A son grand désarroi, le foyer était déjà occupé quand Eiji y pénétra. Dimanche soir, 23h passé, il s'était attendu à trouver la pièce vide et silencieuse, gracieusement offerte à ses envies, et non résonnant de sons brutaux trahissant ce qui devait être un jeux de combat d'une des consoles à disposition des élèves. Le kendoka marmonna un vague salut à la petite forme vautrée sur un des canapés sans trop y faire attention, pas vraiment d'humeur à se lancer dans une discussion sociable ce soir là. Avec un peu de chance, avec son air vague et ses fringues un peu froissées, il ne donnerait pas envie qu'on vienne lui tenir la conversation pour la fin de la soirée.

Le week end était passé trop vite, encore une fois, et il avait presque du fuir l'appartement de Jiro quand il s'était rendu compte qu'il n'avait plus beaucoup de temps pour attraper son bus et rentrer avant le couvre-feu de l'école. Un grognement de son estomac rappela la raison même de sa présence au foyer. L'après-midi était passé dans une sorte de béatitude désintéressée du monde réel, si bien qu'ils n'avaient même pas penser à faire à manger – une première pour Jiro ! - trop occupés à s'intéresser l'un à l'autre. Sur le coup, cela n'avait pas paru un soucis, mais de retour au lycée, le corps du sportif avait trouvé inadmissible l'idée d'aller se coucher le ventre vide.
Le foyer lui avait tendu la porte comme un havre de paix où il pourrait faire de quoi se restaurer en vitesse. Il aurait peut-être changé d'idée s'il avait su qu'il ne serait pas seul mais... maintenant qu'il était là, autant s'y faire et manger avant d'aller dormir !

Il y avait toujours quelques noodle cups dans les placards, judicieusement placés là par quelques élèves qui, comme lui, rentraient tard, ou pour ceux qui préféraient passer du temps à travailler plutôt qu'en perdre au self. Vaguement intéressé par sa tache, Eiji sortit une des boites et remplit la bouilloire. Une fois ces quelques gestes faits, et dans l'attente du clac de la bouilloire, le jeune homme ne put que se retourner et fixer la personne occupée sur la console.
De cet endroit, il ne manqua cette fois pas de mettre un nom sur ce pyjama rilakuma qui, dans un charmant retroussis de coton, laissait deviner de jolies cuisses rondes. L'image - comme la personne - attira un sourire sincère sur son visage.

" Hey, Panda-chan ! "

La présence de Konata n'allait pas faciliter la soirée, puisqu'il ne pourrait l'ignorer comme il l'aurait fait avec n'importe qui d'autre mais il appréciait sincèrement son ex, même s'il ne la voyait plus guère qu'aux entrainements de kendo ces derniers temps, ce que la demoiselle en question lui avait déjà fait remarquer de quelques pointes acérées dont elle avait le secret. Elle était bien trop intégrée dans sa classe pour qu'il sente ne serait-ce qu'un début de culpabilité à cet état de fait.

" Tu veux un thé au passage ? "

Docile, le kendoka avait préparé un chocolat chaud pendant que ses nouilles finissaient de gonfler. Se laisser tomber dans le canapé en tendant sa tasse à Konata avait été une délivrance. Le silence ne dura pas plus de quelques secondes, le temps qu'il remue un peu le magma insondable de ses pâtes du bout des baguettes, curieux dans la présence de petites paillettes colorés qu'il soupçonna être des légumes, ou des algues. Il offrit un sourire amusé et indécis à sa compagne du soir avant d'en enfourner une bouchée, mâchonnant sans conviction les pâtes peu gouteuses. S'il n'allait pas mourir de faim avec ça, ce ne serait pas non plus avec un plaisir indicible. Jouant du bout des baguettes à ce qui semblait être un ersatz de champignon, Eiji songea à répondre à la jeune fille.

" Je suis rentré tard, du coup le self était fermé depuis déjà longtemps. J'avais pas envie de me coucher sans manger, c'est un coup à faire un malaise quand j'irais courir demain matin. "

Quelque part, il avait beau essayer, il savait que Konata ne se focaliserait pas sur la fin de sa phrase, mais bien sur la première partie, et tenterait de savoir pourquoi il était rentré si tard. Sa petite furie était bien trop curieuse et fouineuse pour s’arrêter en si bon chemin, malgré son minois adorable et son air de ne pas y toucher. Par moment, il se demandait comment elle faisait pour garder autant de copines... parce qu'elle était plus subtile avec elles ?
Avec un grognement, Eiji replia une jambe sous ses cuisses, s'installant plus confortablement sur le canapé en continuant de dévorer ses ramens comme un loup affamé. Il avait pourtant mangé ce matin, ou à midi, quelque chose comme un énorme petit déjeuner quand ils avaient enfin réussi à se sortir du lit. Le reste, mieux vallait le passer sous silence. Mieux valait concentrer son attention à Konata, réellement présente. Par extension, son regard dévia sur l'écran en pause, où un énorme chevalier en armure venait de fendre une créature étrange et peu humaine. Ca lui allait bien ce genre de jeu.

