A la rivière [Shizu]

Invité

Il devait peut-être être 8 heures du matin et Misato était déjà debout. N’ayant pas cours ce jour et ne voulant pas vraiment faire de sortie en ville, elle a préféré se rendre à la rivière de la ville d’Hachioji qui avait une branche passant par le campus de Ginkgo Gakuen. C’était un endroit calme et reposant, où un vent doux soufflait. Misato s’était dit que ça pourrait être un lieu vraiment très agréable pour lire puisqu’elle y avait fait quelques fois des promenades très divertissantes qui lui permettaient d’être en communion avec la nature. Alors après avoir pris une bonne douche, elle enfila rapidement des sandales et une robe légère, et prit un petit déjeûner copieux. Un livre à la main, elle dépassa rapidement les bâtiments du pensionnat et se retrouva dans la forêt où se trouvait la rivière.

L’eau était calme, comme pendant les fois où Misato y allait se promener. Et la forêt où elle se trouvait était éclairée, remplie d’arbres et d’arbustes. Avant de lire, elle se promena un peu, admirant l’eau et les quelques poissons qu’on pouvait voir. Leur manière de nager était tellement passionnante et agréable à regarder ! Elle était semblable à celle des nageurs de Sapporo – sa ville natale – qu’elle admirait pendant les compétitions avec sa meilleure amie quand elle était petite. Hanae était restée toujours dans son cœur, et se rappelant d’elle, Misato ne put s’empêcher de laisser couler une larme – signe de nostalgie – qu’elle essuya lentement du revers de la main.

Elle regarda le ciel bleu rempli de nuages blancs accueillant des petits oiseaux qui y chantaient et volaient. Elle inspira un grand coup et vit une roche posé pas très loin d’elle. Elle s’assit là-dessus et ouvrit son livre à la page où elle avait posé le marque-page qu’elle avait confectionné elle-même où se trouvait un petit dessin de chaton. Elle commença sa lecture mais fut dérangée par des craquements de branche. Aurait-elle de la compagnie ? Un animal sauvage ? Une autre personne ? Même si la deuxième possibilité était mieux que la première, espérons que ce ne soit pas une autre personne parce qu’elle était venue là pour lire, et seulement pour lire rien d’autre. Elle mit son marque page et se leva en attendant de voir se qui allait se passer.

Invité

Son réveil avait été calme. Trop calme. Il n'en résultait dans l'esprit de la demoiselle qu'un arrière goût insipide, et une drôle d’appréhension en ce qui concernait le reste de la journée. Ce n'est qu'en passant ses cheveux sous l'eau brûlante d'une douche qu'elle comprit pourquoi; il n'y avait pas cours. Si la vie de l'adolescente n'était déjà pas d'un grand trépidant au naturel, les jours « libres » étaient encore pire. Elle était seule, n'avait aucune compagnie, ni aucune passion particulière... Elle meublait donc ces longues journées en jonglant entre la lecture, le dessin, et le piano. Et encore, elle n'avait pas toujours accès à ce dernier, maintenant qu'elle logeait dans un internat. Ses larges prunelles, pâles, s'égarèrent le long des murs alors qu'elle essayait tant bien que mal de sécher son impressionnante masse de cheveux. Elle songeait en même temps à comment « profiter » de tout ce temps libre. Se glissant dans une tenue légère, elle décida qu'aujourd'hui, elle dessinerait ! Qu'il en soit ainsi. Amen. Elle se tabla donc, carnet à croquis sortit, crayon en main, devant son bureau. Une minute passa. Puis deux. Puis trois.

Impossible de dessiner quoique ce soit elle... Elle n'y arrivait juste pas. Aucune inspiration, aucune idée particulière. Son regard passa dans la petite chambre, mais rien ne capta son attention ou ne lui suscita une envie, ne lui souffla une idée. Shizuko se laissa retomber contre le dossier de sa chaise en poussant un interminable soupir. Il lui fallait une muse. Dans le sens figuré du terme, bien entendu. Et rien ne l'attirait dans cette pièce exigüe, remplie d'objets sans vie. Et bien soit, elle irait elle même chercher son inspiration. Elle s’éjecta de sa chaise, avec une volonté à peine retrouvé, et fourra son matériel de dessin dans son sac, avant de sortir en claquant la porte. Elle n'avait absolument aucune idée d'où elle allait se rendre, mais elle irait !

