avoir déçu à de nombreuses reprises ...

" Mon père aurait apprécié que je sois un sportif " railla t'il " mais je ne lui ai pas fait ce plaisir. Les tiens doivent être fiers de toi. "

Dit-il tranquillement à l'attention de Kantaro. Le vent se leva de nouveau, charriant quelques brindilles avec les cris provenant du stade, dégageant son front de mèches de cheveux trop volages qui y retombaient.

Le malaise qui suivit l'appel téléphonique semblait bilatéral. Quelles qu'en soient les raisons, Hugh ne semblait pas avoir apprécié son commentaire. Sans doute avait-il été trop loin en évoquant à demi-mot sa santé. Mais de son côté, ce n'était pas à la maladie éventuelle du blond qu'il avait voulu faire allusion, mais à ses parents. Un quiproquo qu'il n'avait pas la volonté de rectifier. Y revenir impliquait d'évoquer à nouveau la famille et il n'en avait guère envie, surtout après les idées qui avaient fleuries dans sa tête pendant les quelques minutes qu'avait duré l'interruption. Les réponses qui suivirent et la position prise par Hugh ne faisaient qu'intensifier cette sensation, malgré le sourire apparent.

Le commentaire sur son jeu le laissa un peu songeur, ramenant ses pensées à des considérations plus matérielles. Il se savait d'un niveau suffisamment correct pour avoir été admis - voir, inscrit plus ou moins sans son avis - à des petits tournois et y avoir atteint un classement non négligeable. Mais il n'était pas un sportif et ne le serait jamais. Il n'avait pas l'esprit pour ça. Ce n'était pas de la modestie, juste un constat.

Alors que Kantaro commençait à se détacher doucement de ses pensées précédentes, son interlocuteur prit un malin plaisir à l'y ramener. Enfin, pour être honnête, il ne l'avait certainement pas fait de manière volontaire. Mais un pur sadique ne s'y serait pas mieux pris.
Le jeune homme se redressa d'un coup et posa un regard sombre sur Hugh.

" Alors ça, c'est vraiment le cadet de mes soucis ! "

La réplique était chaude de colère contenue. Elle n'était pas tournée contre Hugh ... Ou peut-être un peu, pour avoir eu la mauvaise idée de remettre sur le tapis un sujet qu'il avait pourtant tenté de détourner. Mais ce n'était pas vraiment sa faute. Sa remarque était presque logique en fin de compte. C'était lui qui se prenait la tête pour rien. Kantaro s'adoucit un peu pour reprendre.

" De toute façon, quoique je fasse, mon père dira 'amen'. Et, avant que tu ne poses la question, je n'ai pas de mère. "

Sujet clos.
D'un mouvement souple, le jeune homme se remit debout. L'envie irrésistible de taper violemment dans la balle le reprenait et il savait parfaitement pourquoi. Kantaro ramassa sa raquette et tourna la tête en direction des courts. Il fallait qu'il se défoule ...

Il allait simplement prendre congé, quand il prit conscience qu'il venait de se montrer particulièrement grossier envers quelqu'un qui n'était absolument pas responsable des ressentiments qu'il pouvait avoir. Redressant à nouveau ses lunettes pour se reprendre, il regarda un moment le blond, se demandant comment s'excuser de son comportement. L'idée lui vint en repensant à une petite phrase qui lui avait semblé anodine sur l'instant.

" Désolé, Brown-san. Je retourne sur le terrain. Si tu veux me voir jouer, je n'y vois pas d'inconvénient. "

Une manière de s'excuser, tout en lui retournant la politesse de lui avoir montré ses dessins. C'était un peu maladroit, mais Kantaro n'était guère capable de mieux.

Hugh afficha un air surpris face à la réponse véhémente de Kantaro, qui se redressa comme pour mieux crier ses paroles. Sans laisser le temps à Hugh de répondre, Kantaro étaya ses propos d'une voix un peu moins dure, passant avec rapidité sur son père, puis sur une mère apparemment inexistante. Était-elle décédée ? Hugh se mordit la lèvre, gêné face à la réaction explosive de Kantaro qu'il n'avait pas vu venir, et qu'il savait avoir provoqué. En même temps, il ne pouvait pas savoir ... Hugh regarda Kantaro se lever avec souplesse. Vexé, certainement allait-il quitter les lieux. Hugh rouvrit son carnet, feuilletant les derniers croquis pour se donner une contenance et laisser partir l'autre sans le regarder, lorsque la voix de Kantaro lui fit relever la tête. Un sourire amusé fleuri sur son visage à l'appellation toute respectueuse du jeune homme. Le Brown sonnait bizarrement dans sa bouche, mais l'intention y était. Hugh afficha un air surpris face à l'invitation.

