Hugh relu pour la 4eme ou 5eme fois la même phrase sans pour autant la comprendre plus, avant de poser le front avec desespoir sur son livre. Pourquoi reviser n'était pas facile comme dans les jeux de drague hein ? Mais la vrai question était peut être "mais quelle idée il avait eut de promettre à Kantaro qu'il allait réviser ? Incapable de mentir de manière aussi effrontée, il avait bien été obligé, finalement, d'aller se cloitrer à la bibliothèque avec quelques livres de base. D'autant plus que le brun avait raison : Il ne travaillait pas assez ces derniers temps.

Il ne niait pas cette affirmation. Un certain laxisme s'était saisi de lui, et ce depuis un moment déjà. Il préferait dessiner ou lire sans fin des piles de manga plutôt que de réviser. L'absence d'un quelconque projet d'avenir ne l'aidait d'ailleurs pas à faire montre d'une quelconque serieux. Mais sortir avec un jeune homme studieux avait des conséquences, nottament de voir celui-ci s'inquiéter de son avenir et l'exhorter à réviser en lui promettant des séances d'interrogations. Hugh ne doutait pas que Kantaro finirait par marchander les gateries en échanges de bonnes réponses à ces tests improvisés et ça, ça serait vraiment, mais vraiment pas drôle. Dire qu'il commençait tout juste à se montrer débrouillard dans ce domaine en plus...

S'il n'avait pas envie de penser à son avenir - qui se présentait à lui sous la vague forme d'un néant - il voulait quand même faire plaisir à son ami en lui obéissant. Raison pour laquelle il s'était retrouvé ici avec l'idée de réviser. Mais bien vite, il avait du se resoudre à l'idée que sa capacité de concentration dépendait vraiment du sujet sur lequel il planchait, et que s'il pouvait passer 2h à faire des recherches pour un projet de manga, il en allait vraiment autrement lorsqu'il devait réviser les réformes effectuées depuis l'ère Meiji.

S'interdisant de dessiner, il ne pouvait empêcher sa main de tracer des signes sans signification sur son papier brouillon, regardant à l'exterieur d'un oeil morne. Tiens, c'était pas cette nuit que commencerait la diffusion du nouvel animé "Super puyo magica lolita" dont il attendait impatiemment la diffusion ? Aaaah non, réviser, ne pas s'égarer ! S'en était véritablement desespérant.... Réviser seul n'avait rien de motivation, mais Kantaro était bien trop rigide et connaissait déjà tout ça, c'était du petit lait pour lui, et Eiji... Ca faisait un moment qu'il l'évitait. Dommage, leurs niveaux auraient été un peu plus similaires.

Hugh oublia de nouveau ses révisions, révassant à une méthode pour renouer le contact avec le brun aussi fuyant qu'une anguille.

Ce début juillet avait vu la naissance en Eiji d'une frénésie d'activité. Déjà très actif le reste du temps, la période de préparation des examens avait fait naître en lui une angoisse proche de la panique. Les évènements des derniers mois avait déraillé sa routine bien huilée de travail régulier, le laissant avec du retard à rattraper dans différentes matières. Si bien que sorti le temps réservé au sport – qui n'était pas des moindres, il fallait l'avouer, mais il serait devenu dingue s'il n'avait plus eu cet échappatoire – le reste de ses heures libres étaient consacrées à l'étude, à la bibliothèque ou au foyer, pour essayer de ne pas se vautrer lamentablement aux examens.

C'était dur – non pour l'effort et l'impression de ne plus avoir une minute pour lui – mais au niveau moral. Sorti des moments chaleureux au club de kendo, ou les brèves entrevues avec Konata ou Dojima-chan, il avait l'impression de s'être retranché de tout et de tous. Les blagues au sein de la 3-A, les épopées du club d'athlétisme... bien sur, il n'était pas le seul à bosser, et le climat studieux n'était guère propice aux blagues ou à l'amusement mais...
Sans oublier ce poids sur sa poitrine qui lui rongeait le coeur entre plaisir et espérance. Le souvenir de la nuit du festival, dans les bras de Jiro, qui le réveillait encore en pleine nuit et l'empêcher de retrouver un sommeil paisible. Sa simple évocation ne le laissait guère dans un état d'esprit idéal pour l'apprentissage.

Toutes les tables de la bibliothèque étaient occupés quand il entra, sans surprise. Le jeune homme chercha du regard une place libre, et finit par tomber sur une petite table dans un coin reculé où était déjà assise une personne à la tignasse blonde trop bien reconnaissable. Hugh... depuis combien de temps prenait-il bien garde à éviter de croiser son chemin ? Ce n'était même pas si dur. Avec sa manie de se lever tôt pour courir et les habitudes du club de manga de l'américain – et ses sorties avec Kantaro, mais il préférait ne pas y penser – la chambre était à peine un lieu de passage. Il avait pensé plusieurs fois à leur parler, sans réussir à s'y résoudre. Le fait que les deux autres garçons l'évite avait probablement renforcé son choix de rester à part, comme vexé dans sa fierté d'avoir été rejeté.
Maintenant... tellement de facteurs s'étaient ajoutés dans l'équation qu'Eiji ne savait même plus par où commencer pour dénouer les fils. La seule chose qu'il avait fini par comprendre, c'était que ses deux amis lui manquaient.

Avec un soupir, le jeune homme s'approcha et posa en silence son sac sur la table. Malgré ses livres étalés devant lui, le blond n'avait pas l'air concentré sur ses révisions. L'absence de Kantaro était notable, il aurait parié que le brun aurait fait révisé l'américain moins studieux. Peut-être était-il occupé ailleurs, au conseil, et devait arriver plus tard ? Quelque soit la réponse, cela ne changeait pas sa décision.

" Ca te dérange si je me mets là ? "

Sans vraiment attendre de réponse à sa question rhétorique, il commença à sortir ses livres d'histoire et d'anglais, les deux matières élues du jour, tout en lançant quelques regards à Hugh. S'être décidé ne faisait pas tout : maintenant comme toujours, le kendoka n'était pas doué pour s'exprimer .

Un mouvement à la periphérie de son champ de vision capta l'attention du blond, qui tourna la tête lorsque l'arrivant posa son sac à coté de lui. Sur le moment, il n'aurait sut dire ce qui le suprenait le plus : Que ce soit celui auquel il pensait qu'il apparaisse comme par magie, ou qu'il se montre ainsi... Avenant ? Eiji était quelqu'un qui avait globalement du mal à s'escuser ou à reconnaitre ses tords, alors, venir le voir comme ça... c'était un énorme pas de sa part non ? Même lui qui n'était pas réputé pour être attentif aux autres pouvait s'en rendre compte.

Cacher sa gêne était une discipline dans laquelle Hugh excellait, aussi n'eut il aucun mal à 'avoir l'air détendu lorsqu'il tourna la tête vers lui pour le saluer.

"Les révisions sont vraiment la pire periode de l'année hein ?"

