[HRP : doute sur le fait qu'il s'agit du bon sous-forum, mais comme il n'était pas baptisé... ]

D'une manière ironique, comme pour les étudiants, la rentrée était un moment particulièrement redouté pour Ranmaru. Évidemment, dans un sens totalement différent d'eux, puisqu'il n'était guère dérangé par le retour d'un travail qu'il n'avait jamais quitté, à part quelques jours au milieu du mois d'aout, jours qu'il avait partagé entre sa famille, son livre et une longue randonnée en moto, de manière drastiquement disproportionnée envers les deux derniers, mais par le retour des lycéens et de tout le personnel qui jusque là avait été plus que discret. Ce qui signifiait, pour faire simple, le retour du bruit et des dérangements omniprésents. Que la charge de travail augmente de manière exponentielle avec leur présence, passe encore, il s'y adaptait, mais qu'ils fassent connaître leur présence jusqu'à l'intérieur du bâtiment Edo... Ran lacha un soupir en regardant la porte de son bureau se refermer sur la silhouette du président des élèves. A sa décharge, le jeune homme était un garçon sérieux et aussi taciturne que lui, et leurs échanges n'allaient jamais plus loin que la transmission des formulaires dûment remplis avec quelques phrases pour souligner les points importants. On ne pouvait en dire autant des autres élèves, ou tout simplement de la vice-présidente du conseil, dont l'énergie et la vivacité brillaient avec assez de force pour lui donner une sévère migraine.

En parlant de point important... L'intendant baissa à nouveau le nez sur sa feuille, le doigt posé avec curiosité sur une demande émanant d'un club. Les clubs et le conseil géraient leur buget de manière relativement autonome, et la plupart du temps il n'avait qu'à se soucier de la partie commande, ave parfois l'intervention du président d'un club précis et du superviseur quand au choix du matériel en lui-même. Mais certaines demandes... Ranmaru plissa les yeux sur ce qui était noté sur la feuille du club de journalisme. Du matériel de photographie argentique et une demande de remise en étant de chambre noire. Dans le genre requête incongrue... certes, elles ne battaient pas celles qu'il avait pu voir pour le club de cinéma ou celui de théâtre, les années passées – Ran avait tout simplement refusé d'aller voir la pièce de théâtre à la fête de la culture à la vu de ce qui avait été commandé – mais ce genre de matériel restait suffisamment couteux pour que la question de savoir s'il était judicieux soit vraiment légitime.

L'intendant hésita un instant avant de se lever jusqu'à un coin de son bureau où reposait une bouilloire et quelques tasses. Inutile de s'affoler sur un problème qu'il ne pourrait résoudre seul. Avec une concentration et une patience qui dénotaient de son caractère fébrile, Ran s'attela à la préparation de deux sencha d'une merveilleuse couleur émeraude qu'il disposa sur un plateau, prenant celui-ci d'une main avant d'attraper son dossier de l'autre.
Le bureau vers lequel il se dirigeait n'était qu'au bout du couloir et sa porte était heureusement ouverte, lui laissant toute latitude d'entrer et de déposer le plateau sur le bureau de la secrétaire de direction pendant qu'elle finissait son coup de téléphone.

Nalini-san était une partenaire de travail agréable. Comprendre diligente, efficace et aussi intéressée que lui par les discussions de couloir et autres bavardages futiles, rendant leurs entrevues concises et efficaces pour leur plus grand plaisir. Elle était bien une des rares personnes avec qui il pouvait concevoir de boire un thé tout en discutant comptabilité sans sourciller.
Quand enfin elle eut raccrochée, il tapota du bout des doigts le dossier déposé sur le bureau.

" Nalini-san, désolé de vous déranger, mais j'ai besoin de votre avis concernant une demande du club de journalisme."

Avec la rentrée revenait l'activité, les coups de téléphones de parents inquiets qui voulaient absolument s'entretenir avec le directeur et les demandes incongrues à traiter dans les plus brefs délais. Avec la rentrée, donc, revenait le travail et arrivait la fin des vacances. Radha ne pouvait pas dire qu'elle en était mécontente. Les vacances scolaires étaient toujours l'occasion d'avoir plus de temps libre, lequel lui laissait plus d'opportunités pour réfléchir. De ça elle s'abstenait très bien.

Ce n'était pas qu'elle aimait voir du monde défiler dans « son » bureau – qui par ailleurs faisait plutôt office de vestibule pour entrer dans celui du directeur. Au contraire même, sans être foncièrement misanthrope, les pépiements de la plupart de ceux qui passaient la voir la lassait. Les exceptions étaient rares : l'intendant, heureusement, comptait parmi elles. On pouvait également y compter le président des élèves – rapide et efficace – et plus étonnamment le professeur de sport qui passait parfois lui rendre visite, alors même qu'ils vivaient ensemble. Enfin non, qu'ils vivaient dans le même appartement. Elle tenait à la nuance.