" ... Tu es sûr que ça ne te dérangera pas ? "

Peut-être valait-il mieux qu'ils repartent chacun de leur coté, après tout, ils auraient plusieurs fois l'occasion de se rencontrer de nouveau dans cette petite école intimiste. Malgré cette pensée, Hugh réunit ses affaires dans son sac à dos et se releva, époussetant son pantalon sur lequel quelques brins d'herbe s'obstinaient à s'accrocher.

" Mais, tu as un adversaire pour jouer ? "

Par pitié, qu'il ne lui propose pas. Il ferait un bien piètre adversaire sur tous les plans, et à vrai dire, n'avait guère envie d'essayer ce sport où il se retrouverait certainement essoufflé après quelques échanges.

Malgré la surprise visible, Hugh sembla accepter sa proposition. Kantaro attendit donc qu'il ait fini de rassembler ses affaires. Debout, il observa les athlètes sur le terrain non loin. Il ne se réintéressa au blond que lorsque ce dernier fut enfin prêt. Un léger mouvement de tête accompagna ses paroles tandis qu'il prenait la direction des courts de tennis.

" C'est bon. Je vais juste taper quelques balles. Rien de bien passionnant et pas besoin d'adversaire. "

Il ne valait mieux pas qu'il en ait un d'ailleurs. Le jeune homme avait déjà fait un match et son état de nerf ne lui permettait pas d'analyser correctement un jeu. Le demi court serait largement suffisant : lui, la balle et le mur. Il n'avait besoin de rien d'autre.

Légèrement à l'écart des autres, le demi court était désert. Les grilles franchies, Kantaro désigna un banc sur le côté du terrain. L'ombre des arbres s'étendait suffisamment pour l'atteindre, idéal pour le blond qu'il devinait fragile.

" Tu peux t'installer là sans problème. "

Sans attendre de réponse, le jeune homme déposa serviette et lunettes sur le banc en question. Il passa rapidement son bandeau autour de la tête et alla s'installer sur la ligne du fond du court. Le but était simple : se faire courir le plus possible et frapper de toutes ses forces, jusqu'à ce qu'il soit trop épuisé pour pouvoir encore être en colère.

Le visage orageux, Kantaro enchaînait les frappes sans plus se préoccuper du reste, mettant toute sa hargne dans chaque coup, sa respiration se calant sur le rythme qu'il imposait au rebond de la balle. Oublieux du temps et de la présence de Hugh, il n'y avait plus que cette balle. Ce ne fut que lorsqu'elle lui échappa pour aller taper contre le grillage derrière lui, qu'il reprit conscience du reste.

Le souffle court, il vint s'installer à côté du blond. Il s'essuya le visage avec sa serviette, lorgnant sans trop de discrétion vers le sac où Hugh avait rangé sa bouteille d'eau un peu plus tôt.

" Désolé, tu dois t'ennuyer. Heu ... Est-ce que tu as encore de l'eau ? "

Hugh calla son pas sur celui de Kantaro, qui traversait les terrains de sport avec l'aisance de celui qui est en terrain conquis, donnant par là même toute légitimité à la présence de Hugh, bien plus que s'il était venu seul, tâtonnant et avançant au hasard. Tous les sportifs n'étaient pas forcement de bons joueurs, loin de là. Mais tous étaient là par plaisir et par envie, loin de cette ambiance des cours de sport où beaucoup traînent la patte. Du moins, c'était ainsi lorsqu'il était en primaire. Par la suite, Hugh n'avait pas eu loisir de constater ce genre de choses, cloîtré chez lui.

Une fois passé les lieux plus bruyants, le demi court parut très calme au jeune garçon. Hugh s'arrêta un instant aux portes grillagées, comme hésitant à entrer. Le terrain était propre, exempt de feuilles mortes ou de balle oubliée. Les élèves devaient en prendre soin, tout comme des salles de classe. C'était une différence qui avait toujours marqué Hugh, entre Japon et Etats-Unis. Dans ce pays, les élèves étaient très vite responsabilisés, responsables des locaux, de la vie en société, et chacun prenaient conscience qu'il appartenait à un tout qu'il se devait de faire fonctionner correctement. Alors qu'aux Etats-Unis ...

Dès la primaire, Hugh avait été surpris de l'individualité, voir de l'égoïsme, donc chacun faisait preuve, ne prenant pas garde à garder les locaux propres, pire, s'amusant à faire des saletés et en les laissant en place. Un léger sourire fleurit sur les lèvres du blond. Qu'il était bon d'être revenu au Japon.