Le ton badin du blond jouait le jeu du "il ne s'est rien passé". Au final, y'avait il réellement besoin de s'expliquer ? Les tords étaient partagés, Hugh comprennait sa réaction et au final ne lui en tenait pas rigueur. Lui même aurait peut-être réagit ainsi s'il avait interrompu une connaissance dans un jeu aussi intime, peu importait le reste. Additionné à l'homophobie latente d'Eiji... Le choc avait du être rude. Mais le plus important n'était il pas qu'Eiji vienne ainsi vers lui ? Le sourire apaisant du blond était le même que celui qu'il servait toujours à volonté, plus spontanné qu'à son habitude sinon. Après un silence, il reprit :

"J'ai promis à Kantaro de réviser pendant sa réunion, mais bon..."

Il se sentait un peu ampoulé lui aussi. C'était tout de même bizarre, de se parler comme ça après ce gros silence. Il ne parvenait pas à garder le regard sur son cahier et ne cessait malgré lui de jeter des petits coups d'oeil à Eiji pour voir ce qu'il faisait. Derrière eux, deux étudiantes bien au fait des potins concernants la liste des plus beaux garçons du lycée dont Eiji faisait partie à son insu surveillaient leur faits et gestes, émoustillées à l'idée d'assister à ce qui semblait être les retrouvailles du sportif et de son faire valoir étranger. Même si certaines fans soutenaient qu'il l'appreciait pour une raison obscure qui n'avait rien à voir avec la notion de faire valoir.

Le jeune homme caressa la couverture de son livre d'histoire, aussi motivé par les réformes de la période Meiji que par la reproduction des crevettes roses en Patagonie équatoriale. Le soupir du blond, et son explication sur la raison de sa présence furent un heureux échappatoire au fait d'ouvrir le livre et ses cours et de commencer à se plonger dedans. Entendre Hugh parler à haute voix de Kantaro, et au passage de leur relation, était perturbant. Tout ce qu'il avait soigneusement évité était maintenant bien réel et au gout du jour.
Maladroitement, le jeune homme se passa la main dans les cheveux, sans savoir par où commencer. Le maladroit début de conversation auquel il s'était préparé lui avait été volé par le naturel et la tranquillité de l'américain, comme si ces deux phrases prononcées n'avaient pas été plus de paroles que tout ce qu'ils avaient pu se dire durant ces dernières semaines. Par moment, il enviait la nature facile du blond.

" Entre le sport et les révisions, je sais même plus où trouver le temps de dormir... et pas question de se rater la 2ème fois."

Même si c'était déjà mal engagé. Par moment, il avait envie de se taper la tête contre un mur pour comprendre comment il avait pu arriver à se laisser déborder à ce point là. Il n'était même pas si difficile de comprendre pourquoi : ces fichues hormones et les envies qu'elles lui provoquaient. Dommage qu'il n'existe aucune hormone ne provoquant une attirance pour les études : le jeune homme aurait adoré plonger dedans. Histoire d'être, pour quelques jours au moins, dans la peau d'un premier de la classe qui n'a pas de soucis à se faire par rapport à ses classements aux examens.

Machinalement, il empila ses livres et ses cours avec la minutie de celui qui ne sait pas trop quoi en faire et pour qui l'idée de les ouvrir – voir même de les lire – ne semblait même pas lui effleurer l'esprit. Si la motivation lui faisait déjà un peu défaut, la présence de Hugh avait complètement écrasé le peu qu'il en existait pour remettre d'autres soucis au premier plan.

"Vous... éviterez de recommencer ce genre de truc quand je risque de vous tombez dessus, promis ?"

Il n'avait déjà pas eu envie de savoir que ses amis faisaient plus que réviser en tête à tête. Le constater de ses propres yeux avait carrément viré au cauchemar. Encore maintenant, il avait du mal à regarder Hugh sans l'imaginer à moitié dénudé, son...
Le jeune homme freina immédiatement ses pensées et se concentra sur son livre qu'il ouvrit à la première page venue, les joues rouges. L'industrialisation du Japon eut tot fait de le ramener à de plus chastes pensées et à un état d'esprit plus propice à une conversation. Dire qu'il ne s'était pas attendu à une telle scène de Kantaro était un euphémisme. Autant Hugh, dans sa manière de s'assumer, tant dans les gestes qu'en lisant des mangas yaoi ou en affichant des posters d'un gout douteux, ne laissait guère de place à l'imagination concernant ses pratiques, autant le président du conseil... Eiji l'avait souvent imaginé bien plus coincé et sage. Du genre à faire l'amour sur un lit dans le noir à la nuit tombée, pas sur une table au milieu d'une pièce quand quelqu'un risquait d'entrer à n'importe quel moment.
Il fallait croire qu'il s'était trompé sur toute la ligne, dans une série embarrassante d'erreurs qu'il n'avait cessé d'accumuler ces derniers temps.

Hugh hocha la tête d'un air compréhensif. La réalité des études finissaient toujours par les rattraper hein . On pouvait vivre et ressentir ce que l'on voulait, à un moment, cet espèce de marteau compresseur qu'était la réalité venait les attraper pour les remettre sur la route commune, en route vers un avenir tout tracé et pétrit de soucis et de contritions.

Il ne se voyait pas emprunter ce chemin. Il ne pensait pas travailler un jour. Cette pensée complétement dépressive, il ne parvenait pas à s'en défaire. Il lui semblait impossible de réussir des quelconques études et avoir finalement un métier.

Certains faisaient des baito à la sortie des études. Lui... Il songea à cette annonce pour une recherche d'assistant mangaka qu'il avait vu. Aussitôt vu, aussitôt repoussée dans ses rêves. Mais en fait, pourquoi pas ? Ça pouvait être physique, mais il en était peut-être capable... Pourtant, à chaque fois qu'il s'imaginait un avenir, il culpabilisait de le faire, pour une étrange raison que lui même ne parvenait pas à définir.

Les paroles maladroites d'Eiji le coupèrent net dans ses réflexions, et tourna la tête vers Eiji, les yeux exorbités. Celui-ci avait le nez plongé dans un livre comme s'il espérait y disparaitre d'avoir prononcé ces mots la.

"Tu crois vraiment que je suis exhib ?"

Il poussa un gros soupir, ayant eut du mal à ne pas crier. Un court instant, il eut envie de s’énerver. De lui crier dessus, de le secouer, ce gars nombriliste qui ne pensais qu'à lui et à ce que LUI avait put ressentir dans cette histoire, qui semblait noire et blanche pour lui, ou Hugh et son ami avaient été le coupable et lui une victime maltraitée de bout en bout. L'envie ne partie pas : Elle fut simplement étouffée par la volonté du jeune homme d’enterrer cette hache de guerre qui n'avais pas lieu d'être. Eiji lui manquait, leur amitié leur manquait, et cet idiot était ce qu'il était, incapable de s'exprimer doucement envers les autres. Ça faisait partie de ce qu'il aimait chez lui, non ?

"J'ai été aussi gêné que toi. Plus même je crois attend quoi !"

