Morne journée. Pluvieuse aussi. Sheikhan observa la grisaille au dehors. Ce n’était qu’un entre-deux. Les averses ne tarderaient pas à reprendre, noyant un peu plus ville et les problèmes. Certains aimaient mieux un verre d’alcool pour ça, mais c’était trop dangereux d’être saoul. Un coin de son esprit murmura insidieusement qu’il ne lui fallait pas longtemps pour ça, mais il l’ignora. Il savait bien qu’il ne tenait pas l’alcool, d’ailleurs, jusqu’à présent, il s’était contenté de la drogue puis des cigarettes. C’était même pour ces dernières qu’il était sorti sous la pluie battante en fin d’après midi. Depuis, il était toujours à l’extérieur.
Ses pas l’avaient menés du bureau de tabac le plus proche jusqu’à l’école, puis il s’était dépêché de rejoindre le métro en voyant où il était arrivé. Il n’avait plus rien à faire ici depuis qu’Ari n’y était plus. Qu’importe Aoi, puisqu’il ne le voyait plus. Ses pensées allèrent vers le père de ce dernier. Nihya… Il ne l’avait plus vu depuis leur dispute à l’appartement. Il n’avait même aucune idée d’où il avait pu aller, malgré ses recherches. Peut-être, toutefois, ne s’était-il pas montré aussi insistant qu’il l’aurait pu, mais quelque part, il trouvait qu’il était temps de permettre au blond de passer à autre chose. Il l’avait trop fait souffrir pour le retenir davantage. Ca faisait mal.
Ca faisait mal et il ne pouvait pas s’empêcher d’y songer. Surtout ces derniers temps, depuis qu’il n’avait plus rien à faire. Son coup avait bien marché, son coéquipier si pénible mais si pratique pour oublier était retourné à ses occupations. Parfois, il lui venait à l’esprit de lui proposer une autre affaire, quitte à se prendre la tête avec pendant un mois de plus, mais il ne l’appelait jamais. Il regardait juste le téléphone dont la petite lumière rouge clignotait, s’allumait une clope et expirait son nuage de fumée en regardant le plafond décrépi, avant de penser une fois de plus qu’un jour peut-être, il le repeindrait.
Une préoccupation nouvelle pour lui que d’avoir un « chez soi » à peu près confortable, quoi qu’assez peu décoré. Toute sa vie durant, il s’était promené de rue en rue, de bâtiments abandonnés à squatter en bâtiments désaffectés, ignorant sans chercher à connaître ce qu’était une maison confortable. Quand il avait du s’acheter son appartement, ça lui avait semblé bizarre. Il n’était pas habitué à avoir un toit d’où il ne risquait pas d’être délogé, et pendant longtemps, les seuls meubles avaient été un canapé, une petite étagère et un réchaud. Maintenant, c’était plus aménagé, même s’il lui arrivait encore de se demander si c’était bien chez lui. Et sans être casanier, il comprenait qu’on puisse aimer avoir un endroit où aller.
Tout à ses pensées, il tarda à voir la jeune surveillante avec qui il était allé en Amérique. Une ex-compagne de chambrée qu’il avait croisée avec une autre gamine. Comment allait donc la gosse maintenant ? Il n’en savait rien. Pour ce qu’il s’en rappelait, elle lui avait fait penser à sa sœur. C’est pour ça qu’il avait tout fait pour l’éloigner de lui quand elle avait commencé à le suivre, le jour où il l’avait croisé en pleine rue. Mais ce qui l’avait surtout marqué chez elle était l’admiration qu’elle lui portait. Il ne comprenait toujours pas pourquoi elle avait pu éprouver ça pour lui.
Le brun dévia ses pas et s’embarqua dans une rue adjacente, ignorant la rousse maintenant abordé par un homme qui venait lui rendre sa monnaie. Il n’avait pas de raison de la saluer et n’était pas proche d’elle. Et puis, ce qu’il voulait, c’était être seul. Seul et trempé, sous les nuages qui cachaient les étoiles qu’il aimait tant regarder…