Hugh pénétra lentement dans ce qui serait dès lors leur nouvelle chambre, regardant les lieux avec circonspection. La chambre était lumineuse et agréable. Au centre, une table basse visiblement convertible en kotatsu l'hiver permettait de s’asseoir pour discuter sur des coussins, et les lits étaient en fait des meubles « tout en un » qui réunissaient lit en hauteur, bureau dans un recoin juste en dessus, et un placard derrière. Ca avait un petit coté « domaine privé, mais… »

« Mince, c’est une chambre pour gosse de primaire ou quoi ? Manque plus que les stickers de dinosaures sur les murs… »

Déclara le blond en laissant tomber son sac à ses pieds, un léger agacement pointant dans sa voix. A la vérité, et ses compagnons de voyage le savaient, c’était plus le changement et le déménagement qui l’ennuyaient. Se plaindre de l’ameublement était un biais comme un autre de laisser échapper un peu de son inquiétude.

Le déménagement avait été un peu soudain, leur univers quotidien chamboulé, et un moment, Hugh avait bien crut qu’il serait séparé de ses compagnons. Ce a quoi son esprit s’était rebuté de toutes ses forces, ne supportant pas l’idée d’une séparation aussi soudaine. Bien évidemment qu’un jour ils seraient séparés ! Mais ce jour n’était pas encore arrivé.

Quelques conversations et échanges de noms avaient conduit les jeunes hommes à choisir cet endroit comme lieu de chute. Choix guidé en grande partie par la présence du chenil pour shizuka. Mais à vrai dire, au final, tout ça, Hugh s’en fichait pas mal. Du moment qu’il était encore avec Eiji et Kantaro… Surtout Kantaro ? Leur relation était encore toute fraîche et mal assurée. Eiji d’ailleurs n’en savait encore rien. S’aurait peut-être été mieux d’être séparé de lui, non ? … Non. Cette simple idée révulsait Hugh.

Le blond se retourna vers son comparse qui avait fait le trajet avec lui, tandis que Kantaro prenait un autre chemin suite à quelques obligations personnelles.

« Au moins tu gardera ton domaine en hauteur, il faut juste choisir ton emplacement. »

Il s’avança, allant à la fenêtre pour regarder au-dehors, un peu paumé mais heureux qu’Eiji soit la avec lui.

Il allait finir par s'habituer à l'idée de changer de lycée en cours d'année. Trois en deux ans... il finissait par faire fort. Certes, cette seconde fois n'était pas de son initiative, mais due à la fermeture dans des circonstances un peu flou de leur lycée précédent, mais quand même... Enfin, s'il avait pu s'habituer à l'excentricité de son ancien lycée, il pourrait surement s'habituer à un lycée plus classique, surtout que cette fois, il n'arrivait pas seul. Ils avaient lus les brochures des lycées proposés ensemble et le choix avait fini par se poser – plus par rapport à certains détails matériels que par rapport à la réputation du lycée- Enfin, Kantaro avait du vérifier ce genre de détails...

Le jeune homme haussa les épaules avec un sourire amusé, se dirigeant vers un des lits proches de la fenêtre, visiblement inoccupé. Effectivement, l'ensemble était plus utilitaire que vraiment esthétique, ce qui n'était pas plus mal. Quelque part, c'était peut-être mieux que ce qu'ils avaient eu avant.

" Tu voudras qu'on mette un matelas en bas de ton lit si tu as peur de tomber ? Enfin au moins ce n'est pas mixte, c'est déjà ça. Ca fait un peu... capsule ? "

La chambre n'était pas si petite pourtant, mais tout semblait avoir été calculé pour faire gagner de la place. Parce que le lycée estimait que les élèves devaient passer plus de temps hors de l'internat que tapis dans leur chambre ? C'était possible. D'après ce qu'il avait vu, le parc et les installations sportives avaient l'air de toute beauté. Le jeune homme trépignait d'impatience à l'idée de les explorer. Il bouillait d'envie de faire du sport aussi, chose qui lui avait été assez interdite ces derniers temps. Entre le changement de lycée, le voyage, les démarches administratives... il s'était retrouvé coincé sagement, dans l'impossibilité de faire ce qu'il voulait de son temps libre. Même Shizuka avait été heureux comme un fou d'être lâché dans un petit box dans le chenil.
Shizuka... Eiji avait du mal à se faire à l'idée que le shiba-inu ne serait pas constamment dans ses pattes dans la chambre. Certes, c'était bien mieux vu la taille de la chambre, et il le verrait souvent mais... l'omniprésence de son chien allait lui manquer.

Abandonnant son sac, l'adolescent ouvrit la fenêtre en grand. En face de lui, le parc, la verdure, un cours d'eau, la forme de grise de Hachioji, et encore plus loin, la forme pointue de la montagne qui se découpait dans le ciel. Là encore, il mourait d'envie d'aller y faire un tour, comme un gosse qui a plein de nouveaux jouets devant lui. Ca allait être dur de se rappeler qu'il était là pour bosser, et non pour courir partout.

L'adolescent se retourna, s'appuyant sur le rebord de la fenêtre. L'air tiède de juin lui caressait doucement les cheveux comme une main rassurante. Même s'il ne l'avouait pas aux autres, il était ravi de changer de lycée pour mettre de la distance entre lui et... ce qui s'était passé avant.

" Je suppose qu'il va falloir mettre l'uniforme avant d'aller explorer. Tu veux que je t'aide à monter quelque chose dans ton placard ? "

Hugh eut un mouvement de tête à l’égard d’Eiji, les mains posées sur les hanches, en réponse à la petite pique amicale. L’eut il lancé quelques mois plus tôt qu’il en aurait été vexé, mais la aujourd’hui, il le prenait comme c’était : Une boutade entre amis.

« Si je tombe du lit, vous devez m’accompagner à l’hôpital, bonjour la nuit. Ca ira, je devrais éviter de tomber »

Les lits étaient de toutes manières faits de telle façon qu’il lui semblait improbable de chuter. Et puis, chutait t’on de son lit lorsqu’il se situait en bas ? Cela dit, malgré ces quelques pensées rassurantes, l’idée d’être en hauteur ne plaisait en effet pas vraiment à Hugh. Même s’il était un peu plus casse cou depuis qu’il se trouvait au japon presque livré à lui même, il restait en lui une bonne part de cette prudence maladive inculquée par sa mère.