Parmi les gens qui appelaient, néanmoins, peu nombreux étaient ceux qui se montraient aussi agréables. Souriante, professionnelle et ferme, elle finit d'envoyer poliment bouler la personne qui lui tenait la jambe depuis dix minutes quand un dossier arriva sur son bureau, accompagné bien sûr par Murakami. Elle lui dédia un léger signe de tête accompagné d'un sourire poli, discret mais rien de plus.

« Que puis-je pour vous ? Demanda-t-elle en raccrochant finalement.
- Nalini-san, désolé de vous déranger, mais j'ai besoin de votre avis concernant une demande du club de journalisme. »

La jeune femme haussa un sourcil délicat - oui, un seul – en signe de perplexité. Qu'avaient donc encore inventer ces élèves pour que l'intendant vienne la voir aussi vite après la rentrée ? Elle ne doutait pas un instant de l'extravagance de la demande, l'adulte face à elle esquivait avec habilité toute forme de contact avec le genre humain s'il le pouvait. Il ne serait tout simplement jamais venu la voir si ça n'avait pas été important.

Elle ouvrit le dossier d'une main manucurée sans extravagance et lu rapidement ce dont il était question. Ou tenta, du moins, car le téléphone sonna de nouveau en la coupant dans son élan. Elle s'excusa auprès du jeune homme et décrocha avec l'habituelle formule de présentation. Un parent d'élèves inquiet à propos de sa fille. Encore. Alors qu'elle ne pouvait pas l'aider, pas plus que le directeur, mais qu'elle savait qu'elle n'aurait d'autre choix face à tant d'insistance que d'octroyer un rendez-vous. Il y avait certaines personnes à qui l'on disait difficilement non.

Et mentalement, elle soupira en fixant le dossier devant elle.

[HRP : J'aime à penser que l'origine du titre n'a rien à voir avec tes intentions pour le topic ? XD]

Les lèvres serrées dans une expression d'ennui, le regard de Ran passa du téléphone au dossier avant de s'intéresser à nouveau au dossier en attendant que l'assistante en ai fini de son dérangement. Comment arrivait-elle encore à réussir à travailler dans de telles conditions était un mystère insolvable pour lui. Un seul de ces coups de téléphone l'aurait surement convaincu à passer cet engin des kamis au travers de la fenêtre pour l'empêcher de sonner. Les secrétaires l'avaient bien vite compris et il était fort rare qu'il est directement à faire avec autre chose que les fournisseurs et divers professionnels. Les quelques fois où il avait du y faire face... autant dire qu'il était encore choqué du fait que les gens puissent remettre en cause son professionnalisme, celui du lycée ou du directeur par leurs incessantes interrogations. Et malgré cela, Nalini-san réussissait à garder le sourire, enfin du moins à ne pas faire comprendre sa lassitude dans ses mots.

Lassé, l'intendant finit par prendre sa tasse de thé en main, caressant la céramique du bout du doigt, jusqu'à ce qu'enfin l'indienne réussisse à reposer le téléphone sur une dernière formule de politesse convenue et qui ne semblait même pas forcée. Il était presque sur qu'assez de temps avait passé pour que le thé soit à la température idéale pour être dégusté.
Le japonais pencha la tête, son regard se posant un instant sur le téléphone avant d'en revenir au visage harmonieux de Radha, tournant sans s'en rendre compte la tête pour arriver à vraiment voir ce qu'il fixait. Lorsqu'il prit la parole, sa voix était plus pensive qu'agacée puisqu'elle n'était pas l'objet de son agacement.

" Je n'arrive pas à comprendre comment vous y arrivez Nalini-san. Les gens ne peuvent-ils pas comprendre que vous avez autre chose à faire que de suivre leurs états psychologiques à chaque rentrée ?"

Si réponse à cette question rhétorique il y avait, elle fut engloutie par l'arrivée triomphante d'une des secrétaires, une minuscule brunette dont la coupe au carré mettait en valeur une bouche outrageusement maquillée selon ses gouts. Sans s'inquiéter de la présence de l'intendant, elle s'avança vers le bureau pour y déposer plusieurs dossiers, mettant au passage un décolleté magnifiquement bien en valeur quasiment sous le nez de l'intendant qui dut se faire violence pour retenir une moue d'agacement, effort partiellement raté selon le petit sourire en coin qui orna bien vite la bouche mutine de la dite secrétaire.

" Désolée de vous déranger, mais c'est une pile de lettres urgentes à traiter Nalini-san. Murakami-san, je mets la votre dans votre bureau aussi, ne soyez pas jaloux !"

