[J'espère que ça te convient, MP moi si un truc te dérange ^^ ]

Des journées comme ça, ou tout allait de mal en pis, Yuya s'en serait bien passé. Ça avait commencé tôt, lorsque Fumio-san l'avait renvoyé trois fois faire les courses chez le même fournisseur. Tout ça parce que le riz n'avait pas l'air bon. L'employé aurait bien répondu au restaurateur que ce n'était que du putain de riz et qu'aucun client n'allait en mourir, mais la dernière remarque du genre avait provoqué un véritable sermon. Résigné, c'était donc trois aller-retour qu'il avait fait. Ensuite, ce n'était pas une fois, mais deux, que le sol avait du être lavé. Le rônin n'avait strictement aucune idée de ce qu'il se passait dans la tête de son mentor les jours ou il était aussi pointilleux, mais la seule envie qui le possédait alors était de lui voler dans les plumes. Fort heureusement, l'affection qu'il éprouvait pour le vieil homme et la retenue dont il apprenait à faire preuve aidaient grandement.

Ensuite, ce fut au tour des clients d'être agaçants. Le thé pas assez chaud. Le sol pas assez brillant. Le poisson à l'air pas frais. Les nouilles trop gluantes. Le serveur pas assez souriant. Le serveur en question, Yuya, amorçait déjà à ce moment le mouvement nécessaire pour assommer le plus exaspérant des deux lorsque sa collègue était venue l'attraper gentiment par le bras pour lui dire de se calmer. Il lui fallut plus d'une demi-heure à récurer furieusement une casserole propre en jurant un chapelet d'insulte pour se calmer. Pour couronner le tout, une vieille dame promenant son chien le suivit sur une partie du trajet pour ses cours, et le corniaud passa tout son temps à lui aboyer dessus.

Assez dissipé durant tout le temps que dura l'enseignement, il se dépêcha de quitter la classe sans même noter les devoirs à faire et se précipita pour récupérer ses affaires dans sa chambre. La seule chose sur laquelle ses pensées se focalisaient maintenant, c'était un bon bain. D'un pas rapide, l'étudiant passa le petit rideau bleu. Floc floc floc. Le bruit de ses pas sur l'eau. Floc ? Yuya baissa la tête et remarqua une fine étendue d'eau. Encore du bordel. Un gros soupir lui échappa tandis qu'enfin Rinji s'offrit à sa vue. Rinji, sa veste trempée, son caleçon, et la fuite qui s'acharnait à détremper les lieux.

D'un geste lent, ses affaires furent déposées en hauteur, la ou elles ne seraient pas mouillées. Il retira sa veste, et la posa en hauteur, de même pour son pantalon. Si c'était une fuite qu'il faudrait affronter, mieux valait le faire dans de bonnes conditions. Le serveur chercha des yeux la serviette de Rinji. Oui, celle de l'autre garçon, la sienne ne serait sans doute pas sacrifiée pour ce qui allait venir. D'un geste vif, le jeune homme s'en saisit et la bourra dans la fuite.

Il releva sur son kohai un regard las et , il espérait, pas trop méprisant. Tout ce dont à quoi il aspirait, c'était un bon bain chaud, et la paix royale.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? »

Ne commentant même pas le fait qu'il ait osé lui piquer sa serviette pour une telle chose, Yuya commença à examiner la plomberie. Quelques fois, la plomberie du restaurant avait du être réparée et Fumio-San avait insisté pour qu'il le regarde faire. Certes, son expertise en tuyauterie était limitée, mais le rônin était presque sur qu'en tournant cette bague, la bas, plus haut sur le tuyaux, la fuite cesserait. Il se décala pour désigner ladite bague du doigt à Rinji.

« La, si tu tourne ce truc vers la gauche, faut forcer un peu, ça devrait... »

Il ne put pas terminer sa phrase. Le sol était couvert d'eau, et il glissa. La serviette qui retenait la fuite glissa à son tour, et le plus âgé se retrouva aspergé d'eau glaciale, le cul sur le sol, dégoulinant. Avec un grognement exaspéré, il replaqua le tissus contre la fuite, et décida de rester au sol pour l'instant, faisant sécession. C'en était trop, il ne bougerait plus tant que la fuite ne serait pas stoppée, tant qu'il ne pourrait pas se contenter de filer au bain.

[c'est absolument parfait - grand merci]

L'air paumé et paniqué qu'affichait son kohai avait fait mouche. Si ça n'avait pas été pour ça, le serveur l'aurait sans doute dépassé pour aller se doucher, sans même le calculer. Exceptionnellement, et il insistait mentalement sur ce mot, Yuya serait donc gentil. Parce que c'était bien connu, c'était une personne atroce, dangereuse, qui tuait des petits chatons le soir. Ou tout moins, que le commun des mortels le pense l'arrangeait grandement. En vérité, jamais il n'aurait levé la main sur un animal. Donc, lorsque l'eau cessa enfin de couler, et au lieu de l'invectiver et de le casser comme sa tradition personnelle le voulait, le jeune homme se contenta de se redresser. Une main fermement agrippée au lavabo le plus proche -son orgueil n'aurait pas supporté une main tendue- et il fut sur ses pieds, se drapant dans sa dignité bafouée.

