Mardi 3 mai, 7h30

« Je... Je te rappelle plus tard. »

Son bras s'abaissa le long de son corps avec une lenteur excessive. Il appuya distraitement sur la touche pour couper la conversation, les yeux dans le vague, tête baissée en direction du linoléum du couloir. Appuyé contre le mur de sa chambre d'où il était sorti en décrochant, Seiji restait immobile, secoué par ce qu'il venait d'apprendre. Les marmonnements endormis de l'un de ses colocataires furent ponctués d'un ronflement qui le fit sursauter, le son à peine filtré par la porte entrouverte. Avec un soupir qui ne le soulagea pas, il se décolla de son appui et revint à l'intérieur de la pièce où il posa son téléphone. Son regard s'arrêta sur la silhouette du nouveau béatement plongé dans son sommeil, puis il sortit et referma derrière lui.

Il était encore tôt. Plus qu'il ne l'aurait fallu en fait. Collé par le prof d'espagnol suite à sa dernière franche altercation avec Kimihiro, il était convoqué ce matin-là à 8h au dojo. Il ne savait pas très bien ce qu'il aurait à y faire même si le lieu de rendez-vous ne laissait pas beaucoup de choix. Probablement serait-il bon pour faire du récurage tout seul, sans aide et ce n'était pas plus mal. En temps habituel, il se serait plaint. Le nettoyage salissait, abîmait les mains et mettait les vêtements dans un état épouvantable, mais pour une fois au moins, il n'espérait qu'une chose : ne pas se tromper. Être réellement tranquille sous l'œil du professeur, frotter ces fichues planches et pouvoir cogiter sans personne pour le déranger.

Ses pas le menèrent jusqu'aux WC de l'étage où il se résolut à se passer de l'eau sur le visage. Le reflet que lui renvoya le miroir n'était pas aussi flatteur qu'à l'accoutumée. Le teint pâle, les cheveux un peu en bataille à force de passer sa main dedans, il ne reconnaissait pas le Seiji qu'il était habituellement. Le blond secoua la tête et replaça ses mèches correctement avant d'inspirer et de sourire à son image. C'était un peu crispé, et il s'en étonna brusquement. Somme toute, il savait très bien que ça devait arriver. Pourquoi était-il aussi... surpris ? Il aurait du être prêt à cette éventualité depuis le temps. N'étaient-ils pas venus, ses parents et lui, à Hamura justement pour soutenir sa tante durant les derniers mois de sa vie ? Même si fuir l'ambiance de la maison en venant au pensionnat n'était pas forcément le meilleur soutien qu'il aurait pu lui offrir...

A nouveau il secoua la tête pour chasser ses pensées et sortit, pressant le pas pour arriver au dojo au plus vite. Le blond y parvint très nettement en avance – il restait bien un quart d'heure avant que le prof n'arrive pour lui dire ce qu'il devrait faire. Il en fallut moins pour qu'une silhouette plutôt grande fasse son apparition devant le dojo, entrant dans le champ de vision de Seiji. Celui-ci s'apprêtait à faire bonne mesure lorsqu'il reconnut celui qui se trouvait face à lui. Le troisième année pinça les lèvres et prit quelques secondes avant de saluer le kendoka. Il était collé pour s'être battu avec, aussi allait-il devoir prendre sur lui...

« Salut. »

Avait-il fait déjà plus bref en s'adressant à lui ? Sans doute pas. De même qu'il n'avait jamais du paraître aussi sombre. Au moins la raison pour laquelle ils se trouvaient là pouvait l'expliquer – ce n'était probablement pas un hasard si un mardi matin à presque huit heures, ils se retrouvaient tous deux devant le dojo. Bien décidé cependant à ne pas avoir affaire au brun plus que de raison, il resta à l'écart et fixa un point sur le sol.

Rendez-vous mardi à 8 heures au dojo. Le petit papier qu'il avait retrouvé dans son vestiaire en fin de semaine passée n'avait fait qu'officialiser ce que lui avait déjà plus ou moins dit Egawa-san au cours d'un de leurs entrainements au dojo, faisant hausser les épaules du jeune homme. Comme colle, il y avait largement pire. Au moins serait-il dans son élément au dojo, avec son sensei, plutôt qu'assis derrière une table à faire des exercices inutiles, ou pire, à récurer les toilettes.
Le fait de devoir se lever tôt une semaine de vacance n'était pas si catastrophique : le jeune homme était même parti courir une petite demi heure avant l'heure de sa colle, se libérant l'esprit des dernières catastrophes qui semblaient parsemer sa vie ces derniers jours.

Le concours. Cette putain de mascarade où il n'avait pu que se ridiculiser sur scène devant le reste du lycée. Et dire qu'il n'avait pas encore pu mettre la main sur celui qui avait cru malin d'inscrire son nom sur la liste des participants... Il n'était pas sur, mais avait bien un petite idée sur qui serait assez timbré – et lui en voulait assez pour le faire. Pour le moment, il préférait juste ne pas y penser.
Et s'il n'y avait eu que celà... le concours, il aurait pu l'affronter. Il aurait même pu le prendre avec humour, coachée par une Konata partagée entre le plaisir d'exhiber son petit copain, et les affres de la jalousie de savoir qu'il s'était retrouvé à draguer une minette devant tout le lycée. Un peu plus, et elle lui aurait bien tordu le coup à celle-là.
Le problème, c'était qu'entre sa petite amie et lui, les choses avaient atteints un point étrange qu'il n'arrivait pas à définir. Ou plutôt qu'il se refusait de définir. Suite à la soirée dans sa chambre, ils ne s'étaient pas reparlés, laissant s'établir le malaise plutôt qu'essayant de crever l'abcès. Douloureux. Et ça n'aidait pas à le mettre de bonne humeur.

Le chemin familier qui menait au dojo était vide, lui épargnant des salutations et des sourires qu'il ne se sentait pas le courage de simuler. Il avait tout juste pris le temps de se doucher en vitesse et de changer de t-shirt après son jogging, si bien que ses cheveux étaient encore humide, chatouillant parfois sa nuque avec des perles d'eau. Pour un entrainement plus formel, il ne se serait pas permis de se présenter au dojo ainsi, mais pour ce qu'il devinait être du nettoyage... ça irait parfaitement. Egawa-san ne s'en formaliserait pas.

Malheureusement, ce n'était pas la fine silhouette du kyudojin qui l'attendait devant le dojo. C'était quelqu'un de plus petit, blond, et au faciès reconnaissable entre tous, et pas pour de bonnes raisons. Eiji pinça les lèvres, retenant un grognement devant Nakamura.

" Qu'est-ce que tu fous là ? "

Non, nulle besoin de réponse.A l'instant même où il parlait, Eiji réalisait la réponse. Même problème, même punition. Egawa-san avait juste trouvé intéressant de leur faire avoir leur colle au même moment. Eiji ne trouvait même pas les mots pour dire à quel point il abhorrait l'idée. Le dojo était son domaine, et Egawa-san son sensei. L'idée de partager les deux, ne serait-ce que pour quelques heures de colles, le foutait en rogne. A son air sombre et lointain, Nakamura ne semblait pas en joie non plus, le parfait portrait de celui qui aurait aimé être partout sauf à l'endroit où ses pieds étaient posés. Pour une fois qu'il ne se pavanait pas comme un paon devant sa cours...