Avec une petite inclinaison qui ne manqua pas d'exhiber à nouveau l'échancrure de son corsage, la jeune femme repartit à son poste dans un claquement de talons précis, laissant Ranmaru songeur quand à ce qu'était devenu la tradition de s'incliner devant ses supérieurs à cette époque moderne. Visiblement, trop s'intéresser à l'histoire pour ses romans avait du lui faire rater quelques années d'évolution.

" Au moins les lettres seront moins insistantes que le téléphone. " remarqua à haute voix l'intendant, désabusé.

[Hrp : Mes intentions ? quelles intentions ? ]

L'intendant était un homme qu'elle appréciait d'avoir face à elle. A l'opposé de la bonne humeur permanente qui habitait certains, laquelle flirtait avec la plus grande insolence lorsqu'elle se doublait d'une sociabilité à toute épreuve, il se contentait de venir au besoin, d'être efficace et de repartir sitôt son travail fait. Nul babillage, nul ragot... A titre de comparaison, la secrétaire qui passa comme une furie dans le bureau pour y déposer une pile de lettres était bien moins supportable de son point de vue et ce malgré sa nature de femme.

Le petit jeu instauré entre les secrétaires et l'intendant qui n'en demandait pas tant la laissait cependant assez indifférente. Elle avait confiance en la langue acérée de l'homme pour remettre à leur place ces demoiselles au comportement pour le moins déplacé en sa présence. La jeune femme haussa même les sourcils en réalisant qu'il ne disait rien, sans pour autant commenter, se contentant de saluer l'employée à qui elle toucherait néanmoins quelques mots dès qu'elle aurait le temps pour cela. Le secrétariat n'était pas un lieu de batifolage.

« Vous me parliez d'une demande de club ? »

Elle attrapa la feuille concernée d'un geste élégant et la porta devant son regard. Rapidement, ses yeux parcoururent le texte – bref il était vrai – à propos de photos argentiques et de chambre noire. Le club de journalisme n'était pas de ceux qui avaient le plus de résultat, même si certains de ses membres prenaient l'affaire au sérieux. Ils n'étaient néanmoins ni soudés, ni assez sérieux pour produire un journal de l'école de qualité et la direction de celle-ci n'allait certainement pas leur permettre d'obtenir du matériel si coûteux.

Ses pensées en étaient rendues à ce stade lorsque le directeur fit irruption dans la pièce. Elle le salua dans les règles et lui tendit les papiers qu'il avait à prendre, l'informant rapidement des divers rendez-vous de la journée qui l'occuperaient. Il n'y en avait pas tant que cela malgré ses activités politiques parallèles.

« Et vous Murakami-san, comment allez-vous ? On ne vous voit pas souvent dans cette partie de l'école. » lança le directeur avec bonne humeur, même si toute son attitude indiquait qu'il ne tarderait pas à s'enfermer dans son bureau pour travailler.

Un sentiment de lassitude mêlé de méfiance s'appesantit sur l'esprit de Ranmaru à l'entrée du directeur dans le bureau : n'y avait-il donc aucun moyen pour mener cette conversation à bien sans être dérangé ? Poliment, et sans laisser montrer son ressentiment d'aucune manière, l'intendant se leva et s'inclina dans les règles devant son supérieur, sans qu'aucun sourire ne vienne rehausser son visage. Si le directeur était suffisamment habitué à travailler avec des gaijins pour se montrer ouvert, Ran gardait la méthode japonaise qui concentrait distance et efficacité.

" Bien Monsieur le directeur, Merci. Et je préfère rester autant que possible dans mon bureau, question d'efficacité."

" L'efficacité... la condition sine qua non de notre présence à tous, effectivement. Je serais dans mon bureau. "

Sur un signe de tête qui ne dissimula guère son sourire – qui ne connaissait pas les habitudes de l'intendant ? - le directeur feuilleta ses dossiers avant de sortir de son bureau d'une démarche dynamique, laissant l'intendant perplexe de savoir si le directeur avait voulu se montrer moqueur ou juste approbateur. Les deux étaient probablement la réponse juste. Le silence rétablit lui permit dese rassoir, pensif, avant de tenter d'en revenir à leurs moutons, ou plus précisément, à leurs élèves, en espérant que personne ne vienne plus les déranger avant qu'ils n'aient au moins pu discuter un peu plus en avant du soucis en question.

" La demande me parait disproportionnée par rapport aux besoins du club, surtout en prenant en considération que le matériel qu'ils ont déjà à disposition. Néanmoins, comme a soutenu le président, et c'est ce qui a convaincu le Président du Conseil, l'utilisation d'un tel matériel et de la salle pourrait être offerte à d'autres clubs qui en feraient la demande. Une sorte de..."

