Les yeux embué de sommeil, Hugh bailla, plaçant instinctivement sa monnaie dans le distributeur de café qui gargouilla un instant avant de mettre à sa disposition le breuvage si souvent conspué par son médecin traitant. Mais ce n'était que le 2eme de sa journée, rien de bien dramatique, et contrairement à bon nombre de ses collègues mangaka, il ne carburait pas aux boissons énergisante si riches en caféine que la simple idée d'en ingérer une lui donnait des palpitations. Parfois, il se disait distraitement que son choix de carrière n'était que peu compatible avec ses soucis de santé. Il n'était plus l'adolescent apeuré qu'il avait été, traumatisé par les crises occasionnées par ce fichu cœur, mais le problème restait réel et se rappelait régulièrement à son bon souvenir. Il avait du se faire hospitaliser 2 fois pour hypertension au cours de sa carrière de mangaka, chaque hospitalisation suivie d'une leçon de morale appuyée de sa responsable qui le replaçait de nouveau sous un niveau de pression équivalente la semaine suivante. Bah, cela faisait partie du jeu.

Le gobelet chaud dans sa main, il sortit pour s'allumer une cigarette dans le coin réservé aux fumeurs, saluant de la tête quelques collègues connu de vue. Tout comme lui, ils semblaient plus intéressés par l'idée d'aller dormir ou reprendre leur travail que d'assister à cette réunion. Pour sa part, il était dans les temps. Mais il aurait justement préféré profiter de cette réserve de temps libre pour aérer un peu son atelier, faire un peu de ménage et donner un jour de congés à ses assistants.

Il n'avait cependant pas à se plaindre. Ce genre de réunion était la rançon du succès. Lorsqu'il s'était finalement décidé à se lancer professionnellement dans le manga, il ne pensait pas, quelques années plus tard, devenir l'un des auteurs phares du magazine de prépublication qui l'avait engagé. Ses histoires de sport à tendance shonen dans la veine yaoi avaient quasiment créé un nouveau genre sur lesquels plusieurs de ses consœurs et confrères lui avaient emboité le pas, avec plus ou moins de succès. Il avait terminé sa première série 3 ans auparavant et travaillait depuis 2 ans sur un titre se passant dans le milieu du baseball, son vieil amour d’américain. Ce sport avait également son succès sur l'archipel, heureusement pour lui.

"Brown san !"

La voix familière de Mako san, sa responsable éditoriale, le fit se retourner pour la voir finir de monter les escalier qui menaient à la plateforme ou il se trouvait. Dans son tailleurs comme toujours impeccable, la jeune femme transpirait le professionnalisme japonais, son regard pétillant ainsi que le discret trait d'eye liner bleu sombre trahissant a eux seuls la fantaisie qui l'habitait. C'était une responsable agréable, aux petits soins pour lui avec parfois une désagréable tendance mère poule, mais une bonne responsable. Ils étaient tous 2 en accords sur le style qu'il souhaitait donner à ses manga, et ses conseils l'avaient plus d'une fois sortit d'une impasse scénaristique.

"Bonjour Mako san. Vous voulez un café ?"

"Non, mais si nous n'étions pas en public je buvrais le tiens pour t'empêcher d'y toucher."

Hugh rit doucement, avant de porter sa cigarette à ses lèvres pour tirer une bouffée.

"Il est tôt et j'ai sommeil, j'en ait besoin."

"Il est 10h du matin."

"Et c'est très tôt pour les oiseaux de nuits que sont les mangakas. J'ai d'ailleurs remarqué un coin très sympa pour aller m'accrocher la tête en bas et dormir jusqu'à la fin de la réunion."

Mako roula des yeux avant de finalement piquer une gorgée de son café après avoir vérifié que personne ne les regardait.

"Ne vas pas te plaindre d'avoir du succès. C'est une réunion importante, je compte sur toi pour ne pas faire de vagues."

"Je serais sage comme une image et je ne ferais pas de caricature des vieux sur la nappe c'est promis"

Les lèvres de la jeune femme se crispèrent dans un sourire retenu par professionnalisme, et elle s'engagea vers l'entrée du bâtiment tandis que le jeune homme éteignait sa cigarette et terminait son café d'une traite avant de la rejoindre. 2h de blabla, on avait vu pire. Il y aurait un bon restau offert par la maison après, et il pourrait expérimenter sa nouvelle technique pour dormir les yeux ouverts.