Il était dix heures ce samedi matin-là quand Akutsu s'était décidé à franchir les quelques mètres qui le séparaient de l'appartement voisin. A cette heure-ci, il espérait bien que Cathan ne soit pas encore occupé à s'entrainer ou parti il ne savait où. Dix heures, ça paraissait raisonnable et il avait bon espoir de le motiver pour aller déjeuner tous les deux quelque part en ville. Au passage, ils pourraient même aller chercher Jiro et le traîner avec eux. Depuis que son ex-colocataire avait déménagé et encore plus avec le début des vacances, ils se voyaient beaucoup moins et cela ne lui plaisait qu'à moitié. Il l'avait quand même vu déprimer pendant un bon moment et ce même si au téléphone, il lui avait donné l'impression de rayonner la dernière fois qu'il l'avait eu.

Akutsu ne toqua que trois fois à la porte, se présentant assez fort pour être entendu du salon s'il y avait quelqu'un. Il ne connaissait pas trop les habitudes des locataires de l'appartement 2. Pour peu que l'un d'eux soit un lève-tard, il préférait s'abstenir de sonner tant qu'il pouvait faire autrement. De toute façon, Cathan n'était pas très souvent dans sa chambre – même la nuit en fait, le jeune homme savait qu'il passait pas mal de celles-ci dans le lit de quelqu'un d'autre.

Ce ne fut pourtant pas son grand-frère qui vint lui ouvrir, mais son colocataire allemand. Sans pouvoir s'en empêcher, le rouquin le reluqua brièvement avant de lui adresser son plus beau sourire. S'il n'était pas l'une de ces midinettes qu'il avait en cours, il comprenait parfaitement la fascination qu'elles pouvaient éprouver à l'égard du blond, tout comme l'intérêt que les garçons lui portaient pour ses connaissances insolites.

« Hi there ! Désolé pour le dérangement. Je cherche Cathan, il est là ? »

Jour de congé pour Gabriel, sa coéquipière s'occupant de la bibliothèque à sa place. Réveillé par la douleur dans sa jambe, il s'était levé tôt, et avait vu passer Nalini Djan, mais pas Cathan. Certainement sortit cette nuit, pour aller ou, ça, ce n'était pas son affaire. Café, clope et tour des flux d'information sur son ordinateur, avant de se mettre aux exercices physiques. L'action lui manquait horriblement, et faire de la musculation n'était qu'une maigre compensation, mais c'était déjà mieux que de rester immobile à se morfondre sur le canapé.

Vêtu d'un pantalon de jogging et d'un marcel blanc, les cheveux attachés sur la nuque, il effectua étirements et autres exercices dans la mesure de ses capacités, avant de passer à la barre installée par Cathan. Une riche idée, cette barre de traction. Si ses jambes se refusaient de la porter convenablement, ses bras eux, étaient encore largement en état. La télévision, allumée sur une chaine de grande écoute, diffusait sans discontinuer des images d'idoles dans des décors acidulés qui souriaient, s'agitaient et paillaient sur des rythmes pop et colorées. Japan.

Le blond était concentré sur sa barre, lorsque 3 coups secs résonnèrent à la porte, le faisant s'arrêter, un sourcil levé. Reposant ses pieds nus au sol, il récupéra sa petite serviette pour s'essuyer la nuque, et clopina jusqu'a l'entrée, ou il eut la surprise de découvrir le juvenile prof d'anglais, qui lui adressa un sourire à la hauteur de l'image que Gabriel se faisait de lui. L'expression de gabriel fut quelque peu sceptique face à cette présence, tout comme à son introduction. Ah oui, évidemment. Cathan. Décidément bien collés l'un à l'autre ces deux la.

" Pas aux dernières nouvelles, mais j'imagine qu'il ne devrait pas tarder."

Gabriel se détourna, se rapprochant de la table basse pour attraper la petite bouteille d'eau minérale qui s'y trouvait. Il ne cherchait pas vraiment la compagnie, mais n'était pas vraiment solitaire. Plutôt sociable en vérité. Suffisamment pour que l'intrusion d'un étranger dans l'appartement ou il logeait ne le dérange pas plus que ça.

"Vient l'attendre ici."

Lança t'il par dessus son épaule avant de boire une gorgée d'eau et de s'essuyer du revers de la main.

« Okay, thanks. »

S'il y avait une chose infiniment plaisante dans l'appartement 2, c'était bien ses habitants. Outre le mélange composite des différentes personnalités, lequel mélange semblait promettre une guerre imminente, c'était l'aspect visuel qui le ravissait surtout. Certes, parmi cet ensemble se trouvait son frère et la petite remarque amusée de celui-ci au cours de l'une de leur soirée était restée gravée en lui. Il avait encore un peu honte, lorsqu'il y repensait, d'avoir passer autant de temps à le reluquer à Hamura. Mais c'était avant de savoir pour leur lien de parenté. Donc, depuis, il cachait ces souvenirs sous une épaisse couche de déni et de mauvaise foi.