Le regard fixé sur Eiji, il sentit un rire nerveux monter en lui, un rire qu'il ne prit pas la peine de retenir. Le bruit d'un mug reposé un peu sèchement sur la table non loin derrière lui rappela la présence du bibliothécaire, qui le fixait actuellement d'un regard sans équivoque. Hugh se leva, fourrant ses livres dans son sac.

"Sortons. On a besoin de parler, pas de réviser."

Ses émotions étaient un peu trop fluctuantes en ce moment : L'envie de rire se mêlait à la colère sourde dont il ne voulait pas. Lui aussi, il avait besoin de s'épancher finalement.

Sans un mot, Eiji ramassa ses affaires et suivit Hugh hors de la bibliothèque puis hors du bâtiment, jusqu'à un petit banc dissimulé à l'ombre d'un tout jeune gingko. La période de révision avait vidé le parc de ses élèves, le transformant en lieu calme propice aux confidences et discussions tranquilles sans risquer de se faire passer dessus par un premier année hystérique qui courait dans un sens ou dans l'autre selon qu'il retournait à l'internat ou allait à son entrainement de sport.
Le jeune homme déposa son sac au pied du banc et s'assit à son tour pensif. Avait-il songé ne pas être le seul perturbé par cet affaire ? A dire vrai, non. Hugh assumait avec tellement de superbe sa sexualité qu'il avait surtout envisagé la colère du blond à son égard pour avoir été dérangé et non la gêne qu'il ai pu ressentir. Et à dire vrai, ce mode de pensée lui avait parfaitement convenu, lui évitant de penser trop avant à la scène à laquelle il avait assisté. Encore maintenant, c'était en rechignant qu'il pouvait accepter la colère de l'américain. C'était quand même pas de sa faute à lui ?!

Le kendoka leva la tête, cherchant à deviner le soleil éblouissant au travers du feuillage épais de l'arbre. Une fois sorti du champs d'action de la climatisation, il faisait extrêmement chaud, finissant d'évaporer le reste de motivation qu'il avait pu avoir pour travailler ses cours. De guerre lasse, il attrapa son nœud de cravate et le desserra pour ouvrir le col de sa chemise, savourant l'air qui circulait plus près de sa peau. Finalement, après un petit moment de silence, Eiji tourna la tête pour contempler le regard bleu du métissé.

" Non, j'y ai pas réfléchi plus que ça, et honnêtement, j'ai pas eu envie d'avoir plus de détails sur le moment. "

La journée en elle-même n'avait pas été propice à la tranquillité. Embrasser Jiro, surprendre les deux amoureux, la discussion avec le prof d'anglais le soir-même... Eiji avait fini par cristalliser ses frustrations sur cet évènement là, le seul sur lequel il pouvait choisir la manière d'agir... ce qu'il avait fait en ignorant les deux autres jusqu'à aujourd'hui. Encore maintenant, il était mal à l'aise avec la notion de savoir que Kantaro était comme Hugh. Son cadet était sensé être le parfait premier de la classe qui ne sortait pas le nez de ses études, pas l'adolescent classique qui ne pensait pas plus loin que ses hormones !

" Y'a eu pas mal de trucs ces dernières semaines. J'ai pas trouvé le courage de venir vous parler au milieu de ça."

Et encore maintenant, si la situation ne s'était pas présentée par elle-même, il aurait encore laissé courir un peu, en cet instant où il ne connaissait plus ses bases. C'était beau de croire qu'il tout pouvait régler seul sans demander d'aide ou de conseil, mais quand il regardait derrière lui, le résultat était plus que mitigé. Bagarre, exclusion des entrainements qu'il adorait tant, tension avec son second au kendo... Au milieu de toute la débandade, la nuit du festival le maintenait à flot... tout en le perdant un peu plus. Que devait-il faire de cette première étreinte interdite ? Dans la dernière étreinte, dans le dernier baiser fugace sur lesquels il s'était séparé, Eiji avait pu lire dans les yeux de Jiro sa panique et sa détermination. De ces pensées, il ne savait plus que faire. Jouer à l'élève modèle qui vient réviser avait au final était la seule solution facile qu'il avait trouvé. Faire comme si tout allait bien... et voir pour la suite.

Hugh s'assit avec un plaisir non feint sur le banc offert. Ils devaient être les seules glandus qui n'étaient pas occupés à réviser actuellement. Mais en même temps, les adultes étaient drôles parfois. Ils s'accordaient à dire que l'adolescence était une periode forte en émotions, ou l'on vivait tant de choses que l'on avait du mal à se concentrer, mais c'était aussi à cette période que l'on devait étudier, réviser, sans trop savoir ce qu'il y aurait au bout du chemin. Il y avait comme une incoherence. Mais en même temps, si on devait attendre d'avoir passé l'adolescence pour se mettre à étudier... La vie était mal fichue parfois.

Hugh regarda Eiji desserer sa cravate. Le sienne était déjà fort lache autour de son cou, même s'il gardait sa chemise soigneusement boutonné pour ne pas montrer un mm de sa cicatrice. Il recupera un papier de brouillon grifonné de diverses notes avec lequel il commença à s'éventer, dans une vaine tentative de retrouver de la fraicheur. Lorsqu'Eiji pris la parole, ce fut pour énoncer quelques paroles buttés, bien campés dans son bon droit. Il n'avait pas voulu plus de détails hein ? Qu'il se rassure, il n'avait pas envie de lui raconter l'histoire de la fleur et la petite abeille version gay.

"Eiji, tu mélange tout..."

Il se passa la main dans les cheveux, les rabattants en arrière. Sa peau était un peu humide en dessous. Il fouilla dans son sac, ouvrant son plumier pour y récuperer ses petites barrettes qu'il entrepris de mettre dans ses mèches pour les tenir en place. Tout en se coiffant, il repris :

"Assumer ma différence au niveau de mes gouts sexuels ne fait pas de moi un exhib ou quelqu'un qui n'est pas gêné lorsque je suis surpris dans une position equivoque. C'est tout comme avec une fille. Tu imagine ce que tu aurais ressentit si je t'avais surpris avec Akiyama chan ? Ben voila, la même."

Il soupira, doutant de l'efficacité de ses propos.

"Enfin bref, ne t'embête à me répondre quoi que ce soit à ce sujet. Je veux juste que tu t'en souvienne et qui sait, y reflechisse à l'occasion."

L'espoir faisait vivre. Mais peut-être un jour, à force, Eiji serait il capable de dépasser ses pensées primaires et nombrilistes sur certains sujets.

"Pour le moment, j'aimerais bien que tu m'en dise trucs sur ces "pas mal de trucs"". C'est marrant, on vit dans la même chambre et j'ai l'impression qu'on ne s'est pas vu depuis des semaines. "

Il se retint de dire "et tu m'a manqué", ayant enregistré depuis le temps que ce qui n'était pas purement viril était une offense à Eiji et sa testosterone. Mais son sourire laissait transparaitre cette idée pour quelqu'un d'un peu attentif.