" Laisse tomber la question. "

Essayant de s'imposer un calme qu'il était loin de ressentir, Eiji s'appuya sur le mur du dojo, de l'autre côté de l'entrée, et surtout loin du blond, en attendant l'arrivée salvatrice de leur aîné. Difficile de ne pas jeter un coup d'oeil de temps en temps au jeune homme de l'autre côté. Ils avaient tout fait pour ne pas se croiser depuis l'incident dans les rues qui les avaient conduits à cette fameuse colle et... en le regardant, Eiji se rendait compte que sa colère était loin d'être complètement tarie. A moins qu'elle n'ai simplement ressurgi à la lumière des évènements des derniers jours.

C'est avec une certaine mauvaise volonté que Jiro s'extirpa des bras de Cathan, encore profondément endormi. Il ne savait pas vraiment ce qui l'avait poussé à aller le retrouver dans sa chambre la veille, mais ce n'était pas le désir en tout cas. Peut-être le besoin de se sentir à l'abri entre ses bras, d'oublier qu'il ne se sentait pas toujours très bien ces derniers temps, une sorte de malaise qui l'envahissait par moments sans qu'il arrive à en définir l'origine. La présence du roux était rassurante, et le plaisir charnel propre à éloigner les soucis. Il avait enfin réussi à passer une nuit complète sans se réveiller angoissé. Quitter le lit fut donc particulièrement difficile ce matin là.

Après un passage particulièrement long sous la douche, Jiro regagna sa propre chambre pour se changer et se remettre les idées en place. Hime vint serpenter entre ses pieds, ronronnante, réclamant sa pitance en miaulant doucement. Le jeune homme s'assit au pied de son lit et passa ses doigts dans la douce fourrure. Pourquoi s'était-il levé ce matin déjà ? Ah oui ! La punition de Nakamura et Eiji ...

Jiro soupira avant de se lever, la petite Sacrée de Birmanie dans les bras. L'appartement était calme et silencieux. Akutsu devait dormir lui aussi. C'est qu'il leur avait donné rendez-vous tôt à ses deux élèves bagarreurs ! Nourrir la chatte, puis grignoter quelque chose. Il n'avait pas vraiment faim, c'était plus pour ne pas partir l'estomac vide qu'autre chose. Est-ce qu'il couvait quelque chose ? Peut-être était-il simplement en train de tomber malade. Jiro termina sa tasse de thé sur cette interrogation et quitta l'appartement pour se rendre au dojo.

Il faisait encore frais en cette heure matinale, mais les rayons du soleil de ce début mai réchauffaient déjà l'air. Tout était encore très calme. La Golden Week y était pour beaucoup. Pas de cours, donc pas de réveil matinal, donc pas de brouhaha habituel ... mis à part la veille ...
Ce concours était vraiment ridicule. Ils étaient dans un lycée, pas dans un show télévisé ! Qui avait bien pu avoir cette idée stupide ? Et dire qu'Eiji y participait ... Certes, contraint et forcé, mais tout de même ... Jiro soupira tandis que la silhouette du dojo se profilait au bout du chemin. A la réflexion, pourquoi est-ce que ça l'agaçait autant ? Ce n'était pourtant pas son genre ...

Jiro secoua légèrement la tête, comme pour chasser toutes ses pensées et en revenir au présent. Il allait devoir gérer la collaboration entre Kimihiro et Nakamura, ce n'était donc pas le moment de divaguer. L'enseignant avait longuement réfléchit pour savoir s'il devait les coller séparément ou non. Au final, il avait opté pour une punition en commun, malgré les tensions qu'il était à peu près certain de voir naître. Il fallait tenter de crever l'abcès entre ces deux là, que ça leur plaise ou non.

Ils étaient d'ailleurs tous les deux là, chacun d'un côté de la porte, comme s'ils en gardaient l'entrée. Un sourire effleura les lèvres de Jiro à cette pensée un peu plus légère que les précédentes. Il les salua puis ouvrit la porte, les invitant à entrer.

" J'espère que vous êtes en forme tous les deux, parce qu'il y a du boulot. "

Après s'être déchaussé, Jiro alla ouvrir la réserve où était stocké le matériel de nettoyage.

" Bien. Je pense que vous avez compris en quoi consistait votre punition : grand nettoyage de printemps. Vous commencerez par les murs et finirez par le sol. "

Sur ces paroles, il les laissa prendre ce dont ils avaient besoin. Ils étaient assez grands pour savoir ce qu'ils avaient à faire.

Une fois n'était pas coutume, il avait obéit à l'interjection de Kimihiro lorsque celui-ci lui ordonna de ne pas lui répondre. Pour une fois au moins, ils semblaient du même avis car Seiji se moquait bien de justifier sa présence. A l'évidence, le kendoka avait réfléchit un dixième de seconde et en était venu à la même conclusion que lui : pour se trouver ici à une heure pareille en étant convoqué par un prof, leur présence commune ne pouvait être due qu'à une chose : une colle.

L'instigateur de la rencontre ne tarda pas à arriver, plus en forme que le blond ne l'était. Il ouvrit le dojo rapidement et se déchaussa, Seiji l'imitant non sans songer à la première fois où il était venu ici. Les premiers mots de Kimihiro avait justement fait état des chaussures qu'il avait oublié d'enlever, étourderie qu'il ne recommencerait plus. Voyant le prof se diriger vers la réserve, le jeune homme estima plus judicieux de le suivre. Chaque instant confirmait son intuition première, mais lorsque l'enseignant reprit la parole pour leur signifier comment ils seraient punis, le troisième année marqua un temps d'arrêt.

Les murs aussi ?

Il jeta un œil sur le grand brun, puis sur Egawa-sensei et se dirigea finalement vers tout ce dont il aurait besoin pour entamer le nettoyage. Mais, une fois à proximité de Kimihiro, il prit la parole pour la première fois depuis qu'ils étaient trois. Son regard se riva dans celui de son aîné :

« Tu prends un côté, je m'occupe de l'autre. On sera d'accord je suppose pour ne pas se croiser ? »

Son ton était un rien trop suffisant pour ne pas agacer le kendoka, sans doute déjà sur les nerfs. La présence du prof garantissait au moins qu'il essaierait, une fois n'est pas coutume, de ne pas frapper. Et Seiji, lui, ne connaissait finalement que ça pour faire face et ne pas se laisser abattre. Montrer sa supériorité, encore et toujours, même lorsqu'elle paraissait compromise comme maintenant. Car franchement, se sentir supérieur en récurant un dojo...

Sans attendre de réponse de la part du brun, Seiji reprit son matériel et se dirigea à l'autre bout de là où il se trouvait, bien décidé à garder de la distance entre l'autre et lui. Un jeta néanmoins un regard en coin à l'enseignant qui, peut-être, ne voyait pas la chose du même œil. Le troisième année n'aurait été que moyennement surpris d'apprendre qu'il voudrait les voir coopérer. Il les avait bien convoqué ici en même temps, après tout !