Les paroles d’Eiji le firent soupirer. Ah oui, l’uniforme. Bah, il devait plutôt s’estimer heureux d’y avoir échappé jusque lors ! Il sourit légèrement à l’attention du brun.

« Merci, mais ça va aller… J’ai pas envie de déballer mes affaires la, plutôt de me balader moi aussi. »

Il posa sa valise à coté du placard du lit en face de celui d’Eiji, s’appropriant ce coin la, et l’ouvrit pour en sortir ses affaires à dessin et son ordinateur qu’il posa sur son bureau. Il glissa sa boîte à médicaments dans le placard, et laissa le reste pour plus tard. Dans un sac en plastique, une tenue à sa taille se trouvait la. Ouvrant la porte du placard associé à son lit, il s’amusa avec le battant, avant d’ouvrir celui du placard du placard face à sien, créant ainsi un petit espace clot. Il n’y avait qu’un fin interstice entre les 2 portes. Les meubles semblaient avoir été conçus au cm prêt.

« On a même des paravents pour se changer »

Plaisanta le blond. Si Kantaro choisissait le lit juste en face, cette petite cabine serait un lieu intime pour se changer... Le blond remua soudainement la tête, gêné de commencer à penser comme ça alors qu'il était avec Eiji.
Il déballa sa tenue avant d’user de cette cabine improvisée comme il se devait, lançant ses vêtements par-dessus la porte. L’uniforme, sobre et noir, avait une certaine classe. En pantalon et chemise débraillée, Hugh se retrouva soudainement confronté à une problème de taille.

« Mais comment est-ce que… »

Une cravate. Comment ça se nouait ce truc la ? Essayant de se souvenir de ce qu’il avait vu dans des mangas et des films, Hugh fit plusieurs tentatives malheureuses avant de pousser le rabat de son placard avec agacement.

« Eiji, est-ce que tu sait comment… »

Il s’arrêta net face à son ami déjà habillé de pied en cap, la cravate proprement noué à son cou étant une réponse muette à sa question restée en suspend. A son cou, le misérable nœud était presque comique.

Mettre l'uniforme avait quelque chose de familier, même si le blazer occidental n'était pas tout à fait le même que la veste de son ancien uniforme. Son côté japonais fermé adorait par avance l'idée du cadre net que cela impliquait. Non qu'il n'ai aimé le côté plus décontracté de leur ancien lycée mais... Eiji haussa les épaules en achevant de nouer sa cravate en vérifiant que le nœud était droit dans le petit miroir à l'intérieur de la porte du placard : on râlait toujours sur ce qu'on avait. Il devait avoir passé un peu trop de temps avec Hugh au final, à s'interroger sur le système plutôt qu'à l'accepter sans remord. Et ce, même si l'américain ne devait même pas soupçonner qu'il avait pu l'influencer.

La question de Hugh resta en l'air un instant, jusqu'à temps qu'Eiji réalise ce que l'autre garçon voulait. La vision de Hugh dans son uniforme débraillé, la cravate pendant lamentablement, amena un sourire amusé sur le visage du japonais. Il avait l'habitude de voir Hugh avec des vêtements trop grands, voir franchement informes, parce que l'autre garçon affectionnait ce genre de vêtements et qu'il avait surtout le travers de vouloir se dissimuler derrière. Réussir à garder ce genre d 'allure avec un uniforme bien taillé était une autre paire de manche !
Toisant au dessus de l'américain, Eiji attrapa le pan de tissu et ajusta la longueur avant de commencer à la nouer. C'était identique à faire le nœud en regardant dans un miroir.

" C'est pas compliqué regarde. Tu fais un tour et tu repasses le grand pan dedans. Et tu ajustes."

Sous les mains d'Eiji, le noeud était né assez facilement, à sa place. Ne s'arrêtant pas en si bon chemin, le jeune homme tira un peu sur la chemise de Hugh, l'ajustant sur ses épaules pour ne pas lui donner un air débraillé, et replia le col à sa bonne posture. Avant de reculer d'un pas, les joues rosées, en se rendant compte de l'impression qu'il pouvait donner à ainsi ajuster les vêtements de son ami. Il ne s'était jamais posé de question sur son habitude à s'habiller correctement, ou à y prendre garde, et maintenant il se retrouvait à se méfier du moindre de ses gestes, à lire plus qu'il n'y devrait. Ou pas. Ce genre de prise de tête lui donnait envie de courir 10 km pour arrêter d'y réfléchir.

Eiji s'occupa en poussant la porte du placard et en fermant machinalement son sac de voyage. Hugh avait raison : il verrait plus tard pour ranger ses affaires, pour le moment il n'avait pas envie de rester enfermé. Ses mouvements étaient un peu brusques, et quand il fut manifeste qu'il ne pouvait plus rien manipuler sans franchement ouvrir son sac et se mettre à ranger ses affaires, Eiji attrapa sa veste et se tourna vers Hugh, interrogateur.

" On va le faire ce tour ? J'ai bien envie de voir le plan d'eau qu'on voit de la fenêtre."

Et tout le reste du lycée et du parc, mais s'il proposait un tour complet du parc, vu sa taille, il risquait d'avoir un soucis avec le petit blond. De toute façon, il comptait bien le tester dès le lendemain matin, pour un petit jogging salutaire. Voir même ce soir, s'il ne prenait pas trop de temps à ranger ses affaires après cette première visite.

Hugh leva le nez avec un air faussement agacé face à l’expression moqueuse de son compagnon. En vérité, cela ne le dérangeait pas qu’il se moque de lui sur ce sujet. Il loucha pour regarder Eiji faire, avant qu’un air découragé ne passe sur ses traits.

« Ils pouvaient pas faire un faux nœud avec un élastique la ? Rah, sérieusement… »

Hugh se tut alors qu’Eiji rajustait ses vêtements avec soin, à mi chemin entre le petit ami et le maniaque. Lorsqu’il se rendit compte de ses gestes, il se recula avec gêne, et pour une fois, Hugh eut la gentillesse de ne pas trop le taquiner. Pas trop.

« Merci maman, mais j’arriverais à me rembrailler tout seul »

Déclara t’il en passant soigneusement la chemise dans son pantalon. Il se tourna vers le placard, enfilant la veste, et se jaugea dans le miroir en pied qui se trouvait sur la porte du placard. Cet uniforme avait une certaine classe. Un peu trop austère même, mais… C’était plus proche de l’image qu’il se faisait d’un établissement japonais. L’écusson, discret, lui plaisait bien, et il l’effleura du bout des doigts. Une feuille de gingko hein ? Un bien joli symbole.

