En cette période troublée, la bibliothèque était le dernier lieu de repli approprié. Non pas que Togawa n'aime pas la fête du sport, rares étaient les élèves qui n'y trouvaient pas leur compte d'une façon ou d'une autre... Mais l'approche de cette journée fatidique avait tendance à exciter tout ce petit monde et les grands sportifs arrivaient en tête de liste des persécuteurs d'Eiichi. Autant vous dire que la semaine précédant LEUR journée, le couturier rasait les murs. L'année dernière, il avait réussi à rester calfeutrer avec le groupe qui retouchait les uniformes de pompom girl mais cette fois, ils avaient fini plus tôt que prévu, et le garçon en était réduit à passer son temps entre les rayonnages.

Au moins, il avait largement le temps de s'avancer sur ses devoirs et de griffonner de nouveaux croquis... Ce qui l'embêtait plus, c'était le retard pris sur la conception de certaines de ses créations en cours, mais pas moyen de trouver un endroit tranquille en ce moment, et les bibliothécaires ne le laissaient pas s'installer ici pour ça. Tant pis. Caché derrière une pile de livres (on était jamais trop prudent, et si des brutes en perdition s'égaraient jusque dans ce sanctuaire ??), Eiichi buchait sur son devoir de japonais. Le temps s'écoulait paisiblement, jusqu'à ce que la porte de la bibliothèque s'ouvre avec brutalité. Tel la gazelle à l'approche d'une meute de lionnes, le couturier se redressa un peu, nez au vent. Il ne la voyait pas d'ici, mais il sentait le danger approcher. Plutôt que de s'enfuir à tire de patte, le jeune homme attrapa le premier livre de sa pile et s’aplatit dessus, espérant que son air absorbé le rendrait invisible. Ce n'était visiblement pas la meilleure stratégie, il s'en rendit compte quand une feuille vint remplacer les lignes qu'il ne lisait pas.

Suzuki. Et dire qu'il était tout fier de sa cachette. Adressant un regard noir à la jeune fille au -chan qu'elle employa (comme si ça pouvait changer quelque chose, elle ne l'avait jamais appelé autrement), il n'osa malgré tout rien dire et rebaissa les yeux sur la feuille qu'elle avait posé devant lui. Avec Erika, c'était toujours le même cirque : il était partagé entre l'envie de l'envoyer bouler et celle de s'enfuir. En plus, c'était une fille. Même s'il avait pu la frapper, ça n'aurait pas été bien. Et de toute façon, il ne pouvait pas, elle cognait surement plus fort que lui.

"N... non. Rien du tout." Répondit-il sèchement, en ne bégayant presque pas. Ce n'était pas tout à fait vrai. La taille de bonsaï n'était pas le sujet qu'il maîtrisait le mieux puisqu'il ne pratiquait pas hors des cours mais comme pour les autres domaines des arts ménagers, il avait des facilités et n'avait eu aucun problèmes durant leurs quelques leçons sur la question. Avec un peu de chance, elle n'y avait jamais fait attention, lui-même n'avait pas noté qu'Hoshino-sensei lui avait donné un travail supplémentaire après tout. Bien fait pour sa pomme.

"Enfin même toi, Suzuki, tu devrais réussir à recopier une définition dans un dictionnaire." Une fois de plus, il aurait mieux fait de réfléchir avant de l'ouvrir. A chaque fois qu'il essayait de tenir tête à Erika, il s'en prenait plein la tronche. Quelle vie de m...