Detsuda courait à travers les allées du festival pour se rendre au plus vite au rendez-vous qu'il avait convenu avec Aikawa. Il venait de terminer de tourner le reportage sur le festival avec Toshihiro. Du coup, il se trimballait toujours le gros sac contenant une partie du matériel, en particulier, la caméra. Cela ralentissait son pas mais ne l'appesantissait pas pour autant. Il gardait sa démarche vive et équilibrée. De plus, le port du sac lui avait permit d'y ranger quelques affaires qu'il désirait porter durant le festival. Dans son esprit, il n'entendait pas que Maiko soit la seule à faire l'effort d'une toilette particulière.

Voilà pourquoi il avait revêtu hâtivement une djellaba blanche et noir sous lequel il avait mit une tunique d'étoffe jaune et verte qu'on lui avait offert à la Djézireh à l'occasion d'une fête. Il avait ajouté à cela des babouches marocaine et une jolie écharpe finement tissées du même vert. Ainsi accoutré, inutile de dire qu'il ne faisait guère japonais et que les regards s'arrêtaient parfois sur lui. Néanmoins, la tenue n'étant en rien disgracieuse, menant même à certains le souvenir de vêtements aux apparences similaires portés dans le sud de l'archipel, cela ne créa pas forcément de désapprobation. A vrai dire, c'était dans le secret espoir d'être à la hauteur de ce que son imagination se dessinait de la beauté merveilleuse de Maiko en Yukata qu'il s'était ainsi chiquement habillé. C'était aussi parce que, tout simplement, il n'avait pas de kimono. Et puis se promener dans cette tenue lui rappelait de nombreux souvenirs et cela provoquait en lui une profonde excitation. Cela lui permettait, l'espace d'un soir, d'afficher sa double culture sans complexe, comme le réel signe de richesse que cela était et non pas comme quelque chose de dérangeant la vie quotidienne et menaçant l'ordre nippon. Après avoir bossé pour son club, il n'aspirait plus qu'à profiter de la fête auprès de celle qu'il aimait tendrement. Pas un seul instant dans son esprit ne se dessina l'ombre d'une angoisse, d'un doute ou d'une crainte. C'était pourtant là le premier rendez-vous qu'il allait avoir avec une femme, le premier avec Aikawa aussi, forcément. Bien sûr, cela ne frôlait même pas son esprit. Quand on vivait avec comme seul règle dans son esprit d'être spontanée et en accord avec ces sentiments, ce genre de questions devenaient caduques et inutiles, ou du moins restaient-elles lettres mortes. Voilà pourquoi, lorsqu'il saisit la silhouette de la jeune femme dans la foule, il l'apostropha de son nom avant de serpenter une dernière fois à travers l'onde mouvante et de la rejoindre, un grand sourire sur les lèvres, les yeux pétillants d'une excitation et d'une joie intense.

Ce festival était vraiment une merveille. Maiko avait tout prévu plusieurs jours en avance. Elle, excitée ? Non pas du tout. Enfin, il fallait dire qu’elle adorait ce genre d’évènements et puis, surtout, c’était son premier rendez-vous amoureux, le premier avec Yuhei. Rien que d’y penser le rouge lui montait aux joues. Elle ne pourrait le voir que le soir. Ainsi avait-elle décidé de profiter de la journée et de revenir en fin d’après-midi à l’école histoire de se préparer pour son rendez-vous.

En attendant celui-ci, Maiko ne se lassait pas. Le matin, elle avait assisté avec euphorie à la cérémonie d’ouverture qui se déroulait au sanctuaire, elle avait suivi la procession jusqu’à Hachioji. C’était la première fois qu’elle visitait le sanctuaire et la ville. Son regard n’arrivait pas à se fixer sur un élément. Elle avait besoin de tout observer. Il y avait tant de monde, tant de stands, et le temps était au beau fixe, c’était idéal. La brunette avait sillonné entre les stands, elle avait essayé des masques, joué au jeu de tir sans réussir à gagner une seule petite peluche, mais qu’importe. L’après-midi était arrivé si vite et avec lui le concours d’Ikebana. Elle l’avait tout sauf réussi quand elle regardait les autres compositions, mais qu’importe, elle avait apprécié se retrouver avec ses camarades et d’autres personnes présentes aujourd’hui avec qui elle avait partagé un bon moment. Enfin, elle était retournée au sanctuaire pour prier et faire un vœu. La corde qui recueillait ceux-ci était déjà bien chargée. Quel vœu avait-elle fait ? Si je vous le dis, il ne se réalisera pas, alors ça restera un secret.

