Le message avait été laissé en toute discrétion dans son casier. Un peu plus tôt dans la journée, Seiji avait profité de l'absence d'un professeur pour aller glisser la lettre plier au-dessus des chaussures du kendoka. Avoir son meilleur ami en troisième année, dans la même classe que sa Némésis personnelle avait certaines utilités. Par précaution, le blondinet avait jugé plus prudent de ne pas signer. Si l'autre avait compris d'où le mot venait, il risquait surtout de ne pas le rejoindre. Or, le première année devait vraiment lui parler.

Le club d'athlétisme s'était fait sans Kimihiro, sans qu'il comprenne vraiment pourquoi. Il avait jugé plus prudent de ne pas attirer l'attention à ce sujet et si certains de ses camarades avaient été voir le professeur pour une explication, il n'en avait rien su. Lui s'était contenté de courir et obéir aux injonctions de l'enseignant, plus décidé que jamais à les faire mourir sur le terrain d'athlétisme. Si lui-même n'avait pas bénéficié d'un entrainement très personnalisé de la part d'un kendoka rancunier, il aurait peut-être fini par s'en plaindre. Mais l'autorité était ce qu'elle était et son habitude des entrainements excessifs l'avaient à peu près rôdé à obéir à n'importe quelle injonction en la matière. Restait qu'en se douchant aux vestiaires, l'esprit consacré au rendez-vous à venir, il avait été ravi du contact de l'eau sur ses muscles un rien trop sollicités. Tizziano-sensei était fou et il allait finir par croire les rumeurs à son sujet.

« Bon, à plus tard les gars ! »

Un geste de main, un salut général et Seiji repartait, les cheveux humides et son sac de sport en main. Il jeta un œil à sa montre avant de presser le pas, rentrant dans le bâtiment pour pouvoir emprunter la passerelle et s'éviter une trop longue exposition sous le soleil de plomb. L'été était déjà bel et bien installé. Il préférait largement profité de la fraîcheur des bâtiments.

Il lui fallait pourtant bien ressortir lorsqu'il alla se poster juste à côté du chenil, saluant la personne qui s'en occupait avant d'aller jouer avec quelques chiens, derrière la grille. Son sac posé au sol, il en était encore à titiller un chiot en passant ses doigts dans le grillage lorsqu'il reconnut un pas qu'il avait trop souvent entendu. Un rien d'angoisse lui noua l'estomac alors qu'il songeait, pour une fois, que son idée n'était peut-être pas si bonne. Mais puisqu'il avait choisi l'endroit de manière à, il l'espérait en tout cas, apaiser le troisième année, le jeune homme se redressa pour lui faire face.

« Salut Kimihiro... sempai. »

Ironiquement, un « surprise ! » lui vint à l'esprit qui manqua de le faire sourire. L'autre ne devait pas vraiment s'attendre à le voir, et Seiji préférait couper court aux réflexions que son aîné risquait de lui jeter à la figure. Si ce n'était autre chose. D'ailleurs, ce n'était pas vraiment de gaieté de cœur s'il faisait appel à lui, mais il ne voyait pas qui de mieux que le brun pour ce qu'il voulait faire.

« Avant que tu ne commences à t'énerver pour une raison ou une autre, je préfère préciser que j'ai besoin de ton aide. C'est à propos d'Akiyama-chan... »

Il inspira profondément et ancra son regard dans celui de son vis-à-vis.

« Il faut lui trouver un mec. »

Le message laissé dans son casier avait été plus que laconique, l'enjoignant à se rendre au chenil après le club d'athlé... où il ne s'était pas rendu, fort de sa dernière entrevue avec le prof de sport. Loin de se décourager, le jeune homme avait pris son chien avec lui et était parti courir dans le parc, loin des regards interrogateurs qu'auraient pu avoir ses collègues de par son absence. Kimihiro rater un entrainement de sport ? Une nouveauté qui ne manquerait pas de soulever des questions, et il n'avait pas hâte de savoir comment avait pu répondre le prof de sport. La situation le laissait désemparé. Il aurait pu – aurait du ? - aller s'excuser, au moins pour le 1er coup qu'il avait porté dans le coup de sang, mais la suite des évènements ne lui donnait plus envie de se confronter à l'homme, la méfiance ayant pris la place du respect qu'il avait pour lui. Le résultat n'était pas une réussite.

