La chaleur était excessive. Non vraiment. En France, en Juin, il faisait moitié aussi chaud qu’au Japon à cette même période. Mais bon, ça ne faisait pas tellement longtemps que notre jeune homme était dans ce pays, il ne pouvait donc pas s’être déjà habitué. Mais de toute manière, Nathan supportait assez mal la chaleur. Elle le rendait amorphe et le vidait de toute motivation. Dommage, car aujourd’hui, de la motivation, il en avait besoin. Entre l’heure d’espagnol, suivi d’une heure d’anglais et deux heures de maths - toutes les quatre heures plus ou moins intensive -, la matinée des mardis était assez fatigante.

Heureusement, cette heure de libre pour manger, qui s’était longtemps faites désiré, arriva au meilleur moment. Celui où notre jeune homme avait l’impression que son cerveau allait exploser, remplis d’informations diverses et variées, plus ou moins utiles dans la vie de tout les jours. Cette pause sera donc l’occasion pour notre français d’aller faire un tour dehors, histoire de prendre l’air et de se remplir l’estomac avec un bon bento à-la-japonaise.

Après être sorti de cours à la va vite, il rangea son sac dans son casier, changea de chaussures et attrapa son repas avant de sortir de l’enceinte du lycée. Prendre l’air, avais-je dis ? J’ai du omettre le fait qu’il n’y avait pas d’aire. Pas un seul pet de vent. Rien qui pourrait adoucir l’aire et la rendre plus agréable. Nathan soupira et se retourna, entrant à nouveau dans le bâtiment. Au moins à l’intérieur il faisait meilleur. Mais il n’allait quand même pas mangé à l’intérieur, dans les couloirs, non ? Réfléchissant rapidement, notre jeune homme afficha une légère moue, avant de se décider d’aller sur le toit.

Pour cela, il fallait qu’il ressorte du bâtiment, qu’il contourne et qu’il gravisse l’escalier. Bon aller, pas de temps à perdre. Prenant une profonde inspiration, Nathan s’engagea donc sur le chemin inondé par la lumière du soleil et donc, par la même occasion, de chaleur. Tentant d’ignorer au mieux la sueur qui commençait à perler de son front, Nathan bifurqua à droite et monta l’escalier qui donnait sur le toit.

Il s’immobilisa au bord, son regard coulant furtivement sur les quelques groupe d’élèves présent sur le toit et ne put s’empêcher d’émettre un petit soupire. Lui qui avait espéré rester seul, il s’était bien leurrer dans ses pensées. Mais bon, le toit faisait parti de l’école, par conséquent il avait dut s’y attendre de trouver quelque étudiants.

Ainsi, sans leur adresser plus d’attention, Nathan entreprit de faire le tour du toit à la recherche d’une place de libre. Mais, malheureusement, la seule qui n’était pas pris était évidement celle exposée en plein soleil. C’était pourtant évident. Soupirant, notre jeune homme pivota sur ses talons et s’immobilisa, voyant un inconnu, qui en fait, ne l’était pas tant que ça, penché un peu trop dangereusement au dessus du grillage. Du moins, c’est ce qu’il voyait de là où il se trouvait, c'est-à-dire, placé juste derrière celui qui était son professeur de science.

Ouvrant la bouche, Nathan s’apprêtait à prendre la parole, mais se ravisa. Pour dire quoi aussi ? « Journée de merde, pas vrai ? Putain, la chaleur qu’il fait ! A en crever sur place ! » Non, Nathan n’était pas du genre à s’imposer chez quelqu’un d’autant que l’homme aux cheveux blanc s’était peut-être isolé exprès pour ne pas être déranger ? Bon. Notre jeune homme soupira discrètement et se retourna lentement, bien décidé à aller s’installer à l’ombre, quitte à faire ami-ami avec de arfait inconnus.