" Nalini-san !! "

Le regard que tourna Ranmaru vers la secrétaire aurait pu creuser des trous dans l'acier blindé et réussit l'exploit de stopper net l'avancée de la jeune femme, la main encore accrochée à la poignet de la porte. L'image de son sourire qui devenait tendancieux fut la goute de trop pour un intendant à la patience déjà mise à rude épreuve.

" Êtes-vous tellement sotte que vous avez besoin d'une seconde interruption pour être sure que nous sommes vraiment bien en concertation ? Maintenant allez faire votre travail qui consiste à vous arranger pour que nous puissions travailler en paix, merci ! "

Sa mission du jour accomplie, à savoir avoir fait craquer l'intendant, la secrétaire recula et referma délicatement la porte sur elle, sans plus rien dire de plus, le laissant avec l'indicible impression d'avoir outrepassé ses droits. Mais il devait avouer que cela soulageait énormément. Deux taches rouges naissant sur ses joues, le japonais reposa son regard sur sa collègue, attendant un commentaire, ou qu'elle reprenne la discussion ultérieure.

Le directeur parti, il leur avait semblé à tous les deux qu'enfin ils pourraient venir à bout de ce dossier. Les premières explications de l'intendant furent écoutées religieusement, avec un rien de perplexité parfois. Elle comprenait les arguments avancés par le président du club de journalisme, mais ne voyait pas quel autre club aurait l'utilité d'un tel matériel. Les seuls à faire de la photographie, d'aussi loin qu'elle se souvienne, était bel et bien ceux qui avaient formulé cette demande.

Une énième intervention néanmoins coupa le jeune homme dans son élan. Radha elle-même commençait à se lasser du petit jeu des secrétaires. Elles étaient supposées travailler et non venir se divertir au dépend de ceux qui faisaient leur travail. Néanmoins, malgré l'envie qu'elle eut de remonter les bretelles à l'autre femme, son vis-à-vis s'en chargea promptement, à l'évidence lassé d'être interrompu.

Une légère rougeur égaya alors son visage, comme s'il était gêné de s'être laissé aller à un coup de sang pourtant compréhensible. L'Indienne se garda de commenter ses propos, hocha seulement la tête en guise d'assentiment ou peut-être pour chasser l'incident et en revenir à ce qui les intéressait. Son regard revint très brièvement sur le dossier, moins pour le lire que se remémorer où ils en étaient avant cette interruption, puis elle ancra son regard sombre dans celui du jeune homme.

« Je transmettrai le dossier au directeur, mais je doute fort qu'il accepte une telle demande. Trop peu de clubs sont susceptibles d'utiliser ce matériel. »

Le téléphone sonna à nouveau. D'un geste automatique du à l'habitude, elle posa sa main sur le combiné sans décrocher encore. La belle continua de regarder l'homme qui lui faisait face, patientant le temps que la première sonnerie cesse pour reprendre la parole.

« Souhaitiez-vous me parler d'autre chose ? »

Les yeux sombres de l'intendant, maintenant au-delà du désespoir, restèrent fixer sur le téléphone dont la sonnerie strident lui vrillait les nerfs. L'idée de rester quelques minutes de plus pour discuter d'une quelconque affaire, au milieu de toutes ces interruptions, était bien au deçà du supportable selon son avis. La question qu'il avait à coeur était posée, et sans être close, transmise à qui de droit. La réponse pouvait bien attendre quelques jours qu'il passerait planqué dans son bureau.
Ranmaru secoua nettement la tête avec une rapidité à faire pâlir de jalousie le plus agressif des squales.

" Je vais vous laisser travailler, suffisamment de monde tient à avoir une petite partie de votre temps sans que je vous en accapare aussi. "

Il n'était pas difficile de deviner le soulagement de Ran au travers de sa posture, ou de l'expression un peu moins agacée sur son visage lorsqu'il se leva, laissant le dossier aux mains de la secrétaire de direction. Dire qu'il n'enviait pas son poste était un euphémisme de première classe. A sa place, il aurait coupé de le téléphone depuis longtemps.

" Vous savez où me trouver si besoin. "

L'offre n'était pas faite à la légère, mais la raison était transparente : son bureau était un no man's land que peu osait venir déranger et il était bien moins soumis que Radha aux aléas du stress des parents d'élèves, des secrétaires, professeurs, directeur, et tout autre personne qui semblait pouvoir pénétrer dans ce bureau sans prendre rendez-vous.
La tasse retrouva sagement sa place dans la main de l'intendant, sa jumelle laissée à disposition de Radha, puis Ranmaru quitta le bureau, passant sans un mot devant le secrétariat sur lequel flottait un silence surréaliste doublé de quelques regards noirs. Il y avait au moins une chose agréable qui était ressorti de cette brève discussion.