Hugh reporta son regard dans le miroir. Les vêtements sombres accentuaient son coté pâle ainsi que la couleur de ses cheveux. Mais de toutes manières, ils étaient flagrants même sans ça. Il retourna le poignet vers l’intérieur, regardant les manches blanches.

« Je vais devoir faire super attention avec l’encre… Ou mettre un tee shirt dès que les cours seront finis »

Déclara t’il, un brin désappointé. La chemise ajustée lui donnait une sensation étrange lorsqu’il bougeait les bras, comme s’il était un peu trop serré. Mais ça devait être normal, il avait bien pris sa taille. Juste le manque d’habitude de ce genre de vêtements.

Il jeta un œil à l’extérieur. Même s’il n’était pas accro comme Eiji à l’exercice, il devait avouer que lui aussi, ce nouveau territoire ne demandait qu’à être exploré. Nouvel établissement, nouveaux compagnons, nouveaux profs… Enfin, à l’exception de certains : Il avait discuté avec Cathan, dans l’idée de lui faire ses adieux, et avait été assez heureux d’apprendre qu’en vérité, il allait dans le même lieu que lui. Ainsi que le prof d’espagnol, mais lui, il s’en fichait. Il avait surtout été heureux d’apprendre que le prof d’art allait ailleurs. Ca, ça avait été une très bonne nouvelle même.

« Oui, allons y. Kantaro n’est pas prêt d’arriver de toutes façons. »

Il soupçonnait Eiji de vouloir passer récupérer son chien. Quelques part, il était assez soulagé de l’absence de l’animal de la chambre, bien qu’il évite de le montrer.

Kenji avait cette fabuleuse capacité, quand il est plongé dans ses pensées, à ne plus avoir conscience du reste du monde, surtout quand il réfléchi à ses prochaines activités de travaux manuels.

C'est pourquoi, en poussant la porte de sa chambre, il alla directement à son lit pour y déposer son sac, sans faire attention au reste. Il était seul dans sa chambre depuis le début de l'année et retrouver deux - DEUX - nouveaux arrivant étaient la dernière chose à laquelle il s'attendait. C'est pourquoi, lorsqu'il les aperçu du coin de l'oeil, il eut du mal à garder son attitude calme, virile et mystérieuse dont il avait usage en public habituellement.

" Haa !" s'écria-t-il en sursautant à en décoller presque du sol, la main sur sa poitrine.

Deux garçons se tenaient au centre de la pièce, un étranger blond et un japonais. Kenji fut prit de la terreur que nombre de japonais partagent : devoir parler à un étranger et ne pas comprendre ni se faire comprendre.

Les mains tremblantes, il posa son sac sur son lit et se tourna vers les deux garçons et leur fit une courbette.

"Bonjour et bienvenus au Lycée Ginkgo Gakuen, je m'appelle Urasawa Kenji" dit-il de sa voix grave des bonnes manières. Il hésita un instant à dire "welcome" à l'étranger mais se retint, de peur d'avoir l'air stupide avec son accent japonais.

Il se redressa bien droit en prenant garde à conserver un visage le plus neutre possible pour observer un peu les deux garçons, le japonais était... bah... japonais, ils étaient de la même taille se qui surprit Kenji qui avait l'habitude de voir le sommet du crâne de ses camarades. Il avait l'air baraqué aussi, il devait faire du sport. Kenji se demanda s'il devait se réjouir d'avoir un camarade sportif comme lui ou bien craindre de se faire chambrer par un garçon aussi fort, voir plus fort, que lui le jour où celui-ci découvrirait ses passes-temps.
A côté de lui se trouvait le minuscule étranger tout chétif avec des cheveux blonds légèrement ondulés. Outre la crainte de ne pas arriver à se faire comprendre avec lui, la seule pensée que Kenji se dit fut la suivante : TROP KAWAII ♥ !

Eiji retint un ricanement à l'idée des manches de chemise blanches recouvertes de traces noires ou colorées, de la même manière que l'était si souvent la peau de ses poignets ou de ses avant-bras. Nul doute que l'américain pourrait lancer toute une nouvelle mode colorée.
La porte s'ouvrit, attirant son attention sur le nouvel arrivant qui déposa son sac de cours sur le lit, visiblement peu attentif au fait qu'il y avait deux inconnus dans sa chambre. Eiji se demanda s'il faisait exprès de les ignorer, quand le sursaut violent vint répondre à sa question : non, il n'avait juste pas fait attention à leur présence. De toute évidence, la chambre n'était pas aussi vide qu'ils l'avaient pensé au premier abord. Le jeune homme espérait juste ne pas avoir fait de boulettes. Ses précédentes expériences de colocations avaient toujours été tendues – entre autre grâce à Kantaro – et il espérait vraiment que les choses seraient plus calmes cette fois.

Le salut, la posture... tout était tellement typiquement japonais qu'Eiji dut retenir un soupir de soulagement. Enfin un lycée japonais où il pourrait se sentir chez lui et ne se demanderait pas à chaque pas si être japonais ne pourrait pas carrément être retenu contre lui par quelque raisonnement abscons ! Et avec un peu de chance, les choses seraient plus simples aussi.
Le kendoka s'inclina légèrement, se sentant parfaitement à son aise même s'il venait juste d'arriver. Etre dans des codes connus avait cet effet sur lui.

" Kimihiro Eiji. Désolé de t'avoir surpris. Nous venons d'être transférés dans la classe 3-A après la fermeture de notre précédent lycée. "

Urasawa toisait à peu près au même niveau qu'Eiji, laissant Hugh le seul de petite taille dans la pièce. Le seul à ne pourtant pas être complètement japonais, dans une logique inversée amusante. Il y avait au moins une chose que l'américain pourrait revendiquer de son héritage. En parlant d'américain blond...
Eiji fit un pas de côté, empêchant Hugh de se dissimuler derrière lui. Il était géné de se montrer avec son uniforme ou quoi ? Le regard de l'autre garçon était d'ailleurs fixé sur lui de manière un peu trop insistante pour être poli, mais le jeune homme supposa qu'il avait du le fixer de la même façon, la première fois qu'il s'était retrouvé face à lui après une enfance à ne croiser que des bruns ou des blondes décolorées et trop maquillées.