En revanche, ce que je peux vous dire c’est que Maiko avait pris grand soin de sa tenue pour son rendez-vous amoureux. Elle avait choisi un yukata violine avec un mélange de fleurs et de feuilles orange, vertes et rouges, on pouvait le fermer grâce à une obi rouge aux bordures ocre. Comme lors de leur rencontre, la jeune femme avait attaché ses cheveux en deux couettes hautes à l’aide d’élastiques de fleurs roses et rouges en forme d’étoiles ainsi que de perles couleur jade qui descendaient jusqu’à la base de sa nuque. Ses lèvres étaient peintes de rouges et ses yeux soulignés de noir ce qui faisait ressortir ses yeux chocolat. C’est ainsi perchée sur ses getas que Maiko attendait celui qui, pour elle, était l’homme de la soirée.

Elle était arrivée un peu en avance et s’était placée comme convenu entre le stand de pêche et celui de yakitori. L’odeur de nourriture lui donnait d’ailleurs assez faim. Tout avait l’air si bon et si amusant ici. Mais, ce n’était pas le moment de s’attarder là-dessus. Elle laissait donc son regard voyager parmi la foule à la recherche de Yuhei. Mais, il y avait beaucoup de monde et elle ne savait pas ce qu’il devait porter, difficile dans ce cas-là de repérer quelqu’un. Elle poussait un petit soupir lorsqu’une voix familière la fit se retourner. Et là, elle le vit. Il était vraiment très beau dans cette tenue pas très japonaise certes, mais qui lui rappelait leur première rencontre, elle était à l’image de l’endroit où il avait vécu tant d’années. Un grand sourire naquit sur ses lèvres alors qu’elle s’inclinait légèrement pour le saluer.

« Bonsoir Yuhei-kun. Cette tenue te va à ravir. Tu sais, je suis vraiment contente qu’on passe cette soirée ensemble. »

Elle se rapprocha lentement et déposa de manière tendre ses lèvres sur sa joue. Elle se recula légèrement, le rouge aux joues et vérifia discrètement si une marque de rouge à lèvres n’était pas dessinée sur le visage du jeune homme. Non, ça allait, elle n’avait pas trop appuyé. Son regard alla de haut en bas sur sa silhouette jusqu’à ce qu’elle rencontre le sac qui devait être tout sauf pratique.

« Tu veux déposer ton sac quelque part avant de faire un tour ? Le tournage s’est bien passé ? »

Car oui, elle avait enfin appris que Yuhei était effectivement le vice-président du club de journaliste. Finalement, elle avait assez bonne mémoire des noms. Du coup elle s’était un peu intéressée à son travail et elle avait hâte de voir ce reportage sur le festival. Elle verrait sûrement des choses auxquelles elle n’avait pu assister.

La main de Yuhei était douce dans la sienne. Leurs doigts s’entremêlaient si naturellement, comme si l’espace entre chaque doigt avait été prévu pour accueillir ceux de l’autre. Timidement, elle resserra sa prise. Il y avait tant de monde que maintenant qu’elle l’avait trouvé, Maiko ne voulait plus lâcher Yuhei de peur de le perdre.

Il avait raison. C’était agréable de passer cette soirée avec ceux qu’on aime, surtout lorsque cette affection est celle d’un amour naissant entre deux jeunes gens. On découvre l’autre, mais surtout on se découvre. On se rend compte de qui on est lorsqu’un tel sentiment s’empare de vous pour tout bousculer. On apprend aussi, on prend l’autre en compte, on se rend compte qu’on n’est plus seul dans l’histoire, que chaque acte, chaque parole, chaque sentiment ont un impact sur l’autre. Mais surtout, on partage, on partage des baisers, des sourires, des regards complices, des souvenirs et c’est la plus belle chose qui soit, celle qu’on doit toujours garder en mémoire, celle qui doit être mise sur un piédestal.

Et un des souvenirs qu’ils pourraient garder en mémoire fut la réponse de Maiko à la proposition d’aller manger de Yuhei. Enfin, la réponse de Maiko, c’était plutôt la réponse de son estomac qui gargouilla assez fortement. Ses joues se teintèrent de rouge avant qu’un rire nerveux ne s’échappe de sa bouche. C’était tout sauf sensuel, mais c’était ce genre de choses qu’elle voulait le plus partager avec le jeune homme. Ces moments où l'on est simplement soi, sans artifice, comme au réveil les cheveux tout emmêlés, ou bien avec de la sauce tomate au bord des lèvres après avoir mangé des pâtes.

