Un peu à l'écart du tableau des résultats où se pressaient les étudiants, Eiji s'était appuyé sur une fenêtre ouverte et observait le parc sans rien dire, essayant de passer outre les gloussements excités ou les cris de joie. Le résultat n'avait pas été tellement étonnant au vu du travail fourni ce dernier mois, mais se voir dans les dernières lignes du tableau d'affichage avait quand même été difficile à avaler. Dans son précédent lycée, au niveau bien moindre, Eiji n'avait pas vraiment eu de soucis à se faire quand à ses résultats. Il n'avait jamais dans le top ten, mais s'en sortait sans déshonneur... mais vu le niveau de l'établissement dans lequel il se trouvait maintenant, le manque de travail et d'assiduité n'avait pas pardonné.
Avec un regard désabusé de Kantaro, sans surprise en haut du classement, le kendoka s'était éloigné de quelques pas pour laisser la place libre aux autres étudiants et surtout pour réfléchir un peu.

Avec ces résultats, il se retrouvait bloqué au lycée pour les trois prochaines semaines, à suivre les cours de rattrapage avec les quelques autres bougres qui n'avaient pas mieux travaillé que lui.
L'un dans l'autre, l'idée ne le dérangeait pas tant qu'elle aurait pu le faire. Le lycée serait plus tranquille, il aurait probablement le dojo à lui tout seul et... il n'avait de toute façon rien prévu de plus. Il n'avait guère envie de voir l'un ou l'autre de ses parents et la belle-famille qui allait de paire avec, et même s'il adorait ses grands-parents, il y avait fort à parier qu'il ne couperait pas aux leçons de morales qui viendraient avec un comportement aussi léger que le sien. Non, au final, la privation de sa liberté en vue de se remettre à niveau n'était pas si difficile à accepter.

Le jeune homme croisa ses bras sur le rebord de la fenêtre et appuya son visage dessus, se penchant légèrement pour sentir sur son visage un courant d'air chaud chargé de senteurs du dehors. Par rapport à l'air frais des bâtiments climatisés, la chaleur extérieur semblait insupportable.
Il avait beau voir tous les points positifs de cette affaire, le sentiment d'échec était quand même là, bien pressant, rongeant ses entrailles sans tendresse. Sa moyenne avait baissé, il se retrouvait dans les derniers de sa classe... difficile de garder le sourire dans ces conditions. Encore heureux, sa place dans le club de kendo ne se voyait pas remise en question après un tel fiasco.

Le troisième année ne devait pas être le seul à être déçu par les résultats s'il pouvait en juger par rapport à quelques silhouettes qui s'étaient éloignées en vitesse sitôt les résultats aperçus, le visage sombre quand il n'était pas plein de larmes. Le fait de ne pas être seul dans sa misère ne rendait pas l'affaire plus agréable, loin de là, même si à la vu les données du tableau, il savait d'ors et déjà qu'il ne serait pas seul dans sa chambre cet été. Avec un petit côté mesquin, Eiji en était presque content, pensée qu'il écrasa vite fait au fond de son esprit.

Quelqu'un effleura son bras, lui faisant détourner les yeux sur une silhouette bien connue à qui il dédia un petit sourire. Les réfugiés du fond du tableau semblaient avoir le besoin de se regrouper.

L’affichage des notes était imminent, et pourtant, il n’arrivait pas à ressentir le moindre stress. En même temps, à quoi bon se stresser sur l’inéluctable ? Les examens étaient passés, qu’il s’inquiète ou non ne changerait rien. En fait, ce qui l’inquiétait plus en cet instant, c’était la chaleur écrasante de l’extérieur qui lui faisait tourner la tête. Ca ou intérieur gelé par la climatisation, difficile de savoir ce qui était le pire…

Le blond n’avait aucune idée d’ou étaient affichés les résultats, mais bien vite, un mouvement de foule ordonné vers la salle d’affichage lui montra la voie à suivre. Avec un petit sourire désabusé, il lui suivi, s’approchant à son tour du tableau, et, pratique, commença à chercher son nom par le bas. Bien lui en pris… Même si la vue de son résultat lui fit manquer de s’étouffer. Raté d’un point ! C’était un peu fort. Et un peu rageant. Pour un peu il en aurait fait son parano et mis cela sur le compte d’un professeur qui aurait nivelé ses demis points vers le bas par racisme primaire. Mais, bah après tout… Levant les yeux, il aperçu le nom de Kantaro en tête du tableau, et un petit sourire torve.