A peine s’étaient ils tous 2 retournés vers la porte que celle ci s’ouvrit, laissant le passage à celui qui était visiblement l’habitant des lieux, aka le seul bureau pourvu d’affaires personnelles. Ils n’y avaient pas prêté attention plus que ça en arrivant, il fallait dire que le peu d’affaires visibles étaient neutres et rangées discrètement, donnant presque l’impression que ce lit la aussi était libre.

L’arrivant posa son sac au bout de son lit avant de réaliser leur présence, sursautant soudainement. Mais il se reprit bien vite pour une salutation polie et une présentation en bonne et due forme, à laquelle Eiji réagit aussitôt, parfaitement à l’aise, avant de se décaler légèrement pour l’empêcher de se cacher derrière lui. Sale traître ! Hugh déglutit lentement. Il n’avait de toutes manières aucune raison de se cacher. Ce n’était pas son genre. Mais le regard fixé sur lui était étrange. Il était si bizarre dans son uniforme ?

Hugh se frotta la nuque avec un petit sourire gêné, avant d’effectuer lui aussi un salut japonais à l’attention de Urasawa.

« Hugh brown, enchanté. Désolés d’envahir ton territoire. Un ami à nous doit arriver dans la suite de la journée aussi. »

Si c’était lui qui avait bénéficié depuis le début de l’année d’une chambre seule et qui soudainement se retrouvait envahi par 3 inconnus qui eux, se connaissaient déjà entre eux, Hugh savait qu’il n’aurait pas été forcement été ravi. Mais tout le monde n’aimait pas la solitude, et peut-être serait il heureux d’avoir des compagnons ? Il le saurait peut-être plus tard.

Hugh se décala d’un pas, cognant son tibia à la table basse. Il n’y avait pas beaucoup de place dans cette chambre. Ils faudrait qu’ils en prennent l’habitude.

« On comptait découvrir un peu les lieux » il inclut Eiji dans le « on » d’un mouvement de menton « Les cours viennent de finir, c’est ça ? »

Il n’avait pas pensé à ça. Le fait de s’introduire dans la chambre d’un autre. Si Urasawa n’avait pas été seul, ça aurait peut-être été différent, mais la, il se sentait assez envahissant et cela le gênait.

Kenji se sentit incroyablement soulagé de constater que l'étranger - Hugh Brown - savait très bien parler japonais, même s'il faisait montre d'une expressivité assez surprenante pour ce coincé de l'arrière-train de Kenji et pour les japonais de manière générale aussi.

Le japonais, Kimihiro Eiji, avait l'air d'être le lycéen typique, ce qui ne le différencier pas des autres de ses camarades de classe à ses yeux.

Tout en gardant les bras le long de son corps, Kenji se balança très légèrement le temps de jeter un coup d'oeil sur les affaires des deux garçons posés dans la petite chambre. Lui qui était seul depuis le début de l'année, il se sentait un peu contrarié de voir débarquer deux nouveaux et un troisième qui doit arrivé. Il fallait qu'il trouve un autre endroit où coudre, tricoter et broder.

Il s'imaginait déjà les discussions de mâles viriles, à grands renfort de réflexions salaces sur leurs camarades féminins, de quelle est la plus jolie, laquelle doit être la plus coquine, quelle prof est la plus sexy, quelle idole, quelle... Lui, il aimait bien les filles et les trouvait très jolies, mais il était un gentleman, et un gentleman respecte toujours les filles. Son père lui a toujours dit ça.

La seule chose qui évita à Kenji de pousser un couinement de "non je veux paaas" c'est la boule d'angoisse qui commençait à lui nouer la gorge. Il cligna des yeux deux fois, toussota un peu et se décida à répondre à Brown (bu-ra-u-no) :

" Ou-oui, les cours viennent de se terminer. " Kenji se sentit rougir un peu en faisant un geste maladroit et raide de la main pour désigner son sac posé sur son lit. " Vous allez faire un tour seuls ? Vous n'avez pas eut de visite guidée ?" demanda-t-il en parfait japonais poli.

Des fois, Kenji se disait qu'il ferait bien d'apprendre à être moins poli et moins serviable. Il craignait que les deux garçons disent oui, mais en même temps, ça lui ferait plaisir de leur faire visiter et ça serait le moyen de faire connaissance. Mais d'un autre côté, s'ils partaient, il aurait le temps de vérifier si tout son matériel de couture et ses derniers travaux étaient bien planqués. Pas de raisons pour que ce soit en évidence, il fait toujours bien attention à tout ranger pour éviter ce genre de situation justement.

Il esquissa un petit sourire à l'adresse de ses deux camarades en se demandant quelle était la texture des cheveux de Brown.

Eiji haussa les épaules à la question. Entre le moment où ils avaient été dans leur ancien lycée, et leur arrivée ici, quand auraient-ils eu le temps de visiter ? L'année scolaire étant déjà bien entamée, il supposait qu'interrompre quelqu'un pour faire visiter à quelques élèves nouvel arrivant n'était pas inclus au programme. Ils avaient dus se contenter de la brochure – fort belle au demeurant – et des rapides explications concernant les différents bâtiments de la part de la secrétaire au gentil sourire qui les avaient accueillis et guidés jusqu'à leur chambre en leur disant de ne pas hésiter à profiter de la journée pour explorer : ils ne commenceraient officiellement les cours que le surlendemain, le temps que tous les élèves arrivants soient bien établis.

" Non, nous sommes seuls et perdus au milieu de l'école... mais on devrait s'en sortir quand même."

Oups. Eiji réalisa un instant après comment cela devait sonner. Décidément, il avait passé un peu trop de temps au contact de Hugh, avec ses petites remarques impertinentes. S'il continuait comme ça, il risquait même de finir par discuter réellement au lieu de se battre. Quelle idée saugrenue.
Le jeune homme s'excusa d'un demi-sourire et tourna son attention vers le blond, l'interrogeant du regard. Il n'avait rien contre l'idée de visiter avec leur nouveau colocataire, mais il n'était pas sur que son comparse soit du même avis.
S'ils devaient vivre avec lui toute l'année durant, autant faire connaissance assez rapidement, sinon Kenji risquait de se retrouver assez vite cerné et exclu par un groupe d'élèves plus âgés qui se connaissaient déjà et étaient dans la même classe. D'un autre côté, ils avaient tout le temps du monde pour discuter avec leur nouveau colocataire. Le temps d'être sociable viendrait après celui d'être curieux.