Shizuka était collé à ses jambes, peu enclin à retourner dans son box après cette heure à se défouler avec lui. Néanmoins, le ramener à la chambre restait hors de question.
Au fond du chenil, c'était une silhouette blonde facilement reconnaissable qui l'attendait. Jusqu'à présent, Eiji avait réussi à éviter Nakamura dans leurs nouveaux quartiers, par chance ou par attention de leur part à tous deux. Honnêtement, il ne s'en plaignait pas : la présence du petit blond ressemblait bien trop à celle d'un insecte dérangeant à son goût, et il lui était assez difficile de s'empêcher de le frapper... et il avait assez de soucis à son actif pour ne pas rajouter une énième bagarre sur son dossier.

Comme s'il avait pu lire son esprit, son cadet se hata de prendre la parole pour lui expliquer la raison de ce rendez-vous clandestin. Eiji s'appuya sur le mur frais du chenil, sa main venant passer sur son visage dans un geste las. Konata... voilà bien un sujet qu'il ne pensait jamais aborder devant lui. Enfin, ce n'était pas comme s'il avait un jour prévu d'avoir une conversation civilisé avec lui aussi.

« Nakamura... donne-moi une bonne raison pour ne pas t'enfermer dans le box à la place de Shizuka et te laisser là pour avoir parler de manière insultante d'une personne qui m'est chère. »

Il y avait de quoi être fier de lui. Aucun geste pour frapper le blond, aucune menace de le faire même ! Juste un énorme What the fuck ? inscrit sur son visage à cette proposition plus qu'étrange. Lui trouver un mec ? Mais de quoi se mêlait-il ? Et surtout, à quoi pensait-il ! L'un dans l'autre, la proposition restait vexante pour son ex, et il ne pouvait y rester insensible , même si la pire des sentences seraient probablement d'expliquer à sa petite furie ce que Nakamura tramait dans son dos. Le blond pouvait toujours se plaindre de ce qu'il lui faisait subir, il restait persuadé que Konata pouvait faire pire.

Insensible à la mauvaise humeur de son maître, Shizuka avança de quelque pas pour venir renifler avec curiosité les chaussures de Seiji, agitant la queue avec bonne humeur. Si le shiba inu ne se prêtait pas au jeu...

« Assis ! »

Avec bonne volonté, l'animal se posa sur son arrière-train, se contentant de lever un regard curieux vers son maître qui attendait toujours la réponse de sa némésis.

Étrangement, la première réaction du kendoka ne fut pas de le plaquer contre le mur ou la grille. Il s'y était pourtant attendu, et ce fut avec un peu de surprise et de soulagement qu'il le vit se passer une main pour détendre ses traits, appuyé contre le mur. Un peu plus et Seiji aurait pu lire en lui comme dans un livre ouvert toute la stupéfaction qu'il éprouvait. Les propos qui vinrent presque immédiatement lui épargnèrent néanmoins cette tâche.

« Je ne l'ai pas insultée ! » commença-t-il par protester et s'accroupissant pour faire renifler sa main au chien. Celui-ci devait être encore assez jeune, mais il avait déjà une belle taille. Seiji lui caressa le haut de la tête avec un sourire attendri, mais releva les yeux pour regarder le kendoka lorsqu'il reprit.

« Écoute, tu... T'es bien placé pour savoir à quel point elle peut être obstinée. Quand elle a quelque chose en tête, elle ne lâche pas l'affaire. Akiyama-chan est super sympa et drôle, ça j'en conviens. Sincèrement je l'aime bien. Ce que j'aime moins, c'est qu'elle essaie de m'arranger un coup... avec un mec. »

Le blond se redressa et abandonna là ses attentions auprès du chien. Son regard se planta dans celui du brun.