Heureusement pour lui, Rinji eut la bonne de ne pas rire. Tous les efforts de son sempai pour rester calme auraient été réduits à néant si ça avait été le cas. Discrètement, il glissa une main dans son dos pour se masser un peu. La chute lui laisserait sans doute un bleu, sa peau marquait plutôt facilement. Ses nombreuses cicatrices, héritées de ses combats, en attestaient. En relevant le regard sur son vis-à-vis, dont le nom commençait à lui revenir en mémoire, Yuya remarqua les brûlures. Son regard ne s'attarda pas dessus, il savait par expérience que ce genre de marques n'étaient pas facile à porter, aussi se contenta-t-il de fixer Rinji droit dans les yeux, depuis en bas. En bas oui, car l'autre élève mesurait au moins dix centimètres de plus que lui, ainsi devait-il lever la tête pour le regarder.

Et tant mieux d'ailleurs, sinon le fait que l'un comme l'autre soient sans pantalon en plus d'être relativement humides lui aurait sauté aux yeux. Et la gêne l'aurait possédé. Non, au lieu de ça, le jeune homme observait son kohai d'un air circonspect. Pouvait-il le mordre ? En partie à cause de lui, il s'était pété la gueule et sa journée avait mal finit. Mais le plus jeune risquait de garder des marques non ? On viendrait automatiquement lui demander comment la marque de ses dents avait atterrit sur le bras de son camarade. Et quelque chose lui disait que « J'ai trébuché dans l'eau et je l'ai mordu sans faire exprès » ne passerait pas tellement.

Bien, soit, il avait commencé en étant gentil, il pouvait terminer en étant gentil. Un sourire froid pris place sur ses lèvres. Le rônin répondit à sa question d'un ton un peu blasé. Il ne fallait pas que l'autre aille penser qu'il était sympathique de bon coeur.

« La pauvre, paix à son âme. Tu pourra prendre la mienne, Takeda-kun, évite juste de t'en servir pour éponger le sol. Et ramène la moi quand tu as finis avec, je serai au bain. »

Comme si ce n'était pas assez évident, Yuya désigna d'un doigt la direction du bain. Se détournant et lui faisant un vague signe, il fila récupérer ses affaires. Quelques instants plus tard, toujours trempé, il s'arrêta devant les douches communes qui précèdent les bains. Le serveur retira le reste de ses vêtements, révélant par la même son tatouage, passa autour de ses reins la petite serviette qui servait à ne pas heurter les gens pudiques, et commença sa toilette. Si le géant voulait sa grande serviette après s'être lavé, il viendrait la chercher.

Si Yuya avait su que son mythe de brute épaisse était brisé auprès de Rinji, il aurait sans doute chercher à lui coller une raclée pour la forme. Peut lui importait la différence de taille, de force ou d'expérience entre son adversaire et lui. Sa ténacité et son esprit retors étaient venus à bout de bien des ennemis. Quant aux amis...Le jeune homme n'en avait pour ainsi dire plus. Depuis son arrivée à Hachioji, ses refuges avaient été le travail et ses entraînements. Presque chaque action entreprise l'avait été dans le but de lui épargner de devoir faire la connaissance de nouvelles personnes. Il pestait, grognait souvent, ou alors se murait dans un silence glacial, fusillant les gens du regard, tout ça dans le but de n'attirer personne à lui. Ce qui motivait son comportement ? La peur. Peur de se lier, de faire confiance. Ainsi, s'il avait su que quelqu'un dans l'école aurait pu ne faire que sous-entendre le fait que sa réputation de terreur n'étais entièrement méritée, ladite personne aurait eu bien du soucis à se faire.

Mais heureusement pour Rinji, le serveur ignorait tout de ses pensées, et était tranquillement occupé à se laver. Son savon possédait une odeur un peu musquée, purement synthétique, mais cette odeur l'apaisait, le calmait, sans qu'il sache pourquoi. Lorsque son kohai débarqua pour lui poser sa question, l'étudiant se contenta de tourner la tête. Par respect pour l'autre, et parce que ça faisait un excellent exercice de sociabilisation, il ne répondit rien. Pas une des remarques cinglantes qui lui brûlaient les lèvres. Oh, son regard devait exprimer la moindre de ses pensées, le sourcil haussé, le regard fixé sur le visage de son vis-à-vis, mais au moins, son venin ne fut pas répandu. Pendant un moment, il l'observa. Observa ses marques, son corps. Comment avait-il finit brûlé ainsi? Avait-il encore mal aujourd'hui? Autant de questions qui le taraudaient un peu, sans qu'il ne s'avance pour autant à les poser. Très lentement, ensuite, et pour marquer son exaspération, Yuya tourna à nouveau la tête, sans répondre, pour continuer à se frotter. Pendant un instant, cependant, il hésita. L'idée d'offrir son dos à un inconnu ne lui plaisait guère. On y voyait quelques unes de ses pires blessures, mais surtout son tatouage. Ce n'était certes qu'un bête encrage, ou tout du moins aurait-il pu le faire passer pour tel...Mais il ne parvenait pas encore à se sentir à l'aise en le montrant. Sa pudeur ne lui donnait pourtant aucune envie de se retourner pour afficher joyeusement ses parties à la vue de l'autre étudiant. C'est donc en grommelant et en pestant un peu, le dos résolument tourné, que le serveur termina sa toilette.