Il s’éloigna un peu, tirant sur le col de sa chemisette qui lui tenait trop chaud sans qu’il ne lui vienne à l’esprit de l’ouvrir un peu, la phobie de montrer le moindre cm de sa cicatrice toujours bien implanté dans son esprit. Déjà que montrer ses avants bras marqués lui était difficile… Pour ça, il n’aimait pas l’été. Et puis la chaleur, la moiteur, urgh. Son regard accrocha la silhouette d’Eiji, et il se dirigea droit sur lui, posant lourdement sa tête sur son épaule sans se préoccuper de la présence de Dojima.

« Un point. UN point. Je suis sur qu’ils l’ont fait exprès. »

Réalisant la présence juste à coté de lui, il tourna légèrement la tête, mettant un petit moment à reconnaître cette fille qui pourtant lui disait quelque chose, avant de resituer : La petite sœur du beau gosse de leur classe, celui la même qui tenait parfois tête à Eiji au dojo !

« Et ton frère, il reste pas pour l’été lui ? »

Lança t’il sans espoirs à son attention, sans se déloger de l’épaule du brun.

A ses côtés, Dojima-chan affrontait la situation avec tout le calme et la dignité qui la caractérisait malgré ses yeux brillants de larmes contenus. Sa deuxième épaule fut elle aussi prise d'assaut, cette fois par la tête de Hugh qui se posa lourdement dessus, évoquant avec rage sa note tout juste en dessous de la moyenne demandée. Un instant, au delà de la gravité de la situation, Eiji ne put empêcher son sourire de s'élargir un peu plus, amusé de la scène qu'ils devaient montrer tous les trois : avait-il à ce point l'apparence d'un pilier que ses deux amis puissent ainsi venir s'y reposer ? Il espérait que c'était le cas oui.

Il secoua la tête à la question de Hugh. Sans avoir besoin de vérifier le tableau, il pouvait parier que Ryosuke, comme Kantaro ou Tatsuya, ne risquait pas de se retrouver avec eux pour les cours de soutien pendant les vacances. Aussi agaçants qu'ils puissent être, Eiji ne pouvait que reconnaître qu'ils avaient travaillé, en plus des capacités qu'ils faisaient déjà montre en classe en temps normal. Ce qui était d'autant plus rageant pour sa petite kohai de 1ère année, travailleuse et sérieuse comme une fourmi. Si lui pouvait se dire que son esprit avait été dérangé par autre chose, bien loin du étude et du sérieux pendant ce mois de révision, ce n'était pas son cas.

" J'ai bien peur que tu doives te contenter de ma présence Hugh. "

D'un geste doux, le troisième année passa son bras autour de la frêle silhouette de la petite japonaise, essayant dans un simple geste de lui transmettre tout le soutient qu'il pouvait lui offrir. Celui du sempai qui aimait discuter avec elle dans le dojo, mais aussi celui de l'étudiant, qui, comme elle, baissait les yeux devant les résultats inéluctables du tableau, à la traîne derrière les autres au point de devoir en sacrifier ses vacances pour retrouver le niveau attendu dans cette école. Pour une rare fois, Eiji regrettait d'être dans une école qui demandait un bon niveau, et pas dans une école public plus standard qui aurait accepté ses notes un peu plus basse.

" Je suppose qu'on doit voir ça comme une chance, d'avoir l'école à nous pour l'été. Le dojo quasiment vide en continue sans avoir à supporter les karatékas... On pourra en profiter pour faire ce qui nous est impossible à faire durant l'été... pourquoi pas un Hyakumonogatari Kaidankai pour faire fuire le yokai qui nous a clairement dérangé pendant les examens ? Ca te fera des photos intéressantes Hugh !"

La voix du jeune homme s'animait au fur et à mesure qu'il parlait, cherchant à faire partager une bonne humeur quelque peu simulée pour remonter le morale de ses condisciples et le sien au passage. S'il n'était pas sur que faire fuir ou même invoquer un yokai soit une bonne idée, se réunir la nuit dans le dojo pour raconter des histoires en effectuant un vieux rituel pourrait par contre les aider tous les trois à surmonter leur déception. Même si les cours étaient imposés pour les remettre au niveau, personne ne leur interdisait de prendre un peu de plaisir à ce qui n'était pas en soi une punition, mais une manière comme une autre de les aider. A eux de prendre le taureau par les cornes pour y arriver.

Si Eiji faisait un bon pilier, ce n’était pas tant pour sa force morale – quoique – que pour ses larges épaules entretenues par le sport et les exercices coutumiers auxquels il s’adonnait. Hugh était presque jaloux de ce physique la. Enfin, en même temps il n’y avait pas de secret, et il savait ce qu’il lui aurait fallut faire pour prétendre à ce genre d’allure. Mais même sans ses soucis de santé, il ne se voyait pas perdre tout ce temps à se muscler.