L'arrivée d'Egawa-san au milieu de la guerre froide réussit à faire naître un sourire sur le visage d'Eiji. Avec un peu de chance, la présence de son sensei réussirait à lui faire oublier la présence de Nakamura pour les quelques heures à venir, du moins si le blond réussissait à se la fermer. Un "bonjour sensei " fut vite lancé, assorti d'une petite inclinaison, alors que le professeur leur expliquait rapidement ce qu'il y avait à faire. Eiji ne pouvait pas exprimer à quel point il était heureux que la colle se passe dans le dojo plutôt qu'assis en salle d'étude, à ruminer devant une feuille de papier. Dans le dojo, il pouvait au moins avoir l'illusion que ce n'était pas vraiment une colle. A dire vrai, si son sensei lui avait demandé de nettoyer le dojo, le jeune homme s'y serait probablement attelé de son plein gré sans avoir besoin de beaucoup de sollicitation.

Le seul "mais" dans la situation, c'était bien la présence de la petite silhouette blonde. Eiji entra derrière lui, se déchaussant machinalement sans avoir besoin d'y penser. Certaines choses étaient quasiment une seconde nature dans un dojo chez lui.
Et bien évidemment, Nakamura ne put s'empêcher de la ramener, brisant l'impression de calme qu'Eiji avait su trouver dans le dojo. Il ne savait vraiment rien faire d'autre que l'emmerder celui-là ? Il aurait été plus mature de l'ignorer et de laisser passer son commentaire. Probablement. Mais toute velléité de montrer sa maturité échappa à Eiji sous le regard pédant de Nakamura. Son propre seau et balais fut posé au sol dans un bruit de fracas peu discret.

" Ta gueule Nakamura, j'ai pas besoin de tes commentaires pour savoir comment nettoyer un dojo. "

Sur ces doux mots, Eiji récupéra son seau pour aller le remplir à l'arrivée d'eau du vestiaire, prenant le temps de respirer en regardant l'eau remplir lentement le récipient, quelques gerbes crevant la surface et troublant son reflet. Finalement, accomplir la colle sans casser la gueule à cet enfoiré allait se révéler plus ardue que prévue.... Certes, il aurait pu suivre l'avis du blond, et bosser de son côté, ce qui aurait grandement facilité les choses. Sauf que par esprit de contradiction, il ne voulait pas le laisser avoir raison. Impossible. De toute façon, le dojo était son domaine, n'en déplaise à l'autre.

Eiji revint vers l'autre garçon, déposant son seau au sol avec suffisamment de force pour que de l'eau en sorte et éclabousse le sol du dojo et le bas du pantalon de Nakamura au passage. Rien de bien inquiétant, de toute façon ils allaient probablement se salir bien plus que ça au cours de la matinée.

" De toute façon tu ne seras pas assez grand pour faire le haut des murs."

Le jeune homme retourna au vestiaire, récupérant dans son casier où il rangeait ses affaires de sport un des foulards qu'il se nouait habituellement sur les cheveux, sous son casque. Il était plein de bonne volonté, mais se retrouver les cheveux plein de poussière et d'eau savonneuse parce qu'il devait tenir son balai au dessus de sa tête ne lui plaisait que moyennement. Et si Nakumua faisait un seul commentaire sur son nouvel accessoire, il était bon pour voir que le balai pouvait se manier quasi aussi bien qu'un shinai.

Comme de bien entendu, Kimihiro n'avait pu s'empêcher de lui répondre. Son commentaire fut accueillit par Seiji avec un agacement mêlé de lassitude qui lui firent lever les yeux au plafond. Que le kendoka pouvait être puéril à ses heures ! Pourtant une fois n'était pas coutume, ce qu'il avait proposé aurait du les satisfaire tous les deux, mais il ne chercha pas à comprendre ce qui avait provoqué le mouvement d'humeur du brun, habitué sans doute à le voir perdre patience aussi vite. A force de le voir dans le club d'athlétisme, en informatique le jeudi et dans les couloirs de l'école, il avait du mal à croire que leur première rencontre ne datait que du mois précédent. De quoi se sentir stalker s'il ne savait pas à quel point Kimihiro pouvait chercher à l'éviter.

Un sentiment parfaitement partagé qui l'avait poussé à se mettre à l'écart sans attendre pour nettoyer un pan de mur, où il fut bien trop vite rejoint par le kendoka. Celui-ci posa le seau si fort que l'eau gicla, arrosant Seiji qui fit un écart sur le côté comme s'il avait été touché par un pestiféré. Son regard se posa sur les dégâts sur son pantalon – minimes certes, mais il détestait être trempé de la sorte – et remonta jusqu'aux yeux de Kimihiro. Il le détesta un instant d'être aussi grand, de l'obliger à toujours lever les yeux pour lui faire face.

« Tu pouvais pas faire attention ?! C'est trop te demander de me lâcher la grappe ? Je me serai débrouillé pour le haut des murs, casse-toi ! »

Son éclat résonna un court moment dans le dojo alors qu'il s'était figé, surpris de s'être laissé aller à crier. Lui qui voulait seulement passer les heures de colle tranquillement, sans faire de remous. Lui qui voulait juste que pour une fois – une seule – le kendoka le laisse tranquille complètement, l'ignore et le laisse faire sa punition dans son coin. Mais non ! Il était obligé de lui courir le haricot et Seiji s'était mit à hausser le ton, perdant le semblant de calme qu'il semblait toujours avoir en sa présence. Honteux de s'être laissé aller, le blond détourna les yeux et se tassa un peu, se rappelant en même temps qu'ils n'étaient pas seuls.

« Désolé... Mais fiche-moi la paix, je suis pas d'humeur à te supporter là. »

A peine ses excuses marmonnées, il se détourna complètement et trempa le bout de son balai dans le seau avant de s'atteler au nettoyage, les lèvres si finement pincées qu'elles en avaient blanchi. Son regard s'était résolument posé sur l'embout de l'outil qu'il maniait, comme pour y fixer les pensées qui tournaient en boucle dans sa tête sans qu'il sache y mettre de l'ordre. Kimihiro, la colle, le prof d'espagnol se mélangeaient allègrement à sa tante, à ses parents et à l'enterrement à venir. Il se demanda qui hériterait de la maison, s'il faudrait que ses parents déménagent encore ou s'ils y resteraient, au point que perdu dans ses réflexions, il s'immobilisa complètement.

C'était la première fois qu'il l'entendait crier. C'était sur ce constat un peu étrange qu'Eiji s'arréta pour observer quelques instants Nakamura, perplexe. Oui, ils s'étaient déjà pris la tête plusieurs fois ensemble, en étaient venus aux mains – ok, de sa part pour la plupart des temps – mais il ne se souvenait pas l'avoir jamais entendu crier d'une telle façon, entre exaspération et colère. Jusque là, le blond avait plutôt sembler du genre colère froide et mesquinerie. Celui qui explosait et pétait un cable, c'était lui. Si le blond avait déjà eu ce genre de mouvements d'humeur, ils auraient surement moins de peine à se comprendre.
Bien vite, avant même qu'Egawa-san ne sorte de sa réserve voir ce qui avait provoqué cet éclat, Nakamura s'excusa et baissa le ton, surprenant une fois de plus Eiji.

" Si tu pouvais choisir un comportement et t'y tenir..."

