Cela faisait plus de deux semaines qu’Aya avait invité Akihito chez elle. Deux semaines, donc, qu’elle était en colère contre celui qui agissait comme un gamin qui n’assume pas ses actes. Mais bizarrement, elle n’était pas triste d’être en colère. Au contraire. Être en colère avait un bon effet sur elle. Elle aimait ce sentiment. Et surtout, surtout, elle aimait faire preuve de colère contre son ex-ami lors de leurs entrainements communs. Car oui, Akihito avait clairement dit qu’il ne voulait plus être son ami, mais qu’il souhaitait continuer les entrainements avec elle … sans savoir dans quoi il s’engageait.

Aujourd’hui, Aya avait accueilli le jeune homme avec un sourire narquois et l’avait salué d’une voix doucereuse. Puis, après un échauffement en bonne et due forme, Aya l’avait invité à un combat. Officiellement, elle l’avait appelé « combat d’entrainement ». Officieusement, elle n’avait aucune envie de retenir sa force.

Prenant un malin plaisir à garder Akihito en mouvement, elle remarqua avec une joie certaine que le jeune homme était rapidement en sueur et hors d’haleine. Mais elle non plus, n’en menait pas large. Sentant sa respiration s’accélérer, ses muscles commençant à fatigué, ignorant son coude gauche douloureux et la sueur qui ruisselait sur son visage, Aya décida de mettre fin au combat. Elle se stoppa une fraction de seconde, puis, dans un hurlement de rage, elle fit deux pas en avant, prit appuie sur sa jambe gauche et envoya sa jambe droite dans le ventre du jeune homme. Sous son pied, elle senti les Abdo du karatéka se contracter. Sans doute avait-elle touché le plexus solaire, ce qui était contraire aux règles de bienséance du karaté. Mais soit.

La respiration courte, Aya garda son regard fixé sur Akihito qui était à terre, tentant de reprendre son souffle.

« Yame » déclara-t-elle simplement, avant de se détourner.

Elle se dirigea vers son sac et en sorti deux bouteilles d’eau. Tandis qu’elle en vida une, elle se dirigea à nouveau vers le jeune homme, donc la respiration avait heureusement reprit, et s’accroupi à côté de lui, lui tendant la deuxième bouteille.

« Respire calmement et profondément » dit-elle d’une voix calme mais neutre « et boit. C’est important »

Continuant de vider sa bouteille d’eau, notre jeune femme observa Akihito, tentant tant bien que mal à cacher son inquiétude. Elle avait laissé la colère prendre possession d’elle et s’était laisser porté par ce sentiment. Ce qui n’était jamais bon.

Deux semaines. Deux semaines déjà…et en même temps pas tant que ça. Il avait entrainement avec Aya. D’habitude il y serait allé tranquillou mais là…il savait qu’Aya était encore remontée contre lui. Durant ces deux semaines, il avait repensé à ce qu’il s’était passé. Le baiser, l’explication bancale…la fuite en avant. Puis Minji et la pause. Du coup, reprendre le karaté devait lui faire du bien mais rien n’est moins sûr. Il pensait à Aya, comment il avait essayé de lui expliquer qu’il voulait prendre du temps avant de la revoir. Prendre le temps, que les choses se tassent un peu mais elle avait pris cette demande comme autre chose, comme une trahison peut être…Il ne savait pas trop. Se dirigeant vers le dojo, il se demandait comment cela allait se passer. La réponse ne tarda pas à arriver.

Après un échauffement tout ce qu’il y a de plus classique, le combat, lui, fût physique, voire difficile. Il avait arrêté depuis presque 15 jours et là il reprenait direct sur un affrontement quasi réel. Aya était très remontée contre lui, il le voyait. Elle avait les joues rouges et ce n’était pas seulement dû aux efforts. Non, il avait la nette impression qu’elle se défoulait directement sur lui. Elle le malmenait, l’obligeant à être sur ses gardes, à être à fond…Il n’avait pas prévu que ce serait aussi physique et la fatigue commençait à se faire sentir. Ce qui le rassurait, c’était que de son côté elle aussi semblait fatiguée et il se disait que le combat ne tarderait pas à finir.