Avec quelques mots gentiment moqueur, Eiji ruina ses espoirs déjà bien entamés par la petite sœur du concerné, et le blond roula les yeux au ciel, sans surprise, se redressant finalement, tandis qu’Eiji passait les bras autour des épaules de la jeune fille, s’attirant un regard légèrement curieux de la part de Hugh à cet effet. Ne risquait elle pas de se méprendre sur ce genre de comportement ? Lui savait très bien que ce n’était pas une tentative d’approche, mais les filles, elles étaient tellement promptes à sur-interpréter la moindre chose… Surtout pour lui, Eiji, l’un des garçons les plus en vus du lycée, et encore plus depuis qu’il n’était plus avec sa furie brune.

Hugh croisa les bras, laissant courir un regard un peu désabusé sur les gens alentours. Il se demandait comment réagirait sa mère. Certainement en s’inquiétant, comme toujours. A coté de lui, Eiji essayait de détourner la mauvaise nouvelle en essayant d’en montrer les points positifs. Et quelque part, il était vrai que pour lui… L’idée de rester à l’école n’était pas si dérangeante.

La proposition d’Eiji était surprenante mais amusante, et Dojima y répondit par l’affirmative avec un petit rire de parfaite japonaise timide. Il ne la connaissait pas plus que ça, et se demandait ce qu’Eiji pouvait trouver d’intéressant à la côtoyer. La force des choses certainement…

« Je doute de pouvoir prendre en photo quoi que ce soit, mais ça serait marrant à faire. »

Fut la réponse laconique du blond, qui se balançait lentement d’un pied sur l’autre, incapable de rester totalement inactif. Il commençait déjà à en avoir marre de l’ambiance de cet endroit, de tout ces gens qui se réjouissaient d’avoir réussi leurs examens. Quelque part, au fond de lui, tout cela lui paraissait tellement vain…

« Le dojo n’est pas fermé à clé la nuit ? »

Demanda t’il, intrigué à l’idée que le bâtiment soit si facilement accessible.

Quelque part dans un bout de couloir s'était créée une petite bulle autour de trois élèves qui ne pouvaient se réjouir des résultats inscrits sur le tableau, mais qui cherchaient un autre moyen de se rassurer sur la suite des évènements, en construisant autour des vacances qui leur étaient imposées. Accepter les contraintes, s'y faire, et en tirer le meilleur, pour soi comme pour les autres, Eiji supposait que c'était un comportement d'adulte responsable.
Du moins aurait pu l'imaginer, si ces derniers temps, il ne se retrouvait pas à considérer que les adultes n'étaient apparemment pas si responsable et si mûrs que ça, juste un peu plus expérimentés et sans rien à devoir aux autres au final. Etait-ce juste ça la différence ? De pouvoir agir juste par rapport à soi-même ? Mais n'était-ce pas de l'égoïsme alors ? Le jeune homme laissa tomber le cours de sa pensée pour se raccrocher à celle, plus intéressante, de la soirée. L'idée d'être adulte, il y réfléchirait plus tard.

Le regard passant de l'un à l'autre de ses camarades, Eiji laissa échapper un bref éclat de rire avant de hocher la tête. Une dizaine de minutes plus tôt, devant ses notes, il était persuadé que le rire ne reviendrait pas avant longtemps. Maintenant que la nouvelle était digérée, elle ne semblait plus lui poser de soucis pour vivre avec au final. Encore quelques efforts, et il verrait presque cette période de l'année comme une chance pour lui de se remettre sur les rails, entourés de personnes qu'il appréciait tout en étant un peu plus tranquille. Il se contenta d'un sourire au remerciement de Tanaki. Les mots n'avaient pas vraiment d'importance à cet instant : sa présence à elle lui faisait autant de bien que la sienne pouvait la rassurer. Leur petit groupe dans son ensemble lui donnait un sentiment de stabilité.

" Si on n'arrive pas à le chasser, on essaie au moins d'invoquer un yokai né d'un livre ancien, qu'il nous aide à travailler ! "

Les histoires de son grand-père sur les yokais nés des objets anciens l'avait toujours fasciné. Combien de fois avait-il fouillé dans la maison de ses grands-parents en espérant en voir un ? Mais à part de la poussière, des araignées et quelques rares mulots, il n'avait jamais eu cette chance.
La question de Hugh, rappelant une fois de plus son statut de demi-gaijin, lui octroya un regard curieux du président du club de kendo. L'idée que quelqu'un puisse vouloir commettre des dégradations dans son lieu de prédilection était aussi ahurissant que choquant. Les installations étaient pour tout le monde, les abimer pénaliserait tout le monde... Non, même avec toute la logique dont il pouvait bien faire preuve, le japonais n'arrivait pas à suivre le cheminement de pensée de l'américain en cet instant.