« Je suis pas gay, je sais même pas pourquoi elle a fini par penser que je voulais sortir avec toi mais c'est pas le cas. Et comme je suis à peu près sûr qu'elle a aussi tendance à vouloir jouer les marieuses avec toi... Je te propose pas de lui trouver n'importe qui, juste de m'aider à mettre un mec bien en face d'elle pour qu'elle ait la tête trop occupée avec ça pour se mêler de nos affaires. »

L'air ahuri, Eiji écouta l'explication comme toujours peu crédible de la part de Nakamura, se demandant ce qu'avait pu ingérer le premier année au self pour réfléchir de cette manière. Ce mec était... frappé. C'était la seule réponse qui pouvait lui venir à l'esprit. Seule explication logique pour l'avoir un jour embrassé en pleine rue, et venir maintenant lui expliquer, effronté et sur de lui, que Konata avait entrepris de cherche à le maquer, voir même à les maquer ensemble. Le pire, c'est que son expression laissait sous-entendre qu'il était parfaitement sérieux.
Les rouages dans l'esprit du kendoka tournèrent un long moment dans le vide, sans chercher à trouver à quoi s'accrocher dans ce tissu de fadaises. Certes, maintenant qu'il y pensait, Konata voulait tout savoir de sa vie amoureuse – elle avait bien appuyé sur ce point au festival – mais il avait vite détourné la conversation et elle n'avait depuis pas eu l'occasion de s'occuper à nouveau de son cas. Il avait pris ça pour la curiosité naturelle de la kendoka qui n'avait jamais eu sa langue dans sa poche. Qu'elle se décide à porter un fanion arc-en-ciel pour essayer de marier tous les garçons du lycée n'avait jamais été une option selon son point de vue.

Le jeune homme regarda avec agacement Shizuka soupirer de plaisir sous les attentions du blond. A quel moment le chiot timide était-il devenu cette petite créature sociable qui adorait les attentions et les caresses ? Probablement depuis qu'il passait la moitié de son temps enfermé dans un chenil : il crevait d'attention à chaque instant de liberté. Le pincement de culpabilité rendit sa voix plus acerbe quand il répondit.

" Je m'en fiche de ta vie sexuelle, et j'ai pas du tout envie d'en entendre parler, maintenant ou plus tard."

Et il avait encore moins envie d'entendre l'idée que Konata ait eu envie de les coller ensemble. La notion qu'elle puisse parler ouvertement de ses préférences lui faisait grincer des dents, d'autant plus à quelqu'un comme lui. Le malaise le fit bouger légèrement et rouvrir un poing qu'il n'avait pas remarqué avoir serré. Seule chose à faire : se raccrocher à la notion qu'il ne pouvait pas se permettre de frapper son cadet. Notion pas forcément des plus attrayantes, mais qui avait l'effet d'une douche froide sur lui. La fin du trimestre arrivait, avec elle les examens dans son nouveau lycée. Il n'avait plus envie de se rappeler au bon souvenir du directeur.

" Débrouille-toi tout seul si ça t'amuse. Oh, par contre, si tu lui fais du mal, je te refais le portrait, on est d'accord la dessus ?"

C'était sadique. Laisser Nakamura se débrouiller et se contenter de le menacer si les choses tournaient mal... d'un autre côté, il ne se voyait certainement pas coopérer avec lui, d'autant plus sur ce genre de sujet. L'idée de rapprocher deux personnes le mettait mal à l'aise. Cette façon de tromper les gens, de faire les choses à leur insu... ce n'était irrémédiablement pas son style, même s'il avait bien conscience que la manière directe ne marchait pas systématiquement.

Qui parlait de l'entretenir sur sa vie sexuelle ? Ou son absence de vie sexuelle en l'occurrence, même si comme tout bon adolescent Seiji préférait laisser planer l'idée du contraire. Alors en discuter avec Kimihiro, même bourré, il en était hors de question. Son regard se fit d'ailleurs perplexe lorsque son sempai aborda le sujet, alors que lui n'en avait pas parlé. Si ce n'était pour mentionner que Konata se faisait des idées. Enfin... S'il était aussi gay que la jeune fille l'affirmait, et il ne savait plus vraiment s'il fallait la croire ou pas, peut-être que le sujet était juste chatouilleux. Il ne tenait pas tellement à y réfléchir.

« Mais je veux pas lui faire de mal ! Écoute-moi au moins ! »

Il n'aimait pas cette sensation de perdre du terrain. Il n'aimait pas cette idée de devoir marchander l'aide que le brun pourrait lui apporter. Il aimait encore moins se dire qu'il finirait par le supplier à ce rythme. Encore que ça, il s'y refusait. La simple idée le révoltait, mais d'un autre côté, il ne voyait pas bien comment s'y prendre si le kendoka n'était pas là en renfort. Objectivement, il ne connaissait juste pas assez Konata pour y arriver seul.