Pas un regard de plus ne fut jeté à l'autre occupant des lieux. Ses pensées continuèrent malgré tout de vagabonder, pendant que le rônin s'interrogeait sur la raison d'une présence si tardive. Elle ne lui semblait pas bien dure à deviner. Takeda-kun était encore jeune, et il lui faudrait sans doute encore des années pour se faire aux marques qui gangrenaient son apparence. Quoi de plus naturel alors que de ne pas vouloir s'afficher, et de rechercher, comme lui, la discrétion dont il avait besoin pour profiter des bains ?

Yuya le regarda partir comme une furie pour une raison inconnue, et acheva de se laver sans se presser. Savoir qui était le mieux pourvu lui était complètement égal, ce qui ne l'empêcha pas de renouer la serviette autour de sa taille. D'un pas tranquille, il se dirigea vers le bassin, ignorant superbement la gamelle du plus jeune. L'ex-délinquant s'avança jusqu'à l'eau, grimpa les premières marches, et piétina allègrement son kohai avant d'entrer dans l'eau. Intérieurement, il persiflait de satisfaction. Voilà que la justice était faite, Takeda-kun tombait à son tour et lui offrait son dos comme escalier pour pénétrer le bassin. D'un mouvement prompt, le serveur retira sa serviette et s'installa dans l'eau, sans laisser à l'autre le temps d’apercevoir quoi que ce soit. Bien assis en face de l'entrée, ou flottait encore Rinji, l'eau lui arrivait un peu au dessus des épaules. Lorsque l'autre se redressa enfin, il ne put s'empêcher de prendre la parole.

« Aaah, tu es la Takeda-kun, tu as quitté les douches tellement vite que je ne t'avais pas vu. »

Certes, après l'avoir écrasé pour entrer dans le bain, il ne pouvait que l'avoir vu, mais le ton doucereux que Yuya avait emprunté pour parler était plutôt dissuasif et sonnait comme une menace. S'il ne considérait absolument pas Rinji comme une menace, et son comportement était clair la dessus, il ne voulait en revanche pas le laisser croire qu'il pouvait être sympathique ou gentil. En le piétinant, le rônin avait toutefois pris garde à ne pas marcher sur ses marques de brûlures. Peut-être aurait-ce été trop désagréable ou trop gênant pour l'autre. Dans le doute, ses pieds avaient évité les zones brûlées durant le temps qu'il avait foulé son dos pour entrer dans le bain.

Loin de l'agitation provoquée par son kohai, Yuya s'amusait beaucoup. Maintenant qu'il était dans l'eau, occupé à détendre un peu le bas de son dos en le massant d'une main, le monde était beau, coloré, agréable. Incroyable l'effet que pouvait avoir un peu d'eau chaude sur son humeur. D'un air d'abord amusé, léger sourire aux lèvres, le jeune homme observa Rinji le menacer. Avant de remarquer les parties privées de l'autre garçon pendant joyeusement en l'air. Une légère gêne s'empara de lui, de même qu'une roseur pris place sur ses joues. Pour autant, il ne détourna pas le regard, plutôt mourir que d'être ouvertement pudique. Il croisa donc ses bras, et reporta son regard sur son visage, pour le fixer d'un air mi-dubitatif, mi-amusé.

Sa réaction lui plaisait. Le fait que son action ait été mal prise le satisfaisait. Quand bien même se battre n'était pas le but recherché, il voulait au moins énerver l'autre, lui faire regretter de l'avoir approcher.

C'était son passe-temps, repousser les gens de toutes les manières possibles et inimaginables. La plupart du temps, c'était simple, sa présence suffisait à faire fuir le commun des mortels. Pour ceux qui s'acharnaient, toutefois, sa méthode était efficace. Souffler le chaud et le froid, les laisser dans le doute le plus complet. Si on s'était attendu à le voir agressif, les gens se seraient contentés de l'éviter. Si au contraire il avait été trop discret, une bonne âme le prenant pour un être en détresse aurait finit par l'approcher. Mais changer en permanence, réagir de manière surprenante, les laisser dans le doute, ça c'était efficace. Car dans ce genre de cas, l'imagination prenait le pas. Et l'imagination était bien souvent pire que la réalité. Ainsi, certains semblaient penser que Yuya serait capable de les écorcher vif, quand en général il se serait juste contenté de leur envoyer son poing. Cette technique était très efficace, le rônin était tellement doué, qu'en deux ans, il ne s'était pas fait un seul ami. Le pire dans tout ça étant la fierté qui en découlait. Pas n'importe quel asocial, non, un asocial professionnel.

Sa réplique, cependant, le surpris. Pourquoi ? Pourquoi quoi ? On ne pouvait plus être désagréable sans raison maintenant ? Ou alors l'autre étudiant se demandait pourquoi il l'avait aidé. D'habitude, les individus qui lui faisaient face s'écrasaient ou répondaient par la violence. Peur et agressivité. Ça il connaissait. Mais le questionnement ? C'était bien plus rare. Suffisamment rare pour qu'il reste un moment muet, fixant Rinji d'un air vaguement désarçonné. Avant de se reprendre.