" Fermé à clé ? Mais qui irait abimer le dojo ? Et il faut bien que les gens puissent aller s'entrainer tard ou tôt. " Une petite moue s'afficha un instant sur son visage avant qu'il ne retrouve son sourire. " Au pire, s'il y a des différences pendant les vacances, mon statut de président m'assure d'avoir accès au dojo en tout temps. Je te protègerai des Yokais si tu as peur. Et si on allait dans le parc ? On n'a plus grand chose à faire près des tableaux..."

Il pouvait être fier de lui : aucune amertume ne transparaissait dans ses mots.

Le blond eut une petite mimique agacée face aux regards curieux des 2 japonais pur souche devant lui qui me le dévisageaient avec curiosité face à sa question. Quoi, c’était si bizarre que ça ? Ou alors ils vivaient eux dans un monde ou tous le monde était digne de confiance et ne commettait jamais d’infraction ? La politesse japonaise avait ses limites et n’empêchait pas meurtres et cambriolages de se produire, et le dojo eut put en être le lieu comme n’importe quel autre endroit.

Il croisa les bras, considérant en silence la remarque d’Eiji sur la possibilité d’un yokai bonniche à devoir et la réaction sincèrement cruche de Dojima qui riait à ses propos avec toute la complaisance d’une jeune japonaise bien sous tous rapports. A sa proposition de se vêtir d’habits traditionnels, il ne put s’empêcher de répondre de manière légèrement sarcastique :

« Habille moi comme tu veux, ton fantôme s’y laissera pas prendre, à moins que tu ne veuille me teindre en brun pour faire figure locale ? »

Faisant la moue, il regarda alentours. Leur comportement n’était pas très bien vu : Certaines têtes de listes murmuraient entre eux sans cacher leur mépris amusé pour les loseurs qui n’avaient pas de gêne à rester à proximité des tableaux de résultat. Des types qui n’avaient vraiment que leurs notes dans la vie en somme. Le blond émît un petit bruit désapprobateur entre ses dents.

« Vous avez raison, faisons figure de honte et fuyons les lieux pour ne pas outrager les gagnants avec notre bonne humeur. »

Etait-ce l’agacement des résultat, un petit cumul ? Il perdait soudainement patience face à cette conversation trop lisse et trop bien ornée, trop bien dirigée, et face à cette mentalité qui parfois lui était tellement étrangère. Il avait parfois la sensation que les gens alentours ne rataient pas une occasion de lui rappeler qu’il était étranger. Désormais, il les prenait de court et le disait de lui même.

Sans vérifier s’il était suivi, il ouvrit la voie vers la sortie et rejoignit le parc, la chaleur étouffante de l’extérieur venant réchauffer sa peau refroidie par la climatisation de l’intérieur et bientôt l’étouffer.

Eiji manqua de grincer des dents aux sarcasmes de Hugh. Entre les fois où il voulait revendiquer ses racines japonaises et les fois où il rappelait de lui-même qu'il était métissé, le kendoka n'était pas sur de savoir où le blond voulait en venir. Avec une bonne humeur pas totalement feinte, Eiji rattrapa son camarade de classe en deux pas et posa lourdement son bras sur les épaules du blond, refusant de se laisser démonter par son ami de mauvaise humeur. D'habitude, c'était lui le premier à prendre la mouche et à monter au créneau. Pour une fois qu'il réussissait à maintenir la bonne humeur, hors de question de se faire avoir par un petit blond inhabituellement teigneux.

" En tous cas, niveau taille, pas de soucis, tu fais couleur locale Hugh ! "

La chaleur extérieure vers laquelle le mena Hugh l'estourbit un instant, lui faisant oublier ce qu'il avait voulu dire. Enveloppé dans un linceul d'air chaud, il devenait difficile d'avoir envie de se remuer autant que nécessaire. Les yeux mi-clos, encore physiquement liés aux deux jeunes gens autour de lui, le jeune homme inspira lentement la saveur d'un été qui lui échappait.
Glissant entre les mains de sa cadette et de son colocataire, Eiji fit quelque pas au soleil avant de s'approcher d'un beau gingko, se réfugiant sous la flaque d'ombre offerte par sa verte ramure. Loin du tableau des résultats et des autres élèves, il était à la fois plus facile et plus difficile de maintenir l'illusion de la bonne humeur.
Plus simple, parce que plus rien ne lui rappelait les résultats et leur échec à tous les trois. Plus difficile, parce que le rappel de l'été sur sa peau était troublant. Pourtant, pas question de se laisser rattraper par la mélancolie maintenant, pas quand Hugh, le visage boudeur, menaçait déjà de rompre un fragile équilibre.