" Et les petites jeunes filles de 1ère année comme toi devraient être couchées à cette heure au lieu de massacrer du monstre, non ?"

Autant se déguiser en drag queen et aller s'intégrer dans une manifestation de catholiques anti-avortement – oui, ils avaient parlé de telles manifestations en Europe dans un cours de sciences sociales et il en avait été marqué – mais titiller Konata était fun et sain, un passe-temps pour lequel il avait bien moins de temps ces dernières semaines, et dans lequel il ne pouvait se consacrer les rares moments où ils se croisaient dans le dojo. Avec un petit pincement au cœur, il devait admettre que la chipie lui manquait, avec ses regards en coin et ses piques acérées. C'était juste... un choix ? S'agiter entre ses cours, ses clubs, ses devoirs, avoir un peu moins de temps pour ses amis pour profiter de ses week-end librement... c'était surement parce que c'était le début : il lui fallait encore un peu de temps pour trouver un équilibre et gérer son temps comme avant.

Une jambe repliée sous la cuisse, dans une posture singeant celle d'Eiji, mais en plus souple peut-être, même si le sportif n'avait rien à lui envier niveau souplesse et agilité. Le regard obstinement fixé sur la télévision, l'air concentrée, elle ne perdait néanmoins pas une miette de ce que lui disait son ex, tout en enchainant les combo sur l'écran. Mais comme l'avait si bien deviné Eiji, la première partie de sa phrase attira son attention au point qu'elle en mis son jeu en pause pour mieux se concentrer sur ce qu'elle venait d'entendre, sous pretexte de consommer le chocolat chaud qui laissa une petite moustache chocolat au dessus de ses lèvres. Même si Eiji était rentré tard, rien ne l'aurait empêché de se restaurer dehors. Ce ne lui ressemblait pas d'oublier ce genre de choses.

La question fit s'ourler ses lèvres en un petit sourire narquois. Ce genre de retours de question était typique du Eiji qui a quelque chose à cacher.

"Trop enervée pour dormir"

Répondit elle finalement en haussant les épaules, comme si s'enerver sur un jeux vidéo était le meilleur moyen de se détendre. Elle but une autre gorgée, avant de continuer.

" Et si je viens jouer en journée, il y a toujours des lourds qui ne savent pas jouer qui veulent absolument jouer avec moi."

Elle roula des yeux, visiblement ennuyée à cette simple évocation.

"On devrait faire semblant d'être encore ensemble, j'aurais la paix comme ça. Ca devrais pas t'être difficile, t'aura qu'à faire exactement comme avant, en mode grande frère j'te toucherais jamais les fesses. J'espère pour toi que tu sera plus dégourdi quand tu aura enfin un mec."

Elle avait un temps cherché assidument à trouver ledit mec pour Eiji, avant de renoncer, le jeu manquant de piquant à son gout.

Eiji enfourna la dernière bouchée de pâtes avant de reposer le petit pot sur la table basse, réussissant l'exploit d'être à la fois content d'avoir fini le truc – niveau gout, il avait déjà eu beaucoup mieux- et encore assez affamé pour avoir envie d'en préparer un second. Au lieu de ça, le jeune homme passa un bras autour de l'épaule de Konata et déposa un baiser sur sa temple en un rare exemple de tendresse envers son ex. Le fait qu'elle ai les mains occupées à ce moment avait aidé à ce mouvement spontané.

" Je te préfère en copine qu'en petite copine, au moins je peux te balancer dans le plan d'eau sans regret si tu m'embêtes."