" Nous ne voudrions pas imposer sur ton temps libre Urasawa-kun. En plus je dois faire un détour par le chenil, et j'ai bien peur que ça n'intéresse que moi..."

Et surveiller si Shizuka allait bien, abandonné de ses maîtres pour la première fois depuis son adoption. L'idée perturbait le jeune homme plus qu'il ne voulait l'avouer devant témoin.
Le regard du kendoka passa à nouveau du japonais à l'américain. Le premier semblait avoir du mal à détacher son regard de sa chevelure blonde, et le second semblait prêt à se cacher encore une fois derrière lui pour éviter ce regard insistant. Habitué à leur autre école, le métis avait probablement perdu l'habitude d'être la cible de regard intrigué. Eiji espérait vite qu'il se s'y ferait... enfin, si ce n'était que ça, il était près à lancer quelques poings pour permettre à son ami de retrouver une certaine tranquillité.

Si Hugh avait put entendre les pensées de kenji, il en aurait bien rit et aurait put le rassurer – t’inquiète, on est tous gays – mais il était en vérité bien loin d’imaginer le cours qu’elles prenaient. L’impression de déranger était la chose qui prenait le plus d’importance en cet instant, ainsi que l’envie pressante d’aller voir ailleurs donc. La réflexion d’Eiji allait en son sens, et Hugh sourit avec amusement face au ton employé par son compagnon.

Un instant, il hésita à proposer à leur nouveau colocataire de les accompagner au chenil pour faire la connaissance de Shizuka – lui n’aimait pas les animaux, mais chez la plupart des gens, ça suffisait à briser la glace, non ? – mais l’idée d’être encore accompagné de ce regard fixe le mettait mal à l’aise. C’est pour cette raison qu’il remit cette idée à plus tard et sortit de la chambre après un bref salut, suivi d’Eiji. Ce n’est qu’une fois dans le couloir qu’il se permit une remarque.

« … Il me regarde bizarrement. »

Déclara t’il d’un air gêné, les mains dans les poches, ne parvenant pas encore à se sentir à l’aise dans cet uniforme qui lui donnait l’impression d’être déguisé. Il avait beau s’être vu dans le miroir en pied dans la chambre, il n’arrivait pas à savoir quelle impression il devait donner. Eiji lui, semblait taillé pour ça. Son uniforme s’était automatiquement adapté à sa stature et son attitude, lui donnant un air à la fois classe mais aussi décontracté, sa chemise ajustée juste comme il fallait sans trop en faire.

[Pardon du retard, j'ai eut un blocage à la con -__-;;; ]

A peine les garçons avaient-ils terminé de parler qu'ils étaient dehors, sans même lui proposer de les accompagner. Après tout, même s'ils étaient nouveaux, ils restaient ses sempai mais... Kenji qui n'avait pas vraiment d'amis ici se sentit un peu rejeté, comme si même de parfait inconnus savaient qu'il ne fallait pas qu'ils se mêlent à lui.

La gorge de Kenji se serra un peu. Il était partagé entre la contrariété de ne pas avoir pu répondre à ses devoirs de bon élève en ayant été rejeté par ses sempai et celle de l'invasion de son territoire. Mais maintenant qu'ils étaient sortis, il allait pouvoir vérifier s'il n'avait rien laissé trainé dans son coin de chambre.

Après une rapide inspection où il trouva ni un fil de couture ni un bout de dentelle dépasser, il prit son sac de son lit pour en retirer ses affaires pour les ranger dans son placard. Dans celui-ci, il y avait, outre ses vêtements et quelques affaires de cours, tout son matériel de couture et ses dernières confections. Il venait de finir de réaliser une petite peluche en forme de chat habillé en seigneur de l'époque Muromachi absolument trop mignonne et Kenji se sentit mieux rien qu'à le prendre entre les mains pour la regarder. Il était très fier de la finesse de ses coutures, la finition des ourlets, les broderies sur le kimono. Des fois, Kenji aimerait bien faire partager sa passion pour les mignonnes petites peluches en costume traditionnel ou bien la customisation de petits carnets à dessins dans lesquels il fait ses croquis pour de nouvelles peluches ou décoration. Il aimerait bien pouvoir faire des petits charms pour portable et les offrir à ses amis, mais ça serait avouer qu'il aime tous les trucs mignons, ce qui n'était absolument pas viril. Et lui qui faisait du karaté comme un homme et qui était un gentleman sur qui les filles peuvent compter, il ne pouvait pas révéler son secret. Et puis de toutes manières, Kenji n'avait pas d'amis suffisamment proches pour leur faire des cadeaux.

Avec un soupir, Kenji regarda la table basse au centre de la pièce. Avec l'arrivée de ses nouveaux camarades, il ne pourra plus veiller tard le soir pour coudre sur celle ci. Lui qui lui tardait de pouvoir sortir le kotatsu pour rester bien au chaud dessous en hiver pour coudre une jolie petite peluche de nounours avec un costume bien chaud d'inspiration russe avec une tasse de chocolat bien chaud ! Il avait même fait tous les croquis dans son carnet. Et maintenant, tout ses plans tombaient à l'eau et Kenji se sentait un peu frustré par tout ça.

Se tournant vers son placard à nouveau, Kenji aperçu son travail du moment : un petit lapin en costume traditionnel chinois. Aucun des ourlets n'avaient été fait et il ressenti l'envie irrésistible d'en faire au moins un avant que les autres ne rentrent de leur balade dans le lycée.

"Aller, juste un petit ourlet, je devrais avoir le temps avant qu'ils ne rentrent !"

Content de pouvoir un peu coudre pour se détendre, Kenji s'assit à son bureau pour entreprendre de coudre un ourlet - ou deux - à son petit lapin.

Le japonais esquissa un sourire avant de secouer la tête à la remarque du blond. Il espérait ne pas avoir regardé Hugh de la même façon quand ils s'étaient rencontré pour la première fois. Probablement pas : il avait été trop occupé à se mettre en colère contre lui et à le plaquer contre un mur pour s'arrêter trop longtemps sur le petit détail de la couleur de ses cheveux. Par la suite, c'était plus son comportement de gaijin qui l'avait fait raler.