Sans attendre d'autres commentaires, Eiji s'étira brusquement, sautant pour accrocher une des branches basses avant de commencer à escalader l'arbre par la seule force de ses bras. Placé si près du bâtiment Edo, il risquait de se faire redescendre par la peau des fesses, mais la plupart des membres du conseil des élèves ou du comité de disciplines étaient près des tableaux de résultat, si bien que personne n'avait l'oeil rivé au parc de toute façon désertée à cause de la chaleur.
En quelques mouvements, le sportif avait escaladé plusieurs branches et contemplait maintenant ses camarades vu de dessus, sa tête dépassant comme une gargouille entre les feuilles vertes. Avec un sourire de gamin, le troisième année bascula en arrière, se laissant pendre par les pieds, le visage quasi à hauteur des têtes de ses camarades, dans le genre de facétie qui n'était pas les siennes habituellement... sauf dans le vestiaire du club d'athlétisme, source des pires bêtises du lycée mais qui n'en sortaient que rarement.

" C'est bon, ma bonne humeur peut continuer à offenser tout les autres ici ? "

C'était un peu ironique, quand on savait dans quel état ces deux personnes avaient pu le voir : ivre de rage pour le blond, désespéré et en larmes pour la demoiselle. Ils avaient du voir ses pires côtés, ils avaient bien le droit de voir le côté plus optimiste.

[Désolée pour le retard ><]

Tanaki regarda Hugh... Il avait l'air d'être le genre de mec qui s'amuserait volontiers à casser l'ambiance. Il l'avait déjà montré par deux fois depuis qu'il était avec eux. Bien qu'elle n'était nullement quelqu'un de méchant, à la prochaine petite phrase du genre, elle ne se priverait pas de lâcher une petite pointe de commentaire, sans aucune once de méchanceté mais plus une pointe de taquinerie comme elle pouvait parfois le faire. C'est vrai qu'elle était douce et gentille mais elle n'était pas fade pour la cause. En attendant, elle se contenta de sourire un peu en coin à la réponse d'Eiji et de les suivre tous les deux dans le parc. C'est vrai que la chaleur fut écrasante comparé au climat légèrement adapté de l'intérieur de l'école. Mais elle aimait cette chaleur. Il était certain que ce n'était pas toujours facile de faire ses journées quand le temps était submergeant et que parfois il valait même mieux ne pas s'exposer trop à cette température et rester plutôt chez soi, mais de manière générale, elle aimait bien. Elle aimait bien aussi la pluie elle devait le reconnaitre. Rester sous la pluie et se faire tremper entièrement... Combien de fois ne l'avait-elle pas fait alors que ça lui valait très souvent des reproches parentales. Mais bon elle avait beau être fragile de par sa maladresse, son corps était quand même résistant au fond. Elle ne tombait que très rarement malade et même là quand elle profitait de la pluie, elle ne tombait pas malade par la suite. Mais ça n'empêchait pas ses parents de lui faire la remarque quand même. Ah ces parents... Elle chassa cette idée de la tête la ramenant à ses résultats et elle observa son sempai.

Elle ne savait pas trop quelle mouche l'avait piqué mais le voilà qui grimpait dans l'arbre, un gingko, dont il . Elle sourit. Elle préférait de loin voir un Eiji-kun comme ça que triste et le coeur brisé. Elle ne le repousserait jamais si ça venait à recommencer, loin de là, elle serait toujours là pour lui car ce moment avait créé un lien fort entre eux, mais elle préférait égoïstement le voir souriant et heureux. C'était bien plus agréable. Elle avait toujours rêvé de pouvoir grimper aux arbres mais vu sa particularité, à part se casser quelque chose, elle n'arriverait à rien. C'était beaucoup trop dangereux pour elle. Mais cela la frappa de voir la facilité et la souplesse avec lesquelles Eiji-kun était monté dans l'arbre. Il n'était pas censé le faire mais effectivement, il y avait peu de chance qu'une autorité quelconque les surprenne à cette heure-ci et vu le contexte. Elle sourit amusée quand elle vit la tête de son sempai comme ça passer à travers les feuilles. Elle le regarda venir à leur niveau avec sa tête à l'envers et ses cheveux qui pendaient vers la terre. Il avait l'air fin tiens comme ça. Elle rit doucement avant de s'approcher et de venir avec sérieux claquer doucement ses mains sur le visage d'Eiji-kun, plaquant ses mains sur ses joues. Puis elle les enleva en souriant de nouveau. Elle avait eu envie car sa position était tentante pour lui chercher très gentiment misère. Elle regarda alors Hugh ensuite à qui Eiji-kun s'était adressé. C'est vrai qu'il était plutôt bougon. Elle sourit amusée avant de lui adresser la parole.