« Je crois que mon estomac a parlé pour moi. J’ai vu un stand de yakitori pas loin, viens. »

Elle se dirigea vers le stand où un couple s’occupait de servir les quelques passants qui s’étaient arrêtés. Le choix était assez large : poulet, bœuf, porc, et ces viandes pouvaient être mélangées avec des légumes, du fromage ou des champignons. Elle aimait beaucoup ce plat, mais son regard allait de gauche à droite à la recherche d’un autre stand. Quand elle était venue cet après-midi elle avait vu plusieurs stands qui à l’odeur lui avaient donné l’eau à la bouche. D’ailleurs, cette famille qui passait devant eux, ne mangeaient-ils pas des onigiri ? Si elle écoutait son ventre, elle allait vite faire une indigestion et exploser, ça serait vraiment dommage. Elle qui voulait tant profiter de cette soirée avec celui dont la main dans la sienne réchauffait bien plus que celle-ci.¬

« Je n’arriverai jamais à choisir. Il y a tant de bonnes choses un peu partout. »

La jeune femme soupira en disant cette phrase. Et déjà, c’était à eux de passer commande. Le mari s’adressait en effet à eux :

« Bonsoir, que voulez-vous ? »

Maiko se mordillait la lèvre en regardant Yuhei, sa main resserrant sa prise. On pouvait voir dans son regard toute la détresse d’une jeune fille gourmande. C’était comme si on l’avait mise enfant dans un magasin de jouet en lui demandant d’en choisir un ou deux seulement.

Detsuda aurait bien chanté et dansé à tue-tête si cela ne lui avait pas retiré le doux contact de sa main dans celle d'Aikawa tellement il était heureux. Il était vrai que les jeunes amoureux vivaient souvent leurs meilleurs moments dans les premiers instants de leurs rencontres. Mais, le bonheur que ressentait Yuhei ne devait rien à l'originalité de la situation mais à la valeur qu'il accordait à cette dernière. Être si proche d'une autre personne, c'était pour lui une sorte de bonheur inqualifiable et indescriptible. L'impression qu'il pouvait exprimer ses sentiments sans limite ni retenue envers Maiko, c'était pour lui quelque chose d’enivrant et de transcendant. Le jeune garçon dont l'appétit avait été travaillé par une après-midi et une soirée de labeur se trouvait affamé, affamé de nourritures festivalières, mais aussi affamé de partages. Il voulait tout partager avec celle qui l'accompagnait dans ses pas. C'est sans doute pour cela quel l'idée même qu'ils pourraient tous deux subir l'effet de leurs excès en se laissant aller à leurs gourmandises ne passa pas le moins du monde dans l'esprit de Detsuda. Et quand il commanda, ce fut dans le soucis de réunir un échantillon d'un peu de tout. Jetant un regard pétillant d'excitation, il sourit à Aikawa.

- Prenons chacun les différents choix qui sont proposés et nous partagerons pour gouter un peu de tout.

Plus qu'une invite, c'était une solution logique, comme une affirmation complice, face aux désirs des deux jeunes gens de croquer cette soirée à pleines dents. Nul doute qu'à ce rythme, ils termineraient désargentés et repus. Mais le jeune garçon n'était pas du genre à ne pas profiter des instants exceptionnels au maximum surtout quand ces derniers pouvaient être partagé avec les êtres qu'il aimait. Le couple commença donc à préparer la commande raisonnable quoi qu'un peu hétéroclite. Pendant ces quelques instants, Yuhei laissait son regard noisette caresser le visage de Maiko sans paraître cesser de s'en émerveiller.

- Ce festival est vraiment important. Il n'a rien à voir avec celui auquel j'avais assisté dans le village de chez mes grands parents. Je te propose qu'après avoir prit le temps de déguster les yakitoris, on se dirige doucement vers la terrasse d’où on pourra voir le feu d'artifice au fur et à mesure qu'on voit les stands. Sinon, on va s'y perdre.

Il rit doucement à cette idée. Apparemment, la perspective ne paraissait pas l'effrayer un seul instant et comme pour expliquer ce détachement, il serra un peu plus fort la main de la jeune femme avec douceur et affection. Dans son esprit, il n'avait plus qu'une hâte, partager les yakitoris avec Maiko et surtout la voir les manger. Il pourrait s'amuser à lui lécher les doigts puis à l'embrasser. Pourquoi pas? Ces idées surgissant dans son esprit venaient nourrir son excitation et son amusement.

Un sourire illumina le visage de la jeune femme quand Yuhei trouva cette idée plus qu’acceptable. La brunette hocha vivement la tête en signe d’accord. Elle avait envie de goûter à tout, de toucher à tout, d’aller à droite, à gauche. Mais surtout, Maiko avait envie de goûter aux lèvres de celui qui faisait battre son cœur aussi vite, elle voulait caresser son visage, sa nuque et ses mains avant de se blottir contre lui, et enfin, elle ne voulait aller nulle part sans lui, sans que ses doigts entrelacent les siens. D’ailleurs, une pression sur sa main se fit un peu plus forte. Un regard débordant d’un tendre amour alla couver Yuhei. Ils se trouvaient dans une bulle de bonheur, loin de tout, juste tous les deux.

« Et voilà votre commande, ça fera 600 yens »

Jusqu’à ce que le mari vienne éclater cette bulle. Mais bon, la bonne odeur qui se dégageait du paquet suffisait à se faire pardonner. De sa main libre, Maiko tira sur le cordon de son petit sac pour l’agrandir afin de pouvoir glisser cette dernière à l’intérieur. Elle ressortit alors la somme demandée et paya le couple pour la commande après avoir resserré son sac. Son visage se tourna de nouveau vers Yuhei tandis qu’elle récupérait le sac de nourriture.