Le sourire un peu trop sur de lui d'Eiji ne cachait en rien la teinte écarlate qu'avait pris ses joues à la mention de petit copain. Le kendoka n'était décidément pas convaincu que parler de sa vie privée avec Konata était une bonne chose, mais le regard précis qu'elle dardait sur lui laissait aussi deviner qu'elle commencer à comprendre ce qui se tramait chez lui et qu'elle ne comptait pas le laisser fuir aussi aisément. Entre se faire interroger et torturer avant d'avouer, ou avouer directement en essayant de contrôler un minimum ce qu'il allait dire, le choix aurait du être simple à faire.
Bizarrement, c'était le genre de choix qu'il avait toujours du mal à effectuer. Il devait surement pouvoir blâmer ça sur ses habituels entrainements sportifs qui le forçaient à ignorer la douleur et la fatigue pour aller plus loin.

" Et ne t'inquiète pas pour moi, je m'en sors très bien tout seul comme un grand. "

La cage était ouverte et l'oiseau envolé, plus qu'à espérer que le chat ne serait pas trop sadique en lui sautant dessus. Il fallait admettre que ce n'était pas désagréable comme secret à admettre. Il était heureux, réellement heureux avec Jiro, enfin sorti de mois à se prendre la tête sur ses préférences et ses angoisses. Pouvoir avouer à ses meilleurs amis qu'il était aller un peu plus loin que juste admettre ses préférences – c'était l'euphémisme du siècle – lui faisait tourner la tête. Avec un soupir, il resserra un peu plus son bras sur la petite jeune fille, sans essayer d'analyser la différence entre la frêle silhouette qu'il tenait maintenant, et celle plus large et grande qu'il avait serré tout le week end.

Le comportement d'Eiji aurait fait sourire avec attendrissement n'importe quelle jeune fille au coeur sensible, ce qui était loin d'être le cas de Konata... Ce qui ne voulait pas dire qu'elle en restait de marbre. Elle eut un sourire en coin, réaction contenue d'affection à l'égard de ce grand dadet qui était devenu son 4eme frère, tandis qu'une autre partie de son esprit s'atellait à finir de démolir son adversaire virtuel. Elle n'avait pas besoin de le regarder pour savoir que ses propos l'avaient mis mal à l'aise, même s'il le cachait. La pudibonderie d'Eiji restait un plaisir sans fin.

Ses derniers mots lui firent tourner la tête, diablement interessée, son visage évoquant celui d'un chat devant une sourie. L'expression d'Eiji confirma les mots qu'elle pensait avoir mal entendu, et elle se dégagea de l'étreinte fraternelle pour se dresser à genoux, les mains posées sur ses épaules.

"Holalalaaaa c'est pas vrai ! "

Elle sautillait à moitié sur le canapé, excitée par la déclaration avant même d'en avoir les détails, le tee shirt lui servant de chemise de nuit se soulevant à intervalles régulières pour montrer un bout de culotte bleue ornée de pattes de chat sans qu'elle n'en ait cure.

"Aaaaah Eiji, j'avais peur que tu ne continue à t'enfoncer dans tes erreurs, à essayer de te persuader que d'acheter des magazines porno ferait de toi un homme, que tu n'arriverais pas à aller réellement vers un autre mec mais holalaaa !"

Tout en parlant, elle avait abattue ses mains sur les joues d'Eiji, les lui pressant de manière comique, avant d'ébourrifer ses cheveux tout en ricannant.

"Bon, dit moi tout maintenant ! Qui c'est, je le connais ? Pas Nakamura quand même ? Il me l'aurait dit. S'il me l'a pas dit je lui fait la gueule. Mais d'abord je lui met la misère."

Son débit était rapide, un quasi monologue tandis qu'elle partait dans ses divagations. Un bon gros ragot, ça lui manquait ! Bon le truc terrible, c'est qu'elle ne pourrait pas le partager avec grand monde, alors pour compensser il lui faudrait presser Eiji comme un citron pour en savoir plus et encore plus de première main et baaah cette alternative était finalement assez attrayante.

Se faire grimper dessus comme une cage à poules dans un jardin d'enfant était une expérience nouvelle à laquelle Eiji se prêta avec bonne volonté, même quand les genoux pointus de la demoiselle s'enfoncèrent dans ses cuisses sans bienveillante. Ce ne fut que quand ses joues furent écrasées, lui rendant difficile la tache de répondre aux multiples questions, que le jeune homme attrapa les poignets fins de la demoiselle pour lui écarter les bras autant qu'elle pouvait l'étendre, les laissant tous les deux dans une posture un peu ridicule d'aigles aux bras déployés. Elle avait de la force la bougresse, mais pas assez pour l'empécher de faire ce qu'il voulait. Si vraiment elle s'était défendue, les choses auraient différentes, mais pour le moment il ne s'agissait qu'un jeu. Un jeu où ils se tripotaient plus facilement et avec moins d'arrière-pensées qu'ils ne l'avaient jamais fait lorsqu'ils étaient encore en couple.