« Pourquoi je t'ai aidé ? Je n'en sais rien, un réflexe idiot, sans doute. »

Lui avouer que c'était parce qu'il avait eu l'air paumé et qu'il avait voulu l'aider ? Plutôt crever la bouche ouverte. Paraître comme quelqu'un qui agissait sur un coup de tête, sans raison particulière ? C'était déjà bien plus approprié. Mais, peu à l'aise, le serveur préféra en rajouter une couche.

« Pour t'avoir marché dessus, c'est que tu imitais teeeellement bien les escaliers que je ne t'ai pas vu tout de suite. Et puis comme tu avais l'air de t'amuser, je t'ai laissé faire joujou. Sans compter qu'un dos est plus agréable que le carrelage des escaliers. »

Le tout avait été prononcé rapidement, et sur un ton cynique. Son regard, quant à lui, transperçait Rinji de part en part, et son sourcil haussé lui exprimait clairement son exaspération. Espérant que le plus jeune ait eu son compte, il décroisa les bras et renversa la tête en arrière, les yeux clos, pour se laisser aller avec plaisir contre le mur. Un léger soupir lui échappa. À n'en pas douter, Yuya aimait l'eau chaude.

Le silence retomba sur les bains. Seul le léger clapotis de l'eau se fracassant contre les bords du bassin se faisait entendre. Yuya se laissa aller à respirer profondément, à méditer un peu. Le taï-chi, les techniques de respiration et la méditation qu'il pratiquait désormais régulièrement avaient eu un effet incroyable sur son tempérament. À une époque, Rinji aurait été utilisé pour repeindre les murs de la salle de bain d'un beau rouge. C'est dans ce genre de cas que l’ex-délinquant se rendait compte de tout le chemin effectué. Finalement, le repos fut de courte durée. L'eau remua, et une ombre fut projetée sur lui, pendant qu'il continuait à se reposer, tête renversée en arrière. Discrètement, l'étudiant ouvrit un œil à demi, pour observer son kohai. La bravade que celui-ci proféra lui arracha un léger frisson d'excitation, remontant le long de sa colonne vertébrale. Menace, violence, proximité physique. Quelques uns des meilleurs ingrédients pour le faire réagir et réveiller son ardeur.

Yuya ne s'attarda pourtant pas sur cette sensation. La réaction de Rinji était limpide pour lui. L'une de leur principale différence, c'était que la raison du complexe du rônin était invisible. Personne n'aurait pu deviner, en le regardant simplement, qu'il avait été un délinquant, presque un criminel. Personne ne pouvait non plus sentir tout le dégoût que le plus âgé éprouvait pour lui même. Derrière sa façade, lui était bien à l'abri. Durant les années passées à Tokyo, principalement dans son quartier, le simple fait de l’apercevoir avait bien souvent suffit à créer l'émoi, la peur, la terreur. Mais ces réactions avaient été provoquées volontairement, Yuya avait cherché à forger sa réputation. Le brûlé, quant à lui, n'avait pas le choix, qu'il le veuille ou non...Il portait ses stigmates sur son visage. Ce fait, couplé à son jeune âge, expliquait beaucoup de choses. Notamment le fait que, pour une fois depuis très longtemps, le rônin allait ouvertement faire preuve de sympathie. La peur le taraudait, doucement, mais la manière dont l'autre s'était adressé à lui l'empêchait d'y rester indifférent.

Lentement, il rouvrit les yeux, et observa calmement Rinji. Aucune émotion particulière ne se lisait sur son visage, et un zeste de mélancolie devait être visible dans ses yeux.

« Me marquer n'aurait rien d'un exploit, je marque très facilement...Tu n'as qu'a tenter ta chance et frapper au hasard. »

Ceci dit, le serveur effleura sa pommette gauche, sur laquelle se trouvait une longue et fine cicatrice. Le coup de couteau qui en était à l'origine avait manqué de le rendre borgne. L'instant d'après, redressé, leurs deux visages n'étaient plus qu'à quelques centimètres. D'une main, il l'attrapa par le menton, assez fermement. L'un de ses doigts, long et fin, remontait le long de sa joue, posé sur l'une de ses marques de brûlure.

« Mais fais moi plaisir, et fais toi une fleur au passage. Ne ramène pas tout à tes marques. Tu n'es pas un monstre, tu n'es pas impossible à regarder. Part du principe que la curiosité des gens à ton égard n'est ni malsaine, ni malveillante. On attire tous les regards pour des raisons différentes, et on a tous le regard attirés sur des personnes pour des raisons différentes. Tu ne peux pas non plus vouloir changer la manière dont les gens te perçoivent. Mais ce que tu peux changer, c'est ta manière de te voir, de t'accepter, et de laisser le doute et la honte glisser sur toi sans te toucher. Si tu y arrives, tu ne pourras que te sentir mieux. Apprend à vivre avec toi même...Tu es de toute manière bloqué dans ton corps pour le restant de tes jours. »