En fait d’élève, il s’agissait d’un jeune homme dont les yeux bleus paraissaient sonder son âme, le transpercer de part en part et le mirent quelque peu mal à l’aise. Un frisson parcourut Vlad qui se calma très rapidement. A quoi cela lui avait-il fait penser ? Vlad ressentit à nouveau la chaleur taper sur son crâne, à peine protégé par des cheveux qui renvoyaient faiblement la lumière ainsi donnée, et sur le moindre centimètre carré de peau qui s’offrait ainsi à la morsure du soleil. Infernal. Il connaissait maintenant l’enfer. Il agita sa main dans l’espoir vain de créer ne serait-ce qu’une légère brise rafraîchissante mais cela ne suffit pas à calmer son corps qui réclamait de l’eau à corps et à cris et qui s’épuisait ainsi, quémandant par la même occasion de l’ombre et de la fraîcheur.

L’étudiant avait ouvert la bouche, et le professeur attendit patiemment que la voix suive le geste. Il n’y eût rien et sa patience fit chou blanc. Son éventuel interlocuteur, qui n’avait que quelques années de moins que lui s’il en jugeait sa stature, avait refermé la bouche et s’était détourné. Hé bien quoi ? Le « célèbre » Vlad Asran était-il donc devenu si intimidant en grandissant ? Cette réflexion fit courir un long sourire amusé sur ses lèvres.

Le jeune homme se retourna sans émettre le moindre son et se remit en marche. Le corps de Vlad en fit de même mécaniquement, refusant de rester une seconde de plus à la merci des rayons solaires. Il le remarqua tard mais Vlad se rendit vaguement compte qu’il suivait le jeune, probablement guidé par la même quête d’ombre que lui. Il faudrait sans doute se mêler à un groupe pour bien faire ou attendre que l’un se décide à s’en aller. Le professeur de sciences parvint à la hauteur de son compagnon de marche, et lui adresse un coup d’œil.

« Est-ce que je t’intimiderai par le plus grand des hasards ? » ne pût-il s’empêcher de demander, réprimant à peine l’amusement qui émanait de sa voix.

Tout en lui était sourire à cet instant : la lueur qui venait de s’allumer dans ses yeux vairons, le sourire qui élisait domicile sur son visage, l’intonation de sa voix. Malgré tous ses déboires, ce bon vieux Vlad n’avait pas changé. Pas du tout. Il était toujours aussi gai luron que d’habitude. Malgré les souvenirs et la nostalgie qui l’envahissaient quelquefois, comme aujourd’hui. Il en était d’ailleurs plutôt heureux. Qui ne l’aurait pas été ? D’autres que lui en seraient restés transformés, traumatisés et l’auraient affiché, en cherchant à s’enfoncer davantage jusqu’au suicide, jusqu’à la dépression. Peut-être était-ce même le cas pour lui mais… il avançait. Il mettait un pied devant l’autre et se contentait simplement d’avancer. Vlad revint alors sur terre, jetant un nouveau coup d’œil à l’adolescent à côté de lui qui continuait de marcher. Il se demandait bien ce qu’il avait voulu lui demander il y a quelques minutes. Et, curiosité oblige…

« Je te dérange sans doute, excuse-moi. Tu voulais me demander quelque chose toute à l’heure ? »

C’est vrai, l’heure de midi. Il venait tout juste de remarquer le panier-repas du jeune homme. Sans doute désirait-il être seul pour manger ou que ce foutu prof lui lâche les baskets pour qu’il puisse rejoindre sa bande d’amis sans souffrir l’humiliation de sa présence. Oui, sans doute. Vlad ne s’éterniserait probablement pas dans ses jambes. Lui aussi devait aller manger. Avec ses pairs, ou en ville. Il déciderait en temps voulu.

Au plus grand étonnement de notre jeune homme, celui qu’il venait tout juste d’observer et qui s’était avéré être son professeur de sciences, le suivi. Après avoir marqué un arrêt machinal, étonné de ce fait, Nathan s’était dit qu’un peu de compagnie de serait pas de mal et avait donc continué à marcher lorsque l’adulte l’avait rejoint. C’est alors que celui-ci prit la parole. L’intimider ? Lui ? Hm, non, pas vraiment. Il est vrai que sa couleur de cheveux et ses yeux vairons pouvaient en être une cause plus ou moins fondé, mais pas pour Nathan. Lui, n’en avait que faire et il en fallait beaucoup plus pour l’intimidé. A vrai dire, le physique quelconque d’une personne n’avait rien d’intimidant. Mais soit.