Cependant, à moins que son père n'ait fait des folies avec une Allemande et que par un redoutable hasard, il ait un demi-frère blond bibliothécaire travaillant dans la même école que lui au Japon, le jeune roux ne voyait aucune raison limitant un reluquage intensif. Restait une question importante : l'autre le faisait-il exprès ? En lui emboitant le pas – sans mauvais jeu de mot – il ôta ses chaussures à l'entrée de l'appartement et referma la porte derrière lui. Son sourire s'étendit un peu plus en manquant de rejoindre ses deux oreilles et il le rejoignit dans le salon.

« Tu m'évites des souffrances atroces tu sais ? Je crois que Murakami m'aurait achevé s'il avait du me supporter en train d'attendre Cathan. »

Du coin de l'œil, il perçut du mouvement à l'écran. L'un de ses sourcils fit un écart vers le haut, vite rejoint par l'autre. S'il y avait un type d'émission devant lequel il n'avait jamais imaginé trouver le blond, c'était probablement celui-ci. Fan des idols ? Bah... Il lui restait bien ses marques-pages à lui, rare héritage de son adolescence qu'il possédait toujours.

« Je te dérange pas au fait ? T'as l'air d'être occupé... »

Il était bien temps de s'en inquiéter...

Gabriel pencha légèrement la tête avec une expression intrigué aux premières paroles de Moé. Murakami ? Une information sortit d'il ne savait ou - certainement de sa propension à chercher à tous savoir sur les autres et à le retenir sans même s'en rendre compte - lui revint en mémoire, et il se souvint du fait que ces deux la étaient colocataires. Colocataires. Le mot revetissait un aspect terriblement comique alors qu'il comparait le jeune chien fou qui se tenait à coté de lui et l'homme coincé et irritable qu'il avait reçu dans sa bibliothèque 2 jours plus tôt. Il l'avait un peu aidé ce jour la. Un peu. Mais son aura était déjà dévastatrice dès son entrée.

"Je suis sur qu'il ferait passer ça pour du self défense. Je ne lui donnerais presque pas tort."

Rétorqua t'il avec un sourire charmeur, avant de rejoindre en boitillant la barre d'exercice. Un autre aurait hésité, trouvant cela un peu gênant que de continuer à pratiquer en présence d'un spectateur, mais Gabriel était depuis longtemps dégagé de ce genre de sentiment.

La question le fit sourire, et il ne mis pas bien longtemps à mettre le doigt sur le petit détail comportemental qui sonnait faux. Le comportement du jeune Moé, malgré un physique incontestablement masculin, était plus proche de celui d'une jeune femme gourmande que d'un homme, comme le témoignait son regard avide qui passait sur lui sans s'en cacher et son sourire faussement prude qui amusait bien Gabriel. Décidément, le protégé de Cathan était pour le moins particulier.

"Tant que toi ça ne te dérange pas."

Le ton était un brin moqueur, mais sans animosité. Il intercepta le regard sur la télévision et s'en amusa sans chercher à se justifier ou s’excuser. Pour quelle raison se serait il fatigué à ça ?

"Et pour quelle raison doit tu retrouver ta chère moitié aujourd'hui ?"

S'enquit il, alors que ses pieds décollaient du sol à la simple force de ses bras.

« Hey ! » protesta-t-il faiblement en réponse à la taquinerie du blond.

Son regard le suivit jusqu'à a barre de traction, l'abandonna momentanément pour le télé avant de revenir sur lui avec la dernière question. Il resta interdit un moment. Sa chère moitié ? Cathan ? C'était cette impression-là qu'ils donnaient ? Un sourire largement amusé étira ses lèvres quand il se retourna sans grande discrétion et fixa momentanément la photo qui trônait dans la cuisine. Évidemment, ça devait être le bibliothécaire qui l'avait prise.

En imaginant la tête de Cathan si d'aventure Ritter le charriait là-dessus - il était visiblement assez ouvert pour ça - Akutsu finit par être secoué par les soubresauts de son rire. Il essaya tant bien que mal de rester silencieux, de faire face à l'allemand qui s'entrainait, apparemment imperturbable, et finit par ancrer son regard dans le sien. Il aurait voulu être assez bon comédien pour jouer complètement le jeu du jeune homme interdit après s'être fait griller, mais l'idée était trop cocasse et lui bien piètre menteur en-dehors de quelques rares circonstances.

« Déjeuner au restaurant, rien que du très classique » répondit-il enfin, un rire mal contenu dans la voix. « Mais si tu t'ennuies, tu peux nous rejoindre. Promis, tu ne tiendras pas la chandelle. »

Il fouilla ses poches tout en parlant et finit par en extraire une petite boite de carton d'où il extirpa une cigarette. Au moment de la poser entre ses lèvres, le jeune roux sembla réaliser que ça risquait de gêner les habitants des lieux.

« Ça dérange au fait si je fume à l'intérieur ? »

Gabriel retourna à ses pensés, laissant le jeune homme se tortiller sur le canapé, apparemment curieux de ce qui l'entourait. Sa question, somme toute innocente, déclencha chez le jeune professeur un fou rire apparemment incontrôlable qui le fit s'agiter de soubresauts, ses gloussements étouffés venant rythmer avec une certaine harmonie la chanson que des jeunes filles en tenue de chat exécutaient de bon cœur à l'écran.