Pour une fois, pas une pointe d'ironie dans son ton. Pas un sourire défiant, ni une seule mauvaise remarque. Takeda-kun ne pouvait pas continuer comme ça, à laisser ses brûlures influencer la moindre chose dans sa vie, de manière directe ou indirecte. Yuya ne le lui souhaitait en tout cas pas. Tenant toujours fermement son menton, regard planté dans le sien, il restait malgré tout sur le qui-vive. Le serveur n'avait jamais appris à nager, et la proximité de l'eau, couplé au fait que parler ainsi lui faisait peur, n'était pas pour le rassurer. Mais une chose était claire, si Rinji décidait tout de même de s'en prendre à lui, le plus âgé saurait comment l’accueillir et s'en débarrasser rapidement. Peu importait la présence d'eau ou le fait que vu leurs positions, son kohai aurait pu facilement l'écraser sous son poids en une fraction de seconde s'il l'avait voulu.

[Pas très satisfait par cette réponse hn...J'espère qu'elle t'ira.]

Depuis toujours, s'il y avait bien quelque chose qui avait desservi Yuya en le faisant paraître pour bien plus hautain qu'il ne l'était réellement, c'était sa tendance à rester supérieur. Ne jamais s'avouer vaincu, toujours rester digne, insaisissable. Même lors d'une défaite, ou en tort, sa manière d'accepter ses erreurs et ses échecs frustrait souvent les gens. Sans compter son exceptionnelle capacité à percer les gens à jour, à les comprendre comme s'il était dans leur tête. Impossible de lui cacher quelque chose, impossible de le prendre de court. Et jamais l'étudiant ne se laissait aller à la condescendance ou à la pitié. Si bien que lui reprocher son attitude pour des motifs légitimes était difficile, et que ça avait été la cause d'un certains nombres de rixes et d'inimitiés. Son attitude naturelle était en général largement suffisante pour qu'il se fasse haïr, et le rônin trouvait ça bien pratique, de ne même pas avoir à se forcer pour être antipathique. Nul doute que l'exercice l'aurait aussi non bien trop fatigué.

Mais face à Rinji, la difficulté était tout autre. L'autre étudiant avait le profil typique du genre de personnes face auxquelles sa nature protectrice ressortait. Après tout, durant sa courte carrière de délinquant, Yuya n'avait pas été le bras droit et le conseiller de leur chef pour rien. Ses conseils avisés et son attitude de grand frère lui avaient valu le respect de la plupart des membres. Mais c'était précisément ce trait de caractère qui l'avait mené si loin dans la débauche, il aurait été prêt à tout pour aider un de ses pupilles. Ainsi donc, durant tout le temps que son kohai resta face à lui, se débattant avec ses émotions, le serveur resta silencieux. Son regard ne se détourna pas une seconde, le considérant avec un mélange d'affection et de crainte. De crainte non pas à cause de son semblant d'agressivité, mais de peur de trop s'attacher. Déjà, l'envie de le serrer dans ses bras se manifestait. Et les kamis seuls savaient que l'étudiant détestait cette tendance protectrice au plus haut point.

Il se retint cependant. La situation ne n'y prêtait pas, et la gêne aurait été trop forte. Des questions plus importantes se posaient d'ailleurs. De quel genre de personne Takeda-kun était-il entouré pour que personne n'ait songé à lui dire ce genre de choses ? Comment s'était-il blessé ? Avait-il un suivit psychologique adapté, des gens sur qui compter, à qui parler ? Quoi qu'il en soit, Yuya ne pouvait pas forcer Rinji à lui parler, ni à accepter son aide. Il resta alors simplement la, reposant sa main calmement sur ses genoux, tout en continuant de l'observer sans manifester une once de peur ou de gêne à l'idée d'être frappé. Même si le coup était partit, le rônin n'aurait pas bronché. Rejeter son camarade lui paraissait être une fort mauvaise idée, il aurait même accepté ses coups si ça avait pu l'aider. Pas un commentaire ne lui échappa non plus à propos du fait que son kohai pleurait visiblement. Ses yeux rouges et humides en témoignaient, mais si son honneur lui interdisait de se laisser aller, l'ex-délinquant respecterait sa décision.

Lorsqu'enfin son vis-à-vis se calma, le jeune homme se rapprocha et posa sa main sur son épaule, serrant un peu. Le geste ne dura pas très longtemps, pour ne pas incommoder l'autre, et servait uniquement à montrer un peu de soutien. Son air de chien abandonné sur l'autoroute un jour de pluie eut raison de ses dernières réticences. D'une manière ou d'une autre, Yuya s'arrangerait pour veiller sur Rinji. De manière cachée, indirecte, pour ne pas paraître comme un bon type. Mais comptez sur lui pour s'assurer que le relevé de note du plus jeune restait bon, et que le conseil de discipline ne lui pendait pas au nez. Le brûlé aurait désormais un ange particulièrement chevronné au cul, et prêt à venir lui remuer un peu les idées en cas de problème.

« Non, on ne peut pas dire que je sois tombé de très haut. Et toi, tu n'as pas eu mal en tombant dans les escaliers ? »

Référence à sa taille moyenne, dans le but de le dérider un peu. Le rônin hésita un moment, puis finit par demander, d'un air pas plus intéressé que ça.