" Nakamura ? Mais il vient faire quoi dans l'affaire lui ? Il t'a dit quelque chose ? Si c'est le cas je lui éclate sa tête de minet manucuré de la crinière ! "

Voilà bien un nom qu'il aurait espéré ne jamais entendre associé au sien en parlant de relations intimes. S'il ne voulait plus tuer le petit blond dès qu'ils étaient dans la même pièce, il n'avait jamais vraiment digéré ce premier baiser masculin imposé qui s'était fini en pugilat. Et Konata les imaginait ensemble ? A part faire courir son cadet plus que de raison au club d'athlétisme, lui imposant des rythmes qui le laissait hors d'haleine et parfois incapable de tenir debout, il n'envisageait pas un autre type de relation avec lui. Certes, il avait discuté une fois ou deux – toujours à l'initiative du premier année – en ce qui concernait Konata , et nul besoin d'ajouter une dose de culpabilité avec la jeune fille sur ses genoux, mais la relation était tout sauf sereine, voir amicale. Il y avait quelque chose dans le comportement de l'autre qui hérissait systématiquement le poil du sportif, comme un chat arrosé d'eau froide.

Repoussant très loin de ses pensées le blondinet – quel idée de penser à lui en premier lieu de toute façon ? - Eiji entreprit de répondre à Konata. Son ex ne le lâcherai pas tant qu'elle n'aurait pas de réponse, et il devait avouer que c'était amusant de ne pas faire semblant et de parler de sa relation. Et ce même si il allait devoir mentir ou librement réinterpréter les choses.

" Et avant que tu ne passes en revu tous les mecs du lycée, tu ne le connais pas. Il étudie pas au lycée, il est plus âgé... je l'ai rencontré au festival. Il est adorable. "

Le dernier terme avait été avoué un ton plus bas, avec une nuance affectueuse qui allait de paire avec le petit sourire doux qui s'était collé sur le visage d'Eiji, lui donnant un parfait air d'idiot énamouré... ce qu'il était.
Ce serait-ce suffisant pour atténuer la curiosité de Konata, ou ne verrait-elle ça que comme une mise en bouche ? En fond de tache tournait la musique du jeu vidéo, une musique dynamique et agressive qui correspondait bien mal à la scène. Qu'importe, depuis quand le monde réel avait une musique de fond ?

La prise d'Eiji sur ses poignets n'eut aucun impact sur le babillage de la jeune fille, comme si la situation était on ne peut plus normale. Elle eut par contre beaucoup plus de mal à se retenir d'éclater de rire face a l'expression outrée qu'il afficha à la mention de Nakamura. Minet manucuré de la crinière... S'était il regardé dans un miroir avant de dire ça, monsieur "Je me sert de mon rasoir pour m'éfiler les cheveux par pour me raser ?". Konata connaissait suffisament Eiji pour savoir que c'était un point d'une sensibilité cruciale à ne pas titiller gratuitement. Il semblait suffisament dur à son ex de voir son otaku de chambrée avoir besoin de se raser le menton, LUI.

Eiji lacha ses poignets, lui permettant de s'assoir à cheval sur ses genoux. Quiconque serait entré dans le foyer à ce moment la aurait put se meprendre sur leur relation, et bien vite les rumeurs sur la remise en place du couple fétiche qui n'aurait jamais du se separer se serait repandue comme une trainée de poudre. Les crétins. L'expression de Konata se fit un court moment plus songeuse. Elle savait qu'Eiji n'était pas du genre à se confier, et il n'avait certainement du parler de sa relation à personne jusque la. Cela rendait le secret doublement croustillant que d'en être la premiere auditrice, mais cela permettrait aussi au jeune homme de se confier à quelqu'un.

Le début de revelation d'Eiji concernant l'identité de son compagnon fit s'afficher un air parfaitement surpris sur le visage de la brunette, qui laissa échapper un long "hoooo" excité.

"Tu sors avec un vieux ?!"