La voix de Kantaro le tira de ses pensées, et le jeune homme alla s'asseoir sagement sur le banc désigné. Eut-il suivi le cours des pensées de Kantaro qu'il en eut certainement été vexé. Il n'avait pas besoin que l'on soit ainsi aux petits soins pour lui ! Mais sur le moment, la délicatesse du jeune homme ne lui apparut pas aussi flagrante. Attentif à ce qui se passait, Hugh observa les gestes de Kantaro qui trahissaient la force de l'habitude. Comme il l'avait imaginé, le bandeau lui donnait un air moins sérieux et plus voyou. Un peu dans le genre du garçon qu'il avait observé sur le terrain d'athlétisme un peu avant.

Kantaro se mit à frapper la balle contre le mur, le court résonnant alors du bruit caractéristique de la balle contre le mur et contre la raquette. Les mouvements du brun étaient vifs et souples, tout son corps tendu dans la prévision de la rencontre avec la balle. Hugh sortit son appareil photo, dernier cadeau d'une mère inquiète, et activa la prise en rafale, cherchant à capturer les moments où les pieds de Kantaro décollaient du sol, son corps tendu comme un arc contre la balle. Le jeune homme semblait ne pas se lasser de frapper encore et encore, comme s'il eut voulu exploser la balle, ou sa raquette.

Sa carte mémoire vint bientôt crier pitié, et Hugh s'occupait à trier les photos inintéressantes, lorsque l'ombre de Kantaro se profila devant lui. Le jeune homme redressa la tête vers lui, le regardant s'asseoir et s'essuyer le visage. Il était effectivement en sueur.

" Le but du jeu, c'est d'exploser la balle ? Tu frappes avec une violence ... "

Il éteignit son appareil photo, ouvrant son sac pour y récupérer la bouteille d'eau déjà à moitié vide. Il lui vint à l'esprit que ses paroles pourraient être mal interprétées, et il releva soudainement la tête, un peu gêné.

" Heu, c'est un compliment, je veux pas dire autre chose ! Tiens, mais elle ne doit plus être très fraîche ... "

Hugh n'aurait pas cru que le tennis puisse revêtir un aspect aussi classe que lorsque Kantaro s'essuyait la nuque avec sa serviette éponge.

Après un match et cet entraînement, Kantaro était épuisé. Son corps commençait à être lourd et lui réclamait un répit, qu'il était finalement disposé à lui accorder. Il avait pu évacuer tous ses sentiments en frappant la balle sans ménagement. Si son corps souffrait de ce traitement, son cœur était plus léger. Le principe des vases communicants.

Occupé à s'essuyer, le jeune homme mit un certain temps à réaliser la présence de l'appareil photo. Il le fixa un moment sans vraiment faire attention aux paroles du blond. Vraiment sans gène ... Non pas que cela lui posait problème d'être photographié, mais il aurait pu - aurait du, même - lui demander la permission avant. Enfin, c'était sans doute un comportement américain que de considérer ce genre de chose comme acquise. Ou alors il était trop japonais pour s'offusquer de l'absence d'une demande qui n'était que pur rituel de politesse. Ils en revenaient finalement à la différence de culture. Rien de bien méchant au final, puisqu'il n'avait rien contre.

" Ca ira. Si elle est trop fraîche, ce n'est pas bon non plus. "

Kantaro prit la bouteille tendue et contempla un instant son contenu. Cette fois il allait la vider, vu ce qu'il restait. Il serait quitte pour payer quelque chose à boire à Hugh après ça.

" Je préfère le côté analytique du tennis. Mais savoir taper vite et fort fait aussi parti du jeu. Tout comme être capable de recevoir des balles tapées de cette manière. "

Pour être honnête, là, il avait juste eu besoin de se défouler. Mais quand on savait que les pros ne tapaient pas de services à moins de 200 km/h ...

Kantaro porta finalement la bouteille à ses lèvres, fermant les yeux de satisfaction lorsque son corps eut enfin droit à sa récompense après tant d'efforts. Lorsque qu'il les rouvrit, il fixa la bouteille vide. Un sourire amusé naquit sur ses lèvres, le premier depuis leur rencontre.

" Finalement, j'y ai quand même eu droit à ce baiser indirect. "

Cette idée avait un côté amusant. Combien de personne avait-il pu "embrasser" de cette façon en partageant une bouteille d'eau ou un verre ? L'idée ne lui était jamais venue jusqu'à ce que Hugh l'évoque un peu plus tôt ... Hugh Brown ... Cet américain était beaucoup trop direct pour son bien. Tout le monde ne voyait pas les choses de façon aussi détachée que lui.