Sans s'interrompre dans son exercice, il se laissa aller à sourire avec amusement. La réaction d'Akutsu était sincère, donnant un nouvel indice à l'ex reporter quand à leur relation. Il l'aurait imaginé devenant rouge et gêné, mais ce rire franc portait à croire que c'était un lien d'une autre nature qu'ils entretenaient. Mais alors quoi ? Sa curiosité piqué au vif, il ne retint pas son cerveau lorsque celui ci se mis à comparer les éléments clés obtenus, cherchant à résoudre l'équation qui s'offrait à lui.

"Ais-je donc tellement l'air d'un âme en peine pour que l'on me propose sans cesse de sortir ?"

Le ton de sa voix tempérait l'agacement qu'aurait put contenir sa réplique pour laisser place à un amusement certain. Reposant le pied à terre, il se dirigea en boitillant vers la table basse, ou il se saisit de son paquet de cigarette abandonné la quelques temps plus tôt,

"Moi non. Mais Nalini Dji me lancera certainement un regard noir en pensant que je suis coupable du délit. Je vais éviter de la faire mentir alors."

Allumant sa cigarette, il porta son briquet sous le visage du visiteur, l'incitant à y allumer sa propre cigarette. Même si quelque part au fond de lui, il était gêné de voir une personne si jeune déjà accro à cette saleté contre laquelle lui même avait cessé de combattre. Mais cela faisait longtemps que Gabriel avait cessé de juger le comportement d'autrui et de chercher à imposer ses opinions, particulièrement dans ce genre de domaine.

"Toi et Cathan bossiez dans le même établissement il me semble ? C'est la que tu l'a rencontré ?"

Il s'était assis dans le fauteuil à coté du canapé, sa main libre frottant distraitement sa cuisse douloureuse.

Si Akutsu se montrait bien incapable de cacher ses émotions dans la plupart des cas, cette situation avait au moins une chose agréable : elle lui permettait aisément de se passer de mots. Aussi le jeune homme ne répondit pas à la question amusée du blond, ou du moins se contenta-t-il de hausser les épaules, l'air mutin. Peut-être que oui, peut-être que non, après tout lui ne lui faisait cette proposition guère que par jeu. Un peu, aussi, parce qu'il était curieux de connaître cet homme sociable mais qui, paradoxalement, mettait toujours une certaine distance entre les autres et lui. Il n'en fallait pas davantage pour intéresser le roux.

« Ce n'est pas très charitable pour elle. » commenta-t-il avec un sourire à l'évocation de la secrétaire, puis se pencha sur le briquet le temps d'allumer sa clope.

Il fumait peu, en général. Une ou deux cigarettes par jour, des fois pas la moindre. Le réflexe lui venait plus naturellement lorsqu'il attendait comme maintenant, histoire de s'occuper les mains, d'avoir une vague contenance en lieu et place de ressembler à une puce qui ne savait où fixer son attention.

« Il était à Hamura depuis quelques mois déjà quand je suis arrivé en début d'année. On s'est retrouvé colocataires avec Jiro Egawa. »

Il n'ajouta rien pendant quelques secondes, profitant du silence pour tirer une latte sur sa cigarette et regarda la fumée s'élever en volutes un peu avant de reprendre la parole.

« Enfin bref, du coup le courant passe bien. Et toi j'ai l'impression que tu essaies de voir plus que ce qu'il y a réellement entre Cathan et moi. » ajouta-t-il avec un sourire en coin, ramenant une jambe devant lui alors qu'il se tournait un peu plus vers le bibliothécaire. « Qu'est-ce qui t'intrigue tellement ? »

(Hum, le message est assez décousu je trouve o_o Désolée pour ça, j'sais pas trop pourquoi, j'ai eu du mal après le premier paragraphe.)

Le jeune arrogant ne pris pas la peine de répondre à sa question, se contentant d'un haussement d'épaule mimant à merveille l'individu peut intéressé par la question. Haussement d'épaules que Gabriel lui repris en guise de réponse lorsqu'il évoqua la jolie colocataire indienne. Sujet peu interessant, il avait présentement bien plus interessant sous la main : Un jeune homme prompt à la communication qui ne ferait pas trop de manières pour lui raconter ce qu'il voulait savoir sans qu'il ait réellement à lui demander. Le plus souvent, il suffisait de laisser parler les gens.

Akutsu mentionna l'ancienne école ou ils avaient travaillés, ainsi que le professeur d'espagnol, et Gabriel s'estima heureux de ne pas s'être retrouvé le 4eme membre d'une chambre ou ces 3 lascars se seraient connus de longue date et se seraient certainement intéressé de trop prêt à sa personne. Ou même, la simple idée de vivre dans le même appartement qu'akutsu.