L'imitant, Eiji plongea son balais dans l'eau et s'attaqua au récurage de laplus haute partie du mur, étouffant un grognement quand l'eau dégoulina le long du manche pour venir tremper ses mains et ses avant-bras. S'il avait pensé pouvoir s'échapper de cette expérience sans être trop dégueulassé, le contraire venait de lui être prouvé. Et ce n'était que le début...
A ses côtés, Nakamura frottait, la mine sombre et ailleurs, différent du garçon assuré et poseur qu'il avait toujours vu. Parce qu'il était en position d'infériorité ? L'argument n'était pas valide : même au clu d'athlé, alors que ses qualités sportives ne brillaient pas au premier abord, Nakamura avait su garder le sourire et son arrogance.

Pour le moment, il n'avait pas grand chose d'autre à faire que de frotter et l'observer, se distrayant de certaines choses plus désagréables qui auraient plus flotter dans son esprit. C'était plus simple de penser aux autres – voir de les emmerder – plutot que de songer à sa petite amie et à un certaine de ses colocataires. L'idée même lui fit plonger le balai dans le seau avec plus de force que nécessaire, alors que le visage du garçon arboré à nouveau le masque de la colère, renvoyant quelques éclats d'eau aux alentours. Heureusement, le sol serait nettoyé lui aussi pour ne pas laisser de trace de l'affront...
Inspirant lentement, Eiji se força à se souvenir du lieu où il était pour essayer de retrouver son calme. Il s'était déjà énervé une fois dans le dojo – avec la même personne avec qui il se trouvait sur le moment d'ailleurs – et n'en était pas particulièrement fier. Le dojo représentait beaucoup pour lui, du moins, était sensé le faire. Apprendre à se maitriser n'était pas optionnel s'il voulait vraiment se réclamer de suivre la voix du sabre, et non d'être un quelconque manieur de sabre qui se fichait des lieux comme de son premier combat.

Il supposait qu'il devait voir ça dans cette punition. Affronter avec humilité sa punition, aux côtés de quelqu'un qu'il n'appréciait guère, tout en accomplissant sa tache du mieux possible.
Avec un soupir, il continua sa tache monotone. Plonger le balais, le relever, frotter. Plonger, relever... et asperger une tête blonde qui n'était pas là une seconde auparavant. Mais qu'est-ce qu'il avait à se fouttre toujours au mauvais endroit celui-là ? Eiji ravala sa mauvaise humeur et la phrase aggressive qui allait avec. Nakamura avait réussi à faire un effort – qu'elle qu'en soit la raison - donc...

"... désolé, j'ai pas fait attention. "

Autant il n'avait pas de mal à s'excuser habituellement, autant baisser le ton devant Nakamura ne lui venait pas naturellement. Le fait que le blond semblait à mille lieues de sa préciosité naturelle avait du énormément jouer sur sa décision.

Il ne sut pas combien de temps il avait passé ainsi, le balai en hauteur appuyé contre le mur, l'eau dégoulinant le long du manche pour aller goûter ensuite sur ses bras, l'esprit ailleurs. Peut-être quelques minutes, probablement moins car ni Kimihiro, ni le prof ne lui firent la moindre remarque. Revenant alors à lui, Seiji entreprit de continuer son nettoyage avec presque plus de vigueur que nécessaire, jusqu'au moment où il songea que ça ne servirait à rien. S'épuiser avant d'avoir nettoyer l'intégralité du dojo n'apportait rien, sinon une éventuelle remarque de la part de l'enseignant ou une moquerie du kendoka. Deux choses dont il était certain de pouvoir se passer. Il revint vers son propre seau pour y tremper à nouveau la brosse et s'écarta pensivement, sans tellement prêté attention à ce que pouvait bien faire le brun à côté de lui. Une chose qu'il sut vite lorsqu'il se retrouva tout simplement trempé, de l'eau sur le visage et dans les cheveux.

D'abord interdit, il ne réagit pas vraiment et cligna juste des yeux, comme s'il lui était tout simplement inconcevable que ça lui arrive à lui. Ensuite seulement, il s'essuya le visage avec son bras, sommairement puisqu'il n'y avait aucune manche pour absorber l'eau. Son regard remonta sur Kimihiro alors que le cinquième année s'excusait, et Seiji fut surpris de ne pas s'énerver immédiatement. Il aurait du et il sentit la colère naître pour s'apaiser presque tout de suite, remplacée par une espèce de lassitude qui le fit soupirer.

« Ça a l'air d'être une habitude de ne pas faire attention... »

Il se détourna, retrempa sans y penser son balai et s'écarta un peu pour continuer à nettoyer le mur, les lèvres pincées. Pourquoi ne s'énervait-il pas ? La remarque d'Eiji lui revint en mémoire furtivement. S'il pouvait choisir un comportement et s'y tenir... Oui, mais justement il n'y arrivait pas. Pour une fois, il ne parvenait pas à maîtriser ses émotions comme il l'aurait du. S'il s'était énervé au départ, il était maintenant juste las. Et perturbé. Pas juste parce que lui-même ne parvenait plus à se définir correctement, mais parce que Kimihiro s'était excusé au lieu de frapper ou de s'énerver après lui. Il ne savait pas très bien ce qu'il aurait préféré. Sans aimer prendre des coups, le blond songea pourtant qu'au moins une chose dans cette fichue journée aurait été normale. Mais rien ne l'était. Il soupira à nouveau et s'essuya le front où l'eau coulait de ses cheveux. Doux cadeau d'un kendoka qui avait préféré le tremper plutôt que lui taper dessus. Sans le vouloir, bien sûr. Bien sûr...

« Tu peux me rappeler pourquoi on se prend la tête à chaque fois qu'on se croise ? »

Des emmerdeurs, des types soupe-au-lait, il en avait vu d'autres. Pourquoi passait-il autant de temps à s'énerver avec Kimihiro ? Au départ, parce que l'autre l'avait coller contre le mur du dojo – celui-là même qu'ils nettoyaient, d'ailleurs. Ensuite il l'avait rejoint au club d'athlétisme, mais là-bas le kendoka se contentait de le faire courir. Et le blond aurait mieux aimé se mordre la langue que de l'admettre, mais ça ne lui déplaisait pas spécialement. Quand ils s'étaient vu en ville... Seiji jeta un coup d'œil au brun, son regard glissant sur ses lèvres avant qu'il ne se reprenne et frotte un peu plus vigoureusement. En ville, c'était lui qui l'avait frappé. Par anticipation. Finalement, puisqu'il n'arrivait pas à se changer très bien les idées et puisqu'ils étaient coincés là avec le prof à proximité, le troisième année reprit la parole.

« Ça te dérange tellement qu'un mec t'embrasse ? »

Ça n'était pas tellement ce qu'il avait pensé dire, pourtant la question avait fusé avant qu'il n'y réfléchisse sérieusement. Lui-même ne savait pas quoi en penser. En aurait-il été profondément dérangé ? Il aurait aimé dire que non, en tout cas pas plus qu'avec une fille, mais il n'en savait rien. Sa conversation avec Brown lui revint en mémoire, vite suivie par la remarque du prof d'espagnol. Mais à la seule vraie question qu'il s'était posée depuis le départ, il n'avait aucune réponse. Si Kimihiro lui renvoyait sa question... ou s'il lui demandait plus spécifiquement ce que ça lui avait fait de l'embrasser, il ne saurait pas quoi dire. Et ça l'ennuyait.