Kantaro le regarda d'un drôle d'air, comme absent, avant de finalement prendre la bouteille en main. Si Hugh avait put entendre les pensées du jeune homme, qu'en aurait il pensé ? Une chose était vraie : Hugh était sans gêne, et ce, même pour un américain. Lorsqu'il se sentait dans son bon droit, sans intention de nuire ou de se montrer indélicat, il n'hésitait pas. Il n'y avait pas de différence entre dessiner Kantaro d'après modèle réel et d'après photo, n'est-ce pas ? Si ce n'était que les photos étaient plus statiques et qu'elles pouvaient potentiellement finir placardées sur les murs du lycée. Chose que Hugh ne ferait pas, n'ayant ni argent ni temps futilement dépensé à perdre là dedans. Et puis, à par pour le club de journalisme sportif, de telles photos n'auraient intéressées personne. Quoique celles de Kantaro en gros plan en plein effort ... Mais celles-là, Hugh renierait les avoir prises.

Le jeune homme hocha la tête aux explications du brun, récupérant les lunettes posées sur le banc pour les lui tendre alors que celui-ci baissait la bouteille, l'ayant vidée cette fois-ci, énonçant une petite réflexion qui amena un léger hale sur les joues du blond. Il n'avait aucune gêne à lancer ce genre de plaisanteries, par contre les recevoir, et par surprise, c'était une autre paire de manches. Hugh n'avait pas assez communiqué pour exceller dans l'art des répliques renvoyées avec aisance. Il ne savait que lancer l'offensive, en espérant que l'autre en face soit assez mou pour ne pas répliquer, lui donnant l'illusion de l'aisance et de la force. On se mettait les oeillères que l'on voulait pour ne pas voir ses propres faiblesses.

" Heu, je, j'étais pas forcément consentant. "

Lança t'il en retour d'une voix un peu plus molle. Il jeta un oeil à son portable pour regarder l'heure et se donner une contenance, et tira sur la fermeture à glissière d'un coup sec avant de se relever, comme si la fin de leur entrevue avait été ainsi signée.

" C'était très sympa à regarder en tout cas, merci de m'avoir permis de venir, Fugiwara. "

Énonça t'il avec un sourire, regardant de nouveau son interlocuteur dans les yeux, sa gêne passée. Au détail prêt qu'il avait encore les lunettes de Kantaro à la main, sans s'en être rendu compte.

Kantaro fut quelque peut surpris par la réaction de Hugh à sa plaisanterie. N'était-ce pas lui qui l'avait amorcée en premier ? Peut-être était-il surpris qu'il y fasse référence si longtemps après. La légère teinte que prirent ses joues lui amena un nouveau sourire. Le deuxième en moins de cinq minutes, c'était sans doute un record. Il ne répondit pas à la réplique un peu hésitante du blond, ne voulant pas aggraver un malaise qu'il n'était pas sûr de comprendre.

Le jeune homme rangea sa raquette dans l'étui et regarda la balle entre ses doigts. Il ne devrait pas tarder à en changer vu son état. Celle-ci ne ferait guère plus que deux ou trois entraînements. Il retira son bandeau d'une main, faisant voler quelques mèches de cheveux humides, et le glissa dans sa poche avec la balle.

Kantaro se leva finalement, cherchant du regard les lunettes qu'il avait posées sur le banc avant de commencer. Ce n'est qu'à cet instant qu'il réalisa que Hugh les lui tendait depuis déjà un moment.

" Ah ! Merci. "

Tout en parlant, Kantaro reprit ses lunettes et fit glisser la fine monture sur son nez.

" Ca ne me dérange pas. Tu es le bienvenu si tu veux revenir. "

La phrase était sortie naturellement avant qu'il ne le réalise vraiment. Bon, c'était dit ... Rien de bien grave. Après tout, ça ne le dérangeait pas. Hugh lui était assez sympathique au final. Il le reverrait certainement aussi en cours d'arts plastiques.

D'un pas beaucoup plus tranquille qu'à l'allée, les deux jeunes gens quittèrent le court, avant de se séparer au niveau des vestiaires, chacun retournant à ses occupations. Pour Kantaro, la douche devenait une priorité. Ensuite ... Sa rencontre avec Hugh et le moment passé sous les arbres lui avait donné envie de tenter une nouvelle expérience d'angle de vue. Parfait, il savait comment finir sa journée.