L'insinuation du jeune homme fit naitre un sourire innocent sur les lèvres de gabriel, qui ne répondit pas immédiatement, son regard s'attardant sur la position du jeune homme. Jambes croisées, sur la défensive. Mais son air assuré corroborait ses propos, alors... Il y avait bien une petit quelque chose de pas très catholique dans leur relation, à un niveau ou un autre. Un sentiment ressentit à un moment, même par le passé, ne s'éteignait réellement jamais.

"Oui, le courant passe bien."

Reprit il, un peu désinvolte. L'image de Cathan laissant dormir le jeune professeur d'anglais sur sa cuisse lui revint en mémoire.

"Du peu que je connais Cathan, il n'est pas homme à se montrer détendu ou sans défense face à quelqu'un. Le comportement qu'il a avec toi m'intrigue par conséquent."

Autant jouer la carte de la sincérité. de toutes manières, qu'avait il a gagner ou à perdre ? Rien, si ce n'était un ennui trompé durant quelques instants.

Discuter avec le blond était définitivement amusant. Il ne savait pas exactement à quoi il pouvait penser à les visualisant, Cathan et lui. Quelque chose de relativement éloigné de la réalité, mais avec sa curiosité, il avait un bon potentiel pour découvrir la vérité un jour. Akutsu n'en avait aucune envie. Que son père ait eu un enfant avec une autre que sa mère, à peu près à l'époque où celle-ci allait mettre au monde Ikkaku, ne regardait que la famille. Uniquement elle, et bien entendu le rouquin et sa propre mère.

« Bah... » commença-t-il avec un haussement d'épaules et un sourire amusé. « Vous devriez lui en parler directement. Qui sait ce qui se passe dans sa tête hein ? »

Gentille manière de l'envoyer paître, s'il en était. Le jeune homme ne comptait absolument pas renseigner l'Allemand, au demeurant plus curieux et insistant qu'il n'était raisonnable de l'être. Cela dit, Cathan lui avait parlé un peu de son colocataire, et si sa mémoire ne lui faisait pas défaut, l'autre n'avait pas toujours été bibliothécaire. Quelque part, ça ne l'avait même pas surpris de l'apprendre : le gaijin n'avait ni le caractère, ni le physique d'un banal rat de bibliothèque.

« Vous avez été journaliste non ? Je peux vous demander pourquoi vous avez choisi de venir à la Ginkgo Gakuen ? Ça n'est pas pas vraiment... »

Il regarda brièvement autour d'eux.

« Disons pas le premier endroit auquel j'aurais pensé pour me poser après avoir voyagé de part le monde. »

Le jeune homme finit par esquiver les questions sur son ainé en renvoyant la responsabilité sur lui, ce qui fit sourire Gabriel. Il s'était attendu à ce genre de réaction. Marqué typique du petit secret larvé. Il adorait les secrets. Ou les détestais, selon la manière dont on voyait les choses. La ou certains ne supportaient pas de voir une jeune femme les jambes croisées, lui, il ne supportait pas de voir un secret ainsi scellé, surtout lorsque les signes de sa présence étaient si flagrants.

Choisissant de renverser les rôles, le prof d'anglais le questionna à son tour, cherchant à comprendre la raison de sa présence ici... Ou cherchant tout simplement à changer de sujet.

"Qu'est-ce que tu en sait ? Voyage à travers le monde avant d’émettre ce genre d'opinion"

Son expression était gentiment blagueuse, mais le ton était malgré lui dur et directe. Parce que la réflexion l'agaçait réellement. Il ne supportait pas les gens qui supposaient à haute voix des choses sans le moindre argument. Il inspira une dernière fois sur sa cigarette, avant de sortir l'écraser sur le cendrier du balcon. Revenant en claudiquant, il se laissa tomber dans son fauteuil sans cacher le soulagement que lui procurait de soulager sa jambe.

"Le japon est un beau pays, et sa scolarité est exemplaire. J'aime ce genre d'endroits. Il convenait à mon humeur."

Il se renversa légèrement en arrière, jetant un œil à la télévision qui continuait d’émettre sans discontinuer des clips d'idole, certains particulièrement psychédéliques.

"Et il n'existe pas d’expériences qui ait moins de valeurs qu'une autre dans la vie."

Son ton s'était fait un peu songeur, alors qu'il songeait distraitement aux autres endroits ou il aurait put venir. Rien d'autre ne lui venait. Chez ses parents ? Il n'aurait pas été tranquille. Le japon restait le pays de sa femme, et à travers lui, c'était sa présence qu'il pouvait sentir, diffuse. C'était insuffisant, mais c'était déjà quelque chose.

Quelque chose chez le blond le heurtait. Il ne savait pas précisément si c'était du à son éducation japonaise, laquelle ressortait quand même par certains côtés de sa personnalité même s'il n'en donnait pas l'impression, ou s'il s'agissait tout simplement de la personnalité de l'Allemand. Quoi qu'il en soit, Akutsu haussa un sourcil à la réponse apparemment blagueuse, mais qui avait fusé trop vite et était trop directe pour ne pas révéler le fond de la pensée de son hôte. Il ne commenta pas. Deux raisons à ce fait : d'abord il ne tenait pas à justifier sa remarque, ensuite il ne voulait surtout pas que l'autre en revienne à son propre cas.