Les yeux fixés sur l'arbre, Eiji écoutait avec attention les paroles de Hugh malgré son air distant. La manière qu'avait le blond de simplifier la chose en la comparant avec une relation hétéro ne lassait pas de le perturber? Etait-ce vraiment si simple et si peu différent ? Si le japonais ne commenta pas plus sur l'invitation de son ami, la pensée faisait son chemin curieusement.
Il passa outre le ton acéré, presque agressif du blond – à croire que les rôles étaient inversés pour que ce soit Hugh qui s'énerve tandis qu'il gardait son calme, presque de la distance, quand à la situation. Quelque part, être pris pour un idiot était presque une habitude quand on était capable de soulever la personne devant soi.

" Mouais, le grand crétin finira peut-être par prendre une bonne décision dans sa vie."

Difficile d'être moins moqueur envers lui-même quand les derniers jours ne semblaient être que ça, des successions de mauvaises décisions plus ou moins assumées et pas toujours prises en connaissance de cause. Encore maintenant, venir discuter dehors alors qu'il aurait du avoir le nez plongé dans ses livres étaient une connerie qu'il regretterait surement amèrement plus tard, quand il devrait choisir entre dormir et apprendre la fin de son histoire. Peut-être en faisant un petit somme en japonais, où il ne s'en sortait pas trop mal... savoir s'il devait privilégier les matières sur lesquels il se débrouillait plutôt pas mal au détriment de celles où il coulait déjà était une torture mentale de chaque instant. Comme si ça allait vraiment changer quelque chose...

La remarque fit naître chez lui un rire nerveux. Il était content que Hugh ai pu remarquer le soin qu'il avait pu mettre à ce qu'ils s'évitent. Même classe, même chambre, et il avait toujours réussi à faire autre chose, sans parler des deux premières nuit qu'il avait passé dans le foyer, jusqu'à ce que les regards des élèves de 1ère année qui venaient el réveiller de bonne heure en venant écouter la télé de bonne heure ne finissent par le chasser.

" C'est pas qu'une impression. Entre le club de kendo, les entrainements d'athlétisme et le travail scolaire j'ai pas tellement eu le temps de trainer dans la chambre."

Pas plus que d'habitude plus exactement. Il n'avait jamais été du genre à rester oisif dans sa chambre, même sans qu'un examen ne pointe le bout de ses tentacules avides en sa direction. Etre enfermé le rendait dingue, avec ou sans bonne raison.
Un nouveau rire naquit sur les lèvres du sportif. Parler des évènements de ces dernières semaines n'était pas aisé. Il s'était passé bien des choses, qu'il n'était pas sur de vouloir avouer pour la plupart. Par honte, ou par stress... fatalement, ce genre d'aveux risquait de changer la perception qu'avaient les autres de lui.
Mais entre ces secrets dramatiques restaient quelques bêtises dont il pouvait parler sans conséquences.

" Tu veux commencer par quoi ? La fois où je me suis fait gaulé par le prof d'anglais en pleine nuit dans une salle d'info en train de regarder des sites de cul gay ?"

Il avait rapidement vérifié qu'il n'y avait personne autour d'eux avant de parler de ça. L'un dans l'autre, il l'avait quand même mauvaise que ce genre de trucs revienne toujours à la surface.

Hugh se contenta de sourire sans répondre à la remarque d'Eiji, ayant appris à prendre avec des pincettes les humeurs du brun. Il n'avait pas voulu paraitre agressif, mais peut-être son agacement latent avait transpercé. Il fallait croire que lui aussi pouvait être la proie de sautes d'humeurs. Hugh hocha la tête à l'explication d'Eiji sur la chambre.

"Oui, enfin, de la à ne plus y dormir..."

L'avoeu d'Eiji lui fit ouvrir de grands yeux, pas sur d'avoir bien entendu. Mais vu le sourire d'Eiji... C'était quoi le plus choquant, qu'il ait fait ça, qu'il le dise, ou qu'il en rit ? Ce coup ci, il ne put maitriser le rire un peu nerveux qui lui vint.

"Mais, mais quelle idée... Ah ah ah..."

Il tenta de se contenir, mettant la main devant sa bouche comme ces filles timides qui cachent leur dents, mais ne parvenait pas à contenir son hilarité.

"Ah, pardon Eiji, mais si on m'avait dit qu'un jour tu..."

Il reprit son souffle, essuyant le coin de ses yeux ou étaient venues se nicher des perles de rire. Pour quelle raison Eiji avait il... Non, la raison n'était pas bien dure à comprendre en fait : Les questions qu'ils se posaient et qu'il ne pouvait poser à personne parce que sa fierté ne l'aurait pas supporté, il en cherchait les réponses par lui même. Lui même avait bien été faire un tour sur ce genre de site un jour... Mais avait vite laissé tomber l'idée. Mais Eiji était tout de même particulièrement malchanceux d'avoir été ainsi surpris. Comme s'il n'était pas assez complexé, le sort semblait s'acharner sur lui...

"Tu aurais du me demander mon portable et faire ça dans ton coin. Ou je peux te prêter de la lecture. Ca limitera la casse."

L'offre n'était même pas ironique et le sourire du jeune homme sincère, même si une petite ombre moqueuse flottait malgré lui à la commissure de ses lèvres.

Le rire étouffé était communicant, et laissa Eiji mi souriant mi penaud, une expression de petit garçon coupable sur le visage. Ok, vu d'un oeil extérieur, c'était à crever de rire. Même pour lui, une fois passée la honte de s'être fait attraper, et le malaise par rapport à la discussion qui avait suivie avec Moe-san, il devait avouer qu'il trouvait ça plutôt amusant – et l'aurait trouvé encore plus drôle s'il n'avait pas été celui pris la main sur la souris.
En parlant du roux... dans ses cours suivants, à part avoir récupéré son devoir rallongé, le prof d'anglais ne l'avait pas plus embété à ce sujet, le laissant libre de venir le voir ou non. Intérieurement, Eiji l'en avait remercié : il n'aurait jamais eu la patience de supporter des petites remarques en coin à ce sujet en cours, ou à n'importe quel autre moment. L'un dans l'autre, l'adolescent avait conscience d'avoir eu pas mal de chance au final.

La proposition de Hugh lui arracha un regard entre franche panique et gêne, une légère rougeur montant à ses joues. Non pas à la proposition en elle-même – il connaissait assez Hugh pour savoir que, si la proposition était franche, le blond en profitait bien pour le taquiner un peu aussi – mais pour l'écho d’intérêt qu'elle réveilla en lui. Au regard des derniers évènements, il serait peut-être de bon ton de se renseigner un peu plus sur le sujet. Qu'est-ce qui était le pire ? Demander à un ami qui s'y connaissait – à son grand désarroi – rechercher sur des sites bien trop crades à son gout ? De toute façon, il était hors de question qu'il achète un magazine gay dans une librairie. Il s'était déjà fait attraper une fois. Se faire voir avec un numéro de Tétu... c'était plus qu'il ne pourrait en supporter.

