Enfin, l’horloge affichait 10 h 30 et par conséquent la fin de la journée. Détrompez-vous, Maiko n’en avait pas assez des cours. Elle ne détestait pas non plus le cours de sciences sociales. Non, le problème c’est que depuis le réveil, une douleur lui lançait l’œil gauche. Elle avait tout d’abord pensé à un cil, ou une poussière, mais apparemment non, elle avait beau se frotter l’œil, rien n’y faisait. Elle avait alors décidé de passer de l’eau dessus, mais ce fut aussi un échec. La brune s’était alors dit qu’étant mercredi, elle n’avait que deux heures de cours et qu’entre temps la douleur serait partie. Sinon, elle irait à l’infirmerie. Deux heures, ce n’était pas si long.

Mal lui en prit. En effet, deux heures ça passe vite quand vous allez bien et que ça n’empire pas. La douleur était devenue continue, et c’était pire quand la jeune femme enlevait la croute qui se formait au coin de son œil. Puis, au bout d’un moment, elle s’était mise à voir flou. Sa vue était revenue assez vite quand elle avait fortement fermé les yeux. Cependant, régulièrement son œil gauche brouillait sa vue. Vous comprenez mieux pourquoi elle avait hâte que le cours se termine. Elle ne se fit donc pas prier et pour une fois sortie dans les premiers sans prendre réellement la peine de ranger correctement ses affaires. Maiko ne repassa même pas par sa chambre pour poser ses affaires, se changer et surtout attacher ses cheveux. Elle n’en avait pas eu le temps ce matin et ils étaient assez encombrants surtout par cette chaleur.

Elle se hâta donc de descendre jusqu’au rez-de-chaussée et se dirigea vers l’infirmerie. Elle n’y avait jamais mis les pieds et n’avait jamais approché l’infirmier. Elle l’avait déjà vu, mais de loin. En somme, elle se dirigeait vers l’inconnu. C’était assez intimidant d’ailleurs. Était-il expéditif ? Prenait-il le soin de mettre ses étudiants à l’aise ? En parlant d’étudiants, ceux-ci pouvaient-ils entendre leur conversation tandis qu’ils attendaient leur tour ? Et lui, était-il indiscret ? Toutes ses questions lui firent ralentir son allure, elle pouvait sûrement attendre jusqu’au week-end et aller chez son docteur, mais sa vue trouble la rappela à l’ordre. Elle poursuivit donc sa route jusqu’à la porte de l’infirmerie à laquelle elle toqua ne sachant si elle pouvait entrer ou non. Elle crut entendre une invitation à entrer et poussa la porte de manière douce, passant lentement sa tête par l’embrasure de la porte. Elle put apercevoir l’infirmier à son bureau et entra en refermant la porte derrière elle. Maiko n’osait pas s’approcher plus sans que l’adulte ne l’y invite. Elle se contenta donc de laisser courir son regard un peu partout dans la pièce.

Les malades avaient le droit à un peu d’intimités avec ces rideaux entourant le lit, cependant, il ne fallait vraiment pas qu’il y ait une épidémie vu la place qu’offrait le lieu. Un banc semblait être là pour les étudiants qui attendaient leur tour, aujourd’hui elle était seule à attendre. Elle eut ainsi la réponse à sa question, si on parlait fort et que les élèves tendaient l’oreille, à coup sûr les élèves entendraient le pourquoi de la visite. C’était assez gênant, mais peut-être quand cas de réel besoin d’intimité l’infirmier leur demandait de sortir.

Mais quelle sotte ! Elle avait complètement oublié de saluer l’homme à l’autre bout de la pièce trop occupée par ses réflexions. La jeune femme se pencha en avant en murmurant un « bonjour ». Elle se redressa et croisa le regard de l’infirmier. Elle détourna alors les yeux aussitôt, comme s’il l’avait brûlé. Décidément, ce n’était pas gagné.

Quels étaient les ingrédients pour qu’une journée soit parfaite ? Un café bien fort pour chasser le reste de la fatigue de la courte nuit, un footing pour s’aérer l’esprit et faire le plein d’énergie, un bon livre tel que « l’ombre du vent » ou un Stephen King pour passer le temps. Enfin, et pour couronné le tout, une nouvelle place de travail, dont la couleur et l’emplacement étaient tellement motivant que notre infirmier de service n’hésiterait pas à avoir de l’avance dans sa journée de travail ou faire des heures supplémentaires – qui seraient évidement payées, bien que le directeur ne le savait pas encore. Mais soit, tout cela n’était que de purs détails.

Soit. C’était le deuxième jour de service de notre infirmier et il se sentait déjà comme chez lui dans sa nouvelle infirmerie. Celle-ci était assez spacieuse. Du moins, assez pour y caser des lits, un banc, une table, un bureau assez grands, une grande armoire qu’il n’avait pas encore eu le courage de fouiller ainsi qu’un sorte de bahut sur lequel reposait la multitude de dossier des élèves qui eux trouvaient le courage de venir faire un tour dans l’antre de l’effroyable homme aux piqûres.