« C’est moi qui invite, pas de discutions après tout je suis ta sempai, non ? »

Elle ponctua sa phrase d’un clin d’œil suivi d’un petit rire. Le fait qu’elle soit son ainée et qu’il doive l’écouter était un prétexte. La jeune femme voulait surtout faire plaisir au brun. Pourquoi serait-ce toujours aux hommes d’inviter les femmes au restaurant, de leur offrir des fleurs, ou bien encore pourquoi devraient-elles avoir plus de présents qu’eux ? Et en ce qui concerne cette soirée, Yuhei aurait bien le temps de se rattraper, surtout que la jeune femme lorgnait déjà sur plusieurs jeux et lots comme la pêche aux poissons ou ces adorables peluches au stand de tir.

Là plus loin on pouvait voir un ginkgo sous lequel était présent un banc double. L’autre partie était déjà un peu occupée, mais qu’importe. Au moins, ils pourraient manger de manière posée avant de se mettre en route. Surtout qu’avec tout ce matériel, quoi qu’en dise le jeune homme, ça serait bien plus agréable que de manger debout. Elle l’entraîna alors jusqu’au banc et s’y assit.

« Sers-toi je t’en pris, et bon appétit ! »

À son tour, elle plongea sa main au hasard dans le paquet. Elle attaqua alors la première bouchée non sans se brûler. Une petite grimace étira alors son visage puis elle se mit à expirer vivement avant d’inspirer une grande bouchée d’air.

« C’est bon, mais c’est chaud fait attention. Au fait, tes grands-parents vivent où ? Je suppose que c’est dans un petit village pour que tu n’ais jamais vu de festival aussi grand ? »

Le festival c’était l’occasion de partager de nouveaux moments, de se créer des souvenirs, mais c’était aussi le moment idéal pour faire un peu plus connaissance. Cela faisait peu de temps que les jeunes amoureux s’étaient rencontrés et avaient échangé leurs premiers baisers. À ce souvenir, les joues de Maiko se teintèrent de rouge et elle ne fit pas attention à la bouchée suivante puisqu’un peu de sauce de la viande avait décidé d’accompagner le rouge de ses lèvres.

Ainsi, ses grands-parents vivaient non loin d’Hokkaido. À l’évocation de l’île où elle avait grandi, Maiko ne put retenir un sourire. Une douce chaleur lui parcourait le corps. La préfecture lui manquait, Sapporo lui manquait. Cependant, elle ne se laissa pas aller à la nostalgie. Elle était juste heureuse d’en apprendre plus sur Yuhei, sur le Japon qu’il avait découvert. Et surtout, une boule d’excitation s’était formée au niveau de son ventre à l’invitation du jeune homme. Aller avec lui chez ses grands-parents ? C’était la présenter comme étant sa petite amie aux anciens de sa famille. Se rendait-il compte de l’importance que cela avait aux yeux des autres, de leur famille respective et surtout à ses yeux ? La jeune femme n’en était pas convaincue. Elle n’était même pas sûre que ses parents approuvent. Mais elle savait une chose. Yuhei semblait heureux à cette idée, et elle, elle était gênée par tant de spontanéité, mais au fond d’elle une petite voix lui disait qu’elle avait envie d’en découvrir plus sur lui et puis, elle se plaisait à imaginer se rapprocher d’Hokkaido, et qui sait, y aller une journée pour faire visiter son chez-elle au brun.

Mais, alors qu’elle s’imaginait marcher dans les forêts d’Hokkaido avec Yuhei, elle sentit le jeune homme se rapprocher. Instinctivement, elle ferma les yeux pensant sentir se poser deux lèvres sur les siennes. Surprise, ce fut une langue taquine qui lui procura un frisson et une sensation de manque. Elle avait besoin de quelque chose, mais de quoi ? C’était affreux, comme si on la chatouillait. Maiko en avait même oublié le geste et la phrase plus que provocants de Yuhei. Elle voulait juste que ça cesse. Et ne dit-on pas que l’amour guérit tout ? Hé bien, c’était vrai ! Le baiser qu’ils s’échangeaient était en train d’éteindre le feu qui embrasait ses lèvres. C’est pourquoi la jeune femme y répondit avec passion tout en caressant de sa main libre les cheveux, puis la nuque du brun. Leurs lèvres s’étaient séparées, mais ce n’était pas suffisant pour la jeune femme. Elle ressentait toujours cette sensation étrange. Elle happa alors la lèvre inférieure du responsable et se mit à la suçoter. C’était un contact agréable et elle commençait à avoir chaud. Ses lèvres s’entrouvrirent et sa langue partie à la recherche d’une camarade. Ce que Maiko faisait ? Aucune idée, elle suivait juste son envie, ce feu qui semblait avoir remplacé son cerveau. Une fois satisfaite qu’elle cessât le baiser. C’est en plongeant son regard dans celui du garçon en face d’elle, le souffle court et les joues rouges de gêne, mais surtout d’excitation, qu’elle se recula.