Malheur à lui. Le rouquin, bien que méfiant, baissa sa garde une fraction de seconde lorsqu’Aya recula un poil. Il pensait qu’elle aller arrêter là mais non. Elle prit appui sur une jambe et dirigea son coup de pied droit dans ses abdos. Bien qu’il réussit à les contracter suffisamment pour amortir un peu le coup, son plexus lui accusa le coup. Plié en deux au sol tentant de retrouver son souffle, il rageait intérieurement de n’avoir pu arrêter ce coup, au moins un peu. Il était en colère. Notre jeune garçon reconnaissait volontiers ses torts mais là quand même. Quand elle revint pour lui proposer de l’eau avec ses conseils pour respirer, ce qu’il dit sortit plus vite de sa bouche qu’il ne l’aurait voulu :

"Ca va, je sais respirer…." et il ne prit pas la bouteille de suite, non d’abord il voulait se relever pour la regarder en face. Ce qu’il fit au bout de deux petites minutes qui lui parurent une éternité. Une fois relevé et face à elle, il prit la bouteille, bu quelques gorgées et dit :

"Ca va mieux ? défoulée ?"

Le regard qu’il avait en disait long. Il était énervé, blessé et surtout désolé d’en être arrivé là avec elle. Il but encore quelques gorgées, la regardant de côté pour voir un peu sa réaction. De son côté, il espérait sincèrement que cela suffirait à Aya. Il n’avait aucune envie de faire des entrainements comme ça avec elle. Mais quand même, il digérait moyen le coup de pied rageur de la demoiselle. Prochain coup…

Voir la colère dans les yeux d’Akihito avait quelque chose de réjouissant. Presque jouissif. Peut-être pouvait-il comprendre comment elle se sentait, elle ? Ce fut avec un sourire narquois qu’Aya accueillit les paroles tranchantes de son adversaire. Apparemment, sa fierté en prenait un coup. Etait-ce la fierté d’homme qui ne supportait de se faire battre par une femme ? Surement que cela y jouait un grand rôle. Mais là, il n’avait pas l’air de lui pardonner son coup bas. Et franchement, à quoi bon ? Aya ne voulait pas qu’IL lui pardonne. Elle voulait trouver la force de LUI pardonné … ce qui n’était pas gagné. Alors, se redressant légèrement, elle secoua doucement la tête.

« Oh non. Je peux encore continuer comme ça pendant longtemps » dit-elle d’une voix doucereuse, tout en refermant sa bouteille. « Si ça ne concernais que moi, j’aurais bien envie de reprendre le combat. Mais ma conscience m’interdit d’utiliser un être humain, même si c’est un gamin ou quelqu’un qui n’assume pas ses actes, comme punching ball » Plongeant son regard froid dans celui d’Akihito, Aya le fixa longuement avant de redresser le menton en se lever.

Une fois debout, notre jeune japonaise le regarda encore quelques instants, esquissa un sourire des moins charmant, montrant toute la haine qu’elle avait ressenti jusque là, puis tourna les talons et reparti en direction de son sac. Tourné le dos à l’adversaire était une chose à ne pas faire. Mais elle savait qu’Akihito avait plus de bon sens qu’elle et qu’il ne l’attaquera pas. Sans doute par peur qu’elle ne puisse riposter encore plus violement.

Arrivé à l’endroit où était déposé son sac, notre japonaise y remit la bouteille d’eau puis se redressant en l’épaulant et se retourna vers Akihito qui commençait à s’avancer vers elle. Le dos bien droit, le regard froid, elle l’observa avec attention.

« Je pense qu’on en a fini. Tu n’es plus en état de continuer »

Elle avait dit cette dernière phrase sur un ton de défit, un brin moqueur. A dire vrai, elle avait une très grande envie qu’Akihito la contredise et qu’il l’oblige à prendre sa revanche. Oui, c’était vraiment ce qu’elle voulait. Elle voulait que le jeune homme combatte avec tout son cœur et toute son âme. Qu’il l’envoie au tapis, qu’il se venge sur elle. Qu’il exprima sa colère. Qu’il les mette à égalité. Elle était résistante, elle n’avait pas peur de la douleur. Elle voulait simplement qu’Akihito lui prouve qu’il savait combattre et qu’il tenait à elle, malgré tout.