C'était ça, c'était les histoires de pedophiles qui viennent chercher les étudiants à la sortie des classes pour les charmer, pourquoi pas un vieux degueulasse, le genre qui venait lui demander si elle faisait escort girl dans la rue sans se cacher, mais qui lui preferait les garçons ! Son imagination fertile fut coupée en pleine vol par l'echo des derniers mots d'Eiji, emprunts d'une tendresse qu'elle ne lui avais jamais vu. Avec un brin de jalousie, elle songea ne jamais avoir eut droit à ce genre d'expression elle. Avec amertume, elle conceda que cela était certainement le signe d'une vraie relation. D'ailleurs, elle même avait été fautive dans cette histoire ? N'était-ce pas elle qui, quelque part, l'avait aimé comme un frère ? Peut-être même preferait elle leur relation actuelle. Mais c'était difficile à admettre. L'égo de Konata était une petite chose hargneuse qui n'avait jamais été autant malmenée et humiliée de sa vie, et avait du mal à s'en remettre. Heureusement qu'elle aimait Eiji, même si ce n'était pas d'amour, ou les choses auraient tourné differement.

"Décrit le moi plus !"

Reprit elle avec vehemence, comme si la chose allait de soit. Elle esperait juste qu'il n'ait pas 30 ans.

" Hé ! Il est pas vieux ! Juste.. plus âgé. "

Le jeune homme eut le bon goût de rougir sa lapalissade, cherchant comment expliquer un peu mieux. Difficile d'oublier la différence d'âge,même si ce n'était pas elle qui faisait que Jiro aurait du rester éternellement hors de sa portée. Dire qu'il y avait juste quatre ans entre eux deux... Où serait-il dans quatre ans d'ailleurs ? Il aurait fini le lycée – pas besoin de quatre ans pour ça, six mois suffisaient amplement – mais d'ici là ? Serait-il encore en train de faire des études, aurait-il trouvé un travail ? Difficile de se projeter aussi loin alors qu'il avait du mal à ne serait-ce qu'imaginer comment aller se passer le prochain trimestre et qu'il ne rêvait souvent qu'au week-end prochain. Ses semaines étaient à la fois trop courtes et atrocement longues.
Avec un sourire embêté, le kendoka finit par retrouver le regard curieux et insistant de sa petite soeur par procuration. Dodelinant la tête, il se décida enfin à égrainer lentement quelques caractéristiques de son amant, se doutant qu'il jouait au passage avec l'intégrité de sa virilité si jamais Konata se lassait de la vitesse de ses paroles. D'un autre côté, elle était bien trop curieuse pour faire quelque chose qui risquait de l'interrompre dans ce qu'il disait.

" Il a juste 4 ans de plus que moi. Et beaucoup plus... d'expérience. " Voilà pour l'imagination débordante de la demoiselle, même si cette suggestion génait autant qu'enrageait le jeune homme qui ne voulait même pas imaginer d'où pouvait venir cette expérience. " Plus petit et moins musclé que moi, du genre tout fin que je peux porter facilement. Il porte bien le kimono, adore le thé... "

L'image de Jiro, en kimono d'intérieur, une tasse de thé à la main, était facile à conjurer. Et plus aisé encore à venir, l'image de Jiro magnifiquement débauché, le kimono ouvert sur une peau blanche et douce qui appelait aux caresses.
Eiji dut se mordre les lèvres et se rappeler de là où il était pour ne pas se laisser noyer dans la vision. Konata ne se serait jamais lassée de se moquer de lui s'il avait pu deviner ce à quoi il pensait, ou pire, s'il y avait réagi physiquement. Heureusement, il était bien trop usé du week-end pour craindre ce dangereux effet secondaire. Malheureusement, cela ne durerait pas toute la semaine et il retrouverait bien vite les douches en solitaire.

" Il fait super bien la cuisine, il aime réciter des haikus mais il est très très mauvais pour déclamer en fait." Le sourire d'Eiji se retroussa en pensant aux quelques démonstrations qu'il avait pu voir et qui l'avait laissé sans voix, trop honnête pour oser dire quelque chose. Il supposait encore que la vérité avait du se lire sur son visage. " Et il entretient un beau chat et des plantes fanées dans son appartement. " Du premier comme des derniers, il n'en avait cure, mais avait enfin réussi à les remarquer après un troisième week-end, où ses yeux avaient été enfin un peu moins rivés au corps de son amant, une grande première.

Avec un sourire canaille, Eiji jeta Konata sur le canapé et lui passa au dessus pour attraper une des manettes de la console qui tournait encore, oubliée de tous.

"T'en sais assez ! On fait une partie ? "

Effectivement, il avait bien trop parlé, emporté dans son élan.