M’enfin. Ledit maître des lieux était tranquillement installé à son bureau, le CD de Tchaïkovski en fond sonore. Il aurait put choisir de mettre du AC/DC ou du Kansas, mais ce n’était sans doute pas du goût de tout le monde. De plus, la musique classique avait des vertus calmantes, ce qui aura donc un effet positif sur les futurs patients. Ainsi, Dean était assit sur sa chaise, une des fenêtres grande ouverte pour aérer la pièce envahit par une sale odeur de désinfectant, en train de lire un magazine sur les vieilles voitures, dés fois qu’il verrait des informations concernant sa chérie de Ford Galaxy 500.

C’est, alors qu’il était en train d’approcher la fin de sa lecture – un article portant sur la non moins intéressante Chevrolet impala, model 1967- que l’on toquait à la porte. Après avoir prit le temps et la liberté de finir sa phrase, Dean releva sa tête et, affichant un sourire, il lança un « entrez », bien curieux de savoir qui se trouverait à l’encadrement de la porte.

Ce fut sans grand étonnement, avouons-le, une jeune fille. Celle-ci ne prit pas la peine de lui dire un bonjour et referma la porte derrière. Elle ne s’avançait pas non plus, gardant le regard baissé. Dean arqua un sourcil et ouvrit la bouche comme pour faire le premier pas, mais estimait que c’était à l’étudiante de le faire. Ce qui ne tarda pas à se passer. Elle souffla un petit bonjour, releva son regard, croisa celui de Dean et le baissa instantanément.

« Bonjour » lui répondit notre adulte avec une certaine joie. L’infirmier afficha un sourire rassurant et désigna la chaise devant lui « installe toi et dit moi tout »

Bon, ça faisait plus psychologue qu’autre chose mais, un infirmier, ne devait-il pas être multifonction ? Pour être infirmier, plusieurs choses étaient requises. Un minimum de psychologie en faisait parti.

La brunette hocha la tête à l’invitation de l’infirmier et s’avança jusqu’à la chaise qu’elle tira avant de s’asseoir. Elle n’avait pas relevé le visage depuis leur échange de regard. Bon sang, c’était idiot comme comportement, elle était bientôt adulte et lui semblait avoir moins de trente ans, ce qui pouvait aider et rapprocher la patiente de son infirmier, les mettre plus à l’aise. De plus, la voix de cet homme s’était faite douce et rassurante. Personne n’était présent dans l’infirmerie. Et cette musique… elle se concentra un peu sur celle-ci fermant les yeux un instant pour s’aider, c’était Casse-noisette et plus précisément la « Valse des fleurs ». Elle aimait bien cette mélodie, un petit sourire lui échappa et elle se laissa aller à un soupire. Puis, doucement, elle ouvrit les yeux et planta son regard dans celui de l’infirmier.

« Veuillez m’excuser, c’est assez nouveau pour moi tout ceci. Je ne sais même pas si je ne vais pas vous déranger plus qu’autre chose. »

Elle lui fit un petit sourire contrit avant de grimacer légèrement. Ce fichu œil la faisait de nouveau voir flou. Elle le frotta et appuya vigoureusement dessus, mais rien n’y faisait. Elle ne comprenait pas. Elle avait déjà passé des tests pour sa vue et celle-ci était bonne. Elle n’avait jamais eu aucune infection à ceux-ci. La brunette abandonna la lutte et se décida à expliquer la situation à l’infirmier qui si elle continuait ainsi y passerait sûrement sa journée.

« En fait depuis ce matin j’ai une douleur continue à l’œil gauche. Des croutes se forment alors que je les retire et ma vue se brouille par moment. En ce moment par exemple, je vous vois flou. »

Les deux mains de la jeune fille étaient jointes sur sa jupe et elle jouait avec ses ongles pour se détendre un peu. Le bruit devait être agaçant, elle ne les avait pas coupés depuis un moment, c’était un tort, elle allait être embêtée pour jouer du violon. Malheureusement, avec les révisions elle n’avait pas trop eu le temps dernièrement. Depuis son arrivée à l’école c’était bien simple elle avait dû en jouer réellement quatre fois en deux mois. Et cette musique lui donnait envie de jouer un air. C’est donc sans s’en rendre compte qu’elle se mit à jouer non plus avec ses ongles, mais les notes de musiques dont elle se souvenait avec sa main gauche.

Une question germa dans sa tête et on put lire sur son visage qu’elle réfléchissait. En effet, ses sourcils étaient légèrement froncés et elle regardait dans le vague. L’homme en face d’elle risquait de penser qu’elle hésitait à lui parler de quelque chose, il n’en était rien. Elle se demandait simplement pourquoi chez tous les professionnels de santé, la musique en fond était une musique classique. Cette personne était pourtant jeune, et elle s’occupait d’étudiant. Il avait l’air de vouloir se rapprocher des étudiants alors pourquoi cette musique ?

Une douleur continue à l’œil ? Des croutes qui se forment et une vue qui se brouille ? Tout portait à croire que cette jeune fille avait une conjonctivite. Dean ne put s’empêcher de grimacer légèrement. Ce n’était pas bien grave, il suffisait juste de soigner ça correctement. C’était douloureux mais surtout, c’était désagréable. L’infirmier en avait eu plus d’une fois dans sa vie et pouvait donc comprendre ce qu’endurait la jeune étudiante.