Il fut bien récompensé puisque malgré la dureté de sa première remarque, l'ex-journaliste revint s'asseoir en claudiquant avant de lui répondre. Akutsu s'était parfois demandé comment il s'était blessé si gravement à la jambe, mais jamais il ne lui serait venu à l'esprit de poser la question. Il avait l'impression diffuse qu'elle était pourtant liée à sa réponse et ce n'était pas l'expression songeuse, peut-être un peu douloureuse même qu'arborait l'autre qui le ferait changer d'avis.

Finalement, ils étaient aussi curieux l'un que l'autre. Ce fut avec une pointe d'amusement que le roux s'en fit la remarque, se gardant là-encore de l'exprimer à voix haute. Le visage de son frère s'imposa également à son esprit, lui rappelant son côté totalement inquisiteur lorsqu'il ne se surveillait pas. Si, toutefois, il lui arrivait de ne pas mesurer chacune de ses paroles et parfois le plus jeune en doutait. L'enseignant n'aurait en tout cas pas voulu être à la place de Nalini ou Tizziano – pas de ce point de vue là en tout cas.

« Je suppose qu'elles nous enseignent toutes quelque chose... »

Mais il avait le sentiment que l'autre avait une réflexion plus profonde que la sienne sur le sujet. Akutsu se posait assez peu de questions sur la qualité des expériences qu'il vivait. Il essayait dans la mesure du possible de faire ce dont il avait envie, réfléchissant aux conséquences quand son impulsivité lui en laissait le temps. Ce qu'il apprenait... Il s'éternisait rarement là-dessus.

« Vous ne vous ennuyez pas à l'école ? J'ai beau aimer les livres, j'avoue que je ne sais pas si je supporterais d'être cloîtré dans une bibliothèque. J'aurais trop envie de me défouler ou de sauter partout. »

Remarque un peu maladroite peut-être compte tenu du handicap de l'autre homme. Qu'importe, il ne pouvait revenir en arrière – et du reste se disait qu'il venait d'enfoncer le clou sur sa ressemblance avec les chiots. Cathan lui en parlait bien assez. Si l'Allemand lui faisait part de la conversation au détour d'une autre, il risquait de ne jamais oublier ces quelques mots lâchés trop vite.

Jeune mais pas totalement obtu, le jeune homme face à lui se fendit d'une remarque modérée, montrant qu'il acceptait de revenir sur ses propos, même si avec une certaine retenue. Ce qui montrait qu'il ne changeait pas non plus d'avis de manière radicale. Ce comportement lui plaisait. Comme si Akutsu avait vent de ses pensées, il s'empressa d'en revenir à son comportement d'excité au travers de ses paroles, faisant revenir au triple galop l'image de jeune homme agité qu'il donnait jusque lors. La bouche de Gabriel se tordit en un rictus amusé face à cette question un peu tordue. La remarque ne le gênait d'aucune manière, ce n'était pas parce que lui ne pouvait plus marcher que les autres ne devaient plus faire mention de leurs propres envies et actions.

"Je n'ai jamais été du genre à "sauter partout ""

Répondit il lentement avec un sourire et un petit bruit de gorge qui pouvait s'apparenter à un rire. La question était néanmoins pertinente quelque part. Oui, il s'ennuyait. Comment aurait il put en être autrement ? Ce qu'il souhaitait faire n'était plus à sa portée, et celle qui partageait sa vie n'était plus. Ne restait qu'un vide impossible à re remplir. Alors, ici ou ailleurs... La relative austérité de la bibliothèque convenait à son humeur, et lui donnait la possibilité de cultiver ses plantes en pots sans trop se donner l'impression d'être à la retraite. Dire que ce genre d'occupation et de loisirs ne lui avaient jamais semblé diminuant du temps ou il était encore valide, mais désormais... La gêne était légère, diffuse, mais présente. Il se surprenait lui même de ses propres sentiments parfois, croyant avoir atteint le détachement necessaire. Il avait fait preuve de trop d’orgueil.

"Et puis, tu sais, les livres sont une autre façon de voyager. "

Le ton était peut-être légèrement condescendant, celui utilisé pour expliquer quelque chose à un enfant, mais il était souvent si difficile d'expliquer certaines philosophies. Beaucoup ne voulaient pas voir ni même considérer la possibilité que les livres puissent permettre à l'esprit de voyager aussi bien que le corps. C'était juste de manière différente. Un corps qui voyage et un esprit prisonnier aurait été eux aussi de peu d’intérêt.

C'était peut-être pour cette raison que Gabriel avait cessé de voyager, alors que même sans travail à effectuer, il aurait put aller à de nombreux endroits.