" Il ne doit pas avoir souvent vu de vrais blonds. Ca lui passera vite. "

Du moins il espérait. Si Urasawa faisait une fixette sur le gaijin de leur chambre, les premières semaines risquaient de se montrer délicates et surtout, risquait de provoquer des réactions en chaine avec leur quatrième colocataire. Pour une fois, Eiji espérait pouvoir vivre dans une chambre à plusieurs sans aucune catastrophe.
Le couloir où s'enchainaient les portes était vide, comme si tous les élèves avaient trouvé mieux à faire que de se trouver là le jour de leur arrivée. Certes, il n'y avait aucun rapport, mais c'était plus agréable de chercher des points de repère sans devoir fendre la foule sous les regards curieux.

Machinalement, le jeune homme glissa la main dans sa poche, avant de se figer devant le vide de celle-ci, le tissu encore raide de la veste neuve comme un corps étranger sous ses doigts. Forcément, il venait d'enfiler son nouvel uniforme, sans penser à récupérer ce qui trainait dans les poches de son jean abandonné sur son lit... Eiji étouffa un grognement avant de se tourner vers Hugh qui avait avancé de quelques pas avant de se rendre compte qu'il avait été largué par son acolyte et de se tourner vers lui.

" J'ai oublié la laisse de Shizuka en me changeant. Je retourne la prendre, j'en ai pour 5 secondes."

Sans attendre de réponse, l'adolescent fit demi-tour, marchant à grand pas jusqu'à la porte 102 qu'il ouvrit à la volée, se dirigeant vers son lit sans vraiment prêter attention au garçon encore présent là avant de se rappeler de sa présence et se tourner vers lui avec un petit sourire d'excuse.

" Excuse-moi de repasser en coup de vent, j'avais oublié la laisse de... "

Maladroitement posé sur les genoux de Kenji, comme s'il avait tenté de le cacher au dernier moment, se trouvait un petit lapin dans un costume bizarre, une aiguille plantée au travers du tissu. Sur le bureau du garçon était sagement déposé le reste du set de couture. Eiji cligna deux fois des yeux avant de réaliser qu'il était en train de coudre. Les vêtements d'un lapin en peluche.
Silencieux, Eiji acheva le trajet jusqu'à son lit pour récupérer ce qu'il était venu chercher.
La laisse était exactement là où il l'avait abandonnée, au chaud dans la poche de son jean, mordillée depuis le jour où il avait eu le malheur de laisser Shizuka se promener lui-même en laisse. Il avait eu beau prendre un modèle plus solide depuis que le jeune animal en avait cassé une dans les mains de Hugh, les crocs du shiba restaient de solides adversaires pour toute lanière de cuir. Il la rangea rapidement dans sa poche, essayant de repasser sans donner l'air de fixer ce que faisait son cadet.

" Ta petite amie va surement apprécier ton cadeau, c'est... mignon."

C'était de ce mignon kawai qu'Eiji associait automatiquement aux filles, un peu comme les petites culottes à pandas qu'affectionnait tant Konata. Le reste de l'association était vite venue : l'autre garçon faisait ça pour sa copine, explication la plus logique qui soit.

C'était un peu comme s'il avait pris une énorme douche froide sur les épaules. Et qu'après la douche froide, ça serait au ciel de lui tomber sur la tête. Quand on est ado, on a un peu le sens du drame, et Kenji, à force de shoujo manga dévorés en cachette, avait développé un grand potentiel de tragédienne.

Les mains tremblantes, serrant sur ses genoux sa petite poupée, il n'arrivait pas à détacher son regard de Eiji qui était revenu prendre un truc et ainsi le surprendre. Ce dernier était d'un calme olympien et lui avait fait une remarque posée au sujet d'une petite amie, un truc comme ça.

Kenji sentait ses joues lui brûler et la honte faire battre la chamade à son cœur. Il ne savait pas trop quoi répondre alors il se mit à bafouiller des syllabes inintelligibles, se disant qu'il trouvera bien quelque chose à dire une fois qu'il aurait commencé à parler.

- Ha heu ben... ha.... heu..... et bien..... m-m-mais.... j-j-je...... ha.......

Il resserra son étreinte sur son lapinou.

- Je... heu.... je n'ai pas de-de-de c-c-copine......

A peine les mots eut franchis sa bouche qu'il les regretta et se demanda vaguement dans un coin de sa tête s'il devait se taper le front contre le bureau, au milieu de tout ce qu'il pensait, entre autres des "je vais me faire taper et finir estropié dans un fauteuil roulant, un bras et un oeil en moins", des images de sa mère pleurant sur le manque de virilité de son fils et son père le regardant de haut comme s'il n'était qu'un demi-homme et son avenir de otomen seul dans un tout petit appart rempli de dentelles, où des enfants qui lui jetterait des oeufs sur sa porte d'entrée en le traitant de vieille folle qui mange des bébés.

Dire qu'il n'avait pas de copine revenait à dire qu'il faisait ça pour lui-même et sa virilité en prendrait sans doute un coup auprès de ses camarades de chambrée. En plus il était le plus jeune et ils se connaissaient déjà tous les trois, à tous les coups, il sera exclu et ils le chambreront. Il aurait espéré que le troisième garçon ne voit jamais ses confections, mais à tous les coups Eiji et Hugh lui répèteront et il aura l'air débile.

"Plus qu'à trouver une boîte qui ferme à clé..." se dit-il amèrement entre deux vagues de panique.

Il se leva précipitamment, les jambes toutes flageolantes pour tenter de ranger ses affaires de couture mais tout ce qu'il parvint à faire c'est se prendre les pieds dans ceux de la chaise et il tomba en arrière, faisant valdinguer son petit lapin en direction de Eiji .

Hugh hocha légèrement la tête à la réponse d’Eiji, moyennement convaincu. Parfois, sans prévenir, la gêne d’être gaijin revenait à la charge, le gênant. Sa mère était pourtant japonaise. La partie la plus importante à ses yeux de sa famille l’était. Mais son visage criait à l’étranger, malgré le fait que ses yeux soient un peu plus bridé. Il en avait une fois fait part à Cathan. Celui avait rit avant de lui confesser qu’il en allait de même pour lui. La différence était qu’il était adulte et assuré. Il ne semblait pas gêner de détonner au milieu de tous ces japonais.

Le blond talonnait son ami en regardant autour de lui, prenant ses marques dans ce nouvel établissement, et le dépassa lorsque celui-ci stoppa net son avancée. Lorsque Hugh s’en rendit compte et se retourna vers lui, Eiji, le planta pour aller récupérer en vitesse la laisse oubliée du jeune chien. Effectivement, il eut été ennuyeux d’arriver au chenil sans ce petit accessoire indispensable… Le dressage de l’animal n’avait pas l’air des plus évidents, et il y avait certainement dans le règlement une clause qui ordonnait d’agir de cette manière de toutes façons.