C'était un pari risqué que de les laisser seuls quelques temps. Soit ils réussissaient à crever l'abcès, soit ils reprenaient là où il les avait interrompus dans les rues de Hamura. Jiro avait opté pour cette option, les estimant assez matures pour ne pas se frapper dès les premières minutes. Les jours étaient passés depuis l'altercation, et il espérait que le plus gros des tensions soit retombé.

Depuis la réserve, Jiro gardait une oreille attentive à ce qui se passait dans le dojo, tout en rassemblant les armes rarement utilisées - les arcs, pour l'essentiel, puisque le kyudo ne semblait pas intéresser plus de monde que ça. Lorsque la voix de Nakamura lui parvint, il se figea un instant, aux aguets, mais l'éclat n'eut pas de réponse et le calme reprit sa place. L'enseignant reprit donc sa tâche, laissant les choses se régler d'elles-mêmes - c'était souvent ce qu'il y avait de mieux à faire.

Quelques minutes plus tard, les bras encombrés par les armes d'entraînement, Jiro se dirigea vers la pièce que les deux élèves étaient supposément en train de nettoyer. Il s'arrêta sur le seuil, les observant un peu sans signaler sa présence. Les deux garçons semblaient avoir opté pour la coopération, amenant un petit sourire sur ses lèvres. Il doutait que ce choix soit lié à une soudaine réconciliation, mais quelle qu'en soit la raison, ils travaillaient côte à côte et c'était bien mieux que s'ils s'étaient cantonnés chacun d'un côté de la salle.

La première question de Nakamura le fit se stopper net alors qu'il s'apprêtait à les rejoindre. Ce n'était sans doute pas une bonne idée de les interrompre s'ils commençaient à discuter de leur problème. Cependant, Jiro écarquilla les yeux à la seconde question. Qu'est-ce qui prenait au blond de demander ça ? Ce n'était vraiment pas le sujet à amener en cet instant ! Et Eiji le fit bien comprendre à travers sa réponse, ne laissant pas le temps à l'enseignant d'intervenir alors qu'il vidait son sceau d'eau sur la tête du plus jeune ...

" Kimihiro ! Nakamura ! ... Dois-je vous rappeler la raison de votre présence ici ?! "

Le regard sévère qu'il posa sur les deux protagonistes était sans équivoque et le ton employé sévère, sa voix s'élevant légèrement plus qu'à l'ordinaire. Impossible de savoir auquel des deux Jiro en voulait le plus, mais le sentiment qui venait de l'envahir face à ce spectacle, faisait frémir ses mains sur le bois des arcs. Ils avaient réussi à réveiller cette colère diffuse qu'il avait ressentie en apprenant la raison de leur bagarre. Deux fois en moins de deux semaines ... ça ne lui était jamais arrivé. Ils faisaient fort ... C'est une voix totalement dépourvue de ses intonations habituelles qui s'éleva pour poursuivre.

" Nakamura, allez vous sécher au vestiaire, il y a des serviettes à disposition. Kimihiro, épongez vos bêtises avant que l'eau n'abîme le parquet. Et n'oubliez pas que vous êtes dans un dojo, pas sur un ring de boxe. "

La neutralité du ton était bien trop flagrante. Même le lieu si apaisant d'ordinaire, ne réussissait pas à atténuer sa colère. Sans un regard de plus pour les deux élèves, Jiro alla s'asseoir en tailleur dans un coin de la pièce, déposant les arcs sur le côté avec un soin tout particulier et n'en gardant qu'un en main pour le nettoyer. Seul le kyudo pouvait le ramener à son calme habituel et, puisqu'il ne pouvait en faire pour l'instant, l'entretien du matériel constituait un palliatif honorable.

Discuter avec Nakamura – certes, on pouvait difficilement appeler échanger deux mots discuter, mais faute d'autre terme il faudrait faire avec – était étrange, mais au final, pas si incongrue que ça dans l'ambiance feutrée du dojo. Et forcément, le blond réussit à ramener sur le tapis un sujet qui ne pouvait que le mettre sur les nerfs. Au moment où il réfléchissait sur la première question, se demandant exactement à quel moment avait-il été décidé qu'il se prendrait la tête à chaque rencontre depuis cette fameuse engueulade au même endroit, Nakamura osa évoquer la question interdite. Dire que ce n'était pas le moment aurait été un euphémisme. Si en temps normal, il n'aurait guère apprécié de voir le terme abordé – il avait déjà du mal à en parler avec Hugh, qui lui était un ami, autant avec quelqu'un qu'il n'appréciait pas, juste après le foirage avec Konata et cette discussion à laquelle il ne voulait pas penser avec l'américain... c'était juste de trop.

Deux solutions : soit il tuait le blond sur le champs, soit il trouvait un exutoire immédiat. La manière délibérée dont il lui renversa le seau d'eau sale sur la tête était presque comique, mais c'était la seule parade qu'il trouva pour ne pas enfoncer cet emmerdeur dans le mur. Et encore. Ses mains restaient crispées sur le seau, comme s'il avait craint qu'elles n'agissent de leur propre chef s'il leur avait rendues un peu de liberté. Mais pourquoi... pourquoi avait-il abordé ce sujet ?

La voix d'Egawa-san les interrompit avant que la querelle ne dégénère plus avant. Cette fois, Eiji ne put identifier cette voix atone autrement que par ce qu'elle cachait : de la colère. Il n'y était pas habitué de la part de son sensei, mais à la deuxième fois, et devant la scène, il devenait plus aisé de traduire les inflexions de sa voix. Le kendoka jeta un regard agacé au blond qui allait se sécher, dépité malgré lui-même – malgré le fait qu'il était entièrement responsable de ce qu'il lui arrivait – de décevoir son sensei. Seconde fois maintenant, et toujours avec Nakamura. En un sens, cela suffisait amplement pour ne pas l'apprécier, même s'il avait lui-même du mal à se justifier de cette logique bancale.

Docilement, Eiji récupéra une serpillère pour éponger le méfait, bien trop conscient de la présence tendue au fond du dojo. Le tissu se gorgea bien vite de l'eau renversée, le forçant à l'essorer à plusieurs reprises dans le seau pour que la grande majorité de l'eau soit enfin évacuée, ne laissant sur le parquet qu'une auréole pas trop flagrante, souvenir de son énervement. Le jeune homme resta un instant à genoux sur le parquet, hésitant avant de jeter la serpillère dans le seau avec suffisamment de force pour le faire tanguer un instant. Il se leva d'un coup, faisant les quelques pas qui le séparaient des cloisons coulissantes encore fermées et les ouvrit en grand, permettant à l'air tière de ce début mai de venir aider à sécher plus vite la pièce.
La température était agréable, lui donnant un instant l'idée folle de sortir du dojo et de partir tout simplement. Idée rendue impossible par les propres règles qu'il s'imposait dans cet endroit.

Machinalement, le kendoka se passa la main dans les cheveux, retirant sans y prendre garde le tissu qui y avait été noué. Il regarda un instant le carré blanc avant de le fourrer dans sa poche, faisant enfin les quelques pas qui le séparait d'Egawa-san, à genoux au milieu des arcs qu'il réparait d'une main assurée. Le professeur avait un visage inexpressif, tellement différent du sourire tranquille qu'Eiji lui connaissait.