Soit. Il l’écouta et attendit qu’elle eu fini de parler avant d’hocher la tête et murmurer quelque chose d’inaudible et incompréhensible. Puis, se levant de son fauteuil, il se dirigea vers l’armoire. A mi chemin, il se figea, soupirant. Pour soigner la conjonctivite, il fallait mettre des goutes 5 fois par jour pendant 5 à 6 jours dans les yeux. Problème : Dean n’avait pas cette solution dans l’infirmerie. Bon, il pourrait toujours fouiller et espérer, mais il était carrément impossible qu’il trouve un flacon dans les innombrables boîtes de médicaments. Haussant alors les épaules, il fit les derniers pas vers son armoire, l’ouvrit et commença à fouiller.

« Hmm … » Il s’accroupi et tenta de trouver son bonheur dans le tiroir sous l’armoire, en vain. Grimaçant, légèrement, il se redressa et afficha une moue de réflexion avant de se tourner vers la jeune fille « Je n’ai plus de …. »

Sa voix se brisa, alors qu’une idée lumineuse le frappa. Mais oui ! Le plus simple serait d’aller à la pharmacie pas loin –sans doute une petite dizaine de minutes a pied-, acheté la solution et revenir la donner à la fille. Ou alors elle vient avec lui ? C’était sans doute la meilleure chose à faire. Alors, affichant un sourire, notre adulte porta son attention sur l’étudiante, puis s’avança vers elle

« Je pense avoir trouvé la solution à mon problème. Tu m’accompagnes à la pharmacie du coin, d’accord ? Je devais de toute manière m’y rendre un jour ou l’autre pour refaire mon stock de médicament. Autant faire d’une pierre deux coups » Il afficha un sourire et se plaça devant l’étudiante. Il hésita un instant puis reprit « tu permets … ? »

Sans lui laissé le temps de répondre, il plaça doucement sa main sur son front et lui fit basculer la tête vers l’arrière. Il se pencha ensuite en avant et examina rapidement son œil, puis hocha une fois la tête et la lâcha, se reculant. C’était bel et bien une conjonctivite. Continuant de sourire, il donna un coup de tête vers la porte, invitant la jeune fille à le suivre, puis attrapa son porte feuille avec sa carte de profession, grâce à laquelle il n’aura pas à payer les médicaments de sa poche, et le fourra dans la poche arrière de son pantalon. Il se dirigea ensuite vers la radio qu’il éteint puis s’avança vers la porte, attendant que la jeune fille l’y rejoigne.

Le raclement des pieds du fauteuil contre le sol fit sortir Maiko de ses pensées aussi brutalement que lorsqu’on fait éclater une bulle de savon. Elle suivit les mouvements du brun tout en étant légèrement inquiète. Il ne lui avait rien dit du tout, il ne l’avait pas encore examinée, il marmonnait, soupirait, s’arrêtait pour repartir de plus belle. Bref, rien qui pouvait renseigner Maiko et surtout rien qui la rassurait. Surtout pas quand il se retournait pour s’adresser à elle et qu’il s’arrêtait en plein milieu de sa phrase.

La jeune femme était sur le qui-vive. Elle était bien droite, ses mains s’agrippaient à sa jupe et son regard ne quittait pas l’homme. Elle était dans un état d’anxiété incroyable pour une si petite chose. Si petite à la condition qu’on sache de quoi il s’agissait. Et ce sourire qu’il était en train d’afficher. Est-ce que ça voulait dire qu’elle n’avait rien ? La brune écarquilla légèrement les yeux, elle nageait en plein doute. Peut-être qu’il souriait parce que son cas n’était pas bénin et que ça changeait la routine de cet infirmier. Elle allait devenir un cas d’école, il allait tenter des remèdes plus que douteux sur elle. Non, non, impossible, ça ne pouvait pas, rectification, ça ne devait pas être ça. Pourtant, la jeune femme s’enfonça un peu plus dans son fauteuil en le voyant se rapprocher. Comme si cette action mettait une distance infiniment plus grande entre eux. D'ailleurs, pourquoi s’approcher ? Ses lèvres se mettaient à bouger, c’était donc pour parler, Maiko cessa donc de réfléchir à tout va et écouta.

Ah ! voilà. Pourquoi s’inquiéter pour si peu, en fait il souriait parce qu’il avait trouvé la solution et qu’il allait en profiter pour acheter ce dont il avait besoin. Maiko tombait bien, elle permettrait d’emporter plus de choses, deux bras en plus même ceux d’une femme ça compte. Pas de quoi s’inquiéter autant. Maiko, Maiko, que tu es sotte. Pourquoi un si gentil infirmier… Quoi, permettre quoi exactement ? Mais avant qu’elle n’ait eu le temps de réaliser, une main chaude vint se poser sur son front pour lui faire pencher la tête en arrière. La surprise lui fit ouvrir grand les yeux ce qui facilita sûrement l’examen. Elle le vit hocher la tête. Mais, qu’est ce que tout ceci signifiait ? N’avait-il pas trouvé la solution ? Et quelle était cette manie de ne pas faire des phrases ? La jeune femme répondit alors à l’ordre muet et se leva plaçant son sac d’école sur son dos. Elle n’osait pas le laisser ici, et puis ça ferait un sac en plus pour transporter les médicaments nécessaires.