Le jeune homme croisa les bras, attendant le retour qui se fit plus long que prevu, surtout eut égard à la foulée particulièrement rapide d’Eiji. Des élèves arrivaient dans l’autre sens, et Hugh retourna vers la chambre, gêné à l’idée de se trouver seul dans le couloir. Lorsqu’il arriva, un étrange spectacle l’attendait : Eiji se tenait debout face à Kenji étalé au sol, comme si…

« Eiji ! Ce n’était pas la peine de le frapper pour ça ! »

Si Hugh était bien heureux de leur amitié, le comportement du kendoka par contre lui posait parfois plus soucis. Il était le premier surpris à voir Eiji réagir comme ça pour le protéger, mais il le connaissait assez bien pour connaître son irascibilité.

Le jeune homme s’accroupit à coté de Kenji, posant une main sur son épaule.

« Kenji kun, je suis désolé, il y a… »

Le jeune homme s’interrompit dans ses paroles lorsque son regard tomba sur la petite peluche de lapin aux pieds d’Eiji. Drôlement soigné pour un jouet pour Shizuka ça, non ? Un drôle de silence regnait dans la pièce alors que Hugh levait un regard interrogateur vers Eiji.

Eiji resta figé devant l'enchainement de la situation pour n'en sortir qu'au moment où Hugh arrivait dans la pièce, l'accusant des pires mots, au moment où Eiji se demandait comment on pouvait être à la fois assez maladroit pour se casser la gueule de sa chaise et adroit pour coudre une pareille chose. A l'accusation, l'attention d'Eiji en revint sur le blondinet, outré. Ce n'était pas comme s'il frappait les gens si souvent.... enfin si souvent sans raison ! Ok, même dans son propre esprit, la défense se heurtait à un sourire ironique. N'empêche qu'il n'avait pas eu de raison réelle de frapper l'autre, sauf s'il considérait le lancé de lapin comme une attaque à son égard.

" Hé, c'est pas moi cette fois ! "

Un peu vexé quand même, le jeune homme s'agenouilla pour récupérer le lapin à ses pieds, observant la mignonne peluchette avec quelque chose qui variait entre fascination et horreur. Si ce n'était pas pour offrir à sa petite copine, c'était pour faire quoi ? Si c'était pour avoir dans sa chambre un – un de plus ? - de ces gays flamboyants, Eiji risquait fort d'aller demander à l'administration la possibilité d'aller dormir ailleurs. Déjà qu'il avait eu un mal de fou à empêcher Hugh d'afficher partout dans leur précédente chambre des posters Boy's Love, alors leur nouveau coloc se mettait à mettre des petits lapins suggestifs partout...
Eiji regarda à nouveau la peluche et la reposa vite fait sur le bureau de Urasawa dont Hugh s'occupait avec délicatesse pour le moment.

"Il s'est planté tout seul..."

De manière assez ironique, la vérité semblait passablement ridicule, ressemblant d'un peu trop près à la bonne vieille excuse "je suis tombé dans les escaliers" qui ne marchait jamais, véridique ou non.
Un peu agacé de l'accusation, Eiji lança un regard en coin à son cadet avant de reculer un peu, laissant Hugh gérer la situation à sa convenance. Certes, vu son comportement, il ne devait pas donner l'impression d'être innocent de l'affaire, mais de toute façon, quoi qu'il fasse, il passait toujours pour une brute. Sauf que d'habitude, il avait au moins le plaisir de frapper avant l'accusation.

Son regard se posa à nouveau sur le petit lapin qui semblait le regarder d'un air accusateur. Plus il y pensait, et plus l'objet semblait effrayant, comme investi d'un esprit, tel un yokai vicieux né d'un objet ampli de sentiment. Réellement flippant.

Le choc de ses fesses rencontrant le sol laissa Kenji un long instant pantois. Le temps de réaliser ce qu'il s'était passé, le blondinet était revenu et avait échangé quelques paroles avec Eiji auxquelles Kenji ne prêta pas attention.

"OH MON DIEU BOUDDHA ET MES ANCÊTRES, MON PÈRE ET MA MÈRE, mon secret est révélé, je vais couvrir le nom des Urasawa de honte et devrait me faire seppukku au moins et...."

La gorge serrée et les jambes flageolantes, il se releva pour tenter de garder un peu sa dignité tout en contenant la vague de peur et de honte qui déferlait en lui.

- Je.. heu... désolé, j-j-je suis m-maladroit, j-j-je...

Il fit quelques pas pour aller récupérer son lapin avant de le serrer contre lui, pour le cacher des yeux de ses camarades. Il était un homme, et un homme, ça assume ses actes de manière virile et fière, même si ce qu'il chérissait le plus était des hobbies de filles. Il allait passer le reste de l'année avec eux, il ne pourrait pas le cacher éternellement non plus.

Il prit une profonde respiration avant de parler pour tenter de libérer sa gorge et lutter contre les larmes :

- C'est mon hobby p-personnel, j-j-je le fais pour moi mais... mais...

Les épaules de Kenji s'affaissèrent d'un coup et il prit un air tellement chagriné que ses sourcils formèrent une pointe qui disparaissait sous ses cheveux. D'une voix tremblante, il continua :

- S'il vous plaît, n'ébruitez pas, je... je suis au club d'art martial, je n'aimerais pas qu'on me chahute parce que... je... je...

Il ne parvint pas à finir sa phrase. C'était la première fois qu'il se retrouvait confronté à cette situation et il n'arrivait pas à formuler à voix haute ce qu'il aimait tant : les choses mignonnes et la couture.

Il se détourna pour aller à son bureau et ranger maladroitement ses affaires.

Eiji réagit aussi par la dénégation, faisant revenir le regard de Hugh vers Kenji, qui semblait plus mortifié que jamais, et se relevait maladroitement, allant récupérer son bien qu’Eiji avait reposé sur le bureau comme s’il eut crains qu’il allait le brûler, et le serait contre lui, cherchant à le faire disparaître de leurs regards, et lui même aussi dans la foulée s’il en avait été capable.