Eiji se recria de l'âge de l'inconnu avec vehemence, ses joues prenant une tête vermillon sous la gêne. C'était définitivement amusant de le voir ainsi, mais ce n'était pas ce qu'elle désirait le plus. Ce qu'elle voulait, c'était des infos concrètes, de quoi visualiser cet inconnu qui avait réussi la ou elle avait échouée. Qu'il soit plus vieux était à la fois rassurant et frustrant : Son âge expliquait certainement son aptitude à séduire le jeune homme, mais tout de même... En fait, Konata était surtout très mauvaise perdante.
Après un court instant d'attente qui lui sembla une éternité, Eiji se décida enfin à dévoiler quelques informations au sujet de son compagnon. Les premiers mots lachés firent se muer son expression en un air qu'une fujoshi n'aurait pas renié, tandis qu'Eiji se laissait aller à quelque vagabondage mental. Les premiers détails physique lui semblèrent satisfaisant, mais lorsque le brun passa à la description plus approfondie, l'expression de curiosité extrème de Konata sa mua en un fade ennui.

"Il a l'air chiant !"

S'exclama t'elle dans un gros soupir déçu, sans trop d'égard pour les sentiments d'Eiji. Se laissant retomber sur le canapé à coté du brun, elle se saisit de sa manette et entrepris de survoler les menus avec rapidité, choisissant le mode de jeu, quelques options, et enfin son personnage, tandis que l'ecran de selection d'Eiji restait affiché, attendant son choix. Pour sa part, la brunette avait choisi l'un de ses personnages habituels, une ninja aux genereux attribus.

"Il fait quoi comme études ? Des trucs traditionnels japonais je parie ?"

Il ne lui avait pas échappé que son ami avait évité autant que possible de divulguer les informations réellements importantes, se contentant de parler du personnage sans parler de ce qui l'entourait ou des élements que l'on utilisait habituellement pour parler de quelqu'un, comme le prénom, les études ou la famille. Elle se demanda si elle aurait le plaisir de le rencontrer un jour. Il faudrait qu'elle ait bien digérée sa jalousie avant d'en arriver la, ou le resultat serait catastrophique. En plus, il avait bien l'air d'une chiffe molle. Eiji était tombé dingue d'une vraie tapette ? Autant choisir une vraie fille à ce moment la !

Moins à l'aise que Konata, Eiji prit plus de temps pour naviguer à travers les menus, choisissant un guerrier dont le katana impressionnant ne pouvait que le séduire. Et oui, brave garçon qu'il était, il se laissait aisément convaincre que oui, la taille, ça compte. Surtout quand on parle d'arme.
Le kendoka lança enfin le combat, testant nerveusement les différents boutons pour voir les possibilités de mouvements.

" Comment t'as deviné ? Et j'ai pas le temps de m'ennuyer avec... hé, mais comment t'as fait ça ? "

Les mouvements rapides sur l'écran firent se pencher le jeune homme en avant, son esprit de compétition titillé même s'il ne s'agissait que d'un jeu sur un écran. Avec sa délicatesse habituelle, il bourrinna comme un forcené sur les touches, déclenchant au hasard quelques attaques fulgurantes qui réussirent tout de même à toucher une adversaire habituée à enchainer combos et contre sans sourciller et en tirant les fils de sa petite culotte en même temps.

" Non mais c'est quoi ces mouvements ? Mais c'est pas possible de faire ça avec un katana, soit il va se couper les pieds soit il a deux articulations du coude ! Il triche ce type !"

Il n'y avait qu'un kendoka pour s"inquiéter du réalisme des mouvements dans un jeu vidéo. Le personnage était très beau, les mouvements magnifiquement fluides et les graphismes,en règle généra, d'un niveau quasiment réaliste, mais la seule chose que le sportif daignait voir, c'était l'improbabilité pratique et réalisable des mouvements qu'il enchainait et qu'il s'acharnait à tenter de faire répéter, traumatisé par les assauts non moins réalistes et improbables de la ninja à airbag intégrée.
Quand son samourai s'écoula au sol dans un KO retentissant, Eiji lâcha la manette sur le canapé avec un cri de dépit.

" Mais il est foireux ton jeu ! La moitié des coups sont irréalisables ! "

Oubliées les pensées romantiques quand à Jiro et leur week-end, à ce qu'il pouvait en dire à Konata ou non : son esprit en ébullition s'était braqué contre le jeu. Par pur esprit sportif bien sur, et non par vexation de s'être magistralement fait rétamer par une Konata au large sourire victorieux, vautrée dans le canapé comme une petite princesse dans son boudoir.