Il était énervé. C’était peu dire. Elle le provoquait, ça ok il avait bien compris mais sérieusement était-ce bien utile d’arriver à ce genre de choses ? Mais pas de souci si c’était ce qu’elle voulait, il allait se faire un plaisir de lui répondre. Il la regarda prendre son sac et écouta sa dernière phrase, à laquelle il répliqua :

"Oh merci bien pour ta considération mais je me connais mieux que ce que tu penses et je t’assure que je suis parfaitement en état de continuer…et même je dirais que je suis très bien là tout de suite…donc si Madame n’a rien de mieux à faire, j’aimerais bien, comment dire, me défouler encore un peu hein…." Et il croisa les bras en la regardant avec un air de défi sur le visage. Allait-elle répondre ? La connaissant, oui. Et ce fût le cas. Elle posa son sac, réajusta son kimono et sourit. Ce sourire promettait un combat digne de ce nom.

Il était remonté à bloc…le gamin. Sérieux, gamin quoi…Il voulait lui dire simplement qu’il en avait ras le bol de cette situation et qu’elle en faisait peut-être beaucoup. Au départ, il avait juste voulu un peu de temps pour réfléchir. Mais tant pis, là il aurait besoin de temps pour cicatriser mais elle aussi. Et ça, c’était pas certain qu’elle y soit préparée. L’est gentil le rouquin mais poussé à bout il peut vite devenir…un ogre qui tape et qui tape fort.

Une fois sur le tatami, il la regarda. Elle était à deux mille, ça crevait les yeux. Il avait pas intérêt à se louper, sinon il se relèverait pas.

Le combat commença. Il était sur le qui-vive et l’attendait. Sur le premier combat il s’était peut-être fait surprendre mais là même pas en rêve. Il menait et il ne comptait pas lui laisser ce plaisir. A son tour, il la gardait en mouvement, la faisant bouger d’avant en arrière. Il se rappelait de certains combats avec son ancien sensei où ce dernier lui avait appris à faire tourner son adversaire en bourrique, comme il aimait à dire. Et c’est exactement ce qu’il était en train de faire. De l’extérieur on aurait pu croire qu’Aki fuyait le combat. En fait pas du tout, il voulait juste la faire sortir de ses gonds de manière à ce qu’elle commette une erreur. Quelques coups de pieds par-ci, quelques coups de poings par-là mais jamais de frappes directes. Elle ne rentrait pas complètement dans son jeu mais suffisamment pour que cela se voit dans ses yeux : ça l’énervait. Et c’était tout ce qu’il voulait.

Il accéléra un peu le rythme et vit qu’elle commencer à perdre patience…déjà que tout à l’heure c’était limite. Profitant du fait qu’elle veuille à tout prix lui en coller une, il pivota légèrement sur sa jambe arrière et para le coup de poing qui arrivait. Dans la même position, il attrapa le kimono de la jeune femme et lui bloqua le bras pour mieux lui assener un coup de pied. Il aurait dû la frapper au genou mais il ne voulait pas lui casser une jambe non plus, donc il frappa là où elle l’avait frappé auparavant mais comme il était de côté, il l’attrapa en plein dans les côtes. Et la lâcha.
Se reculant il la regarda. Elle avait eu le souffle coupé et tentait, à son tour, de reprendre sa respiration. Il sourit ravi de son petit effet et en rajouta une couche :

"Yame !"

Il resta où il était et lui dit :

"Hey…respire calmement et profondément…"

Il sortit du tatami la laissant tranquille, pas moyen qu’il s’approche elle aurait été capable de lui sauter dessus. Il s’assit à même le sol où était posé son sac et attendit qu’elle manifeste une quelconque réaction. Il avait décidé qu’il aviserait en fonction de ce qu’elle allait lui dire.

Aya ne savait pas ce qui était arrivé en premier. LA douleur ? Ou la respiration qui lui manquait ? Elle n’aurait pu le dire. Tout ce qu’elle savait maintenant était qu’elle était agenouillée sur le tatami, en appuie sur ses mains, attendant avec une certaine panique que sa respiration revienne, une douleur sourde au niveau des côtes. Tandis qu’elle ferma les yeux, ignorant la prise de parole d’Akihito, elle tenta de se remémorer ce qui s’était passé.

Akihito n’avait pas apprécié ce qu’elle lui avait dit et l’avait, sans aucun problème, réussi à convaincre de pouvoir prendre sa revanche. Et quelle revanche ! Jamais Aya n’avait autant transpiré. Jamais elle n’avait atteint ainsi le bout de ses forces. Jamais son poul n’avait autant grimpé. Mais surtout –surtout !- jamais Akihito n’avait mit autant de cœur au combat. Jamais il n’avait si bien réussi à contrôler ses émotions, faisant preuve d’une exacte répartition entre le calme et la colère. Il avait sut analyser et prévoir les mouvements d’Aya … ce qui lui fut fatal !