Le jeune homme choisit la voie de la facilité en étendant la main et en ébouriffant les cheveux blonds de Hugh dans une réponse physique qui n'en était pas une, mais une sorte de geste de reconnaissance tacite.

" Je dois déjà me concentrer sur les révisions là, faudra voir plus tard..."

Merci les révisions d'avoir bon dos dans ce qui n'était même pas un refus en bonne et dûe forme. Quelques heures à lire ses cours de bio sur la mitose et la méiose devraient le remettre dans de bonnes dispositions quand à des lecture plus légères. En attendant, la dernière chose qu'il avait besoin en cette période était de se donner des idées sur ce qu'il pourrait potentiellement faire avec Jiro... Alors qu'il n'était même pas sur de quand ils pourraient se revoir. S'ils pouvaient se revoir.

Le jeune homme posa ses mains derrière lui sur l'arête du banc et se pencha en arrière, les yeux clos. L'idée de ne pas revoir Jiro le peinait au plus haut point. Pas seulement pour ce à quoi il avait gouté une nuit et qui le tentait encore, mais pour leurs discussions complices, leur avis partagés ou opposés, ces longues discussions dans le dojo et qu'il avait redécouvert en une nuit. Pour tout cela, il ne pouvait envisager de ne pas le revoir, et il ne parlait pas des cours d'espagnol qui ne l'avait jamais motivés. Quelle était la différence alors, avec l'intéret qu'il portait à Hugh ou à Konata ? Toutes ces personnes, il avait envie de passer du temps avec elles, de discuter, de partager des moments précieux. Alors pourquoi avait-il envie de plus avec cette personne précise ? De tout. C'était la seule réponse effrayante qu'il avait à dire : avec Jiro, il voulait tout.

" Je crois... que je m'intéresse à quelqu'un."

Quelques mots pudiques sur des sentiments dont il n'avait jamais parlé à personne, esquivant même la conversation avec Konata. Effrayant.

Le blond ne se mit pas à rire et ne posa pas non plus 10 000 questions à la seconde, laissant un petit silence s'établir avant d'en poser une seule, ô combien révélatrice. Et tellement logique... vu son comportement, Hugh avait probablement supposé qu'il s'était contenté de l'observer de loin en se torturant mentalement sur la possibilité d'une réelle attirance. Ce qu'il avait fait un moment, jusqu'à ce que Jiro le convoque pour une colle et qu'il l'embrasse, pour mettre fin à ses doutes, mettant au passage son sensei au courant, sans l'ombre d'un doute, de l'attirance qu'il avait envers lui.
Eiji sentit ses joues le bruler, et, sans miroir, pouvait deviner qu'il était à nouveau écarlate, midinette prise en flagrant délit de parler de celui pour qui son coeur faisait doki doki. C'était tellement ridicule comme situation... Il aurait voulu pouvoir en rire, ou s'en moquer, comme il avait toujours fait devant d'autres garçons, comme quand l'équipe du club d'athlé se mettait à chahuter et à balancer des noms de fille pour savoir qui s'intéressait à qui. Nul moment romantique lors de ces échanges.

La tête toujours en arrière, le kendoka entrouvrit les yeux, fixant une petite rai lumineuse qui filtrait entre deux feuilles, renforçant le vert intense du feuillage. L'ombre servait à peine à tamiser la chaleur étouffante du début de l'été, la rendant tout juste supportable au lieu de moite et collante. Une fois n'est pas coutume, elle n'incitait pas le jeune sportif à aller courir, ou alors seulement une fois que le soleil serait couché et ne le menacerait pas de ses rayons débilitants. Ne lui restait pas grand chose pour ôter son esprit de ses pensées dérangeantes.

Après un un moment qui parut une éternité, Eiji choisit de répondre. Même si son homosexualité n'avait pas été quelque chose qu'il préférait dissimuler, la personne pour qui il avait des sentiments... il n'était pas assez stupide pour ne pas savoir que ce genre de révélation en gênerait plus d'un.

" Oui... ça, je crois qu'il a bien saisi le message."

Eiji risqua un coup d'oeil vers Hugh avant de tourner à nouveau la tête, se doutant du visage qu'il devait présenter. Entre ado énamouré et ado plus ou moins fier d'avoir débuté une expérience même s'il n'y avait pas grand chose dont se vanter des quelques caresses échangées au bord du lac sous couvert du feu d'artifice. Y aurait-il un jour plus que ça ?
Le prof d'anglais lui avait fait remarqué qu'il n'était pas obligé de s'intéresser à l'aspect sexuel des choses s'il ne le souhaitait pas. Il avait aussi cru que s'il faisait semblant assez fort, il pouvait avoir une relation normale avec une fille... Il aurait voulu s'arréter à cet aspect simpliste mais... son subconscient semblait ne pas être d'accord ce que décidait sa raison.

Un léger soupir s'échappa des lèvres du jeune homme alors qu'il prenait conscience qu'il s'était lancé dans une relation complexe, mais pas à cause du facteur homosexuel. Pourquoi ne s'était il pas amouraché d'un camarade de classe ? Pourquoi s'était-il intéressé à quelqu'un, tout simplement ? A défaut de pouvoir fonder une famille comme il le voulait, la voie d'hermite, planqué au fond d'un dojo de kendo, aurait pû aussi être intéressante, et plus honorable que la voie trouble sur laquelle il s’apprêtait à mettre les pieds.

Un échange de regards ponctua la réponse d’Eiji, son ton peinant à ne pas laisser transparaître cette espèce de fierté qu’il éprouvait à dire à demi mots qu’il avait eut une expérience. Un petit sourire ourla les lèvres tout juste humidifiées du blond, avant qu’il ne regarde de nouveau son compagnon en coin.

« Je vois. »

Enfin, il ne voyait qu’à moitié. Il n’était pas sur d’arriver à croire qu’Eiji avait passé le pas, ou alors… Ou alors le début de ses errances et de ses réflexions sur le sujet avaient pour la plupart été inspirées par un crush bien précis avec qui les choses en venaient même à se concrétiser d’une manière ou d’une autre ?

L’idée le surpris tellement qu’il en resta un instant muet. Il avait finit par cesser de taquiner Eiji sur le sujet, laissant au brun toute sa réserve de japonais qui cache précieusement son intimité. Il faisait de même et n’allait pas lui reprocher. Puis était venue l’affaire avec Kantaro, le petit accident, et depuis…

« … Si tu veux vraiment me parler Eiji, il vaut mieux que tu me dise des choses concrètes ou que tu me pose des questions. Je ne te forcerais pas à parler. »

Déclara t’il finalement, adossé comme Eiji au mur derrière eux. La chaleur l’endormait un peu. Mais son attention était pourtant bien présente.

« Alors, c’est qui ? »

Son coté midinette qui reprenait le dessus, avide de savoir qui quand pourquoi et comment.