Il voulait bien croire que Ritter n'avait jamais été du genre à sauter partout. Courir, peut-être, sûrement même. Courir à la recherche d'informations, courir pour le sport ou n'importe quelle autre raison qui puisse s'avérer bonne. Sauter... Indépendamment de sa jambe, ça ne semblait tout simplement pas dans son caractère. Akutsu se détendit néanmoins un peu de constater qu'il n'avait pas pris ombrage de sa remarque maladroite et se permit un sourire à la réponse jusqu'à ce que le blond ne la complète de ce ton condescendant qui le faisait se sentit comme un enfant face à lui. Impression renforcée par l'aura de l'autre et cette tendance quasi pathologique qu'il avait à prendre les gens pour des cons. Surtout quand ils avaient 24 ans et affichaient un enthousiasme qui paraissait sans limite.

Peu susceptible toutefois, il choisit de ne pas s'offusquer du ton employé. Le blondinet ne le connaissait pas et avait à l'évidence autant d'a-priori que lui-même sur le reste du monde. Le roux se demanda très brièvement s'il en avait conscience, mais préféra ne pas s'attarder sur la question, la gardant dans un coin de tête pour les conversations futures.

« Totalement d'accord ! lança-t-il donc avec un sourire éclatant renforcé par un léger air de moquerie. Mais si l'imagination travaille et qu'on peut s'extasier sur des photographies, je pense que voir les choses par soi-même a une autre saveur.

Bon je n'ai pas autant voyagé que vous, mais en 24 ans j'ai quand même vu pas mal d'endroits. Ça aide aussi pour travailler l'imagination ensuite : on a des références, des souvenirs, les sensations qui y sont liées. Les livres à eux-seuls ont un grand pouvoir en la matière, mais... Comment dire ? Il manque quelque chose si on se limite à eux. »

Pris dans son élan, il n'avait songé ni à ses yeux qui brillaient – tant à la mention de livres que de voyages d'ailleurs, ni au sourire qui faisait deux fois le tour de sa tête. On abordait là l'une de ses grandes passions et grand gamin ou non face à un adulte presque blasé de tout, il se laissait emporter par son enthousiasme.

(Réponse d'anniversaire \o/)

Loin de deviner la pièce qui se jouait dans son appartement, l'américain était tout simplement parti courir de bon matin, s'offrant un long jogging au travers le parc puis les bois qui avaient laissé son débardeur blanc collé à la peau par la sueur. La présence de Luca comme Gabriel dans le même appartement que lui était un bon motivateur pour ne pas perdre une once de ses capacités physiques. Le rouquin se retrouvait plus fréquemment qu'il n'aurait cru dans une salle de sport ou en train de courir, à s'occuper d'une capacité musculaire qu'il avait presque délaissé à son arrivée au Japon. Presque, il n'aurait pas imaginé se ramollir complètement, sa parano ne lui aurait pas permis. Il avait simplement retrouvé un rythme plus proche de celui qu'il avait quand il bossait en tant qu'agent.

En entrant dans le bâtiment, Cathan repoussa ses lunettes de soleil en arrière. Quelques mèches d'un roux incandescent s'étaient échappées de sa queue de cheval nouée à la va vite, lui donnant vaguement l'air d'un hippie d'une autre époque qui s'était infiltré dans le domaine du lycée, loin de l'image un peu plus sage qu'il observait quand il donnait ses cours. Et à des milliers d'années-lumière de l'homme aux cheveux courts et teints en brun, habillé dans en costume noir, qui travaillait au FBI.

Quand il poussa la porte de l'appartement, ce fut pour se retrouver face à une scène à laquelle il ne s'attendait pas vraiment : un Akutsu en train de parler à Gabriel, les yeux brillants d'une excitation à peine contenue. Nul besoin de regarder le blond pour savoir qu'il serait posé et réfléchi comme à son habitude, intégrant et réfléchissant aux informations à sa manière de journaliste en donnant l'impression qu'il était inoffensif.

" Une partie de thé dans mon appart et je ne suis même pas au courant ? Tu essaies de faire peur à Akutsu Gabriel ? "

Le métis était repassé à l'américain sans même y penser, comme souvent avec Gabriel et quasiment toujours avec son demi-frère. Pourquoi utiliser une langue dont les subtilités imposaient une certaine retenue quand il avait sa propre langue à disposition ?
La rencontre l'amusait énormément. Il n'y avait pas à chercher bien loin pour deviner que son cadet avait pour Gabriel le même genre d’intérêt qu'il avait eu pour lui quand il l'avait vu faire du sport sous son nez. Au moins, Akutsu n'était pas quelqu'un de trop compliqué à cerner.

Gabriel haussa les sourcils à la réaction un peu trop enthousiaste, avant de sourire, un leger amusement dans le regard.

"Evidemment. Je me console comme je peux de ne plus voyager"

Semi confession qu'il lui faisait en cet instant. Il ecrasa sa cigarette dans le cendrier à portée, avant de faire craquer sa nuque. L'échauffement de l'exercice était retombé, il lui faudrait recommencer sa série du début. Bah, au moins aurait il un peu conversé avec le Cathan junior, dont le dynamisme et la joie de vivre ne semblaient plus à démontrer. Peut-être était-ce ça que son colocataire aimait chez lui, un peu comme une bouffée d'air frais ?

"Tu es allé ou ?"