Et maintenant, Aya était sur le tatami, sentant sa respiration revenir tout doucement. Elle prit une profonde inspiration … ce qu’elle n’aurait pas dût. L’expiration se transforma en un râle étouffé de douleur et elle crispa le visage, se passant une main sur les côtes. Elle déglutit, priant qu’Akihito avait su contrôler la force de son coup pour ne pas lui casser les côtes, et attendit. Une fois que la se soit atténué, elle se redressa et se tourna doucement vers Akihito. Le fixant quelques instants, froidement, elle songea qu’elle devrait être en colère contre lui. Mais, au lieu de se mettre à le rabaisser et l’engueuler comme elle l’aurait fait, elle adoucit les traits de son visage, affichant un doux sourire.

« Très joli combat. Vraiment » avoua-t-elle, tandis qu’elle desserra la ceinture de son Kimono pour pouvoir mieux respirer « On est quitte maintenant, non ? » reprit-elle, sans quitter sa place agenouillé et sans perdre son sourire.

Puis, soupirant silencieusement, elle se releva doucement en grimaçant. Une fois debout, elle s’avança doucement vers Akihito et s’assit devant lui

« Je pense qu’on a plusieurs chose à se dire »

Ce fût tout ce qu’elle dit. Au jeune homme maintenant de faire le second pas.

Finalement, elle avait plutôt bien pris ce coup. Il avait pensé qu’elle serait en colère mais au final non, elle souriait. A son tour il sourit comprenant pourquoi elle réagissait comme ça. Aya n’aimait pas que les gens se laisse faire et encore moins quand il s’agissait du rouquin. Et il l’avait bien compris. Mais la regardant, là, assise en face de lui il ne savait pas trop par où commencer. Un combat il savait faire, parler…c’était plus compliqué. La dernière fois qu’il avait dû parler à quelqu’un c’était à Minji et cela avait été horrible. Alors devoir parler à Aya, qui avait un tempérament bien moins calme que Minji lui faisait presque peur. Pourtant il fallait bien clarifier tout ça. Toujours assis, il bougea légèrement ses jambes pour éviter l’engourdissement et se prépara à attaquer. Il se passa une main dans les cheveux, stressé, et ouvrit la bouche :

"Oui en effet je crois qu’on a besoin de parler. Alors voilà, je…regrette vraiment d’avoir été aussi con en fait. Le baiser était une mauvaise idée dès le départ mais le fait de disparaitre quasi direct derrière l’était encore plus. Je pense que j’aurais dû te parler le jour même au lieu de m’effondrer sur ma connerie. J’ai paniqué comme un gosse alors qu’assumer aurait été mieux. Mais voilà, je n’ai pas su faire. Alors aujourd’hui, je te le redis je suis désolé de t’avoir embrassé comme ça, comme un voleur, laissant mes hormones de jeune crétin prendre le dessus. Si j’avais eu un cerveau je t’aurais juste regardé et j’aurais tracé mon chemin mais non…alors quoi ? Tu vas certainement me répondre que je dois assumer, que j’aurais pas dû me lamenter etc…Tu as raison mais en même temps je contrôle pas tout et surtout pas ma bêtise. Je t’ai présenté des excuses et ensuite je t’ai dit que j’avais besoin de temps. Pas besoin de temps pour te parler ou quoi mais besoin de temps pour comprendre ce que j’avais fait. Besoin de temps pour réaliser jusqu’à quel point ce que j’avais fait était important. Je devais prendre conscience de beaucoup de choses et aujourd’hui, c’est fait. J’ai pris conscience de deux choses très importantes pour moi : je suis amoureux de Minji et rien ne changera ça et d’un autre côté j’adore ma sempai et je ne veux pas te perdre. Du coup, si tu acceptes j’aimerais vraiment que tu restes ma sempai mais avant tout mon amie…"

A ce stade il s’arrêta d’une part parce qu’il avait besoin de reprendre un peu son souffle mais aussi pour voir la réaction d’Aya…Allait-elle dire quelque chose ou pas ? Allait-elle lui crier dessus ? Ou tout simplement allait-elle lui sourire de son sourire franc et clair ?