Finalement, comme s’il allait faire la pire des révélations au monde, leur colocataire pris une grande inspiration et se lança d’une voix chevrotante pour expliquer que la petite peluche était de sa création, et que c’était somme toutes son hobbie personnel. Et de laisser pointer la crainte qui devait justifier une bonne partie de son comportement, à savoir de se faire ennuyer par les autres garçons du club. Il était sur qu’un hobbie de ce genre devait faire naître bon nombre de remarque sarcastique voir agressive pour certains. Peut-être même avait il déjà été ennuyé par le passé ?

Kenji éveillait en lui une certaine compassion. Il avait l’air gentil et discret, un garçon avec quelques trucs différents qui s’efforçait de se mêler aux autres. Lui n’avait jamais cherché à cacher sa difference. Avoir vécu quasiment seul durant toutes ces années l’avait comme vacciné de cette crainte des autres. Ils lui semblaient au final de si peut d’importance… S’il leur plaisait, tant mieux, sinon, tant pis. Et au final, son humeur joviale et sa connaissance des États-Unis prenait souvent le pas sur le fait qu’il soit gay. Pourquoi n’en serait il pas de même pour Kenji ? Il était visiblement au club d’arts martiaux et la création de petite peluche – et d’autres choses ? – était son hobbie caché, mais pas le seul. Il avait beaucoup d’autres qualités à mettre en avant, alors, pourquoi ?…

« Eiji est au club de kendo lui, vous devriez vous entendre ! »

Lança Hugh, cherchant à dévier la conversation en rebondissant sur les points positifs. Observant Kenji rangeant sa peluche, il ajouta :

« Je trouve ça chouette d’arriver à être aussi soigneux, la couture j’ai jamais réussi à faire ça correctement. »

Il aurait aussi put lui dire « Bwoarf, moi je suis gay et je dessine des manga yaoi, alors t’a pas à t’en faire » mais il avait autant peur de la réaction potentiellement effarouchée du jeune homme que de celle d’Eiji qui n’apprécierait certainement pas ce genre de déclaration.

Eiji lança un regard torve à Hugh qui reprit la parole d'un ton enjoué en expliquant qu'en tant que membre du club de kendo, Eiji ne pourrait que s'entendre avec Kenji. Et de quelle droit en plus ? Même si Kenji avait fait du kendo, rien n'aurait garantie leur entente cordiale, tout juste un point commun et un sujet de discussion. Mais le karaté.... il fallait bien un gaijin blond et gay de surcroit pour s'imaginer que c'était la même chose que le kendo, et que ce seul sport suffirait à développer en une entente cordiale les relations avec le nouveau colocataire.
Si ça se trouve, Hugh s'imaginait qu'il existait un lien invisible entre tous les sportifs, qui suffisait pour qu'ils se reconnaissent entre eux et ainsi s'entendent bien malgré l'adversité. A moins que ce ne soit une spécificité des arts martiaux ?

Légèrement boudeur, le jeune homme recula encore d'un pas, se dirigeant clairement vers la porte. La laisse en main cette fois. Il ne comptait pas rester dans la pièce à observer des mignons petits lapins – voir pire, si l'autre japonais appréciait les compliments de Hugh et décidait de lui montrer son entière collection de petites choses cousues. Que pouvait-il cacher d'autres dans son bureau ? Des petits chats comme les filles aimaient tant, ou des petites loutres avec des mignonnes petites oreilles ? Eiji fixa le bureau d'un air impavide en continuant de reculer lentement, espérant que Urasawa n'apprécierait vraiment pas trop les compliments de Hugh.

" Je vais vous laisser discuter couture, Shizuka m'attend."

La main sur la poignet de porte, Eiji se retourna avant de disparaitre dans le couloir, songeant à son corps défendant qu'affronter les yeux larmoyants de Uarasawa quand il devrait revenir dans le dortoir ne serait guère agréable. Autant les affronter maintenant et rassurer suffisamment le garçon pour ne plus en entendre parler. Le jeune homme retint un soupir avant de reprendre la parole d'une voix plus lasse que menaçante malgré l'expression peu amène qui se lisait sur son visage.

" Ce que tu fais de ton temps libre ne me concerne pas Urasawa, je vois pas pourquoi j'en parlerai aux autres."

De toute façon, il ne connaissait pas encore assez bien les autres garçons de sa classe ou des clubs d'arts martiaux pour pouvoir se moquer en bonne et due forme de Urasawa. Non que ce soit réellement son genre – tant qu'à se moquer, il aurait eu plus tendance à parler des qualités sportives des autres, mais il était au dessus de cela bien sur – mais pour le moment, la question ne se posait même pas, contrairement à ce que craignait l'autre. Enfin, si Eiji était celui qui avait été surpris avec des lapins en peluche dans les mains, il aurait peut-être eu la même réaction....

Un poids qui semblait avoir était là depuis tellement longtemps que Kenji pensait être un état permanent, s'ôta de son cœur. Peut être n'était-ce pas tant la honte que ça de coudre quand on est un garçon ! Peut être pourrait il se faire des amis, parler jeans, se faire un macdo et pourquoi pas, parler filles ! (même si cette idée mettait un peu mal à l'aise Kenji, mais il parait que les garçons font ça quand ils sont entre eux)

Peut être même pourra-t-il leur faire des petits charms personnalisés pour leurs anniversaires en fonction de leurs goûts.

"Ne met pas la charrue avant les bœufs, Kenji Urasawa !" se dit-il alors qu'il se tournait vers Hugh avec un sourire timide qu'il essayait de ne pas trop montrer.

Eiji, le japonais viril les laissa seuls pour aller voir son chien - d'après ce qu'il avait compris - après lui avoir assuré qu'il n'avait pas de raison de parler de ses passe-temps aux autres. Kenji pensa vaguement qu'il aimerait trop voir le chien en question parce que les chiens, c'était trop mignons. Si Eiji aimait les chiens, il n'y avait aucune raison que Kenji ne l'eut pas cru sur parole, c'était logique. Il se tourna ensuite vers Hugh, le garçon blond pour lui répondre :

- Si tu veux, je peux t'apprendre à coudre ! Tu verras, c'est facile !

Kenji sentait une énergie toute nouvelle débordée par tous les pores de sa peau. C'était la première fois de sa vie qu'il eut si hâte de parler avec des gens, de faire leur connaissance et d'échanger des trucs. Il se demandait quelles étaient les passions de Eiji et de Hugh, il se demandait qui était le quatrième garçon qui serait dans leur chambre.

Il soupira d'aise tout en regardant les cheveux de Hugh pas loin de lui, en se demandant ce que ça faisait de ne pas avoir des cheveux normaux.