"Vous n'avez pas envie de faire le singe vous aussi ? " elle vient délicatement chatouiller le menton de son senpai en ajoutant à l'adresse d'Hugh "Regardez moi ça comme il est mignon ce petit singe... Vous n'avez pas envie de lui ressembler ? "

C'était bien évidemment ironique et c'était une taquinerie envers Eiji-kun. Mais bon ils avaient tous besoin d'extérioriser pour se détendre et chacun faisait à leur manière. Et puis il fallait reconnaitre qu'Eiji-kun lui avait tendu une belle perche sur laquelle elle s'était facilement jetée dessus. Son humour était une facette d'elle que peu de gens connaissait car elle passait effectivement très souvent pour l'asiat typée gentillette et fade. Elle le savait. Pourtant elle aimait les débats conversationnels agités et les discussions humoristiques. C'est juste que vu sa réserve nippone et son respect profond pour ses ainés, il fallait une occasion pour qu'elle se lâche un peu. Elle arrêta ses attentions sur le menton et rit doucement.

"Ah ! Senpai est une tomate maintenant !"

Et oui...à force d'avoir la tête en bas on devenait tout rouge.

La chaleur exterieure s'abattit de plein fouet sur son dos, lui faisant légèrement tourner la tête un instant et le forçant à ralentir le pas. Il pouvait sentir dans son dos le regard un peu désaprobateur de la jeune fille qui s'écartait légèrement de lui. tant mieux. Arrivé à l'ombre du gingko, Eiji, pris d'une soudaine envie de jouer au gosse, grimpa avec aisance sous l'oeil un peu jaloux du blond qui ne pouvait pas imaginer faire de même. Sa propre aigreur le frappa. Depuis quand était il ainsi ? Il avait pourtant réussi à se montrer toujours complaisant et amusé face à n'importe quelle situation dans sa vie, alors pourquoi maintenant... Il avait conscience de la vacuité de la question, mais il se refusait de croire que c'était simplement le retour de Brian et ces fichues notes qui le rendaient ainsi. Et puis d'abord, depuis quand ses notes le preocupaient autant ? Mais entre avoir des sales notes et devoir rester à l'école durant les vacances, il y avait quand même une marge.

Le blond fit un pas en arrière face à l'acrobatie du sportif, amorçant un sourire un peu moqueur. Dojima s'était rapprochée, familière, n'hésitant à pas lui tapotter les joues, avec une petite invitation à son intention. Le blond retint une réponse sarcastique – tout le monde n'était pas sencé connaitre ses soucis de santé. Il ne le voulait pas d'ailleurs – et se contenta d'hocher négativement la tête.

"Non merci, je préfère garder les pieds sur terre."

Se rapprochant lui aussi d'Eiji qui ne semblait pas prêt de se déloger de son perchoir, il leva subitement les mains, attrapant les bords de la chemisette du brun qu'il tira vers le bas, recouvrant le visage rougit par la gravité de son ami.

"Une tomate, ça s'emballe"

Déclara t'il avec tout le serieux du monde, avant de ceuillir une longue herbe au sol, qui eut vite fait de se transformer en instrument de torture pour les pectoraux du brun. Il le detestait d'avoir une allure aussi flatteuse, mais en profitait pour matter au passage. Ca c'était drôle, parce qu'Eiji le savait très bien en cet instant. Et Dojima, allait elle rester de marbre face à ce garçon un peu trop denudé pour la bienséance ou ses joues allaient elles s'empourprer face à la situation ?

Le blond se retint d'ailleurs de déclarer que, Eiji étant désormais celibataire, c'était le moment de saisir sa chance. Mais ayant désormais bien plus conscience des préférences d'Eiji, il n'allait pas non plus le taquiner sur ce sujet.

" Hé ! "

Rester suspendu tout en riant aux éclats, les abdos à l'air, n'était pas si facile que ça en avait l'air. Les épaules et la tête coincées dans la chemise, l'air de cochon pendu à la merci des facéties de Hugh et Tanaki – quoique de la seconde, il risquait juste quelques petites piques – était total.
Après quelques secondes de torture sans nom, pendant lesquelles ses éclats de rire purent être entendus dans tous le parc, le kendoka se débattit un instant, se tortillant jusqu'à pouvoir attraper sa chemise du bout des doigts. D'un geste franc, fidèle à ses habitudes de délicatesse, le sportif la retira et l'envoya promener sur la tête de son premier bourreau. Heureusement qu'il avait défait les premiers boutons du col quand ils étaient sortis en pleine chaleur, sinon il se serait probablement étranglé dans la manœuvre !