Elle passa alors devant l’infirmier et attendit qu’il referme la porte. Ils sortirent du bâtiment et Maiko marcha légèrement en retrait pour savoir dans quelle direction aller. Elle n’était pas encore sortie de l’école, ou simplement en voiture, ses parents venant la chercher pour qu’elle passe le week-end chez eux. Il faisait encore une chaleur écrasante. La jeune femme attrapa ses cheveux à la base de sa nuque et les souleva en queue de cheval pour se soulager quelques instants. Quelle idée vraiment d’avoir les cheveux si longs et de ne pas les attacher par ce temps ? Elle les laissa alors retomber. Tout comme son regard qui fixait le sol. Mince ! La jeune femme ne voyait de nouveau plus net. Elle se frotta alors l’œil ce qui lui fit se rappeler qu’elle ne savait encore rien de son problème.

« Excusez-moi, mais qu’est ce que j’ai exacte… »

La jeune femme ne finit pas sa phrase. Elle n’avait pas vu une sorte de petite pierre qui ressortait de la terre et elle avait trébuché dessus. Elle ne devait son salut qu’au fait de s’être raccroché au dos de l’infirmier. Rouge de gêne elle se recula et baissa de nouveau le visage tout en se penchant en avant en signe d’excuse.

« Je suis vraiment désolée. J’espère que je ne vous ai pas fait mal. »

L’étudiante ne prit pas longtemps pour le rejoindre à la porte et, ensemble, ils étaient sortis du bâtiment dit Showa. C’était un nom fort bizarre et puis d’abord, pourquoi avoir donné un nom aux bâtiments ? Bon, ça aidait sans doute pour qu’on s’y retrouve un peu mieux. M’enfin, de toute manière ces japonais étaient assez tordus dans leur intégralité, donc autant ne pas faire les choses qu’à moitié.

Ainsi, Dean et la jeune étudiante sortirent de se bâtiment. Au moment où ils s’engagèrent sur le chemin pour sortir de l’enceinte du lycée, Dean se senti partir en avant, déséquilibrer. Il eu néanmoins le réflex de faire un pas en avant afin de se remettre d’aplomb sur ses pieds et s’immobilisa. Il attendit quelques instants, puis se tourna vers la jeune fille et arqua un sourcil, avant de sourire face à ses excuses et secouer légèrement la tête

« Ça va, ne t’en fais pas » Ce n’est pas un poids plume comme le tien qui va me faire mal, ajouta-t-il en mémoire. Il attendit ensuite que l’étudiante se soit remise en route pour la suivre, se plaçant à côté d’elle, avant de reprendre la parole « En ce qui concerne ton œil, ce n’est pas bien grave, juste assez douloureux et … chiant » Faute d’avoir trouver un mot plus adapté, il était devenu un peu plus familier. Espérant que la jeune fille ne lui en tiendra pas compte, il reprit « Bref, c’est une conjonctivite. Rien d’alarmant. A la pharmacie je vais acheter des goutes que tu devras mettre 5 fois par jours pendant … bien 6 jours. »

Il sourit puis, en atteignant la route principale, Dean s’immobilisa quelques instants, le temps de se repérer avant de prendre à droite. Il lorgna au dessus de son épaule pour voir si la jeune fille le suivait toujours puis lui adressa un sourire

« Sinon, tu t’appelles comment ? T’es en quelle année ? »

Curieux ? A peine, juste besoin d’avoir un certains nombres de renseignements.

La jeune femme fut soulagée que l’infirmier ne lui en veuille pas et surtout qu’il n’ait rien. Son apaisement n’en fut que plus grand lorsqu’elle sut ce qu’elle avait. Une conjonctivite. Elle n’en avait jamais eu. En revanche, quand elle était petite, elle avait déjà vu des camarades de classe un bandeau sur l’œil. Tous les enfants les surnommaient « Les Pirates ». S’en suivait un jeu de chat et de souris, il ne fallait surtout pas être attrapé par les méchants pirates qui allaient nous voler, enlever et nous rendre malade et donc à notre tour pirate. La maladie des pirates avait désormais un nom à ses yeux. Elle sourit doucement en pensant à ses souvenirs qu’elle laissa vite de côté lorsqu’ils prirent la route à leur droite.

Le passé était le passé et pour le moment l’infirmier semblait vouloir faire connaissance. C’était étrange d’ailleurs. Maintenant qu’elle n’était plus inquiète, elle faisait plus attention aux détails. Elle pensait que le tutoiement s’était mis en place pour la mettre en confiance. Mais sa façon de parler elle aussi était différente de celle d’autres adultes, surtout à des fonctions comme la sienne. Il s’adressait à elle comme si lui aussi n’était qu’un simple élève. La barrière de l’âge et du statut social semblait être tombée. N’avait-il pas légèrement été argotique pour définir son état ? La jeune femme s’attarda alors sur ce personnage bien différent de ce qu’elle aurait pu imaginer. Qui était-il réellement ? D’où venait-il ? La différence d’âge était-elle si importante ? Elle l’apprendrait sûrement en glanant quelques informations par-ci par-là, jamais elle n’oserait lui demander personnellement, c’était un manque de respect envers un ainé. En revanche, elle pouvait répondre à ses questions, c’était habituel et pas trop intime, il aurait sûrement besoin de ces éléments pour constituer un dossier sur elle et pouvoir la suivre tout au long de l’année.