Le kendoka prit la parole d'une voix douce et un peu hésitante, s'inclinant en même temps. Le jour où un prof recevrait la même déférence n'était pas encore venu...

" Sensei... désolé de mon comportement inapproprié dans le dojo."

Il évita de rajouter que c'était encore et toujours la faute de Nakamura, malgré l'envie puérile qu'il avait de tout rejeter sur l'autre. De ne pas prendre en compte le fait qu'il était incapable de se maitriser.

Calme et froide, la colère s'agitait doucement au creux de son estomac, à l'image d'une brise glacée d'hiver : pas assez forte pour soulever une feuille morte, mais suffisamment sournoise pour se glisser par le moindre espace et faire grelotter. Impossible d'en faire abstraction. Impossible de penser à autre chose. Le travail l'occupait juste assez pour qu'il ne s'égare pas trop dans ses réflexions.
Jiro retint un soupir en posant l'arc qu'il venait de nettoyer, pour s'attaquer au changement de la corde du second. Travail inutile puisque ces arcs ne seraient jamais utilisés, mais il préférait se concentrer là-dessus, en y apportant tout le soin habituel, que de s'attarder sur le silence pesant qui régnait. Nakamura avait évacué les lieux pour se sécher. Quant à Kimihiro, il réparait ses bêtises à grand renfort de gestes rageurs.

Eiji ... l'avait déçu ... Oui, mais probablement pas de la façon dont l'adolescent devait le penser. Il n'était même pas certain de savoir pour quelle raison cela lui tenait tant à cœur. Parce qu'il était homosexuel ? Non. Il avait connu bien pire comme réaction homophobe, que ce soit à son égard ou à celui d'un autre. Parce qu'Eiji était son élève ? Non plus ... quoique ... Le jeune homme avait une place différente des autres de par le kyudo. Il y avait un attachement particulier avec lui. C'était peut-être ça. Il s'était trop impliqué en tant que sensei. Mais comment faire autrement ? Ce qu'ils partageaient lors des entraînements, ce n'était pas une simple transmission de savoir, il y avait toute une communion à chaque tir. A présent, il avait l'impression qu'une brèche s'était ouverte dans cette harmonie si parfaite. Trop parfaite, sans doute ...

Il fallut un moment à Jiro pour réaliser qu'un souffle tiède venait effleurer son visage. Relevant le regard, il vit Kimihiro dans l'ouverture des panneaux coulissants. La brise faisait voleter les mèches de cheveux bruns, en bataille après qu'ils aient été libérés du tissu qui les protégeait. Tirée de son contexte, la vision était belle et paisible. En réalité, elle n'était qu'un court moment suspendu avant la reprise des hostilités.

Jiro reporta son attention sur la corde entre ses doigts. Les pas du jeune kendoka se rapprochèrent jusqu'à ce qu'Eiji entre dans son champ de vision, le visage légèrement contrit, mais encore emprunt de colère et de vexation. Les excuses le laissèrent un instant songeur, ses gestes suspendus dans le vide, avant qu'un soupir ne filtre entre ses lèvres et qu'il repose l'arc sur ses genoux. D'un geste, il fit signe au jeune homme de s'asseoir face à lui et attendit qu'il s'exécute pour prendre la parole.

" J'accepte tes excuses, pour le dojo. Cependant, je veux que tu t'excuses également auprès de Nakamura quand il reviendra. Sa question était certes désobligeante, mais ne méritait pas une telle réaction. "

Difficile de retrouver ses inflexions coutumières. Sa voix restait désespérément neutre derrière sa douceur et son calme. Jiro aurait voulu lui dire de laisser son homophobie à l'extérieur du dojo, mais il craignait qu'Eiji n'en déduise qu'il était gay. Ce n'était certes pas faux mais, outre que son orientation sexuelle ne regardait pas ses élèves, il savait que cette révélation creuserait définitivement un fossé entre eux.

Sagement, Eiji suivit l'ordre d'Egawa-san et s'agenouilla devant lui, retrouvant la posture familière qu'il avait si souvent dans un dojo, à l'initiative ou non d'un sensei. Pourtant, rien n'était comme d'habitude, le fait qu'il soit en jean et en t-shirt la première de la longue liste d'incongruité qui marquait cette matinée étrange dans le dojo. La pire restant la colère et la déception qu'il pouvait lire maintenant dans chacun des gestes de son sensei, dans chaque inflexion de sa voix.
Mais qu'est-ce qu'il pouvait lui dire ? Qu'au delà de leur propre inimitié, Seiji avait remué des choses dont il ne voulait pas parlé ? D'abord la soirée catastrophique avec Konata. Et puis cette matinée de course non moins catastrophique avec Hugh. L'équation était simple, mais désastreuse, et rien dont Eiji ne voulait parler pour le moment, ni avec Egawa-san, ni même avec personne.
Oui, son sensei était une personne ouverte, et probablement de bon conseil. Mais là n'était pas le sujet. Eiji n'avait pas envie d'ouverture d'esprit et de mots caressants. Il voulait juste ne pas en parler du tout.

Le jeune homme resta un long moment sans répondre, le regard baissé sur les arcs qui reposaient dans le giron du kyudojin, notant machinalement que la main d'Egawa-san était crispée sur la poignet de l'un au point que ses articulations soient devenues blanches. Par sa faute ? Décidément... Il s'imagina un instant tendre la main pour attraper l'arc, mais le mouvement ne dépassa jamais sa pensée, bien vite interrompu par la censure de son esprit.

La demande vint sans surprise de la part du professeur. Qu'en dire ? Il n'avait pas envie de s'excuser. Le seau d'eau avait même été un palliatif plus acceptable qu'un coup, même s'il y avait bien peu de chance que l'excuse soit acceptée en tant que telle. Un instant, il eut envie de tout envoyer valser et de tout quitter pour aller courir, pour ne plus se retrouver confronté à ces regards accusateurs. Mais pas ici... pas dans le dojo. Il ne voulait pas se retrouver chassé de cet endroit qu'il adorait. Devait-il encore mettre sur le dos de Nakamura une faute de plus, celle de le faire se sentir mal à l'aise dans son dojo ?

Eiji inclina légèrement la tête dans une mimique qui ne voulait pas vraiment dire quelque chose, et se leva pour aller retrouver son balai, se servant du seau encore intact de Nakamura pour reprendre son nettoyage. Il verrait bien ce qu'il ferait quand le blond rentrerait dans le dojo après s'être séché.
Même à ses yeux, son comportement lui semblait étrange. Où était passé le Eiji colérique, toujours en train de s'énerver et de frapper, et qui était ce grand jeune homme un peu trop silencieux qui esquivait les questions comme une truite esquive les pierres dans un ruisseau ?
Le balai recommença à frotter le mur dans un chuintement discret. Méthodiquement et avec force. De manière obsessive aurait pu noter un observateur attentif. Y avait-il quelque chose à expier dans cette manière attentive de travailler ?