Il ne savait pas mais il espérait que tout ce qu’il avait dit suffirait….

Aya écouta Akihito avec attention et le laissa parler. Contente qu’il lui reparle à cœur ouvert, à n’avait aucune envie de le couper dans son élan. Tête légèrement incliné sur le côté, elle le regarda dans les yeux, y voyant toute la sincérité ce qui la conforta dans l’idée qu’Akihito pensait réellement ce qu’il disait. Un doux sourire étendit ses lèvres, tandis qu’elle l’écouta s’excuser une bonne dizaine fois dans sa tirade. Ne disait-on pas que « le cœur a ses raisons, que la raison ignore » ? C’était sans doute ce qui était arrivé à Akihito lorsqu’il avait décidé de l’embrassé. Mais n’aurait-il pas pu résister ? S’il avait réfléchit un minimum, n’aurait-il pas put empêcher un tel carnage ? Sans machine à remonter le temps, Aya ne le saura jamais. Ainsi donc, après une énième excuse, Akihito se tut et ils se fixèrent encore longuement. Puis, se redressant, notre jeune femme décida de briser le silence.

« Penser que je puisse te dire que tu n’aurais pas dû te lamenter et que tu aurais dû assumer, prouve à quel point tu me connais mal » dit-elle d’une voix doucement, souriant, amusé. « Tu sais, je ne suis pas du genre à vivre éternellement dans le passé et surtout, je ne suis pas du genre à te dire ce que tu dois faire. » Elle releva son regard vers le jeune homme « vis au présent, et laisse les fautes du passé, rendre l’avenir meilleur. Si tu me promets de ne plus recommencer à l’avenir, alors je suis et je resterais ta sempai. En ce qui concerne l’amitier … va savoir »

Elle conclut ses paroles d’un clin d’œil malicieux qui en disait long sur ce qu’elle pensait réellement. Certes, même si elle pardonnait, elle n’oublierait pas. Mais à quoi bon vouloir à tout prix trouvé une excuse pour en vouloir au jeune homme ? Ça ne servirait à rien, si ce n’était continuer à briser leur amitier, qui ne sera peut-être plus jamais comme avant.

Ainsi donc, soupirant légèrement, elle se redressa et se leva. Puis, d’un pas léger et souple, elle se dirigea vers la porte coulissante et l’ouvrit en grand, laissant l’air frais s’engouffrer à l’intérieur. Dos à Akihito, regard fixé sur les cibles du Kyudo, une pensée lui frappa l’esprit. Une pensée qui n’en n’était pas des moindres. Alors, prenant une profonde inspiration, elle reprit la parole.

« Tu en as parlé à Minji ? » demanda-t-elle, toujours sans regarder Akihito, une main sur la porte coulissante.

Quand il vit le petit clin d’œil, il sourit. En revanche il réalisa qu’il ne comprenait vraiment pas grand-chose aux femmes. Peut-être qu’un jour il y arriverait…peut être. En attendant, il était content car, même si sa réponse n’avait pas entièrement satisfaite Aya, il semblait qu’elle soit motivée à continuer à lui parler. Obtenir son pardon était certainement trop demander mais bon au moins elle n’était pas stupide au point de lui en vouloir à mort. Il souriait toujours quand il entendit sa dernière question. Son sourire s’effaça aussitôt et il fit la moue.

Il repensa à cette fameuse conversation. A cette douleur atroce de la regarder pleurer, de la regarder souffrir. Un moment qu’il garderait à vie dans sa mémoire. Il ne voulait pas vraiment en parler ni avec Aya, ni avec qui que ce soit d’ailleurs. Mais étant donné qu’Aya était la colocataire de Minji elle était en droit de savoir.

Il inspira :

"Oui je lui ai parlé, ça a été atroce."

Il ne savait pas par où attaquer là non plus. Mais il le devait à Aya.

"Je lui ai raconté ce qui s’était passé, je me suis effondré à mi-chemin de ce que je voulais lui dire, et j’ai surtout essayé de lui faire comprendre que dans l’histoire tu n’étais pas celle qui avait pris les devants. Tu es sa colocataire et je ne voulais pas qu’elle te haïsse ou je ne sais quoi…alors j’ai essayé de présenter ça du mieux que j’ai pu mais je vais t’avouer que c’est un peu flou…me rappelle plus bien tout ce que je lui ai dit…Par contre…."