Elle baissa alors son visage et son regard se posa sur le yakitori qu’elle n’avait pas fini et elle entreprit d’en remanger un peu pour masquer sa gêne. Qu’est-ce qu’il lui avait pris ? Agir ainsi, dans un lieu public et surtout avec un garçon avec qui elle sortait depuis peu de temps. Certes, un baiser passionné n’était rien. Du moins, quand il était contrôlé. Que se serait-il passé ailleurs ? Elle était une femme et lui un homme. Elle chercha alors un sujet de conversation histoire de passer à autre chose et trouva bien vite :

« Hum… Pour en revenir à ton village, je connais bien le climat, j’ai grandi à Sapporo. J’aimerais tant y retourner, je trouve l’île bien plus paisible que le reste du Japon, plus naturelle, il y a tant de végétation. Enfin, je fais peut-être du favoritisme. Sûrement même. Et pour les vacances, ta proposition me touche énormément, mais, je suis une étrangère pour tes grands-parents je ne peux pas venir comme ça. »

Mais avant que Yuhei ne puisse protester, la jeune femme enchaina assez rapidement d’une voix suave :

« Que dirais-tu plutôt de profiter au maximum de ce festival sans se poser de questions ? Demain est un autre jour, on aura le temps d’en reparler tous les deux ainsi qu’à nos familles. Ici, il n’y a que toi, moi et ce festival, ne pensons à rien d’autre qu’à nous faire plaisir. »

Elle lui fit un sourire avant de s’apercevoir qu’il restait un peu de nourriture sur la lèvre du garçon. Elle se pencha alors sur lui, mais contrairement au brun, elle passa doucement son doigt sur sa lèvre. Elle l’effleurait.

« Et voilà, tu avais un peu de viande au coin des lèvres. »

Un doux sourire vient fleurir son visage. Elle posa un tendre baiser dans le cou du jeune homme puis se remit à manger tout en regardant autour d’eux. Il avait tant de choses à faire, mais s’ils s’arrêtaient à chaque stand ils n’auraient jamais fini avant l’aube. Le temps passait trop vite quand on s’amusait.

Detsuda frissonnait alors que les lèvres d'Aikawa quittait les siennes. Son cœur battait joyeusement dans sa poitrine alors qu'une joie inextinguible semblait l'abreuver. Il était vraiment très heureux. Ce qu'il avait saisit, cette passion et cette spontanéité dont la jeune femme avait fait preuve à son égard le laissait tout simplement dans un état extatique. Il y avait bien sûr répondu. Un peu en retard, un peu prit de court mais il y avait répondu. Rien que la pensée qu'elle se laissait déjà à exprimer tant de sentiments à son égard le bouleversait. Sur son petit nuage, il ne remarquait pas le moins du monde, la gêne qui s'était emparé de Maiko. Ses yeux noisettes brulaient d'un feu hypnotique alors qu'un sourire un peu perdue restait à ses lèvres. Il fallut que la voix de la jeune femme s'élève pour qu'il sorte de cette torpeur et lui reporte toute son attention. Les mots de cette dernière le laissèrent dans une grande perplexité et avec une bonne douzaine de questions. Yuhei ne comprenait pas qu'Aikawa ne pouvait se présenter à ses grands-parents ? Comment aurait-il pu le comprendre? Il l'aimait, son cœur battait encore à la chamade pour elle. A ses yeux, c'était ses grands parents qu'il allait lui présenter. Pas le contraire! De plus, son manque assez important d'éducation quand aux convenances sociales japonaises lui laissait peu de chance de mieux comprendre, que cela soit par la raison ou par le cœur. Bien sûr, l'idée que ses aïeules puissent avoir un quelconque avis sur sa vie amoureuse lui était totalement étrangère. Voilà donc ce qui expliquait sa mine légèrement préoccupé. Il aurait bien voulu comprendre mais la jeune femme paraissait déjà s'y refuser. Ça lui déplaisait, assez, beaucoup, énormément même. A tel point qu'il goûta avec peine les attentions tendres de la jeune femme à son égard. Un déclic eut lieu dans son esprit, il finit par hausser les épaules et par regarder son sourire.

- Je te les présenterais quand tu le voudras. De toute façon, ce n'est pas d'une grande importance. On peut très bien passer nos vacances ensembles de tas de façons différentes! Le choix nous appartient de toute manière!