« Aikawa Maiko, classe préparatoire, enchantée ! »

Elle lui fit un grand sourire et inclina légèrement sa tête. Son regard s’attarda alors sur ses chaussures, elle venait de remarquer que son lacet s’était défait. Elle s’arrêta alors un instant et s’accroupit pour le faire. Elle pensa à l’infirmier qui peut-être n’avait pas vu qu’elle s’était arrêtée. Sans quitter les yeux de sa chaussure, elle s’adressa à lui.

« Monsieur l’infirmier, je vous rejoins tout de suite, ne vous arrêtez pas pour moi. »

Monsieur l’infirmier ! En même temps, comment pouvait-elle le nommer autrement ? Elle ne connaissait pas son nom de famille et ne savait pas comment il souhaitait qu’elle s’adresse à lui. Elle se dépêcha de refaire son lacet et en profita pour administrer le même traitement à l’autre au cas où il déciderait de lui faire faux bond. Elle se redressa et rejoignit assez vite son accompagnateur.

« Je suis désolée de vous demander ça, mais, je n’ai pas l’habitude des infirmiers et j’avoue ne pas savoir quelle est la meilleure manière de m’adresser à vous. »

Elle lui fit un petit sourire qui se transforma en moue hésitante, ses yeux plongés dans les siens elle redirigea son regard sur la route.

Dean avait donc affaire à une certaine Maiko Aikawa, élève de classe préparatoire. Il hocha une fois la tête, comme pour signifier qu’il était content de cette réponse et continua son chemin, laissant alors le silence s’installer. Ce ne fut que lorsqu’il remarqua que la jeune fille n’était plus à ses côtés qu’il s’immobilisa. Maiko lui avait certes signifier qu’il pouvait continuer sans s’occuper d’elle, mais bon, par pure politesse il l’attendra. Il fourra ses mains dans ses poches et l’observa faire.

Lorsqu’elle eut fini ses lacets, elle se redressa et le rejoignit à nouveau. Ensemble ils se remirent en route. Cependant, Maiko s’empressa vite de briser le silence qui recommençait à s’installer entre eux. Ce qu’elle dit étonna quelque peu notre adulte. Sous prétexte qu’il était adulte qui plus était infirmier, devait-elle agir autrement avec lui ? S’il avait été professeur, il lui aurait sans doute dit d’avoir la politesse et le respect que devait avoir un prof. Mais l’infirmier n’était-il pas là pour soigner les élèves ? Donc pour soigner il fallait une certaine confiance entre le patient et soignant. Ce qui nous amenait donc à notre à notre point initial : comment s’adresser à un infirmier ? Dean lança un coup d’œil amusé à la jeune fille puis haussa les épaules

« Bonne question, ça » il reporta son attention sur le chemin « A vrai dire, on ne m’a jamais demandé ça. Mais, je m’appelle Dean, donc je pense que tu peux me tutoyer. Ou alors un simple ‘monsieur’ me convient aussi. Mais ‘monsieur l’infirmier’ ça fait un peu long » il rigola doucement « disons juste que je ne suis pas un professeur, donc tu n’es pas obligé de me respecter autant que quelqu’un qui exerce cette profession. Mais le minimum de politesse et de respect envers un adulte sera tout de même requis » Dean lui adressa un sourire sincère puis s’engagea dans une allée afin de rejoindre l’autre rue dans laquelle se trouvait la pharmacie. « Et sinon, Maiko, tu as déjà des projets pour l’avenir ? Tu sais déjà ce que tu veux faire plus tard, après ta prépa ? »

Dean tourna sa tête vers elle et observa sa réaction –dès fois qu’elle se braquerait en entendant que l’infirmier l’appelait par son prénom, chose peu commune au Japon- attendant une quelconque réponse de sa part.

Décidément, cet homme-là était bien étrange. Il n’avait rien d’un Japonais, à commencer par le nom. Dean, ça sonnait anglais ou américain. Était-ce son prénom ou son nom ? Vu le personnage, la jeune femme pensait qu’il lui avait donné son prénom. Mais elle avait encore un doute. Après tout, il lui avait dit qu’elle pouvait l’appeler monsieur. En même temps, il l’avait invité à le tutoyer, chose qu’elle n’oserait jamais. Nom, prénom, nom prénom, tant pis, elle l’appellerait monsieur et le vouvoierait.

« D’accord, alors je dirai monsieur et je vous vouvoierai, ce n’est pas dans mes habitudes de tutoyer dès le départ, encore moins quelqu’un qui n’est pas dans ma classe ou une classe inférieure. »

Il avait beau ne pas être professeur, il était adulte et remplissait une fonction importante. De plus, ils ne se connaissaient que depuis quelques minutes. La norme voulait qu’ils se vouvoient et s’appellent par leur nom. Mais, ça ne semblait pas être au goût de cet étrange personnage qui se mit à appeler Maiko par son prénom sans utiliser le moindre suffixe après celui-ci. Comme s’ils se connaissaient depuis tout petit. Ceci eut pour effet d’arrêter net la jeune femme qui s’efforça de bien vite de reprendre contenance et de continuer sa route. Elle était une simple élève et lui un infirmier. Il avait des méthodes peu conventionnelles, mais il devait savoir ce qu’il faisait. Comme ses questions qu’ils posaient comme s’ils étaient dans la même classe et discutaient de leur avenir possible. De toute façon, elle n’avait rien à dire, lui faire une remarque aurait été irrespectueux.