Ils étaient arrivés au bord du toit, près de la porte et notre jeune homme s’apprêtait à la pousser pour repartir lorsqu’il remarqua qu’un groupe d’élève se levait pour partir, libérant ainsi une place à l’ombre. EXCELLENT ! Vraiment excellent ! Nathan lança un coup d’œil vers le professeur puis désigna la place pour signifier qu’il allait s’installer là-bas et que l’adulte était le bienvenu s’il voulait. Puis, sans attendre de répondre, notre jeune homme se tourna et s’avança vers le banc. Il s’y installa, laissant de la place au professeur, puis déballa son bento, alors que l’adulte reprit la parole. Ce qu’il dit, arracha un sourire à notre étudiant qui s’immobilisa dans son mouvement

« Me déranger ? Non pas du tout » Il sourit puis sépara les deux baguettes et ouvrit le couvercle du bento, regardant ce qu’il y avait à l’intérieur. Il opta pour quelque chose dont la consistance était assez bizarre et le prit avec plus ou moins de mal entre les deux baguettes avant de regarder à nouveau son professeur « et non monsieur, vous ne m’intimidez pas vraiment et puis … a vrai dire vous sembliez être seul donc … » je me suis dit que j’allais faire ami-ami avec vous ? Non mais mon gars, ce n’est pas comme ça qu’on s’adresse à un adulte qui plus est ton professeur. Nathan détourna son regard et avala ce qu’il avait en bouche, réfléchissant rapidement à ce qu’il pourrait ajouter « je … c’est juste que … ben … » Rah putain ! Pas possible d’être aussi débile. Fixant son bento, Nathan inspira puis afficha un sourire quelque peu forcé et releva son regard vers le professeur « a vrai dire, j’espère que je ne vous dérange pas. Mais, en fait je ne sais pas trop comment m’y prendre avec un professeur en dehors des cours … »

Tu le considère comme ton pote ! Rougissant légèrement, Nathan reporta son attention sur son bento et continua à manger distraitement et silencieusement. Ce qu’il pouvait être con parfois, franchement. Il devrait vraiment apprendre à prendre un peu plus d’assurance.

« Il fait chaud … » Souffla-t-il en ouvrant légèrement sa chemise et dénouant sa cravate avant de remonter les manches de sa chemise. « je ne sais pas si j’arriverais à m’habituer à la chaleur excessive des étés japonais » Il esquissa un petit sourire, lorgna vers le professeur puis reporta son attention sur son bento et continua de manger.

Ils s’apprêtaient tous deux à reprendre la porte menant aux escaliers lorsqu’un mouvement attira leur attention sur la droite. Un étudiant se levait en riant, ramassant sa boîte à bentô vide et entraînant ses comparses dans leur direction. Coup de bol : le petit groupe s’était installé dans un coin d’ombre pour manger, le petit coin se retrouvant donc libéré. Vlad s’écarta pour laisser passer le petit groupe dont l’un des membres – une fille, encore une – ne se gêna pas pour lui adresser un regard réprobateur. Vlad leva les yeux au ciel dès que la fille l’eût dépassé. Il l’avait déjà aperçue à l’un de ses cours mais ne se rappelait plus sa classe. Rien de bien important. Et elle n’était somme toute pas bien différente des autres. A force, le professeur de sciences ne faisait presque plus la différence avec toutes les têtes brunes au regard réprobateur que comptaient toutes ses classes réunies.

L’étudiant qui l’accompagnait lui adressa un signe de la main éloquent en direction de la place libre, et il acquiesça d’un hochement de tête. Une course contre la montre venait de s’engager : qui réussirait à prendre cette place qui était une véritable aubaine pour tout bon Japonais écrasé de chaleur qui se respecte ? Heureusement, le duo l’atteignit et s’y posa sans mal, à la lisière de quelques coups d’œil jaloux ou envieux de la part des autres candidats. Mais le respect en imposait, personne ne leur ferait de remarque : Vlad était professeur. Et un professeur au Japon, c’était strictement intouchable pour le commun des mortels – ce qui bien évidemment ne comptait pas pour les petits voyous de passage, quoique…