« Et dans l'école, ça se passe bien ? Pas d'ennuis ? »

D'une main, et tout en continuant de réfléchir, Yuya fit couler un peau sur sa nuque et ses épaules. Sans être frileux, les parties de son corps à l'air libre se rafraîchissaient vite. Le rônin, bien que décidé à se comporter en authentique grand frère, voulait surtout ne pas être trop intrusif. Cela n'aurait fait que donner l'impression au plus jeune d'être considéré comme un gamin, en plus de l'empêcher de faire ses propres expériences. Non, l'important pour Rinji, c'était d'apprendre à se débrouiller seul et à se construire une carapace. Ce n'était pas en le surprotégeant que le serveur l'aiderait. Le plus âgé resterait aux aguets, le laisserait principalement se débrouiller seul comme le grand garçon qu'il était, et n'interviendrait pour l'aider que si la situation ne lui en laissait pas le choix.

Son kohai pourrait toujours bien sur venir vers lui s'il en sentait l'envie ou le besoin, mais la nature discrète de Yuya l'empêcherai de s'imposer à lui. La réponse brute de l'autre garçon l'amusa, cette tendance à rester brute de décoffrage en tout temps lui plaisait bien. Et elle en disait beaucoup sur la manière d'être du plus jeune. Il ne répondit pas tout de suite après que l'autre ait répondu, pour la simple et bonne raison qu'un constat un peu particulier s'était imposé à lui. Si Rinji avait l'impression d'avoir été dressé, l'ex délinquant avait pour sa part l'impression d'avoir été apprivoisé. La chose le fit tiquer un peu. Pour un peu, il en aurait presque voulu à l'élève de troisième. Une petite moue pris place sur ses lèvres, pendant qu'il se perdait un peu dans ses pensées. La liberté d'action que lui laisserait son pupille déterminerait ce qu'il serait en pouvoir de faire pour l'aider. Si rattraper toutes ses bourdes et lui éviter des ennuis était hors de question pour Yuya, lui apprendre à s'accepter et à avoir une bonne estime de lui sans pour autant tomber dans l'auto complaisance paraissait vital à ses yeux. Le serveur aurait sans doute eut quelques réserves en entendant les pensées du lycéen, il n'avait pas toujours conscience de posséder un certain charisme. En aurait-il prit conscience que Yuya se serait sans doute mis à la politique ou aurait fait des études de droit. Mais pour l'instant, son avenir lui apparaissait toujours aussi flou, et il était encore loin d'imaginer un tel parcours.

La question de Rinji le ramena à la réalité, et le rônin posa sur lui un regard un peu interloqué. La question paraissait assez normal, finalement, compte tenu du sexe et de l'age de son interlocuteur, et Yuya n'y répondit pas tout de suite. Il avait embrassé bien des filles durant sa période à Tokyo, et au moins autant de garçons si ce n'était plus. Le serveur avait cependant toujours pris garde à ne pas jouer avec les sentiments des autres, et à éviter bien soigneusement toute personne ne cherchant pas quelque chose d’éphémère. Haussant les épaules, il se contenta de produire une réponse simple, et dont le ton était on ne peux plus neutre, sans même commenter la gêne de l'autre.

« Oui. Pourquoi ? Les filles te préoccupent ? »

La encore, même si la réponse intéressant le plus âgé, il se garda bien de le faire savoir. Son ton était aussi neutre que possible, même si ses yeux ne lâchaient plus Rinji un seul instant.

« Enfin...Je préfère tout de même rester seul. Les filles sont bruyantes et bavardes, c'est ennuyant. Je les préfères calmes, bien élevées, et si possible très discrètes. »

Dire que Yuya était macho aurait été difficile. Il avait reçu une éducation très traditionnelle, très japonaise. Les femmes, pour lui, étaient faites pour dire oui à leurs maris, tenir la maison, respecter leurs décisions peu importe les circonstances. Un objet de décoration qu'il faisait bon d'avoir si on était quelqu'un de respectable en société, jolies mais le plus souvent un peu encombrantes. Il les respectait pourtant et son sens de l'honneur l'aurait empêché de lever la main sur une faible femme. Il était en gros tout bonnement incapable d'arriver à les voir en égales. Et puis, enfin, même si l'étudiant avait bien possédé quelques amies filles, en rajouter volontairement sur ce côté de sa personnalité qui le laissait facilement passer pour un sale type si on le connaissait peu et qu'on interprétait mal ses paroles l'arrangeait grandement.

Bien sûr ! C'était évident ! Yuya avait forcément eu plein de nanas dans sa vie. Donc oui, bien sûr qu'il avait déjà embrassé des filles. Comme il fallait s'y attendre (seulement, Rinji ne s'y était pas attendu), Yuya lui demanda pourquoi cette question. Les filles le préoccupaient beaucoup, oui. Parce qu'il était à un âge ou normalement on connait déjà les choses de la vie. Et lui... que dalle. Toujours rien à l'horizon. Déjà qu'avec sa gueule de psychopathe, ce n'était pas facile. Mais si en plus il s'y prenait mal, il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'il se fasse une belle traversée du désert affectif. Mais pour toute réponse à Yuya, il haussa une épaule, genre "j'men fout un peu" et dit :

"...Mouais, comme ça."