La demoiselle, songea que « bon en fait ça n'avait peut-être pas été une si bonne idée » en passant la main sur la longue estafilade que lui avait offert le fouettement d'une branche apparemment en grande d'affection sur son visage. Elle n'était pas défigurée, ça ne saignait même pas... Mais bon dieu, elle avait l'air fine avec longue marque sur la joue. Elle avait beau aimer la nature, aimer la dessiner, aimer la jouer au travers des notes, là, elle songeait sérieusement à se reconvertir dans la buchonnerie. En théorie, la petite balade dans les bois - pendant que le loup n'y est pas - pour s'inspirer, reprendre contact avec le grand air, la nature, ça n'avait pas l'air mauvais. Mais quand on réussissait à s'égarer, ça paraissait soudainement très très idiot comme concept. Shizuko voulu se laisser aller à moue rageuse en ruminant ses pensées, mais se ravisa très vite, la transformant en petite grimace de douleur, en sentant la douleur diffuse de la meurtrissure sur sa joue.

Il lui sembla alors remarquer le bruit d'un cours d'eau, pas très loin. Bon, elle ne savait pas vraiment comment elle avait pu se perdre dans un bois de cette taille - Un putain de bosquet, oui... - mais au moins, elle serait sûre de retrouver son chemin en suivant le cours d'eau. Ou la civilisation tout court, dans le pire des cas, mais elle ne pensait pas en être là, quand même... Si ? Elle distingua alors une autre silhouette derrière les frondaisons ? Peut-être un autre baladeur qui pourrait lui indiquer son chemin ! Ou alors un sérial killer qui allait l'attaquer, la découper avec une hache et balancer les restes dans la rivière. Tout en songeant qu'il valait mieux qu'elle arrête de lire des thrillers pendant quelques temps, elle salua l'inconnu d'un geste de la main en s'approchant. Seulement voilà, trop occupée à regarder en direction de l'étranger, et du bois, elle en oublia de regarder tout simplement on elle marchait. Elle accrocha l'un de ses pieds à une racine qui dépassait un peu du sol, et s'étala de tout son long sur le sol en manquant de peu de buter contre un tronc au passage. Plus que la douleur, c'est l'agacement et la lassitude qui lui firent pousser un petit cri, et la firent rester dans l'herbe quelques secondes au lieu de se relever tout de suite.

Quelques secondes seulement, car elle se rendit rapidement compte que son sac n'était plus là. Lui ayant échappé dans sa chute, il continuait tranquillement ( Et seul ) sa course jusqu'à la rivière. La jeune fille se redressa brusquement, et partie en trombe à la poursuite de son bien en lâchant quelques exclamations du style de :

« Non, non, non, non, non, non, non ! »

Qui s'achevèrent dans un long « Noooooooooooooooooooooon... » quand le sac atterrit dans la rivière. Shizuko repêcha sa besace, trempée, d'un air aussi dépité que dégouté. Elle lâcha un nouveau très, très, très long soupir. Quelqu'un devait vraiment avoir une dent contre elle, aujourd'hui. Elle redressa alors les yeux vers l'inconnue, qui n'avait pas bougé. Il fallait dire qu'elle venait de faire une drôle d'entrée ! Et puis, avec son éraflure sur la joues, ses genoux et ses paumes abimées, et son sac trempé, elle devait avoir fière allure, tiens. Devant le dérisoire de la situation, Shizuko eut beau chercher, elle ne trouva rien de mieux pour s'expliquer qu'un :

« Euh... Salut ? »

Invité

Qui c’était, Misato allait le savoir tout de suite… La jeune inconnue qui faisait craquer les branches fit une entrée catastrophique. Misato était restée bouche bée en voyant un sac rouler jusqu’à finir par tomber dans la rivière, quand celle qui devait être surement la propriétaire du sac fit une belle chute avant de crier « non, non, non » quand son sac tomba dans la rivière. Misato ressentait de la peine pour cette jeune fille maladroite qui ne lui était pas trop inconnue. Elle l’avait quelques fois aperçue à la bibliothèque de Ginkgo Gakuen, pendant les moments où elle allait emprunter des livres ou les lire ou quand elle voulait réviser. Elle ne lui avait jamais adressé la parole et ne connaissait donc pas son nom.

« La fille de la bibliothèque » devait être bien gêné arrêté là, devant elle, avec le sac trempé qui devait contenir quelque chose de vraiment important pour qu’elle ait une mine aussi déconfite. Elle adressa un petit « salut » à Misato qui était toujours là, arrêtée devant elle, la bouche mi ouverte, étant encore un peu secouée par cette entrée. Un petit vent doux siffla dans les oreilles de Misato pour mieux aller avec la petite gêne qui régnait dans l’endroit. Un petit oiseau chanta dans le ciel et une petite feuille tomba de son arbre et se posa à côté d’elle. Misato secoua la tête et ce rendit compte qu’elle n’avait toujours pas répondu à la salutation de la jeune fille en face d’elle.