Jiro s'était attendu à des protestations de la part d'Eiji, un refus pur et simple de devoir s'excuser, ou d'éventuelles accusations envers son cadet, mais rien ne vint. D'ordinaire, il réussissait pourtant assez bien à cerner le brun. Qu'y avait-il de différent aujourd'hui ? Est-ce que la colère l'empêchait d'évaluer correctement la situation ? Peut-être un peu, mais à ce point ... Non, il n'y avait pas que lui en cause. Eiji se comportait de façon étrange. Et, à bien y réfléchir, ce n'était pas propre à ce jour. N'était-il pas moins concentré aux entraînements ? Comme s'il était ailleurs. Le jeune homme avait-il un souci ?

Eiji se releva après une brève inclinaison de tête difficile à interpréter. Il reprit son travail avec une vigueur hargneuse, laissant Jiro contemplatif un long moment. L'inquiétude pour son élève était en train de prendre le pas sur la colère et la déception. Ces dernières ne l'avaient pas quitté pour autant, ce qui faisait hésiter sur le comportement à adopter.

Après un long silence, Jiro posa l'arc sur le côté et se leva. Il fit quelques pas en direction du kendoka, et s'immobilisa vers le milieu de la salle. Il ne voulait pas trop s'approcher, mais tenait à pouvoir voir son visage. Fermé, colérique et ... peiné ? Oui, c'était le terme. Qu'est-ce qui pouvait bien se passer dans cette tête ? ...

" Tu agis de façon étrange ces derniers temps, Kimihiro-kun. Je l'ai noté lors du dernier entraînement. Je suis ton sensei, mais je ne suis pas là que pour le kyudo. Alors n'hésite pas à venir me voir si tu ressens le besoin d'en parler. "

Jiro aurait voulu pouvoir faire plus que de proposer une simple oreille, d'autant qu'Eiji n'était pas dépourvu d'amis vers qui se tourner en cas de nécessité. Mais la relation de confiance qu'ils avaient établie avec le temps, au fil des entraînements, était une relation forte. Ils partageaient bien plus que des flèches et du thé. Est-ce que le brun le ressentait comme lui ? Il l'espérait, surtout dans cette situation.

Debout au milieu de la pièce, les bras croisés, Jiro observait son élève en silence, n'attendant pas de réponse immédiate, mais tenant à lui montrer par un regard, qu'il pouvait se confier à lui sans crainte. Un bruit discret dans son dos, lui signala le retour de Nakamura. L'enseignant tourna la tête. Il n'avait pas l'air très bien lui non plus. Ceci expliquait probablement leurs altercations à répétition.
Et maintenant, qu'allaient faire les deux jeunes gens ?

Sans se retourner, il pouvait deviner, aux quelques bruits, les gestes de son sensei derrière lui. Le léger claquement de l'arc déposé sur le parquet, le froissement des vétements quand il quitta sa position assise pour se lever, le craquement léger du parquet quand il avança vers lui, s'arrêtant suffisamment loin pour qu'il n'ait pas envie de se retourner pour le regarder.
Le balai un instant immobilisé reprit sa course rageuse contre le mur, lui faisait redécouvrir une blancheur qu'il n'avait du avoir qu'à son inauguration.

Lentement il s'arréta et reposa le balai quand Jiro commença à parler, écoutant ses paroles avec attention. Lui parler ? Le kendoka y avait pensé un moment. En tant que sensei, aîné, et personne qu'il appréciait, il était la personne adéquate. Sauf que... c'était trop tôt, ou trop tard pour ça. Il n'avait pas encore envie d'y mettre les mots alors qu'il ne savait même pas encore où en était la situation avec Konata. Le jeune homme tourna la tête pour observer son professeur qui s'était approché avant d'en revenir à son balai, fixant le seau comme s'il allait en sortir un yokai.

" Merci Sensei. Mais... pas maintenant. "

Le remerciement était sincère. C'était un des rares adultes avec qui il s'était lié ici et les sentiments qu'il avait pour son sensei étaient authentiques. Ce mélange de fascination pour ses compétences de kyudojin et de respect pour l'homme, ses manières et sa tempérance. En bon étudiant, il savait pouvoir trouver un soutien chez lui, même quand il le mettait en colère à cause de ses bétises. Alors pourquoi tant de réticence face à lui ? La peur de son jugement, de son regard ? Eiji replongea son balai avec force dans l'eau, essayant de chasser cette idée mesquine.
Il n'avait pas besoin d'aide, juste un peu de temps pour remettre ses idées au clair.

Nakamura choisit ce moment pour rentrer, sa présence disgracieuse rompant une fois de plus l'harmonie qui arrivait difficilement à se créer dans le dojo. Il était tellement plus simple d'en vouloir au blond pour sa simple présence... Pourtant, il était parfaitement pitoyable avec ses cheveux humides collés à son crâne et ses vêtements qui commençaient à peine à sembler un peu sec. Les cernes qui ombraient ses yeux avaient-elles été aussi prononcées avant qu'il ne disparaisse dans le vestiaire ?
Eiji eut soudain envie de s'énerver à nouveau. De fracasser son balai contre le mur ou sur la tête de l'autre. A la place, il se contenta de frotter, encore et toujours. Il en avait marre de ces questions, de ces regards. Il ne voulait plus s'exprimer sur quoi que ce soit, ou entendre les questions de l'autre.

Il pouvait presque sentir le regard de son sensei sur lui, et la requête qu'il lui avait imposé. S'excuser ? Ca ne l'avait pas tellement choqué quand Jiro l'avait demandé, quand il était agenouillé devant lui. Avec Nakamura à côté de lui, la donne était changée, et la demande lui paraissait bien plus surréaliste.

Désespérant. C'était le terme qui s'appliquait le mieux à la situation, comme au comportement des deux adolescents. Jamais Eiji ne lui avait paru aussi immature qu'en cet instant, son air renfrogné et buté dessinant un masque sombre sur son visage. Pourquoi fallait-il que les choses tournent ainsi ? Il avait semblé acquiescer quelques minutes au part avant, et il revenait dessus à présent. Les choses auraient été tellement plus simples pour tout le monde ...

Jiro croisa les bras, attendant tout en fixant Eiji que les mots viennent, mais rien. Le silence s'étirait, alors que les deux garçons avaient repris chacun leur tâche, à distance honorable l'un de l'autre cette fois. Qu'est-ce qui avait bien pu pousser ces deux là à une telle inimité ? Une accumulation de petites choses dont le baiser volé accidentellement aurait été le point de rupture ?
L'évocation de l'incident fit poindre une once d'agacement supplémentaire. Comme s'il avait besoin de ça en plus ... Pourquoi cette histoire le touchait autant ? Il y avait suffisamment réfléchi pour savoir qu'il en aurait souri pour n'importe quel autre élève. Alors quoi ? Parce qu'il était le sensei d'Eiji et qu'il s'était pris d'affection pour lui plus que pour les autres ? Peut-être ... Quelque chose de similaire au paternalisme sans doute ...

Mais ce n'était pas la question pour l'instant. Jiro fit quelques pas pour se rapprocher des deux jeunes gens, estimant qu'il s'était montré suffisamment patient pour l'heure. Il hésita quelques secondes sur la meilleure façon de s'y prendre, puis se décida à subtiliser les balais, obligeant les deux élèves à interrompre leur tâche et lui accorder toute leur attention.