Il ne releva pas la mention concernant son âge, sentant le reproche sous jacent dans les paroles d'Akutsu. Sa question n'était pas une repartie de politesse mais relevait d'un réel interêt, curieux également dès qu'il s'agissait de parler d'ailleurs. Son interlocteur n'eut pas le temps de répondre, que l'objet initial de sa venue entrait dans la pièce, un marcel trempé de sueur sur le dos, revenant visiblement d'un petit jogging. Gabriel refrena une petite vague de jalousie à cette vue. Il aurait volontier été l'accompagner si les choses avaient été différentes. Mais bah, penser à ce qui n'était pas n'avançait à rien.

Son colocataire les interpella en anglais, ce qui amusa Gabriel. C'était la langue qu'ils utilisaient le plus souvent entre eux, plus confortable, même si pour Gabriel, natif d'allemagne, l'anglais n'était pas plus sa langue favorite que le japonais. Quand au jeune professeur d'anglais, etait-ce une manière comme une autre de pratiquer sa matière, ou avait il vécu quelques années en territoire anglophone ?

"Difficile de trouver quelque chose qui sucite la peur et non pas la curiosité chez lui"

Répondit le blond, un petit sourire au coin des lèvres.

Le bruit de la porte d'entrée le coupa dans son élan, au moment même où il ouvrait la bouche pour formuler sa réponse. Comme son interlocuteur, Akutsu tourna la tête pour fixer une silhouette désormais bien connue, celle d'un grand-frère qu'il n'avait jamais espéré rencontrer et qui s'avérait plus agréable que le seul connu auparavant. Il revenait d'un jogging et c'était là l'activité la moins surprenante pour expliquer son absence, au final. Le sourire du plus jeune des deux rouquins s'agrandit un peu, faisant fi des moqueries échanger à son égard entre ses deux aînés.

« Et encore, je me suis assagi ! »

Un sourire en coin seul souligna ses propos qu'il ne comptait de toute façon pas éclaircir pour le blond, pas plus qu'il ne comptait expliquer son accent new-yorkais. Cathan connaissait déjà assez de choses sur ses aventures adolescentes pour comprendre immédiatement de quoi il parlait quant à lui. L'espace d'un instant, Akutsu se demanda tout de même à quoi penserait l'allemand s'il voyait son tatouage. L'ancien journaliste en savait sans doute assez sur le Japon pour faire le rapprochement – faux en l'occurrence – avec les yakuzas, mais aurait-il ce réflexe immédiatement... ?

« Vous deux par contre, vous êtes certainement pires que moi. »

Un reniflement moqueur accueillit la déclaration d'Akutsu. Assagi ? Certes, il faisait moins de conneries apparentes, rien qui ne méritait de finir avec les menottes au poignet, mais le jeune homme homme était tout sauf une gentille bestiole d'intérieure bien dressée. Cat lui donnait encore une paire d'années avant qu'il ne s'assagisse vraiment et se cale dans la vie traditionnelle japonaise.

D'un geste nonchalant, l'ex-agent déposa ses clefs sur le comptoir qu'il contourna pour aller jusqu'au frigo où il pêcha une bouteille d'eau qu'il s'empressa de délester d'une partie de son contenue à grandes gorgées. Une fois désaltéré, il lança un sourire goguenard à Gabriel, ignorant à dessein le plus jeune d'entre eux. A moitié vautré sur le comptoir, le second rouquin avait bien tout du non-assagi dont venait de parler Akutsu. De toute façon, chez lui, tout n'avait était qu'image. Même quand il avait gentiment porter un costume et une plaque pour faire plaisir à ses supérieurs, tout cela n'avait été que prendre l'image à laquelle on voulait qu'il se conforme. A quoi se battre quand il était plus aisé de s'insinuer dans le cours d'eau pour ensuite faire exactement ce que l'on désirait ?

" Pas faux. Avoir peur demande plus de neurones que ce jeune chien n'est capable d'en allumer hors de ses cours."

Plus amusant de parler de lui que des possibilités concernant les deux aînés aux caractères diamétralement opposés, l'un qui ne semblait jurer que par la vérité et dont l’honnêteté était parfois douloureuse, l'autre dont mentir était devenu une profession de foi et qui cherchait tous les faux semblants chez les autres. Pas étonnant que la cohabitation soit parfois délicate malgré la fausse apparence de tranquillité entre eux deux. Dans un accord tacite s'était établie une sorte de trêve où ils se contentaient de danser autour des sujets délicats. O, nul doute que Gabriel devait faire ses petites recherches comme Cathan menait les siennes, mais en apparence, les eaux étaient calmes comme dans un lac.

Tout sourire, Akutsu relança la balle avec malice, les incluant d'office dans le même sac. Ils étaient pourtant aussi différents qu'il était possible de l'être. A la reflexion de Cathan, Gabriel ne put s'empêcher d'hausser les sourcils avec un air surpris, avant de se mettre à rire, les larmes aux yeux, face aux reflexions du professeur de Mathematique. S'il l'appreciait, il n'était pas le premier à le défendre. En apparence. Gabriel trouvait toujours surprenant qu'un individualiste comme lui semble s'être trouvé un tel point d'attache.