La jeune femme émit un petit son montrant qu’elle réfléchissait à la question de l’homme. Qu’est ce qu’elle voulait faire après la classe préparatoire ? Personnellement, elle n’en avait aucune idée. Elle n’avait jamais vraiment décidé de ce qu’elle voulait faire ou non. Sauf pour une chose, le violon. C’était son instrument de prédilection, ses parents n’avaient rien pu faire contre. Ils avaient bien tenté de lui apprendre le piano et même si elle savait jouer un morceau basique elle ne faisait pas plus d’effort que ça, par conséquent ils avaient abandonné. Cependant, ici c’était différent. Elle était loin de ses parents et ceux-ci n’avaient pas pu l’accueillir la semaine passée, ce qui arriverait peut-être encore jusqu’à devenir régulier. Elle était donc plus libre de ses choix et mouvements. Malheureusement, elle ne signait pas les papiers l’autorisant à participer à tel ou tel concours d’entrée. Ses parents hésitaient encore entre les écoles de commerce, d’ingénieur ou de médecine. Bref, ils avaient des ambitions et peu importait réellement la voie du moment que Maiko obtenait un poste important, reconnu et surtout bien payé. C’était pour ça qu’ils l’avaient envoyé en classe préparatoire, pour qu’elle puisse se perfectionner dans des domaines divers et variés en attendant qu’ils définissent qu’elle était la meilleure solution. Les envies de la brune ne pouvaient pas être prises en compte, Maiko n’avait donc, pour ne pas être déçue, développé aucun souhait pour l’avenir.

« J’avoue ne pas encore savoir, je n’ai aucune préférence, ça dépendra de ce qu’en pensent mes parents. Ils choisiront ce qui est le mieux pour moi. »

Elle garda un visage neutre en disant cela. Comment sourire, ce n’était pas son choix. Comment être triste ou en colère quand toute sa vie on avait connu ça ? C’était juste naturel. Elle évita de croiser le regard de Dean qui aurait pu avec son esprit si peu conventionnel tout remettre en doute. Elle se contenta de regarder droit devant elle et aperçut la pharmacie. La jeune femme se plaça près de la porte.

« Je vous en prie, entrez. »

Elle poussa légèrement la porte de la main incitant ainsi l’homme à passer. Elle entra à sa suite et salua d’un « bonjour » toutes les personnes présentes. C'est-à-dire la pharmacienne qui semblait être assez âgée et une mère et son jeune fils qui s’accrochait à sa jupe. Elle attendit donc avec l’infirmier que leur tour vienne.

C’est vrai ça. A quoi avait-il pensé en proposant à la jeune fille de le tutoyer ? Genre, il était un adulte et chaque élève japonais était doté d’une certaine forme de politesse. Certes, il y en avait des plus polis que d’autre, mais chacun savait respecter un adulte. M’enfin, Dean devait sans doute encore être dans son monde américain pour s’imaginer un seul instant que cette Maiko allait le tutoyer. Bon d’un côté, ce n’était pas plus mal que ça qu’elle n’ait pas acceptée : ainsi Dean aura l’impression d’avoir plus d’importance qu’il ne voulait en donner. C’était plutôt une bonne chose.

Mais soit. Ils arrivèrent rapidement à destination et entrèrent dans la pharmacie. Dean gratifia la jeune fille d’un sourire lorsque celle-ci garda la porte ouverte pour lui et hocha la tête avant de se mettre dans la file, derrière une jeune femme et son fils. C’est alors qu’il se remémora les paroles de la jeune fille. Ses parents choisissaient pour elle ? Arf. Il grimaça légèrement, son regard se perdant dans le vide et détourna son regard. Si les parents choisissent la voie de leur progéniture, ce n’était jamais une bonne chose. Dean, lui, n’avait pas réellement eu de souci de ce côté. Quoique son père, ou plutôt un de ses pères, était formellement contre le fait qu’il s’engage dans l’armée, en tant qu’infirmier. Notre jeune homme avait donc abandonné cette idée, un peu à contre cœur avouons-le, et s’était donc tourné vers une formation basique pour travailler dans un hôpital. A la base, évidement. Maintenant, il se retrouvait dans un lycée, et en était content. C’était un bon moyen pour se perfectionner et pour être un peu plus … généraliste.

Le toussotement roque de la pharmacienne sorti notre jeune homme de ses pensées. Il leva sa tête, portant un regard étonné sur l’inconnue et arqua un sourcil. Celle-ci lui fit un charmant sourire et reposa sa question. Ce qu’il voulait ? De la coke et de l’héroïne, s’il vous plait. Répondant par un sourire tout aussi charmant, notre adulte déposa un papier devant la femme. Celle-ci le lit rapidement puis se détourna pour aller chercher tout ce dont notre adulte avait besoin. Il se tourna vers Maiko et lui sourit puis s’apprêta à prendre la parole lorsque la pharmacienne revint avec tous les médicaments.