Des choses concrètes... il en avait de bonnes. Eiji retint un soupir, les yeux toujours mi-clos. Il avait passé ces dernières semaines à l'éviter et à ne pas lui parler.Sans parler du fait qu'il avait passer les derniers mois à ne surtout pas évoquer le sujet chatouilleux Arriver à trouver les mots pour parler de choses aussi intimes... le jeune homme n'était pas sur de jamais y arriver un jour, partagé entre l'envie de midinette de tout lui avouer et d'entendre ses conseils, et celle, faussement pudique, de sous-entendre deux trois détails sans en exprimer plus.
Quand à l'identité de celui pour qui son coeur battait... il avait beau faire confiance à l'américain, il se refusait à mettre Jiro sur la sellette en donnant son identité à quelqu'un d'autre. Un mot de trop, quelqu'un qui les écoutait... et son sensei risquait d'avoir plus de soucis qu'il n'en avait demandé. Le lendemain du festival, encore à moitié dans sa béatitude, le jeune homme avait longuement réfléchi à la manière dont Jiro avait tenté de le repousser, ramenant à chaque fois sur le tapis le fait qu'il ne devait pas. Les conséquences étaient effrayantes.

Sa décision fut prise en un instant et le jeune homme ouvrit la bouche avant même d'avoir compris comment ou pourquoi, les mots coulants avec la même aisance que s'il avait prémédité son action depuis un moment.

" Il est pas au lycée, il est plus vieux que moi. Je l'ai rencontré au sanctuaire. C'est un dieu au kyudo..."

Pas difficile de sourire en parlant de kyudo et en imaginant Jiro tel qu'il l'avait au festival, en tenue de cérémonie et concentré sur son tir. Le jeune homme se redressa et ramena son pied sur le banc, amenant son genou contre lui et y appuyant sa joue. Il ne savait pas mentir habituellement, mais en gardant une certaine personne en tête... tout était vrai en fait, puisque Jiro n'était pas au lycée en tant qu'étudiant avec lui. Un instant, il essaya de s'imaginer le jeune homme dans le même uniforme que le sien, la cravate proprement nouée et l'ensemble sans un faux pli. L'image mentale lui amena un sourire amusé sur le visage. Non... ça n'allait pas très bien. Il n'était pas étudiant, il était sensément l'adulte responsable entre eux deux. Il chassa la petite pensée qui insinuait qu'il l'avait beaucoup aimé en yukata, et aimerait surement beaucoup le voir avec encore moins.

"J'aurais bien aimé qu'il soit lycéen... ça aurait été plus simple."

Bizarrement, cette difficulté là ne lui faisait pas tellement peur. Après un certain temps à s'auto-flageller parce qu'il trouvait impensable de toucher un garçon, la différence d'âge et de statut n'était qu'un détail sommaire à ces yeux. Détail qui rendait certes les choses bien plus délicates, à la limite de l'interdit, mais une fois le premier tabou de bravé en acceptant de brader sa virilité... il n'y avait plus beaucoup de chemin à parcourir pour briser les autres tabous.

" J'ai envie de..."

Crier ? Tout plaquer ? D'aller le voir pour continuer ce qu'ils avaient commencés ? Tout était vrai, mais il n'osait se lancer dans aucun des trois, la douce excuse des révisions et de la nécessité de se concentrer sur son travail scolaire restant là pour le conforter dans son inaction.

Eiji lacha finalement quelques mots, quelques indices sur son mystérieux crush qui était apparemment un ronin ou quelque chose approchant, partageant avec lui son intérêt pour le kyudo. Evidemment, quelqu’un relatif aux arts martiaux qu’il pratiquait. Un intérêt commun, c’était toujours un bon début. Et son prof de d’espagnol la, oublié ? Il avait apparemment trouvé quelqu’un qui tirait mieux que lui. Oh, le mauvais jeu de mots. Heureusement qu’eiji ne pouvait pas entendre ses pensées.

Le blond eut une petite moue à l’énonciation d’Eiji. C’était donc l’âge le plus dérangeant ? Cela, il pouvait le comprendre. Les adultes avaient tendance à se montrer tellement supérieurs parfois, à mettre en premier l’âge comme eceuil alors que c’était eux, au fond, qui avaient peur de s’engager, tout simplement. L’âge, la nationalité ou autre argument facile, ça revenait un peu au même.

Les paroles du brun finirent par s’éteindre, enfoncée dans cette colère sous jacente qui semblait si courante chez lui.

« … Quel est le soucis, exactement ? »

Difficile d’arriver à trouver ou Eiji voulait en venir, parmi ses révélations monosyllabiques qui ne lui en apprenaient pas grand chose. Difficile aussi de trop s’avancer de crainte de l’effaroucher à chaque fois, comme face à un animal craintif qui s’approche à pas feutré. Et une fois prêt de lui, le mordrait il ou lui mangerait il dans la main ?

Eiji était plus du genre à mordre à bien y réfléchir.

Le soucis, précisément ?
Eiji se leva d'un bond, trouvant impossible de rester totalement immobile alors qu'il réfléchissait à la situation épineuse dans laquelle il ne demandait qu'à se jeter à bras ouvert. Sitôt debout, il quitta l'ombre salutaire du gingko pour un soleil écrasant duquel il ne se soucia pas, préférant faire les quelques pas nécessaires à exprimer son désarroi.
Le soucis précisément ? Jiro était son professeur. Plus que la différence d'âge, c'était la différence de statut qui dérangeait, laissant présager que Jiro pourrait utiliser sa position pour abuser de lui. Abuser de lui ? C'était tellement risible... N'importe qui prenant le temps de l'observer pouvait deviner qu'il aurait été difficile d'abuser de lui pour une personnalité délicate comme celle du Kyudojin – du moins était-ce l'avis de l'adolescent. Le mensonge qu'il avait commencé rendait impossible de véritablement expliquer le nœud de l'affaire, ne donnant qu'une vision édulcorée de ce qui se passait vraiment. Mais même ainsi, le jeune homme ne s'imaginait pas se confesser entièrement devant Hugh.

Le kendoka finit par tourner le dos à l'américain, le regard fixé sur le plan d'eau qu'il devinait au loin. Le parc était entièrement déserté, la plupart des élèves ayant préféré la fraicheur relative des salles de classe pour réviser à l'écrasante chaleur de l'extérieur. Nul doute qu'ils recommenceraient à sortir en fin d'après-midi, une fois le soleil loin de son zénith. C'est le moment qu'il choisirait pour partir faire du sport sans craindre d'insolation.

" Il a peur que ça lui pose soucis, qu'on sache qu'il sort avec un lycée. Du coup..."