Maintenant torse nu – mais avec une bonne visibilité – le jeune homme se ragrippa à sa branche et retrouva une position assise, faisant de son mieux pour ne pas être gêné devant l'exhibition qu'il offrait au milieu du parc heureusement désert. Devant Hugh et Tanaki aussi... Le premier savait exactement de quoi il en retournait, quand à la seconde... il ne préférait ne pas trop réfléchir à ce qu'elle pouvait penser. Certes, c'était loin d'être la première qu'il se baladait dans cette tenue au lycée, même si cela s'était toujours circonscrit dans l'enceinte des terrains de sport, où il était presque traditionnel de virer son maillot avant de s'arroser copieusement après un bon entrainement.
La différence, c'est que ce comportement était attendu sur le terrain d'athlé. Au beau milieu du parc, non loin des salles de cours, un élève torse nu serait surement plus vu comme quelque chose d'indécent.

" Est-ce que le singe peut avoir sa chemise maintenant ? Hors de question que je me fasse une tenue de feuilles pour redescendre ! "

Eiji posa son regard sur Hugh, espérant que ce n'était pas l'idée du blond dont le sourire menaçait de faire plusieurs fois le tour de la tête. S'il tentait de repartir avec son t-shirt... cardiaque ou pas, il se chargeait de le coincer dans le parc avant qu'il n'ai eu le temps de faire trois foulées. Il n'était pas membre du club d'athlé pour rien – entendre qu'il pouvait courir vite... et qu'il avait l'habitude de devoir récupérer ses affaires disparues ou d'en faire disparaitre à son tour. Quelque part, c'était le second entrainement officieux des membres du club.

Se défouler bruyamment sous la chaleur estivale avait du bon. Certains auraient peut-être des vacances plus tangibles que les leurs, au bord d'une plage et loin des salles de cours, mais ce n'était pas pour autant qu'ils seraient incapable de profiter de l'instant présent. Avec, ou sans mauvaise humeur. Pris d'une subite impulsion, Eiji commença à décrocher les petits fruits verts de l'arbre et bombarda Hugh avec.
S'il devait passer pour un gamin, il pouvait bien pousser l'image jusqu'à son paroxysme.

Tanaki était juste morte de rire. Elle avait été bien sympathique en comparaison de l'autre sempai qui lui s'en donnait à coeur joie pour torturer Kimihiro-kun. Au moins, c'était très marrant. Elle fut pas dérangée plus que ça par la nudité partielle de son sempai. Pas qu'elle était insensible à un corps masculin. Loin de là. Surtout que son sempai n'était nullement laid à regarder, bien au contraire. Mais ayant un frère qui faisait partie des arts martiaux et qui s'y donnaient à coeur joie, allant régulièrement voir les entrainements, elle avait déjà vu nombreuses fois des pratiquants enlever au moins le dessus de leur combinaison pour respirer surtout quand il faisait des chaleurs estivales comme maintenant. Donc même si c'était une belle vue, elle n'en était pas gênée. Elle le fut à une époque mais maintenant c'était bien terminé. Et puis il ne s'était pas déshabillé dans un but autre que se sortir des griffes d'un tortionnaire sadique. Donc elle ne voyait pas quelle gêne elle pourrait avoir. Et puis... Sans s'expliquer vraiment pourquoi, elle considérait Kimihiro-kun comme un peu un autre grand-frère. Oh bien sûr rien ne remplacerait Ryosuke à ses yeux, mais depuis qu'elle s'était rapprochée de Kimihiro-kun, elle avait parfois l'impression de connaitre plus de penchants de sa personnalité qu'elle ne connaissait son propre frère. Elle lui avait vu des défauts là où son frère était tellement parfait pour elle. C'était étrange quand elle prenait conscience de cela. Mais elle préférait ne pas s'attarder sur ce genre de pensées quelque peu désagréable au final. Et puis penser à son frère n'était pas approprié vu qu'elle n lui avait pas encore dit pour ses résultats.

C'était apaisant d'être avec les deux sempais qui se cherchaient des noises l'un l'autre. Cela l'amusait beaucoup et rire était un bon remède contre tout ce que l'on pouvait avoir à confronter dans sa vie. Elle décida de s'assoir au pied de l'arbre les laissant faire. Elle était quasi sûre que maintenant que Kimihiro-kun avait commencé avec le bombardement de fruit, ça allait sûrement se poursuivre par une riposte de l'assaillant assailli. Finalement elle n'allait peut-être pas tant s'ennuyer que ça en restant les vacances ici. Ses parents et le temple lui manqueraient énormément, ses frères et soeurs aussi, mais c'était uniquement sa faute si elle en était là alors autant assumer et profiter des quelques joies qu'elle aurait autour de ses révisions qui commenceraient sûrement très rapidement. Quelques jours de répit avant de se reprendre et de travailler pour réussir son année. Elle secoua discrètement la tête pour chasser ce genre de pensées. Il faisait beau, elle était amusée par le comportement de deux singes et elle comptait bien en profiter dans l'immédiat. Dommage qu'elle n'avait pas une bouteille d'eau.... Elle les aurait bien aspergé tous les deux. Une belle petite riposte aquatique. Ca aurait comblé la scène. Mais elle resta à la place sagement assise à l'ombre de l'arbre les regardant s'amuser comme deux gamins. Ce qui quelque part était profondément adorable pour des sempais.