La vérité c'est qu'il y pensait beaucoup car il commençait à s'inquiéter pour sa santé physique et mentale. L'amour quoi ! Est-ce qu'on peut réellement vivre sans ?

« Enfin...Je préfère tout de même rester seul. Les filles sont bruyantes et bavardes, c'est ennuyant. Je les préfères calmes, bien élevées, et si possible très discrètes. »

Ah ça, Rinji ne pouvait pas franchement lui donner tort. Chaque fois qu'il avait discuté avec des filles, ça se terminait en engueulade, en bouderie ou en pleurs. Il se payait des maux de têtes à répétitions à essayer de rationaliser leur comportement et leurs réactions.

"Ouais moi aussi. Calmes, polies, discrètes. J'aime pas les chieuses."

Et pourtant, pratiquement à chaque fois que Rinji avait flashé pour une nenette, c'était sur des filles agitées, dynamiques, volontaires. Si elles pouvaient juste ne pas être si caractérielles et si bruyantes, Rinji aurait pu s'en accommoder. Mais ce n'était pas à cause de leurs imperfections que rien ne s'était jamais fait avec elles. C'était parce qu'elles avaient peur de Rinji ou qu'elles n'avaient absolument pas la moindre attirance pour lui.

Le troisième année regarda Yuya se réchauffer la peau avec l'eau du bassin. Immanquablement, il songea à la cicatrice et au tatouage qu'il avait aperçut sur le corps de son ainé. Savoir pourquoi c'était là, sur sa peau, démangeait tellement Rinji que ce fut presque involontairement que celui-ci demanda :

"Pourquoi un serpent ?"

Oui, c'était indiscret mais moins que lui demander l'origine de sa balafre. Sauf si Yuya s'était coupé en épluchant des pommes de terres mais bon... Quoi ? les accidents domestiques sont très dangereux aussi !! Malgré la possibilité que Yuya n'ait pas envie de lui répondre autre chose que "pour faire parler les cons" soit envisageable, Rinji ne dévia pas son regard, car l'explication de la présence de ce serpent sur son corps l'intéressait vraiment. Et puis il se sentait légèrement plus en confiance avec lui. Yuya semblait s'être adoucit par rapport à tout à l'heure.

Malgré son air nonchalant et détendu, Yuya analysait en permanence Rinji. Sans tomber dans la surinterprétation foireuse, comme « il se gratte la jambe, il doit mentir », il était assez facile de savoir si une personne était tendue ou détendue, et de tenter de comprendre ensuite pourquoi. Pour la plupart des gens, le rônin le faisait juste pour savoir à quoi s'en tenir, pour tenter de voir venir les possibles trahisons ou coup foireux. Mais avec son kohai, c'était différent, il s'intéressait à lui, et non pas aux coups fourrés qu'il aurait pu lui faire. À son âge, la plupart des autres garçons avaient du déjà avoir un peu d'expérience, voir même beaucoup. Seulement, par un simple exercice de déduction, cicatrices, jeune homme encore mal dans sa peau, cette question précisément et pas une autre...Le taux de probabilité que le plus jeune n'ait très peu, voir aucune expérience était élevé. Et qui sait quelles questions pouvaient trotter dans sa tête, et quelle importance il accordait au fait de ne pas être seul.

Le serveur allait prendre la parole après ces quelques instants de réflexion, lorsqu'une nouvelle question sortit de la bouche de l'autre garçon. Un sourire passa sur ses lèvres, restant cette fois-ci accroché un peu plus longtemps. Comment expliquer sans trop en dire que c'était un signe d'appartenance, au gang qu'il avait quitté juste avant le point de non retour ?

« ...En fait, à l'époque, je traînais beaucoup avec les mêmes personnes. On s'est dit que ce serait bien d'avoir...Un signe, quelque chose pour nous distinguer. On a décidé d'un motif pour le remplissage, propre à nous, et chacun à fait le tatouage qu'il désirait... »

Avant de poursuivre, Yuya se tourna un peu, que Rinji puisse voir. À l'intérieur de la forme se répétait le même motif, en boucle, remplissant l'entier de l'animal, la ou auraient normalement du se trouver les écailles.

«Et comme à ce moment on me surnommait le serpent, et que certaines personnes avaient pris l'habitude de m'y comparer...Je ne me suis pas poser plus de questions que ça. »

Puis il reprit place normalement dans le bain. Parler de lui n'était pas son fort, ni quelque chose qu'il appréciait. Mais pour les personnes qu'on apprécie, il est courant de faire des exceptions, et l'étudiant n'échappait pas à la règle. Qui plus est, en donnant quelques informations du genre, il savait qu'il se faisait moins inaccessible. Le but était de tenter, ou plutôt de réussir à créer un lien, même faible, léger, avec le plus jeune, et ce n'était pas en le rejetant et en rejetant ses questions que ça se ferait. L'envie d'en savoir plus sur lui le taraudait un peu, et celle de lui faire savoir qu'il n'était pas seul aussi. Le rônin finit donc par parler, encore, et sans doute d'une manière un peu maladroite, pour ne pas dire clichée.