Eiji se retourna et se passa la main dans les cheveux avec un sourire un brin moqueur pour lui-même. L'ironie de la situation lui sautait au visage maintenant qu'il prenait le temps d'en parler avec quelqu'un. La manière dont la situation se retournait contre lui... S'il n'y avait pas eu Jiro, il se serait surement moins pris la tête par rapport à ses sentiments et ses désirs envers les garçons – ô, ce serait surement arrivé à un moment ou un autre, mais il aurait eu droit à quelques années de répits pendant lesquelles il aurait pu finir tranquillement ses études – mais Jiro avait été là, souriant et charmeur sans le vouloir, le rendant impossible à ignorer. Et maintenant qu'il souhaitait franchir le pas, il se rendait compte que c'était à nouveau impossible.
Non, honnêtement, de plus en plus, l'idée d'aller se faire ermite en haut du Mont Takao devenait tentant. Il y passerait les 40 prochaines années à peaufiner sa maitrise du kendo, inventerait de techniques, créerait une école à son nom, et choisirait des disciples au compte-goutte. Non, mieux valait rayer la dernière mention : il se souvenait encore d'un Dojima racontant, le sourire aux lèvres, ce que faisaient ensemble les samouraïs avec les disciples qu'ils prenaient sous leur aile dans les temps anciens.

" J'ai un karma foireux... avant je ne voulais pas m'assumer, maintenant, je suis tombé sur quelqu'un qui ne veut pas m'assumer."

Quelques pas de plus l'amenèrent vers l'arbre sur lequel il posa une main. L'arbre était trop jeune pour avoir une écorce craquelée et rugueuse, mais sa ramure verte avait une vigueur plus que juvénile et faisait concurrence aux arbres plus massifs de la même race.
Un peu comme entre les lycéens, où certains tentaient de faire de se faire remarquer plus que les autres, tandis que certains préféraient vivre cachés dans l'ombre des plus exubérants. De manière étrange, il ne savait même pas où il se situait dans cette simili hiérarchie... jamais il ne s'était encombré de popularité, se contentant de mener sa petite vie entre les cours et le sport.

Hugh eut malgré lui un mouvement de recul lorsque Eiji se releva avec vivacité. Pas qu’il ait réellement peur de lui. Il était plutôt nerveux de manière globale dernièrement. Eiji ne répondit pas immédiatement, se complaisant dans cet état contemplatif qui, de l’avis de Hugh, ne lui correspondait pas vraiment. L’explication tomba finalement, succincte et évidente. Ah oui. La différence d’age qui insinuait qu’Eiji était forcement une victime. D’autant plus difficile de convaincre un adulte à poursuivre ce genre de relation lorsque l’on à soit même rien à perdre et que l’autre est le seul à risquer quelque chose. En étant mesquin, il aurait put dire qu’Eiji avait fait exprès de jeter son dévolu sur un adulte, pour le rendre le plus inaccessible possible et fuir la relation. Sauf qu’il avait l’air de s’y attacher, finalement, à son crush…

Le blond sourit à la confession un peu piteuse.

« … Je trouve que c’est plutôt une bonne chose. »

Il laissa au brun le temps de se retourner pour le regarder dans les yeux avant de continuer à parler.

« Ca va te forcer à te battre pour l’avoir. A assumer ce que TOI tu veux, sans te laisser porter par tes sentiments sans réellement les accepter. »

Il soupira, avant de se caller un peu en arrière, saisissant entre 2 doigts une fine mèche blonde qui s’obstinait à revenir devant ses yeux et à la tortiller avec un air un peu absent.

« Du moins, c’est comme ça que je vois les choses. Je pense qu’il est toujours mieux d’être moteur de ses propres actes. »

Ca lui allait bien de dire ça, lui qui suivait toujours le mouvement sans ciller. Mais c’était parce que son moteur à lui, il était un peu atone, sortit de ces passions solitaires du dessin et des mangas qui le poussaient parfois à faire une virée dans certains quartiers… Il préférait suivre les autres pour ne pas avoir à réfléchir. Mais lorsque choix à faire le concernant il y avait, il savait s’exprimer et décider. Du moins, il espérait être ainsi. N’était-ce pas ce qu’il faisait par rapport à Brian et Kantaro ? Exception faite du petit détail que Brian le poursuivait même dans ses rêves…

Devoir se battre pour avoir ce qu'il voulait plutôt que se laisser porter par ses sentiments ? Il n'avait pas envisagé les choses ainsi mais... c'était réaliste. Qui sait ce qu'il aurait fait s'il n'y avait pas eu ce fossé entre eux. Peut-être même aurait-il été encore bien plus mal à l'aise s'il été sorti avec un élève du lycée, avec le risque d'être surpris ensemble et de devenir la cible de n'importe quel ragot. Dans ce cas là, ça aurait probablement été lui qui aurait pris les choses bien plus mal. Le jeune homme offrit un sourire incertain à Hugh. Il verrait bien ce que l'avenir lui réservait, aussi effrayante que soit l'idée de ne pas tout maitriser.

" C'est possible. Je sais pas... je verrais bien je suppose."

Le jeune homme plongea ses mains dans ses poches, ses yeux rivés sur le mur, puis sur le banc. Si la température extérieure n'avait été si élevée et l’atmosphère si plombante, il serait parti courir pour se changer l'esprit. Mais en cet instant, à part se coller une insolation et se rendre malade, partir courir n'avait pas beaucoup d'intéret. Et comme se glisser dans le gymnase incognito équivalait au risque de croiser Tizziano et qu'il n'avait pas vraiment envie de devoir lui parler – envie réciproque s'il en était – il se retrouvait comme un idiot à tourner en rond jusqu'à ce que la température soit plus clémente.
Il laissa échapper un grognement de désespoir avant de visser un regard emprunt de curiosité -et d'un peu de gêne- sur Hugh, alors que son esprit passé à autre chose.

" Au fait... ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ? Avec Kantaro je veux dire. "

Combien de temps avait-il passé à les voir sans les regarder, sans comprendre ce qui se passait sous son nez ? Le seul point rassurant était que s'il ne les avait pas remarqué, il pouvait croire que personne n'avait fait attention à sa manière de fixer Jiro pendant les entrainements de Kyudo ou en cours d'espagnol.
Reparler de Hugh et Kantaro lui faisait espérer que ses colocataires n'avaient rien fait, du moins rien de plus, dans leur chambre. L'idée d'être dans un temple du sexe homosexuel était bien trop perturbante... et risquait de lui faire avoir des arrières-pensées peu avouables en société. Il avait déjà assez à faire avec ses propres fantasmes sans qu'on lui donne en plus des idées.
C'était toujours comme ça ? Parce qu'il avait envie de quelqu'un ou parce qu'il était gay ? L'idée de poser la question à Hugh lui passa dans la tête avant qu'à nouveau il l'étouffe dans l'oeuf, pas totalement sur de vouloir donner autant d'information au petit blond sur tout ce qui lui passait dans la tête.

Sans surprise, la réponse fut un peu évasive, indécise, le jeune homme ne pouvait répondre de manière franche et directe à ses propos. Alors qu’Eiji se prenait à rêver de sport en bon masochiste qu’il était, Hugh lui rêvait de troquer sa chemise trop étriquée contre un tee short plus confortable. Il détestait encore plus l’uniforme en été en fait.