Le Roumain s’installa lourdement sur le banc et se passa la main dans ses cheveux platine trempés de sueur. Heureusement, c’était mardi. Il ne donnerait pas cours cette après-midi. Aussi, il allait pouvoir s’absorber dans la tiédeur et le confort d’un bon bain chez lui sans entrer en conflit avec le temps. Enfin, en espérant que ses colocataires n’y soient pas déjà et ne l’occupent pendant des heures. La voix du jeune homme le tira de sa rêverie et fit même mieux : il sourit, soudain amusé. Alors comme ça, il semblait être seul ? Assez pour vouloir se jeter dans le vide peut-être ? Il haussa négligemment les épaules sans cesser de sourire. D’ailleurs, ce dernier s’accentua devant le trouble évident du jeune homme qu’il étudiait depuis quelques minutes. Des cheveux noirs – comme presque tous ici pour la plupart – et des yeux clairs. Sa tête lui disait vaguement quelque chose sans qu’il pût y mettre un nom ou une classe. Quoique non… Sa mémoire n’était certes pas au top de sa forme avec cette chaleur mais à la réflexion… Parce que ce jeune homme n’avait pas les traits communs aux asiatiques, comme lui. Européen ou américain, vraisemblablement. Et il n’y en avait pas trente-six, et même si l’institut accueillait des élèves du monde entier, il restait majoritairement japonais.

« Monsieur Scott, c’est bien ça ? Ma mémoire a tendance à s’altérer avec cette chaleur. » Il s’autorisa un soupir harassé de fatigue. Et il rêvait encore à son bain bien douillet. « Tu ne me déranges absolument pas. »

Oui enfin, si… Il avait été dérangé en pleine nostalgie. Et il en avait été profondément agacé, il ne pouvait certes pas le nier. Il ressassait de vieux souvenirs et sans doute aurait-il mieux fait de passer son chemin. Mais soit. Le bruit des baguettes attira son attention : Mr. Scott mangeait tranquillement en lui jetant quelques coups d’œil à la dérobée. Il semblait l’interroger du regard.

« C’est vrai qu’il fait plutôt chaud. Je n’ai pas le souvenir d’une chaleur aussi écrasante par le passé. » Vlad lui glissa un coup d’œil en coin. « Tu t’habitueras aux étés japonais plus vite que tu ne le penses. Enfin, en théorie. »

C’est ce qu’on m’avait dit à l’époque, pensa-t-il ironiquement. Mais il avait toujours autant de mal à s’acclimater si le temps devenait trop écrasant. Ce n’était qu’un petit détail.

« J’aurais aimé te dire de me traiter le plus normalement du monde mais je pense que l’étiquette ne le supporterait pas. Un sensei devrait aller je pense. » lâcha-t-il au bout de plusieurs minutes de silence, le souffle court. « A ça aussi on s’habitue, en principe. Les étiquettes japonaises, je veux dire. »

Alors comme ça il ne le dérangeait pas ? Tant mieux, c’était une très bonne chose. Mais cela n’avançait guère notre jeune homme vis-à-vis du fait qu’il ne savait pas quoi faire ou quoi dire. D’autant que le professeur lui avait formellement indiqué de dire ‘sensei’, ce qui n’avait pas eu le don de le mettre un peu plus à l’aise. Bon d’accord, c’était tout à fait normal et cela semblait logique. M’enfin, Nathan avait fixé son attention sur ce qu’il mangeait, tentant de ne pas laisser passer son malaise.
Ainsi il avait laissé le professeur parler. Celui-ci lui avait dit qu’on s’habituait rapidement aux étés japonais ? Hm. Nathan n’en était pas si sûr que ça. Hochant doucement la tête, le jeune français avala sa bouché, puis leva son regard vers son professeur de science

« J’espère que vous avez raison » sourit-il. Il dévia ensuite son regard vers le bord du toit avant de reprendre la parole « Hm, Asran-sensei ? Il y a une question qui me chiffonne depuis que je vous ais en tant que professeur … » Nathan lui lança un coup d’œil puis déglutit légèrement « Je … vous n’êtes pas asiatique, pas vrai ? »