Le jeune garçon avait dit cela avec son ton de voix habituel, énergique et léger. Il n'y avait aucun doute sur sa sincérité même si sa désinvolture à ce sujet pouvait sembler très peu conventionnel. Mais dans sa tête, ses grands parents étaient deux vieilles personnes toujours très gentilles, qui l'aidaient souvent, lui apprenaient des tas de choses, lui donnait un peu d'argents. Ses pensées étaient loin des possibles soucis qui étaient venus obscurcirent ses projets dans l'esprit de la jeune femme. Les Yakitori terminés, Yuhei se leva et offrit sa main à Maiko pour qu'ils poursuivent l'exploration du festival. A vrai dire, il restait encore de nombreux stands à visiter et de nombreuses gourmandises à gouter.

- En attendant, si nous reprenions notre route. Nous prendrons quelques autres petites choses sur la route mais il faudra les grignoter en regardant le feu d'artifice à mon avis.

Un soulagement prit la jeune femme lorsque son cher et tendre lui laissa la possibilité de choisir quand elle voudrait rencontrer sa famille. Leur relation était toute neuve. Se présenter maintenant alors qu’elle ne savait pas encore où ça les mènerait ne lui plaisait guère. La famille était quelque chose de très important, on n’organisait pas une rencontre entre cette dernière et n’importe qui. La personne devait être importante et on devait avoir assez confiance pour se dire que ça allait durer. Présenter toutes les semaines une nouvelle conquête n’était pas franchement bien vu. Un jour, il faudrait qu’ils parlent plus sérieusement de ce qui était important ou non aux yeux de l’autre.

« Tu as raison. Enfin, on aura le choix si tu as tes examens. Alors, travaille bien, sinon je serai obligée de passer mes vacances toute seule, loin de toi. Ça serait dommage non ? Ahhh ! Où vais-je bien pouvoir aller cet été. »

Quel meilleur moyen de motiver le garçon que de le taquiner. Un petit sourire malicieux ornait son visage tandis qu’elle fit un clin d’œil complice à Yuhei. Elle aussi devrait passer ces fameux examens. C’est pourquoi elle consacrait beaucoup de temps à l’étude et qu’elle faisait en sorte de s’avancer sur ses devoirs. Enfin, il valait mieux éviter de travailler dehors désormais, la chaleur l’endormait et elle avait déjà trouvé le Prince Charmant qui la réveillait. Ce festival était un peu son dernier moment de détentes avant la montagne de révisions qui l’attendait, alors autant en profiter.

« Je te suis ! »

La main qui avait quitté son petit cocon le retrouva bien vite. Les doigts de la brune s’entrelacèrent avec ceux de son brun tandis qu’ils s’avançaient de nouveau dans les allées du festival. Le regard de Maiko parcourait tous les stands. Il y avait tant de couleurs, tant de sons différents, tant de sentiments. Son regard s’arrêta alors sur un stand de tir et son corps suivi. Là, une peluche Hello Kitty lui tendait les bras. Elle était si mignonne avec son petit nœud rose et puis elle semblait si douce. Malheureusement, Maiko était tout sauf douée aux jeux d’adresse. Et, cette peluche n’était pas non plus très petite, ce qui voulait dire qu’il fallait un certain nombre de points pour l’acquérir. Tant pis. Malgré elle, un long soupire s’échappa de ses lèvres et son regard de chaton battu croisa celui de Yuhei.

Le sourire chaleureux qu’offrit Yuhei à Maiko ainsi que sa question ne firent que renforcer sa petite moue toute triste. Elle avait 19 ans et pourtant, elle adorait les peluches, surtout quand elles étaient aussi mignonnes. Mais, ce n’était pas sa faute. Elles étaient si douces et on pouvait les presser très fort dans ses bras sans leur faire mal, elles écoutaient religieusement tout ce qu’on leur racontait et en cas de mauvais rêves, elles vous rassuraient. Allez expliquer ça à un garçon, et surtout, à un garçon plus jeune que vous. La jeune femme avait espéré ne pas avoir à lui expliquer que la grande fille qu’elle était adorait ce genre de choses et surtout qu’elle aurait souhaité qu’il la lui gagne. C’est pourquoi, nerveusement, elle se mit à triturer ses cheveux tout en observant ses pieds.

« C’est que… » Soupira-t-elle. « J’adore les peluches et j’adorerais avoir la peluche Hello Kitty du stand de tir, mais je suis tellement nulle que jamais je ne réussirai, mais elle est tellement adorable et, et, et, je voudrais que tu la gagnes s’il te plaît Yuhei-kun ! »

Elle avait dit ça tellement vite et d’une voix assez faible qu’un simple regard vers le brun lui fit comprendre qu’elle s’était mal exprimée. La jeune femme prit alors une grande bouffée d’air et reprit d’un ton plus calme, son regard alors de ses pieds aux yeux de Yuhei assez régulièrement.