Une larme souhaitait couler mais il s’y refusa. Il avait assez chialé. Aujourd’hui il devait reconquérir Minji et ce n’était pas en pleurant qu’il y arriverait.

"Par contre, elle ne m’a pas vraiment plaqué…on est apparemment en pause ou je sais pas trop quoi. Enfin bref, je dois la reconquérir je pense. Mais déjà elle ne m’a pas jeté comme une merde, bien que ça ait été mérité."

Il se leva pour s’approcher d’Aya.

"Je pense qu’elle va venir te parler un de ces quatre…pour éclaircir, pour avoir ta version quoi. Enfin…je crois…"

Il regardait Aya toujours de dos et se demandait ce qu’elle pouvait bien penser de tout ça…Quand même, il avait mis un beau bordel.

Aya redoutait là réponse, dès lors elle avait posé la question. Tandis que le jeune homme cherchait une réponse à sa demande, notre karatéka se rappelait les dernières paroles qu’elle lui avait dites. « J’espère qu’elle réagira comme toute femme digne de ce nom le fera ». N’avait-elle, Aya, pas souhaité que Minji lâche Akihito ? Si. Elle, à sa place, l’aurait fait. Car c’était bien connu : dès lors qu’on pardonnait un si grand faux pas à son copain, les chances de récidives étaient très grandes. Et pourtant, debout là, dos tourné à ce jeune homme qui semblait littéralement achevé par le fait que son couple soit « en pause », Aya regrettait amèrement ce qu’elle avait dit. Déglutissant et grimaçant, notre jeune femme ferma les yeux. Dire qu’un couple était en pause, c’était dire d’une version plus gentillette qu’en fait, ils étaient séparés.

« Désolé » dit-elle doucement avant de se tourner lentement vers Akihito qui s’était approché. Elle afficha un petit sourire puis haussa les épaules « Et si elle ne vient pas me parler d’elle même, je compte bien y aller moi. Et tout lui dire. »

Non pas qu’elle voulait rabaisser Akihito d’avantage, mais elle ne voulait pas non plus perdre Minji en voulant protéger le jeune homme. Elle aurait peut-être à nouveau gagné l’amitié du karatéka, mais à quel prix ?

Soupirant silencieusement, elle leva son regard vers le jeune homme et le fixa longuement

Elle se retourna finalement et il vit son visage. Elle avait l’air triste, ou pas, il ne savait pas bien. Elle irait lui parler, oui il s’en doutait bien. En revanche, il tilta légèrement en entendant le « tout lui dire », dire quoi de plus ? Il avait déjà bien expliqué ce qui s’était passé à Minji. Que voulait-elle rajouter ? Et puis surtout était-ce bien utile de retourner encore et encore le couteau dans la plaie. Il comprenait parfaitement qu’elle avait besoin de donner sa version des faits mais il espérait au plus profond de lui qu’Aya resterait soft si on pouvait dire. Finalement, il reprit la parole :

"Oui je peux comprendre que tu aies envie d’aller lui parler directement mais pour l’instant je suggère de la laisser un peu tranquille. Je sais que quand elle sera prête elle viendra te voir. Ne t’inquiète pas. Elle n’est pas du genre à laisser ce genre de choses trainer et puis tu es sa coloc elle viendra vite, j’en suis sûr. Mais, s’il te plait, pour l’instant laisse-lui le temps."

Il regardait Aya avec un air de dire que l’idée était louable mais pas le moment. Il ne voulait pas qu’Aya parle à Minji pour l’instant. Sa belle était déjà dans un état peu réjouissant alors si en plus Aya venait lui parler il avait peur que la réaction de Minji soit excessive. Et que du coup Aya se retrouve dans une fâcheuse position. Alors qu’attendre un peu devrait aider au contraire. Mais ça c’était ce que lui pensait….En allait-il de même pour les filles ? Elles se connaissaient, partageaient la même chambre et seraient forcées de se parler beaucoup plus vite que prévu. Il secoua la tête.
« Enfin tout ça pour dire que tu lui parleras quand tu sentiras le bon moment. Je te fais confiance. »
Il lui adressa un sourire franc, clair et se rendit compte que cela faisait longtemps qu’il n’avait pas souri à Aya comme ça.