La question ne le surpris pas autant qu’elle aurait du. Il se doutait bien qu’à un moment ou un autre, Eiji détournait la conversation sur lui. Mais il n’aurait pas pensé qu’il pointerait directement du doigt sa relation avec Kantaro. Quoique, après avoir clairement dit qu’il kiffait un adulte du même sexe et commenté ses doutes et angoisses adolescentes comme il venait de le faire, il était clair qu’il était un peu tard pour jouer les effarouchés ou les aveugles sur ce sujet la.

Un petit sourire au coin des lèvres, Hugh prit la parole d’un ton détaché.

« Ca doit faire un mois je crois… Après, entre être un couple et agir comme tel, il y a une marge. »

Il entortilla de nouveau une mèche de cheveux autour de son doigt. Il serait peut-être temps de les couper, non ? L’idée d’aller de lui même au coiffeur l’ennuyait. Autant laisser cette tignasse en liberté encore un moment non ? Peut-être même arriverait il à les avoir long, un jour ?

« Le lieu ne se prête pas à ce genre de choses. »

Conclu t’il avec un sourire mi moqueur mi contrit à l’attention du brun. Depuis le fois ou ils avaient été surpris, et bien… Ils n’avaient plus rien fait. Hugh débordait pourtant d’idées d’endroits à exploiter, comme les cabines de douches par exemple, mais Kantaro avait été passablement mortifié par l’expérience, chose qu’il pouvait concevoir, et ils s’étaient du coup réduit à quelques effleurements discrets et aguicheur de temps à autre. Ne pouvant d’ailleurs décemment fermer la porte à clé la nuit lorsque Eiji ne revenait pas, une fois passée embrassades et frottements accolés à la porte pour prévenir toute intrusion, c’était assez limité et frustrant.

Il y avait bien eut le festival, parenthèse étrange et hors du temps. Court, trop court pour être mis dans l'équation en vérité. Revenant à la question et à l’instant présent, Hugh reconsidéra sérieusement la question.

« Mais pour Kantaro en tous cas, on est « ensemble » ».

Même sans réellement coucher ensemble. Malgré lui, le blond laissait transparaître ses doutes dans sa réponse. Sa posture abattue à cet instant n’en était qu’un indicateur supplémentaire.

"Ah. " fut la seule réponse que réussit à prononcer l'adolescent dans un laps de temps raisonnable.

D'après ce qu'il avait pu en voir, il avait eu l'impression que ses deux camarades étaient en couple, et agissaient parfaitement comme tels. Ne s'était-il agi que d'une rare exception ? Non qu'il voulait vraiment en savoir plus sur la vie de ses deux comparses, mais la mine dépitée de Hugh en disait plus long qu'un roman. Se mettre en couple n'était apparemment pas le plus dur. S'entendre sur ce qu'était le couple et ce qu'il fallait en faire par contre... Rien de terriblement motivant pour un adolescent qui ne savait pas où il allait. Eiji se mordilla les lèvres avant d'avancer une hypothèse du bout des lèvres, pas des plus à son aise sur le sujet qu'il avait pourtant lui même lancé.

" Tu lui as dit ? "

Le kendoka posa doucement la main sur l'épaule de Hugh, désolé de le voir si dépité alors qu'en tout état de cause, il aurait du être heureux d'être avec quelqu'un. C'était sensé être comme ça, non ?

Lui, donner des conseils dans un couple ? L'idée était ridicule. Il était déjà incapable de se mettre avec quelqu'un, ou de discuter sans frapper quand les choses n'allaient pas dans le sens qui lui plaisait, alors donner des conseils matrimoniaux... Hugh aurait pu lui rire au nez qu'il n'aurait pas trouver à s'en plaindre. Le jeune homme eut un sourire d'excuse, mi-figue mi-raisin.
Habituellement, il n'avait pas de mal à savoir où il se situait. Il y avait les choses qui le passionnait et où il s'y connaissait et pouvait donner des conseils, comme l'athlé ou le kendo. D'autres centres d'intéret où il avait moins de connaissance, mais assez de recul pour avoir un avis éclairé, et le reste. Cette notion de couple entrait dans une catégorie totalement à part d'où il s'était toujours senti exclu. De là à porter un avis, ou pire, un conseil... ce n'était pas du désintéret pour ce que vivait Hugh et Kantaro – bien qu'il devait reconnaitre le réel malaise de sa part – c'était juste l'impression de ne pas pouvoir en dire grand chose.

Légèrement, Eiji tendit la main et attrapa la même mèche blonde qu'avait tripoté l'américain juste avant. Plus fin et plus soyeux, les cheveux du métis avaient définitivement une texture différente de l'épaisse crinière japonaise, toujours docile sous le peigne. A la manière qu'avait le blond de toujours retirer ses mèches de devant les yeux, la longueur devait le géner.

" Tu veux que je te les effiles ? J'ai l'habitude de le faire pour les miens. Ca te permettra peut-être de voir où tu vas quand tu marches."

Au moins couper les cheveux, c'était quelque chose de physique qu'il pouvait faire sans risquer de faire ou de dire trop de bétises. Au lieu de se prendre la tête, ou de voir Hugh se prendre la tête sur des sujets sensibles qui n'avaient même pas de réponse miracle. Si au moins cela pouvait être comme les examens, avec une matière bien précise à réviser et des codes logiques à respecter...

Malgré la relative morosité que lui inspirait ses paroles, Hugh dut se retenir de rire face à la réponse monosyllabique d'Eiji qui se retrouvait bien embêté finalement d'avoir des confessions de sa part. Il devait être trop préoccupé par ses soucis à lui pour arriver à se concentrer sur ceux des autres. Le blond agita furieusement les mains devant lui à la question, comme affolé par cette simple évocation.

« Hola, non non, il se prendrait trop la tête... »

La main sur son épaule était timide mais sincère, faisant sourire légèrement le blond.

« Kantaro, c'est quelqu'un de trop sincère dans ses sentiments pour son bien. »

Il ne pouvait deviner les pensées d'Eiji et suivre son cheminement particulier. S'il l'avait deviné, il lui aurait expliqué, que c'était plus souvent le besoin d'un avis extérieur que d'un avis expérimenté qui faisait chercher le conseil chez autrui. On écoutait la parole d'un ami simplement parce que l'on avait confiance en lui et en son jugement, en ce qu'il voulait bien donnait, et peu importait son expérience dans le domaine.

Les doigts d'Eiji sur sa mèche de cheveux le firent loucher vers ses doigts, surpris.

« Oh, tu sais faire ça toi ? Et bien, volontiers ! La perspective d'aller au coiffeur m'ennuie d'avance, mais si on peut faire ça comme ça... »

C'était une manière de détourner encore une fois la conversation – Eiji était de ces personnes qui supportait mal les conversations trop sérieuses dans lesquelles il devait se livrer – mais aussi un pas effectué vers lui avec chaleur. Et quelque part, fallait il quand même qu'il ait confiance en lui pour lui confier ses cheveux ! Il n'était pas particulièrement attaché à son apparence, mais tout de même... Mais bizarrement, il faisait confiance à Eiji pour faire ça correctement.

« Enfin, tu me fais pas un truc à la mode comme toi hein ? »

Il rit, taquin.