[Désolée court et pourri XD]

Hugh ne s'était pas attendu à ce genre de comportement de la part d'Eiji. Quoique au point ou il en était, un peu plus un peu moins... Réellement déridé, la situation avait le double avantage de le faire rire et de lui offrir un champ de mattage idéal. Le vêtement qui avait volé au dessus de sa tête gisait dans l'herbe derrière lui, et le blond n'eut qu'à s'accroupir pour le ramasser du bout des doigts, un sourire canaille aux lèvres. Les possibilités étaient certes réduites - l'option "galloper à l'autre bout du parc pour faire rugir Eiji" était hélas proscrite, tout comme l'option "faire galoper Tanaki en charge du paquet", vu la manière dont la jeune fille, installée au pied de l'arbre, ne semblait pas prêt de se déloger - mais la situation restait amusante.

"Je suis sur qu'une tunique de feuilles te serait très seyante"

Il ne pouvait le nier, il enviait l'habilté du blond à grimper ainsi à l'arbre, et regrettait de ne pouvoir faire de même. Mais il s'en voulait aussi d'avoir ce genre de pensée au final inaproprié. Jouant avec la chemise d'Eiji, il ricanna.

"Je suis sur que je pourrais en tirer un bon prix de tes admiratrices, t'es pas d'accord Dojima ?"

Sans préavis, il lança la chemise sur la tête de la jeune fille, visant suffisament bien pour que le tissus recouvre son visage qui, même si elle avait fait preuve d'un flegmme exemplaire jusque lors, devait désormais dissimuler une certaine rougeur face à une situation si impolitiquement correcte. S'étirant, le blond se retourna, levant la main dans un salut.

"Bon tarzan et jane, je vous laisse à vos affaires."

C'était peut-être un peu trop taquin de laisser Eiji se dépatouiller seul de la situation, mais il n'avait pas envie de continuer à rester avec eux. Il avait envie de solitude pour le moment, et d'une feuille de papier pour gribouiller en paix et se défouler par ce biais.

Tarzan et Jane ?
C'était bien les joues un peu empourprées que le kendoka finit par redescendre de son arbre, torse nu, pour s'approcher de la petite jeune fille aux prises avec sa chemise. Au su et à la vue de tous, se balader torse nu dans le parc était au final moins confortable qu'il ne l'aurait cru. Même la morsure du soleil de plomb semblait inconfortable. Promettant dans sa tête mille morts et souffrances à l'américain qui avait fuit le terrain avec son aplomb habituel, il hésita sur la marche à suivre, finissant par soulever un pan de chemise avec une certaine audace, offrant un sourire de chat à la jeune fille.

" Désolé Dojima-chan, il est parfois intenable. Ca t'ennuie si je récupère ça ?"

Le jeune homme n'aurait jamais cru pouvoir être aussi embêté en récupérant sa chemise pour la renfiler. Au final, ils avaient pas mal à apprendre dans les facéties de vestiaires qu'ils avaient pu faire dans son équipe : suspendre un maillot dans le point le plus haut possible était bien moins embarrassant que ce contexte là au final.
Récupérer son bien lui permis de retrouver une apparence décente, non sans entendre derrière lui quelques éclats de rire d'un groupe de demoiselles qui sortaient du bâtiment Showa. Elles ne devaient être arrivées que sur la fin de la scène, juste à temps pour voir Eiji récupérer sa chemise. Ce qu'elles pouvaient maintenant imaginer, il ne préférait pas y songer. L'esprit des filles étaient un marasme épouvantable et dangereux comme il avait déjà pu remarquer en se frottant à Konata. Au final, moins il en savait, et mieux il dormirait.
Avec un petit sourire, il finit par remettre gentiment en place une mèche décoiffée de sa petite camarade.

"J'y vais aussi, je dois encore prévenir ma mère pour les vacances, et m'occuper des derniers détails pour le club de kendo avant les vacances. On se revoit bientôt."

Eiji entama un pas vers l'internat avant de se raviser, fixant la demoiselle avec un air étrange, tendre et sérieux à la fois. Pour quelqu'un de si peu intéressé par les filles, il avait au final plusieurs demoiselles proches de lui, avec des caractères si opposés qu'il était impossible de les comparer. Pourtant, il avait bien du mal à concevoir sa vie au lycée sans elles, sans leurs petits mots soufflés pour l'une ou les grandes remarques plus ou moins justifiées pour l'autre.

" Merci d'être là Dojima-chan."

Cette fois il pouvait y aller. Elle n'était pas bien loin, il saurait où la trouver.

[Fini pour moi aussi :3]