Les épaules tressautantes au rythme de son hilarité, Gabriel se pencha légèrement en avant, se rallumant une cigarette. La présence du rouquin l'incitait à fumer d'autant plus.

"C'etait peut-être mon cas"

Fit il remarquer un peu ironiquement. Oui, au final, pour ne pas avoir peur la ou il était allé, il fallait bien être un peu idiot... Mais pourtant, il se rapellait avoir eut peur, et avoir aimé ça. Ce qui était peut-être pire. Il jeta un oeil à son colocataire qui avait, encore une fois, habilement détournée la conversation vers un sujet autre que sa propre personne. Il n'avait quasiment jamais réussi à le faire parler de lui même. Une telle modestie cachait forcement quelque chose, mais quoi ?

Il ne savait pas ce qu'il cherchait chez lui, et peut-être même que son esprit dérangé assoiffé de mystère et de vérité à découvrir lui faisait voir des secrets la ou il n'y en avait pas. Peut-être qu'il était simplement modeste. Mais il aurait pourtant voulu savoir.

"Bon allez, partez à vos occupations que je puisse reprendre mes exercices. J'ai du faire le garde chiourme pendant que toi tu faisais les tiens !"

Lacha t'il, sortant un peu de sa reserve coutumière.

Parfois, Akutsu rêvait qu'il était une petite souris capable de s'incruster dans le passé des gens. C'était moins une forme de curiosité un peu malsaine que l'envie d'éclaircir un certains nombre de questionnements que Gabriel comme Cathan faisaient naître en lui. Pourtant le blond s'exprimait relativement facilement sur sa vie, mais le roux se refusait à l'interroger sur des choses vraiment trop intimes. Il estimait déjà avoir été bien loin pour la journée, même peut-être un peu trop.

En tout cas le changement de sujet fut apprécié, bien qu'encore une fois il en fut la victime. Les nombreuses plaisanteries de Cathan à son égard l'avait toutefois vacciné contre elles et il accueillit la taquinerie d'un haussement d'épaule indifférent doublé d'une esquisse de sourire en coin. Et à l'invitation si subtilement prononcée par l'Allemand, il chercha à croiser le regard de son grand-frère.

« T'as pas oublié le resto rassure-moi ? »

Akutsu profita de s'adresser uniquement à l'Américain pour se lever du canapé et le rejoindre. Arrivé près de lui cependant, il se souvint de sa précédente proposition lancée au gaijin blond et se tourna donc à nouveau vers lui, un immense sourire lui mangeant le visage et annonçant déjà l'ânerie qu'il comptait lancer.

« Vous êtes sûr de vouloir rester seul au fait, Herr Ritter ? » lança-t-il donc, son mauvais accent allemand camouflé par son rire.

Un nouveau ricanement s'échappa des lèvres de Cathan au terme utilisé par Gabriel à propos de son frère. Loin de leurs élèves et des salles de cours, c'était tout naturellement que le cadet de l'équipe enseignante se retrouvait à cette place un peu batarde de gamin, place qu'il cultivait avec un intérêt farouche. Abandonnant sa bouteille d'eau sur le comptoir, l'américain fit le tour, passant à côté d'Aku juste pour le plaisir d'ébouriffer les cheveux du plus jeune. Lui donner l'impression d'avoir moins de vingt ans était quelque chose dont il ne se lassait pas depuis qu'il avait pris ce poste de grand frère sans y avoir été préparé. Sans aucun doute les choses auraient été différentes si Akutsu avait été plus sérieux – plus « nippon » même pourrait-il dire – et le lien du sang serait restait juste cela : un lien du sang sans réalité émotionnelle. Et à la place, il se retrouvait à apprécier ce gamin avec sincérité. Idée agaçante autant qu'amusante.

«  Non, je ne suis pas encore tout à fait sénile. Laisse moi juste 5 minutes pour me doucher et me changer, je n'entrerai nul part dans cette tenue, et hors de question qu'on reteste les fast-food jap. Il n'y a même pas assez pour nourrir un nain anémié avec ce qu'ils servent. »

Une des capacités qu'il se devait de reconnaître à son frère était sa facilité à s'insérer partout avec une certaine aise. Que ce soit avec sa position de gamin ou avec sa culture, il rentrait dans la discussion sans élever d'animosité avec une certaine grâce. Ô, il ne doutait pas de ses capacités à se transformer en petit con qui demanderait à être lynché, mais dans le lycée, sa réputation était plus celle d'un chiot enthousiaste mais facile à vivre que d'un emmerdeur patenté. Pas des capacités de caméléon comme lui, joyeusement abandonnée par une rivalité inutile mais plus réaliste face à Gabriel, mais de réelles capacités avec les autres.

Cinq minutes plus tard, faisait preuve d'uns singulière ponctualité, Cathan revenait propre et habillé correctement, à l'exception des mèches rousses humides qui dansaient follement sur ses épaules, et embarquait son cadet par le bras en direction de la sortie, abandonnant un Gabriel à sa mélancolie.

« Tchüss Gabe, à tout à l'heure. »