« Yuhei-kun, j’adore les peluches et j’adorerai avoir la peluche Hello Kitty qui est là. Mais, je suis vraiment nulle et n’essaie pas de me convaincre du contraire. Une année j’ai mis la cartouche dans la carabine et sans le vouloir j’ai tiré dans les fesses du propriétaire du stand. Depuis, je n’ai plus touché à une carabine ou à un arc. Donc tu vois, je ne réussirai jamais ! Mais, elle est adorable et, si tu pouvais me la gagner je t’en serais extrêmement reconnaissante. »

La jeune femme se mit sur la pointe des pieds après ce si long discours et elle déposa tendrement ses lèvres sur celle de l’être cher.

« S’il te plaît Yuhei-kun ! »

Un grand sourire illumina le visage de la jeune femme. Elle allait l’avoir sa peluche, elle n’en doutait pas. La confiance qu’elle plaçait dans le jeune homme était très grande. Elle avait confiance en lui physiquement. C'est-à-dire que même s’il était fin, Maiko était persuadée qu’il pourrait la protéger, ses deux bras qui l’entouraient lorsqu’elle se blottissait contre son tors ferme et chaud. Mais surtout, elle avait confiance en lui sur le plan émotionnel, moral. Avoir cette confiance n’était pas donné à tout le monde. Cependant, plus le temps passait, et plus elle sentait qu’elle pouvait se laisser aller à plus d’intimités, de confidences, elle pouvait se reposer sur lui. Elle ne doutait pas. Comment douter face à tant de spontanéité ? Le jeune homme était parfois pareil à un enfant. Le temps lui dirait bien si elle avait eu raison ou non de lui accorder si facilement cette confiance, cet amour et par conséquent une partie d’elle.

En tout cas, pour ce qui était de la confiance en ses capacités physiques, la jeune femme ne s’était pas trompée ! Et encore une fois, elle avait appris plus de choses sur le jeune homme. De ses yeux écarquillés elle observa le jeune homme manier l’arme avec une telle habilité. Il était concentré sur son objectif, tentant d’être le plus précis possible. Sans savoir exactement pourquoi, une douche chaleur naquit et parcourut le corps de la jeune femme. Yuhei était si beau, ses mains qui tenaient le fusil lui semblaient alors si viriles. C’est sans s’en rendre compte que la jeune femme mordillait sa lèvre inférieure tout en observant le spectacle offert par le brun. Qu’importe qu’il ait ou non la peluche, voir ceci lui suffisait largement.

Maiko était tellement subjuguée que, quand le coup parti, le petit bruit que le fusil fit suffit à ce qu’un sursaut la prenne. Son regard passa alors de son homme à sa peluche. Oui, sa peluche, car la cible avait été atteinte. Le propriétaire du stand prit alors la peluche et se dirigea vers Maiko la sortant momentanément de sa torpeur.

« Joli tire gamin. Je suppose que la peluche est pour la demoiselle, tenez. Passez une bonne soirée. »

La peluche était douce entre ses mains. Il était sûr que la brunette passerait pas mal de temps à la serrer jusqu’à l’en étouffer. Déjà, la tête de la peluche recouvrait les lèvres de la jeune femme. Lèvres qui avaient cette envie pressante de dévorer le beau garçon devant elles. Les yeux remplis d’ivresse ne lâchaient pas ceux du brun. Elle se dirigea alors vers lui et prit sa main dans la sienne. Sans un mot, elle l’emmena un peu plus loin, toujours en se dirigeant vers la terrasse, cependant, elle s’était éloignée de la foule. Notre jeune japonaise plaqua alors gentiment son petit ami contre un muret. De sa main libre, elle posa alors tendrement, mais de manière ferme sa main sur la nuque du jeune homme avant de l’embrasser avec toute la passion qui s’était accumulée depuis qu’elle l’avait observé au stand. C’était grand, c’était brûlant, c’était envoutant. Ses doigts caressaient ses cheveux. Son bassin se pressait contre son corps. Son cœur battait à tout rompre. Elle avait chaud, vraiment chaud, malgré tout ce n’était pas trop, c’était juste parfait. Doucement, elle retira ses lèvres des siennes, son regard attiré par ces deux pétales roses remonta vers deux orbes noisette.

« Merci. »

C’était tout, c’était suffisant. Quoique ? Alors que sa main retrouvait celle de Yuhei et qu’elle suivait de nouveau le chemin vers la terrasse, elle sentait bien que la boule au creux de son ventre n’était pas partie. Bien au contraire.

Aux yeux de la jeune femme, ce n’était pas le festival qui était magique, mais le fait d’être là avec l’être aimé. Qui pouvait se vanter d’être avec une personne dont on partage l’amour, une personne à qui l'on fait confiance ? Et parmi ceux-là, lesquels pouvaient se vanter d’être avec cette personne dans un lieu aussi agréable ? Elle, en tout cas, était de ceux-là.