« Salut. » dit-elle et gardant juste après la bouche mi ouverte, ses yeux fixant ceux de « la fille de la bibliothèque ». C’est vrai qu’elle l’avait vu quelques fois faire tomber un livre de la bibliothèque, ce qui pouvait la laisser imaginer que celle en face d’elle était une grande maladroite. Elle avala sa salive et fit passer quelques mèches rebelles derrière son oreille. On dirait que sa lecture serait reportée à plus tard puisque ce n’était pas sur que « la fille de la bibliothèque » serait juste de passage, au grand désespoir de Misato qui était venue dans la forêt pour être au calme pour pouvoir lire. C’était un autre programme gâché, mais tant pis, elle ferait avec.

Invité

Un ange passa. Shizuko observa sans un bruit l'inconnue assise sur le bord de la rivière. Elle était écorchée, lessivée, et ses affaires trempées, quelle belle journée qui s'annonçait ! Si elle s'était attendue à une réaction un peu plus vive, après une entrée aussi fracassante, il n'en fut rien. L'autre élève ne cilla pas mais fini tout de même par lui répondre d'un autre « Salut ». Bon ce n'était pas plus mal, se ramasser un grand éclat de rire ou une moquerie en guise de réponse lui aurait sûrement donné l'envie de rétorquer d'un jet de sac détrempé en pleine figure. Elle ne l'aurait, bien entendu, pas fais. Mais résister aurait été dur. Très dur. Aussi, devant le stoïcisme de son interlocutrice, elle se contenta de hausser une épaule et d'ouvrir sa sacoche pour tenter d'en extirper tout ce qui pouvait encore être sauvé. Autant dire, pas grand chose. Elle étala méthodiquement ses affaires sur le sol, les alignant, espérant que les rayons du soleil parviendraient à les sécher un peu, puis suspendit le sac à une branche pour le regarder dégouliner sur le sol d'une mine abattue. Elle sentit alors la présence pesante d'un regard sur ses épaules. « L'autre fille » n'avait pas bougé, elle était toujours assise, immobile et silencieuse. Elle n'avait pas prit ses jambes à son cou, elle n'était pas partie en ronchonnant, elle n'avait pas non plus tenté de l'aider, ni fait le moindre commentaire. Wow. Pour de l'impassibilité, ça en était.

Mais elle ne semblait pas compter repartir, et Shizuko ne pouvait pas non plus s'évanouir dans les bois en laissant le contenu de son sac dans l'herbe. Pas vraiment le choix, la demoiselle se voyait mal l'ignorer pendant une heure tout en restant, seule, à quelques mètres d'elle. D'un revers de main elle épousseta sa tenue étonnamment propre après sa catastrophique randonnée, et vint s'asseoir, un peu hésitante, aux cotés de l'inconnue. Elle éclaircit sa voix un peu enrouée par le silence dans lequel elle se murait habituellement, puis entama les présentations le plus simplement possible.

« Moi c'est Shizuko Sayaki. »

L'adolescente lui adressa ensuite tant bien que mal un sourire qui se voulait sympathique, et continua dans l'espoir de lancer la conversation.

« Je me suis un peu perdue en forêt, en fait... » Elle désigna les quelques crayons et fusains dorant au soleil. « Je comptais dessiner... À la base. Et toi, qu'est-ce que tu viens faire dans le coin ? »

Invité

Shizuko Sayaki. Misato pouvait enfin mettre un nom et un prénom sur le visage de la fille aux très longs cheveux bruns et à la gueule d’ange qui se tenait là, en face d’elle. Elle s’était présentée après avoir enlevées ses affaires du sac trempé qu’elle essayait de faire sécher au soleil. La pauvre, elle devait avoir à la fois honte et peur que Misato se moque d’elle ; mais elle ne devait pas s’en faire puisque Misato n’était pas de ce genre. Et Misato qui ne l’avait pas aidée et qui était restée la regarder parce qu’elle n’avait pas trouvé nécessaire de l’aider.

Ça se voyait qu’elle était venue dessiner, et comme elle ne pouvait faire ce pour quoi elle était venue, elle voulait surement engager la conversation avec Misato. D’accord. Mais de quoi pourraient-elles parler ? Misato ne s’y connaissait pas en dessin. Peut-être que Shizuko, elle, en plus d’être une dessinatrice, nagerait bien quand même. Ou peut-être qu’elle se trouverait d’autres points communs. Elle se décida à lui répondre.

« Enchantée Shizuko, moi c’est Misato Yamashita. » dit-elle en adressant un joli sourire à son interlocutrice. « Désolée pour ton matériel de dessin. » continua-t-elle en haussant les épaules arborant toujours le même sourire aux lèvres. Elle montra ensuite son livre présent dans sa main qu’elle leva. « Moi je suis venue ici pour un peu de lecture. » Elle vit ensuite une roche à côté d’elle et proposa à Shizuko de s’assoir d’un signe de la main.