Après un dernier sourire, Dean se détourna et sorti de la pharmacie avec Maiko. Ils se remirent en route, reprenant le chemin inverse pour retourner au lycée. Pendant qu’ils marchaient l’infirmier fouilla le sac et en sorti une petit boîte qu’il tendit à la jeune fille

« Voilà, cadeau » il referma le sachet et le porta à bout de bras puis désigna la boîte « Ce sont des goutes que tu devras mettre au moins 5 fois par jour à intervalles réguliers pendant … 5 jours. Après tu reviendras me voir et, en fonction de l’avancé de la guérison, je te dirais si tu as encore besoin de suivre le traitement plus longtemps. »

Ils virèrent à droite vers l’allée. Dean se passa furtivement une main dans les cheveux et chassa une mèche rebelle, soupirant légèrement. Un petit vent soufflait, rafraîchissant agréablement l’air. Se mordillant légèrement la lèvre inférieure, il lança un coup d’œil à Maiko, puis reprit la parole

« Et en se qui concerne ce que tu veux faire plus tard… ne laisse personne décider à ta place. » il reporta son attention devant lui « je n’ai pas envie que tu crois que je méjuge ta famille, mais les parents qui veulent à tout prix décider pour leur enfant sont en tord. Je veux dire, tu es assez âgée et assez mûre pour savoir ce que TU veux faire. Chacun devrait prendre ses propres décisions. » Au besoin, rebelle-toi et montre leur qui est le chef, merde ajouta-t-il mentalement, laissant le temps à Maiko de l’écouter, avant de reprendre « Demande toi franchement si tu as vraiment envie de faire ce que veulent tes parents pour toi. J’imagine qu’ils ont envie de voir leur fille devenir un grand médecin, pas vrai ? C’est ce que tout parent voudrait. Mais pas tous les enfants n’ont les capacités pour suivre une fac. » Il haussa les épaules « moi par exemple, je voulais depuis longtemps faire infirmier. Au début, je voulais m’engager dans l’armée américaine pour soigner les soldats blessé. Servir mon pays, c’était vraiment ce que je désirais le plus. Finalement, mes … mon père m’a ouvert les yeux et me voilà infirmier scolaire » Dean afficha un sourire et haussa les épaules « évidement, mes parents auraient voulus que je fasse une grande école de commerce, que j’aille en droit à Harvard, mais ce n’était pas ce qui m’intéressait et je leur ai bien fait comprendre. Finalement, ils sont contents de ce que j’ai réussi dans la vie. »

Il esquissa un sourire, espérant que la jeune fille ne lui tiendra pas compte de son débit de parole.

Maiko était restée en retrait dès l’instant où la pharmacienne s’était adressée à l’infirmier. Elle n’était pas censée savoir de quoi avait besoin cet homme donc indirectement quels problèmes pouvaient avoir les élèves. Elle laissa courir son regard un peu partout revenant régulièrement sur Dean pour ne pas le faire attendre si jamais il avait fini ou s’il avait besoin d’aide. D’ailleurs, elle avait cru que ce serait le cas quand il lui avait souri avant d’esquisser un geste de parole. Elle avait fait un pas en avant, mais s’était vite arrêtée en voyant la femme revenir avec ses médicaments. Elle attendit que l’homme récupère ce dont il avait besoin et le suivit après s’être penchée saluant ainsi poliment la pharmacienne.

Sortir fut assez difficile. En effet, la pharmacie était climatisée, la chaleur en sortant semblait alors plus écrasante. Elle avait hâte de retourner à l’école et de pouvoir prendre une bonne douche avant de se changer et d’attacher ces maudits cheveux. Tandis qu’elle se faisait ses réflexions, un paquet non identifié se plaça devant elle. Surprise, elle l’observa puis tourna son regard vers l’infirmier. Elle prit la petite boîte et défit une de ses bretelles de son sac pour pouvoir la glisser à l’intérieur tout en écoutant les consignes de l’homme. Elle hocha la tête pour lui signifier qu’elle avait compris et sourit légèrement avant de lui répondre.

« Je vous remercie. Si je peux faire quelque chose pour vous remercier, n’hésitez pas. Par exemple, vous aidez à porter tout ce matériel. »

Ainsi, elle ne le forçait pas à lui passer du matériel s’il n’en avait pas le droit ou l’envie. Elle pensait qu’il allait accepter, mais sa réponse fut de toute autre nature. C’était difficile de penser en cet instant. Tout se bousculait. Pourquoi s’intéressait-il autant à elle ? Et pourquoi cette idée qu’on choisisse pour vous lui déplaisait-elle tant ? Elle comprenait que ça pouvait en choquer plus d’un. Cependant, au Japon, il était assez courant qu’on écoute les ainés, non ? Ou, si l'on ne les écoutait pas, c’était indirectement, on voulait faire honneur à sa famille, faire autant voire mieux qu’eux. Enfin, c’est ce qu’elle pensait. Elle n’avait pas vraiment eu de discussions aussi polémiques depuis un moment. Elle les évitait, surtout quand ça concernait sa façon de vivre. Elle savait bien que ses parents exagéraient. Elle s’en rendait compte quand elle voyait les autres faire depuis bon nombre d’années ce qu’elle n’avait encore jamais fait. Dormir avec d’autres personnes, elle l’avait fait uniquement lors de voyages scolaires. Elle n’avait pas d’envie puisqu’elle n’avait pas de choix. Pourquoi les développer ? C’était difficile de choisir quand on n’a jamais pris de sérieuse décision.