Un élève qui parlait comme ça à un professeur ? C’était rare, voire inexistant. D’autant qu’au Japon, les professeurs étaient traités avec énormément plus de respect qu’en France. Là-bas, ils étaient toujours remis en cause. Si quelque chose ne plaisaient pas aux élèves, c’était les professeurs qui en étaient la cause. D’autant que beaucoup de gens les considéraient comme incompétent ou fainéant. Soit, le métier de professeur était très souvent discrédité en France. Au Japon, c’était tout à fait l’opposé. Un tel respect du personnel de l’école n’avait jamais été vu par notre jeune homme. Rare étaient les adultes du lycée auxquels on manquait de respect, ou alors on ne le montrait pas.

Pendant que les pensées de Nathan s’enchainèrent, il avait fini son bento en silence. Ce dut avec un certain étonnement que notre jeune homme laissa tomber ses baguettes dans le carton avant de le déposer à ses côtés sur le banc, se reculant contre le dossier dans un soupire, fermant furtivement les yeux.

« Entre la France et le Japon il y a un sacré gouffre. J’ai toujours peur de réagir de manières trop … bizarre pour les asiatiques … »

Il ouvrit les yeux et fut aveuglé pendant quelques instants par le soleil, le forçant à les refermer. La lumière était vraiment vive. C’en était désagréable.

[Désolée du retard ]

Vlad sourit, oui encore. C’était une manie bien à lui de sourire à chaque détail, à chaque remarque, à chaque question un peu insolite qu’on lui faisait. Preuve qu’il s’amusait beaucoup des rumeurs qui couraient, enfin sauf si elles devenaient trop récurrentes comme son souci oculaire ou son prétendu passé de voyou. Oui y’avait des détails qui fâchaient aussi. Mais celui-là en l’occurrence l’amusait. Vraiment. Ses origines « chiffonnaient » donc ses élèves ? Certains du moins.

« Toute question est toujours bienvenue. On m’a toujours dit qu’il valait mieux poser une question, si ridicule soit-elle, plutôt que de rester silencieux et de ne jamais trouver réponse à sa question en se sentant soi-même un peu bête. »

Cette maxime-là, il l’avait entendue à maintes reprises de la part de ses anciens professeurs. Le raisonnement n’était pas faux, mais difficile à mettre en pratique. Poser une question pour un grand timide relevait de l’impossible, par exemple.

« Et non, je ne suis pas asiatique. J’en suis même loin. »

Devait-il expliciter un peu plus sa réponse ? Vlad supposait que l’étudiant aurait la délicatesse de poser une question plus approfondie si les origines de son professeur le taraudaient tant que ça. Il n’était peut-être pas suffisamment curieux, et plus d’explications risquaient peut-être de l’ennuyer. Autant instaurer une bonne entente élève/professeur dès le départ et la garder tout au long de l’année. Cela avait le mérite d’éviter de se faire lyncher par les plus coriaces et de se faire écouter par les autres. Oui, c’était du boulot d’être prof.

Le prof de sciences rejeta ses épaules en arrière, la tête suivant le mouvement dans une attitude purement décontractée. Il avait dénoué davantage sa chemise sous le chaud soleil de midi et feignait de ne pas s’apercevoir des regards courroucés des plus prudes. Enfin si, il avait bien fallu se rendre à l’évidence. Aussi il lui avait bien fallu calmer le courroux des acharnés par de charmantes petites œillades désolées tout sucre tout miel. La colère des quidams avait donc fait place à une franche compréhension. Oui, amadouer les gens ça le connaissait. Vlad en était toujours le premier étonné d’ailleurs.

L’adulte observa à nouveau son interlocuteur qui venait de lui donner une information précieuse, saisie au vol. Français, hein ? C’est vrai que vu le nom que Nathan portait, il était difficile de répondre « japonais » mais le jeune homme avait davantage songé à de l’anglais, quelque chose du genre. Français, donc. Magnifique, un deuxième immigré lui tenait compagnie !

« Les manières japonaises sont strictes et très prudes, tout simplement. Ça aussi, c’est une question d’habitude. Mais c’est vrai que le gouffre est énorme entre le Japon et l’Europe. C’est un autre monde que tu découvres, pour ainsi dire. »