Invité

Attendant une réponse - et espérant aussi, intérieurement, ne pas avoir gaffé - Shizuko en profita pour détailler discrètement celle qui lui faisait face. Plutôt grande - quelques centimètres de plus qu'elle – un corps bien formé, elle devait certainement pratiquer un sport assez régulièrement, deux beaux yeux gris, perçants... Elle était plutôt jolie. Et dégageait une certaine assurance, une sorte de détachement. Autant dire que ça contrastait clairement avec la pianiste, dont les sautes d'humeurs donnaient lieu à de drôles de réactions, malgré ses rêveries. Mais elle n'eut pas le temps de plus s'attarder sur l'apparence de son interlocutrice, celle-ci lui répondant déjà en illuminant son visage d'un sourire poli.

Misato, Misato Yamashita. Il ne lui semblait pas avoir déjà entendu ce prénom auparavant. En même temps, il ne lui semblait pas l'avoir croisé non plus. La jeune fille revint brusquement sur terre, pour la seconde fois, à l'évocation de son matériel de dessin. Elle posa un regard sur ses affaires, alignées, en train de sécher. Elle espérait pouvoir en récupérer partie mais... Pour son carnet à croquis, c'était bel et bien fichu. Retenant un soupir de mécontentement elle se contenta de répondre.

« Oh... C'est totalement ma faute, il faudrait que je regarde un peu mieux... Où je marche. »

Shizuko laissa échapper un petit rire gêné qui s'acheva sur un toussotement tout aussi peu convainquant. Bon, ce genre d'incidents arrivaient à tout le monde... Du moins... Elle le supposait. Mais quand même, si elle ne souciait pas vraiment de son image, elle préférait eviter de se donner en spectacle. Elle remarqua alors le petit livre que lui montrait sa comparse, expliquant qu'elle était venu ici pour lire. C'est vrai que l'idée était séduisante, la journée était plutôt belle... Venir s'isoler, ici, entre les clapotis de la rivière et le bruissement des feuilles, pour dévorer quelques lignes. Sans lui laisser le temps de répondre, Misato se leva, l'invitant à la suivre jusqu'à un rocher, un peu plus loin, où elles seraient plus confortablement installées. La dessinatrice jeta un regard en arrière, sur son matériel de dessin, toujours sur le sol, hésitant l'espace d'une seconde, puis se décida à la suivre. Après tout, dans un coin pareil, elle ne risquait pas de se les faire piquer, même si elle s'en éloignait un peu.

Froissant machinalement le bout de sa manche, elle se posa donc aux cotés de sa nouvelle rencontre, puis, reprit la conversation la où elle s'était arrêtée en portant un regard intéressant au recueil que Misato tenait dans les mains.

« T'es une grande lectrice ? C'est quoi, que tu lis, là ? »

Shizuko ponctua le tout d'un petit sourire, et tourna la tête vers le décors paradisiaque qui les entourait. Seuls les sons délicats de la nature semblaient percer la fin voile de silence qui enrobait le petit bois. Oubliant l'espace d'un instant ses soucis, et son sac trempé, la jeune fille s'étira et prit une grande inspiration d'air frais en ajoutant.

« Moi, je dévore pas mal de bouquins... Mais je pense rarement à emmener de la lecture quand je sors, c'est bête. Ça a pourtant l'air d'être plutôt une bonne idée. »

Invité

Une grande lecture, Misato l’était. Elle adorait lire et à part étudier et nager, elle ne faisait que ça. Elle n’avait pas de préférence, elle lisait tout : les romans, les bandes dessinées, les poésies, etc… Et en plus à une vitesse étonnante, comme l’on buvait de l’eau. Les gens dans son entourage avaient toujours été étonnés par son goût pour la lecture, et presque tous les cadeaux qu’on lui faisait étaient des livres. Bref, fermons la parenthèse sur son amour pour la lecture, ce n’est pas ce qu’il y a de plus important. Retournons plutôt à nos deux jeunes filles.

« Oui, je lis beaucoup. En ce moment je relis Les Indifférents d’Albert Morovia, un livre très intéressant. » Répondit assez rapidement Misato à son interlocutrice. A ce qu’elle avait entendu, Shizuko lisait beaucoup également : en voilà un point commun. Elle continua ensuite en hochant plusieurs fois la tête après s’être bien assise sur la roche de sorte à être quand même un peu à l’aise. « Et, c’est vraiment bien de sortir un livre en main au cas où l’ennui pointe son nez, je fais tout le temps ça. »

Elle passa quelques mèches qui voltigeaient dans l’air à cause du vent derrière son oreille et elle posa ses deux mains sur la roche en montant ses épaules, de sorte à être encore plus à l’aise. Elle posa son regard sur Shizuko en arborant sur son visage un joli petit sourire qui lui donnait l’aspect d’une jeune fille douce et sociable, ce qu’elle était.