La jeune femme écouta alors la suite du discours de l’infirmier, il lui racontait son expérience personnelle, peut-être que cela l’aiderait à comprendre. Son père avait été contre son choix de faire ce qui lui tenait à cœur. Certes, il était devenu infirmier comme il le souhaitait, mais pas là où il le voulait réellement. Fallait-il faire des compromis pour faire réellement la chose qui vous plaisait le plus, quitte à renoncer à d’autres aspects ? Comment parler à des personnes qui se bouchent les oreilles depuis votre naissance ? Lui, c’était plus facile, il était américain. Ce qui expliquait beaucoup de choses comme sa manière d’agir, de parler, de penser, et ce léger accent qu’elle décelait lorsqu’il parlait longuement que ça venait d’être le cas. La jeune femme laissa glisser son regard sur lui avant de le reporter sur la route. Elle fit une petite moue pendant un moment avant de lui répondre.

« Je comprends votre point de vue. Cependant, il n’est pas aussi facile pour une Japonaise élevée par des parents traditionalistes de faire ses choix et surtout d’avoir des idées de ce qu’on veut réellement. Je ne parle pas de savoir si l'on préfère manger une glace ou une crêpe ou si l'on veut jouer du violon plutôt que du piano. Non, je parle de vrai choix, de ceux qui une fois faits ne peuvent permettre un retour en arrière, comme notre future formation qui déterminera un métier. Vous êtes Américain, ce n’est pas une critique, mais votre mode de vie est différent du nôtre, nous ne pensons pas de la même manière, par exemple, les Américains sont très affectifs en public, nous, nous ne touchons pas, c’est assez indécent. C’est une remise en question d’une culture et d’une éducation que vous êtes en train de mettre en place dans mon esprit. Comprenez que ça ne peut se faire en claquant des doigts. »

La jeune femme le regarda en lui souriant légèrement espérant lui montrer ainsi que ce n’était pas méchant et qu’elle n’était pas en colère. Elle avait son point de vue et lui le sien. Elle comprenait ce qu’il voulait dire, cependant, elle n’était pas prête à faire ce qu’il lui conseillait de faire à savoir vivre pleinement sa vie.
Elle aussi avait eu un débit de paroles assez longues. Si bien qu’ils étaient déjà à l’entrée du bâtiment Showa. Elle ne savait pas si elle devait le suivre jusqu’à l’infirmerie ou si leur route se séparerait à cet endroit.

Dean était fermement persuadé que ce qu’il avait dit était vrai. Il avait parlé de son expérience particulière croyant ainsi donné un exemple concret. Malheureusement, ce n’était pas le cas. La jeune fille le lui fit rapidement comprendre en faisant nette distinction entre la culture japonaise et celle de l’Amérique. D’après ce qu’elle lui débita, Dean remarqua que ses pensées étaient fondées sur un bon nombre de clichés. Bon, elle n’avait pas tout à fait tord en disant que les ricains étaient plus apte à se produire en public et étaient bien moins ‘coincés’, pour ainsi dire, que les nippons. Le cliché dont Maiko se servait rentrait en compte pour la plupart des habitants de la première puissance mondiale.

Dean, lui avait beau avoir été élevé dans une famille de japonais, il avait tout de même été bien plus marqué par la culture américaine, étant donné qu’il avait fait toute sa scolarité dans sa ville natale. De plus, ses parents n’étaient pas des japonais traditionnels. Certes, Dean connaissait un minimum les coutumes japonaises – il avait tout de même fait ses études à Tokyo et avait travaillé une année dans un lycée japonaise-, mais le fait de changer de lieu de travail l’avait aussi plongé dans le cœur du vrai Japon. Cela avait eu l’effet d’une gifle sur notre infirmier.

Car ici, entre le professeur d’art, un certain Yuusuke Hasegawa, qui avait insinué que Dean, parce qu’il n’était pas japonais, qu’il était forcément fainéant et ne travaillait que parce qu’il en avait besoin et cette jeune Maiko dont les parents voulaient décider de son futur … notre adulte allait être servi ! Et puis, rien que le fait de repenser à la rencontre avec le professeur avait le don de remettre Dean en rogne.

Soit. L’infirmier avait écouté attention l’étudiante tout en avançant, si bien qu’ils étaient arrivés devant le bâtiment Showa. Il poussa la porte et la retint pour la jeune fille avant de s’avancer dans le hall et s’immobiliser. Affichant un léger sourire, il se tourna vers Maiko

« Ecoute, je n’aimerais pas que tu crois que je remet ton éducation en question : ce n’est pas en mon droit. J’espère que pourra me pardonner mon manque de formalité » Il s’inclina légèrement puis lança un coup d’œil vers la gauche en direction de l’infirmerie « je pense qu’on va se séparer ici. » Il afficha un sourire « Bonne journée, merci de m’avoir accompagné et … n’hésite pas à repasser si tu ne ressens pas de changement dans les prochains jours » Il hocha la tête puis se détourna, fit deux pas en avant, s’immobilisa et se retourna vers Maiko « Hm, je te demanderais juste de me rapporter le produit pour les yeux après les cinq jours de traitements. »

Il attendit quelques instants, le temps de la réponse de la jeune fille avant de s’éclipser rapidement vers l’infirmerie.