" Je n'ai pas l'intention d'y passer la journée, donc ... "

Son regard se posa sur Eiji, sévère.

" Kimihiro, il me semble que vous avez quelque chose à dire. "

Jiro se sentait vraiment fatigué ...

Eiji se figea quand il sentit le balai être retiré de ses mains. Nul besoin de lever les yeux pour savoir qu'il rencontrerait un regard sombre et agacé dès qu'il tournerait la tête. La voix de son sensei retentit séchement dans le dojo, retentissant autant dans la salle que dans son esprit. Le jeune homme retint un soupir, son regard se tournant vers Nakamura, aussi silencieux que lui, dont le balai lui avait été aussi subitilisé, imposant un face à face austère dans le dojo.
Le kendoka considéra un moment ses sentiments envers son cadet : colère, agacement, frustration, vexation. Plus au point de lui taper dessus, mais certainement pas au point d'avoir envie de s'excuser envers lui.... Sauf qu'Egawa-san ne se contenterait pas d'un simple évitement en bon et due forme.

Le regard du jeune homme se reposa à nouveau sur son sensei. Il aurait pu partir, ou refuser nettement. Mais faire ainsi l'aurait exclu du dojo, et surtout cassé quelque chose dans leur relation. Il avait beau être perdu et en colère, il n'en était pas à ce point. Pas pour Nakamura en tous cas. Par contre, pour son sensei, il pouvait mettre son orgueil de côté et s'excuser. Egawa-san ne serait probablement pas dupe de l'intention mais... On ne pourrait pas lui reprocher un délit d'intention sur le coup. De toute façon, il avait toujours été assez lucide pour éviter les confrontations directes avec un prof, ou un pion : les conséquences en valaient rarement le coup.

Eiji fit un pas vers son cadet et s'inclina légèrement, bien moins qu'il ne l'avait fait pour son sensei, mais la forme y était. Sur le côté, leur professeur ne pouvait que deviner le regard peu tendre, et surtout désabusé, que le sportif posait sur le blond. L'air piteux du troisième année ne suffisait pas à le rendre moins détestable à ses yeux. Leur passif donnait comme une légitimité à la récurrence de leurs prises de tête, un shéma de comportement plus simple à suivre qu'essayer de comprendre et de réparer les choses entre eux. Certes, il avait déjà eu des problèmes du genre, avec Kantaro et Hugh plus précisément. Sauf qu'avec eux, le fait qu'ils soient dans la même chambre avait joué comme une motivation à essayer d'au moins se supporter. Nakamura n'avait pas cet avantage, et restait un petit emmerdeur qu'il avait toute légitimité de faire courir comme un taré pendant le club d'athlé. Autant garder certaines constantes dans sa vie...

" Désolé de t'avoir mouillé."

Sans attendre de réponse, Eiji récupéra son balai dans la main d'Egawa-san, et reprit son travail de forcené en silence, bien décidé à briquer le dojo du sol au plafond, et ce, avec ou sans l'aide de Nakamura. Autant essayer de voir le point positif à canaliser son énervement dans ce geste monotone : le dojo n'en serait que plus radieux ensuite.

Le balai disparut d'entre ses mains sans qu'il comprenne très bien ce qui venait de se passer. Son premier réflexe fut de baisser les yeux pour voir s'il ne l'avait pas échapper, avant d'enfin tourner la tête vers l'enseignant qui parlait. Ah oui, il tenait les balais. Tout s'expliquait. Ayant entendu l'échange des deux bruns un peu plus tôt, il ne fut pas particulièrement intrigué par le contenu de ce que Kimihiro avait à dire. Il attendit donc simplement, tourné vers lui, le regard attentif.

"Désolé de t'avoir mouillé."

Quoi ? C'était tout ? Pas un mot de plus, même pas un semblant de vraie courbette pour faire mine de bien faire ? Juste... ça ? C'était digne d'un enfant comme façon de s'excuser ! Seiji s'autorisa une petite moue qui se transforma en très léger sourire lorsqu'il vit Kimihiro reprendre sèchement son balai, à l'évidence agacé. Non, c'était déjà bien finalement. Voir son aîné plier devant lui – même simplement sur ordre du professeur – était satisfaisant. Le blond aurait peut-être simplement préféré des manières un peu plus formelles, plus appuyées. Enfin, tant pis...

Seiji soupira doucement et se tourna complètement vers l'adulte, peu décidé à répondre au kendoka. Pour lui dire quoi, de toute façon ? Un « ce n'est pas grave » sonnerait faux, d'autant qu'il ne comptait pas lui pardonner. Et s'il le raillait, il était quitte pour que ça dégénère encore. Ou pour écoper à nouveau de quelques heures de colle. Le troisième année se contenta de tendre doucement la main pour reprendre son balai, sans le récupérer lui-même.

« Puis-je nettoyer, sensei ? »

Une inclinaison minime et brève, un regard peu amène, des paroles sèches sans mot superflu ... des excuses arrachées au forceps, certes, mais enfin prononcées. Un soupir discret s'échappa de ses lèvres. Jiro n'était pas dupe : ces excuses, c'était pour lui qu'Eiji les prononçait, pas pour son camarade. Mais c'était déjà énorme au vue de l'inimitié qui régnait entre ces deux là et il ne pouvait que reconnaître l'effort fait par le jeune kendoka. Une attitude autre l'aurait profondément déçu, ... blessé même.
Jiro ne fit aucune remarque sur la façon un peu sèche dont le balai lui fut repris des mains. Avec un acharnement sans nul doute dû à son énervement, Eiji avait repris sa tâche sans plus se préoccuper du reste. Une façon comme une autre de canaliser des sentiments trop virulents.

L'agacement de Jiro pointa à nouveau le bout de son nez, lorsqu'il reporta son attention sur le plus jeune de ses élèves. Le sourire narquois qu'il affichait était déplacé dans les circonstances. Nakamura n'était pas non plus blanc comme neige dans cette histoire. S'il était collé lui aussi, ce n'était pas pour rien. Mais il semblait l'avoir oublié et, en cet instant, son comportement devenait franchement déplaisant. Le regard de Jiro s'assombrit lorsqu'il croisa celui du blond.

" Vous êtes là pour ça. Et à présent, je ne veux plus vous entendre, ni l'un ni l'autre. "

Et surtout Nakamura en fait ...

Jiro rendit le second balai à son propriétaire, puis fit volte face et retourna à l'entretien des arcs. Le mieux était que lui aussi se concentre sur son travail avant de se montrer trop partial.

Le temps fila sous le silence pesant régnant à présent dans le dojo. Jiro s'apaisa progressivement, sans doute bien plus facilement que les deux autres, et finit par retrouver un air plus serein. Une vibration dans sa poche lui signala en toute discrétion la fin de la colle. Il coupa son portable et attendit quelques minutes, qu'ils en aient fini avec les murs, avant de donner congé aux deux belligérants. Si Nakamura ne se fit pas prier, Eiji préféra remplacer balai et sceau par une grande serpillière pour s'attaquer au parquet. Jiro le laissa faire, s'autorisant même un léger sourire une fois seul avec lui. Ils continuèrent chacun leur travail en silence et ne quittèrent les lieux qu'une fois le dojo et le matériel rutilants.