« Je sais que tu es attaché à Akiyama-chan, d'accord ? C'est justement pour ça que j'ai besoin de toi. Je veux pas la rendre malheureuse, uniquement mettre un mec bien sur sa route. Seulement ça. C'est quand même pas un drame ! »

A lui en tout cas, ça lui paraissait sensé. Même plutôt gentil, d'une certaine manière. Et puis n'était-ce pas exactement ce qu'elle tentait de faire avec eux ?

« Il s'agit juste de lui rendre la pareille gentiment. Et tu auras ton mot à dire sur le type, tu pourras veiller à ce que ce soit un chic type ou ce que tu voudras. »

Seiji leva les yeux pour regarder le kendoka, l'air sérieux, mais un peu hésitant. Il ne voulait pas faire ça, mais... S'il fallait en passer par là, il le ferait. L'autre savait à quel point il était fier. S'il mettait un mouchoir sur son orgueil, peut-être flancherait-il ?

« S'il-te-plait, Kimihiro-sempai. » tenta le blond plus poli que jamais en s'inclinant.

Seiji était presque amusant alors qu'il alignait ses arguments de sa voix haut perchée, au bord du désespoir ou pas si loin. Devant lui, Shizuka avait penché la tête, quelque peu perturbé par le numéro de cet énergumène, mais vaguement rassuré par le stoïcisme de son maître derrière lui. Maître qui contemplait le blond d'un regard blasé, peu enclin à se laisser cajoler. L'autre imaginait vraiment que ses yeux de chien battu suffiraient à le faire changer d'avis après tout le passif entre eux ?
Certes Konata était agaçante par moment, mais... Eiji s'imagina un instant à cette place, avec quelqu'un essayant de lui trouver une personne pour qu'il la lache. L'image mentale était plus que désagréable. Pire que ça, elle était humiliante. La loyauté n'était pas quelque chose avec laquelle on pouvait jouer de son point de vue.

" J'espère que tu n'attends pas une réponse dans une autre langue parce que tu risques d'attendre longtemps, mais regarde-moi bien : non. Non je ne t'aiderai pas à piéger Konata pour que tu sois tranquille. T'arrêtes jamais de penser à ton cul ? Ce qui t'intéresse, ce qui t'arrange, ce qui te rendrai la vie plus facile pour que tu sois en paix.... t'imagines pas qu'elle pourrait mal prendre le fait que tu veux la coller avec quelqu'un ? Qu'elle t'apprécie un minimum pour essayer de faire ça et qu'en cherchant à l'éloigner, tu la considères juste comme une quantité négligeable ? "

Il n'avait pas prévu de faire un discours ou de justifier sa réponse au 1ère année, mais une fois le flot lancé, impossible de retenir ses mots. Entre agacement face au jeune homme et ce qu'il pensait vraiment de la situation, il lui avait été impossible de ravaler ses arguments. Une manière comme une autre de compenser son agressivité latente qu'il ne pouvait pas exprimer en collant Nakamura sur le mur comme d'habitude.
Un des chiens du chenil lâcha un jappement bref, comme pour ponctué sa phrase, faisant sauter en arrière Shizuka qui se mit à gémir, comme paniquer à l'idée de se faire disputer par un des gros akita inu.

Eiji se désintéressa de Seiji pour s'agenouiller et appeler doucement son chien à lui. Le shiba hésita avant d'obéir, s'asseyant à la commande pour recevoir une caresse bien méritée qui se transforma en vrai calin quand l'animal se releva pour donner des coups de museau dans la poitrine de son maître, cherchant par tous les moyens à se faire rassurer. La fourrure épaisse faisait un bien fou au moral. Avec un regard désabusé, il redressa la tête pour fixer son punching-ball qui ne pouvait en porter le nom aujourd'hui.

" T'as un autre chose sujet sur lequel on peut se prendre la tête ? "

Eh bien... non, il n'y avait pas pensé. Vu sous cet angle, effectivement, il comprenait un peu mieux les réticences de Kimihiro. Le kendoka parvint même à un résultat inespéré avec lui : Seiji se tut. Il ne trouvait rien à redire à ça, ce qui l'ennuyait totalement et l'obligeait à carburer sec pour mettre à jour de nos arguments. Ou étoffer les anciens. Tout perdu dans ses pensées qu'il était (au point de ne pas même pas se vexer de voir sa demande rejetée alors qu'il y avait mis les formes), il n'accorda qu'une attention restreinte au chien qui aboyait. Son regard suivit le shiba inu alors qu'il allait se réfugier contre le troisième année. Il aurait préféré se mordre la langue que de l'admettre, mais comme ça, ils étaient relativement... mignons. Si le plus vieux se montrait aussi détendu avec le genre humain, il aurait presque pour passer pour civilisé.