« Si tu as envie de parler de quoi que ce soit, ou si je peux t'apporter mon aide pour quelque chose...Même les choses qui te paraissent les plus insignifiantes, tu peux venir me voir. Évite juste de crier sur les toits que je ne mords pas d'office. »

Et mine de rien, il en avait fallut plus à Yuya pour sortir ces quelques phrases qu'il ne l'aurait pensé. Tenter une manœuvre de rapprochement après tant d'années de solitude n'était pas aisé, surtout pas alors que la peur de ne plus passer pour un danger publique le tenait fermement. Mais on n'avancait pas dans la vie sans un minimum d'effort et de résilience, et une part de lui espérait bien ne pas rester un cas social toute son existence.

Le serpent... Curieux comme cette comparaison avec ce reptile lui allait bien. Rinji n'y voyait absolument rien de péjoratif. Au contraire. Le serpent était symbole de sagesse dans de nombreuses civilisations, y comprit la leur. Et même s'il ne faisait aucun doute que Yuya avait un côté obscure qui devait sembler tout aussi terrifiant que les peurs ancestrales qu'inspirait cet animal auprès de beaucoup de gens, il émanait effectivement de son sempai une force tranquille, une sagesse immense. Aux yeux de Rinji c'était comme si... comme si Yuya avait tout comprit de la vie. La preuve en était qu'il n'avait pas mis longtemps à cerner le troisième année.

La réciproque n'était hélas pas vraie. Rinji était fasciné par Yuya mais de là à le comprendre... Il avait même l'impression que personne n'y arriverait jamais. Ou pas totalement. Du coup, Yuya devait se sentir bien seul. Rinji se posait des tonnes de questions sur le rônin. Est-ce que les lui poser ferait en sortes qu'il pourrait éclaircir le mystère Kazunari ? Peu probable. De plus, celui que Rinji découvrait un peu ce soir là était totalement contradictoire avec la réputation qu'il avait dans l'établissement. En effet, l'ainé ne venait-il pas de lui proposer son aide au cas où Rinji en aurait besoin ? Ne venait-il pas de dire qu'il l'écouterait s'il avait envie de simplement parler ?

Rinji cru comprendre un peu mieux le contraste entre l'homme et les rumeurs lorsque Yuya ajouta :

« Évite juste de crier sur les toits que je ne mords pas d'office. »

Un sourire se dessina sur les lèvres du 3-A qui humecta ses épaules d'un peu d'eau chaude tout en observant le ronin. Ce type là n'était pas solitaire par dépit, contrairement à Rinji. Mais par choix. Un sacré bonhomme celui-là ! Il était comme un cerbère que personne n'approcherait jamais, sauf la poignée d'élus qu'il choisirait de laisser passer, pour des raisons que lui seul connaissait. Quelle était la raison de ce privilège offert à Rinji ? Le troisième année n'aurait pas su le dire. Mais il en était très curieux. Et fier. Évidemment ! Après tout, ce n'était pas n'importe qui ! Kazunari était un caïd parmi les caïds. Si on apprenait que Rinji était dans ses bonnes grâces, cela renforcerait la réputation de Takeda. Le 3-A avait donc tout intérêt à dire partout que Yuya et lui s'étaient liés. Mais Rinji n'en ferait rien. Car il n'était pas question de contrarier Yuya et d'aller à l'encontre de la requête qu'il venait de lui faire. Cela devait avoir son importance pour le ronin. Certainement.

Tandis que Rinji observait le bout de ses doigts ridés par un séjour prolongé dans l'eau, il ne put s'empêcher de lui demander :

"Je suppose que tu n'es pas aussi bavard avec tout le monde... Pas vrai ? Alors... qu'est-ce qui fait que tu me laisses te faire la causette ?"

Bavard était certes un bien grand mot. Mais c'était déjà plus que ce que Rinji n'en avait espéré, lui qui s'était attendu à se faire envoyer bouler à la moindre question. Et même maintenant qu'il se sentait privilégié, il marchait sur des oeufs avec Kazunari, car il sentait que ce lien tout frais était fragile et que Yuya pourrait y mettre un terme facilement s'il en décidait ainsi. Et Rinji, de la même manière qu'un môme ne supporterait pas qu'on lui retire un bon point fraichement acquis, n'avait pas l'intention de redescendre dans l'éventuelle estime de l'énigmatique ronin.

[edit du 01/06/2001]

Cependant, la conversation perdit en intensité peu à peu. Et l'heure ayant tourné, les deux étudiants parlaient sérieusement de mettre un terme à leur baignade. Ce fut Rinji qui affronta l'exposition nudiste le premier. Il se dévoua afin que Yuya n'ait pas à le faire. Il emprunta la serviette de son sempai mais ne s'épongea pas plus que le stricte minimum, ne touchant pas de parties trop intimes de son corps afin de ne pas "souiller" le bien du rônin. Il se rhabilla et s'inclina vers Yuya, toujours dans l'eau et le remercia pour son prêt, pour son aide et pour toute cette discussion. Rinji sorti de la salle de bain en se sentant plus riche de quelque chose. D'ailleurs, il avait un sourire aux lèvres qui ne trompait pas.

[parti ou fin.]