Faisant un demi-tour, les mains croisées derrière la tête, il fit face à l’autre côté de la pièce et commença à dire :

"Tu sais quoi ? Je crois que j’ai grandi dans toute cette histoire. Un peu grâce à toi finalement. Je sais des choses que j’ignorais jusque-là. Déjà une chose est sûre : je ne recommencerais pas, trop peur de la perdre définitivement…bon ok pour l’instant la situation est un peu bizarre mais je lâche pas le morceau. J’ai appris aussi que quand on fait quelque chose, il faut assumer. Fini le temps du petit con qui fait n’importe quoi, là j’ai mis le doigt dans le monde des grands. Et qui m’a dit qu’on devait assumer ? Toi…Ma sempai et aussi….mon amie….Alors au final je termine avec : merci."

Il finit de parler et se retourna à nouveau vers elle avec un grand sourire illuminant son visage. Il était ravi d’avoir une sempai comme elle : franche, directe et surtout bien plus mâture que lui.


[HRP : navré du retard....mais j'ai eu un passage à vide...]

Les premières paroles du jeune homme étaient justifiées. Il est vrai que Minji devait sans doute apprendre à vivre avec cette situation et devait prendre sur elle. Elle venait d’apprendre que son copain l’avait trompé, ce n’était pas rien et ce n’était surtout pas le bon moment pour retourner le couteau dans la plaie. Aya décida donc d’attendre qu’elle vienne lui parler et non le contraire. S’apprêtant à le dire à Akihito, ce dernier reprit la parole. Ses mots étonnèrent agréablement notre jeune fille. Voilà qu’il assumait enfin ses actes et la remerciait. Si ça ce n’était pas adorable et une preuve d’amitié. Souriant doucement, notre karatéka s’avança et se plaça à côté d’Akihito.

« Bienvenue dans le monde des grands » dit-elle avec un clin d’œil en lui tapotant le dos, avant de faire un pas en avant, se plaçant en face de lui. Cherchant son regard, elle reprit « Enfin, plus sérieusement … je contente d’entendre ça. Contente de savoir que tu as grandis et que tu assumes enfin. Mais le prix à payer était élevé et j’aurais préféré que tu mûrisses d’une autre façon et que tu prennes un autre chemin. » Elle soupira légèrement et détourna furtivement le regard.

Il est vrai que si Akihito avait dit ces paroles dans un autre contexte, notre jeune fille aurait été vraiment enchantée. Mais malheureusement elle n’avait pas le pouvoir de changer le passé et devait faire avec. Alors, relevant le regard, elle reporta son attention sur Akihito et se recula d’un pas, pour mettre un peu de distance entre eux. Elle le fixa longuement, sans ciller puis lui tendit la main, tandis que son visage se fendit en un grand sourire.

« Amis ? » demanda-t-elle simplement, espérant qu’Akihito comprenne où elle voulait en venir.

Elle avait compris. Compris qu’il avait grandi. Il était heureux d’avoir réussi à s’exprimer proprement. Elle avait raison le prix à payer était un peu élevé mais voilà il était pas un spécialiste des relations humaines..y’a qu’à voir avec sa sœur. Enfin bref, il la regarda se mettre devant lui et lui tendre la main. Mais c’est le mot qu’elle prononça qui fit apparaître un large sourire sur son visage. Amis…oh que oui et pas qu’un peu.

Il fit un pas en avant et prit sa main :

"Amis, oui et pour longtemps j’espère."

Il était heureux, depuis toute cette histoire, c’était la première fois que ce sentiment revenait en lui. Que ça faisait du bien…Mais maintenant il devait reconquérir Minji. Il lâcha sa main et reprit la parole :

"Oui amis…je suis content. Elle va venir te voir tu sais. Et après ça j’irai la voir à mon tour. En attendant, je propose qu’on se change et qu’on aille prendre un en-cas avec un truc à boire parce que bon…c’est pas tout ça mais j’ai faim…pour changer." Il se passa la main dans les cheveux et rigola. Marrant il avait grandi grâce à tout ça mais certaines choses ne changeraient jamais : il partagerait toujours un goûter avec son amie, aussi souvent que possible et son estomac, lui, ne serait jamais rassasié.

"Ça te dit ?"

Il espérait que oui histoire de sceller toute cette histoire, du moins une partie, la partie Aya…



[HRP : je te laisse clore...]