« Non aucun. Et puis je veux pas me prendre la tête avec toi, juste que tu me files un cas de main. » soupira-t-il, aussi têtu qu'une mule à ses heures. Mais ça, le brun le savait déjà. « Je veux bien admettre que la méthode manque un peu de... hum... franchise, si tu veux, mais elle fait la même chose avec nous. Enfin elle essaie. Attend qu'elle sache si t'as quelqu'un en tête et il lui faudra pas trois jours pour essayer de t'arranger le coup plus ou moins sournoisement. »

Seiji faisait preuve d'un peu de prudence : aucune mention du moindre mec sur lequel l'autre aurait pu flasher. Il ne voyait pas beaucoup d'explications à part celle-ci au fait que Konata et lui se soient séparés parce que Kimihiro était gay. Enfin si. Une autre lui venait à l'esprit, mais pour son propre bien il préférait ne pas y penser.

« Et puis j'en ai marre de te répéter que j'apprécie Akiyama. Pourquoi ça choque personne qu'une fille joue les marieuses et que tu m'emmerdes moi quand je veux lui arranger l'affaire ? »

Surtout qu'à bien y réfléchir, Konata n'était quand même pas un modèle. Elle était totalement capable d'être fourbe au besoin, l'autre devait bien le savoir, alors pourquoi il le gonflait avec l'honneur ? Parce que c'était là le fond du problème : l'honneur. En quoi n'était-ce pas honorable de vouloir le bien de quelqu'un pour s'assurer un peu de tranquillité ? Égocentrique, d'accord, mais déshonorant, non. Il ne demandait même pas au brun de le faire pour les mêmes motivations que lui !

« Vois les choses autrement : il s'agit juste de lui faire rencontrer un mec. Soit ils accrochent, soit ils accrochent pas, nous on y peut rien. Tu veux pas essayer de la voir heureuse ? C'est quand même à cause de toi que la question se pose ! Elle n'en parle qu'en plaisantant, mais elle a pas l'air d'avoir tellement bien pris votre rupture alors... si vraiment tu veux agir en ayant la conscience tranquille, fais-le pour expier ta faute ! »

Ça manquait un peu de subtilité comme approche, mais il fallait bien essayer. Qui ne tente rien n'a rien comme on dit, et il commençait à désespérer d'y arriver. Il n'allait quand même pas devoir se foutre à genoux devant lui !

Manquer de franchise. C'était probablement l'euphémisme du siècle et la raison de la mésentente si flagrante entre les deux japonais. La notion bien particulière de ce qu'était l'amitié et la manière de la prouver aux autres selon Seiji, quitte à passer par derrière et à s'allier avec la dernière personne avec qui il aurait parlé en temps normal pour se faire. C'était sensé le rassurer sur ses ambitions, ça ?
Par contre, ce petit con savait jouer sur sa culpabilité. Et en avoir conscience n'aidait pas, sauf à lui faire envoyer un regard des plus noirs au blondinet et à son sourire mielleux. Eiji se força à fixer Shizuka jusqu'à ce que l'envie bien compréhensible de lui faire ravaler son sourire passe, du moins s'éloigne, pour laisser place à un agacement moins présent. Comme toujours, le shiba inu eut l'effet escompté, lui permettant de reprendre la parole avec une relative indifférence.

"Evite d'essayer de parler à ma conscience, elle t'est pas favorable Nakamura. Soit, dans l'éventualité que je décide de t'écouter et de ne pas te refaire le portrait, en quoi tu as besoin de ma présence ? Tu as l'air de bien te débrouiller pour tramer des trucs tout seul. "

Quelque part dans un coin de son esprit, Eiji arrivait à une conclusion : Seiji avait l'air assez motivé pour continuer quand même, avec ou sans lui. Dans ce cas là, il devait à Konata de garder un oeil sur lui, au moins pour éviter les dérives sur lequel le décoloré risquait d'arriver si livré à lui-même.
Pas que l'idée lui plaise plus. En parler comme d'un jeu, c'était amusant. Du moins l'aurait été si ça avait été avec une personne qui l'appréciait. Mais le considérer réellement, même en se faisant la remarque que Konata était seule parce qu'il n'avait pas été le garçon parfait pour elle....
S'il lui avait dit ça, elle lui aurait probablement réduit en pulpe une part précieuse de son anatomie en lui faisant remarquer qu'elle n'avait pas besoin de lui, merci bien.

" Alors ? C'est quoi ton plan de génie et est-ce que ça inclus que je fasse peur à quelqu'un ? "

Oula... il fallait qu'il fasse attention. Vu de loin, dans le brouillard et dans un tunnel mal éclairé, il pouvait presque donner l'impression de faire de l'humour. Pour les autres, il sonnait juste aussi agressif que d'habitude.

Il s'était sincèrement attendu à se faire refaire le portrait à peine ses derniers mots prononcés. Le corps tendus dans l'attente de coups qui ne vinrent pas, Seiji darda sur Kimihiro un regard tout aussi surpris que dubitatif. Sérieusement, il avait cédé ? La constatation le laissa perplexe un moment, laissant un bref instant de silence auquel le kendoka coupa court en demandant qui il devrait frapper.

Le blond ne sut pas vraiment s'il s'agissait d'une improbable plaisanterie ou si l'autre était aussi brutal qu'il en donnait régulièrement l'image. Il s'agissait de trouver un garçon qui plairait à Akiyama, pas de lui proposer de la bouillie de testostérone ! Penchant pour la logique – elle ne pouvait quand même pas avoir autant d'estime pour un con fini, il devait juste avoir un humour douteux – Seiji supposa qu'il s'agissait vraiment d'une blague et s'abstint de toute remarque trop « premier degré ».

« Mon... plan consiste à... En fait tu me prends un peu de court là, je m'attendais à me faire décalquer contre le mur, pas à ce que tu acceptes. »

Et on trouvait qu'il manquait de franchise ?

« Non en fait je me disais que tu saurais mieux que moi qui était susceptible de lui plaire, qui elle ne supporterait pas et qui elle réduirait en bouillie dès la première heure passée avec. »

La dernière partie de sa réponse fut ponctuée d'un léger sourire amusé. Il connaissait assez la jeune fille pour savoir qu'elle porterait la culotte et ce peu importe avec qui on la casait. Même s'il s'abstint de faire tout commentaire sur le sujet – a fortiori encore plus devant le brun – il était totalement certain qu'avec le troisième année aussi ça avait été le cas. Et dire qu'il avait flirté avec elle... Il devait être plus masochiste qu'il ne le pensait.

« Et la mettre avec le seul type vraiment bien que je connaisse me fait un peu peur. »

Il ne voulait pas non plus la fin de la liberté de Tatsuya. L'autre blond était son meilleur ami et il ne lui souhaitait vraiment que du bon. Malgré toute l'affection qu'il pouvait avoir pour Akiyama, il fallait lui reconnaître qu'elle faisait un peu peur par moment. Tout comme le grand japonais devant lui face auquel il ne voulait tout de même pas trop user sa chance. Puisque la rencontre c'était bien passée jusque-là, autant que ça continue et qu'ils partent sur un "bon" a-priori pour une prochaine... au lieu de rester au risque que tout dérape. Pourtant puisqu'il avait obtenu son accord, il savait qu'il serait maladroit de partir immédiatement. Il fallait en profiter, enfoncer le clou jusqu'à ce que leur collaboration soit certaine et leur donner de quoi faire pour une prochaine rencontre. Seiji hésita donc, mais reprit finalement la parole.

« Tu la connais bien : parmi ceux de ta classe, y en a qui iraient ? »

Parce que c'était à lui de trouver quelqu'un pour elle en plus ? Rien que l'idée de passer en revue des potentiels copains – ses camarades de classe qui plus est – donnait de vagues nausées à l'adolescent. Non, il ne voulait pas penser aux garçons de sa classe comme à des petits amis potentiels pour Konata. C'était bien trop perturbant. Sans compter que le seul nom qui lui venait à l'esprit – Ryosuke, l'autre kendoka d'un niveau suffisant – avait un comportement tel qu'il l'aurait étranglé de ses mains avant de le laisser approcher d'elle.

" Personne " fut la réponse laconique du troisième année.

Avec un soupir et sans geste brusque il siffla Shizuka qui le suivit jusqu'à son box. Ou plus exactement devant son box, où il s'étala comme une magnifique crêpe, son regard humide fixé sur lui, essayant clairement de le convaincre de ne pas le renfermer ici loin de lui. Si seulement il pouvait... Ignorant Seiji qui attendait toujours derrière lui, Eiji commença à caresser et papouiller le shiba, essayant de le convaincre à mi-voix qu'il reviendrait bientôt s'occuper de lui. L'idée de le trainer de force pour l'enfermer dans sa boite lui soulevait le coeur. Heureusement, la bonne composition de Shizuka ne résista pas devant l'assaut de calin, et le chien eut vite fait de se relever et de donner des coups de truffe à Eiji, lui permettant de le ramener dans son box avec douceur, où il vérifia rapidement que tout était en place. La personne responsable des lieux en prenait grand soin mais.... il préférait vérifier de lui-même.

Une main sur la tête du chien, il leva la tête vers Nakamura. Maintenant qu'il avait obtenu son accord, le blond ne semblait plus savoir quoi dire. Peut-être aurait-il mieux fait de céder à son impulsion et de le frapper sans même l'écouter ? La situation finale aurait été moins tordue et bien plus agréable. A oui, c'était vrai qu'il devait dorénavant être sage... il verrait bien combien de temps cette résolution tiendrait s'il était amené à discuter plus régulièrement avec le décoloré.

" Écoute, pourquoi pas pour t'aider, au moins pour éviter que tu ne fasses n'importe quoi, mais passer en revu des mecs... très peu pour moi. On reverra ça quand tu auras une petite idée de ce que tu veux faire plutôt qu'un vague projet."

Il repoussa doucement son chiot et referma la grille, non sans provoquer une avalanche de gémissements désespérés qui finirent par se taire alors que Shizuka se roulait en boule, désœuvré. Dans quelques minutes, il irait manger les friandises qu'Eiji avait laissé au fond de sa gamelle, pour essayer d'associer l'endroit à un lieu agréable, comme il le faisait à chaque fois qu'il prenait le temps de l'observer. La vision de son chien ainsi ne le mettait guère de bonne humeur, et ne lui donnait en tous cas pas envie de continuer à discuter avec quelqu'un qu'il n'appréciait pas au premier abord.

" S'il te plait, choisit un autre lieu la prochaine fois."

Revenir lorsqu'il aurait plus qu'un vague projet ? En vérité, il avait déjà un peu mûri l'idée, mais le blond était à peu près certain que s'il l'exposait maintenant, il ne s'en sortirait pas. Le kendoka le coincerait dans le chenil nez face à un pitbull – même s'il n'y en avait pas aux dernières nouvelles – et le laisserait là en attendant qu'il se fasse bouffer. Et ça, seulement s'il ne lui refaisait pas lui-même le portrait auparavant.

A bien y réfléchir, le contacter n'était probablement pas l'idée du siècle. D'un autre côté, la perspective de faire équipe avec lui était relativement amusante. Non qu'il le tienne en haute estime, à cet égard leurs avis se rejoignaient, mais voir Kimihiro jouer les marieuses promettait d'être amusant.

« Pas de problème... Je t'en reparlerai au club d'athlé un de ces jours quand ça aura mûri. »

Son regard glissa sur le chiot à l'intérieur du chenil. Il comprenait assez pourquoi son aîné ne voulait pas qu'ils reviennent ici. Même si Seiji n'avait aucun animal coincé dans ce lieu, voir le shiba inu comme ça luis errait le cœur. Il préféra même s'en détacher pour fixer le brun, s'inclinant juste ce qu'il fallait pour ne pas être impoli alors qu'il prenait congé.

« Bon après-midi sempai. »

Et qu'on ne vienne pas lui dire ensuite qu'il ne faisait aucun effort pour améliorer leurs relations ! Il estimait avoir fait de gros efforts lors de cette entrevue – d'ailleurs l'autre ne l'avait pas frappé, ce devait être un signe. Seiji s'empressa néanmoins de filer loin de lui, quittant sans regret le plus âgé pour retourner travailler. Son esprit néanmoins n'était pas encore concentré sur ses devoirs : si Kimihiro ne comptait pas passer les mecs de l'école en revue, lui, si.

[HRP : C'est la fin pour moi, Seiji abandonne - tristement n'en doutons pas - Eiji à son sort.]