Maiko savait que la question du jeune homme était purement rhétorique, et le sourire que la jeune femme voyait apparaître sur son visage lui fit se taire. Cependant, contrairement au garçon, elle, elle ne voulait pas que la vie soit un grand festival. Non, ce qui était intéressant à vivre c’était les moments de joie, mais aussi les différentes épreuves de la vie, parce que celles-ci plus qu’autre chose font grandir et forgent le caractère. La brune voulait aussi connaître des moments qui ne seraient pas que fête. Des moments plus propices à l’intimité et au rapprochement. Un grand festival c’était bien beau, mais pour toute la vie ça serait bien dommage.

La brune en était là de ses réflexions quand elle atteignit la terrasse. Son regard ne cessait de changer de point d’ancrage. Il y avait beaucoup de monde, mais ce n’était pas les personnes que Maiko voyait, non, c’était les couleurs. Des tas et des tas de couleurs, du rouge, du bleu, du violet, du rose, du vert, et tant d’autres, ainsi que des variations et des associations de ces couleurs. Elle avançait sans regarder où ses pieds la menaient. Yuhei était ses yeux. Il la guidait.

Ses pas s’arrêtèrent en même temps que ceux du brun. Elle lâcha alors le spectacle qui se déroulait sous ses yeux pour en observer un encore plus merveilleux. À ses côtés se tenait un jeune homme magnifique, grand, gentil, beau, le regard pétillant et le sourire aux lèvres. Comment résister et surtout pourquoi ? Se mettant sur la pointe des pieds, Maiko posa chastement ses lèvres sur celles de Yuhei. Ce baiser contrastait énormément avec le précédent, malgré tout, il n’en était pas moins plaisant, bien au contraire.

La nuit était maintenant tombée, le feu d’artifice allait bientôt commencer, déjà plus de monde affluait. Celui-ci serait vraiment superbe, à n’en pas douter ! Et quoi de mieux pour le regarder que de se reposer dos contre le tors d’un homme qu’on aime. C’est dans cette position que la jeune femme se plaça. De sa main libre, elle prit celle de Yuhei et la plaça contre son ventre se blottissant ainsi encore plus auprès de lui.

Ses doigts caressaient tendrement la main du jeune homme quand une explosion se fit entendre. Le regard de la jeune femme se dirigea vers la source de bruit. Elle put alors admirer une belle boule de lumières bleues. Sans pouvoir le retenir, un son d’admiration s’échappa de ses lèvres. Le reste s’enchaina très vite. Des rouges, des vertes, des violettes, des dorés. Et dans des formes si différentes. Certaines ressemblaient à des trainées, d’autres à d’énormes boules, certaines étaient plus petites, mais beaucoup plus nombreuses, des cœurs. Et ce bouquet final plein de couleurs, plein d’explosions dorées qui une fois terminées étaient semblables à de la pluie de poussière de fée.

Un tonnerre d’applaudissements eut alors lieu et Maiko était de la partie. Ce spectacle avait été tellement merveilleux. Elle adorait ça. Depuis toute petite, c’était le genre de chose qu’elle ne voulait pas manquer. Durant tout le feu d’artifice, la jeune femme avait été sous le charme et avait oublié de caresser cette main qui enserrait sa taille. En revanche, c’était avec qui elle était qu’elle n’avait pas oublié. La brune se tourna alors vers Yuhei. Elle était pareille à un enfant : souriante, les yeux pétillants.

« C’était si beau ! Le plus beau que j’ai jamais vu. »

D’un point de vue objectif ce n’était sûrement pas vrai. Mais, sur le plan subjectif, à coup sûr ce feu d’artifice resterait le plus beau auquel elle ait assisté, et ce, parce que Yuhei était là. Maiko. À cette pensée, la jeune femme rougit et baissa la tête.

« C’est grâce à toi. »

Dans le firmament nocturne, on envoyait des étoiles filantes éphémères tracer leurs sillons de lumières. A leurs apogées, une détonation, comme le battement d'un cœur, venait accompagner l'épanouissement fugitif de petits rayons de soleils dans l'obscurité de la nuit. Et dans les yeux des regards tournés vers les cieux, se reflétaient à l'infini le même spectacle.

Dans ceux d'un jeune homme au milieu de la foule, des larmes de bonheurs venaient ajouter leurs miroitements à l'instant. Leurs propres sillons animaient un visage en pleine béatitude. Cette eau qui coulait de ses yeux n'était pas les émissaires de la peine mais bien les hermès d'un cœur battant au rythme du bonheur.

Cette soirée, par la présence d'une femme, Maiko Aikawa, était idyllique. Voici sans doute pourquoi il amena cette dernière plus près de lui. Les lèvres du jeune homme pouvait encore sentir la douce caresse de celles de son aimée. Ce baiser avait fait décollé son cœur, bien plus que le précédent, et il n'avait pas ré-atterri depuis.

Ses larmes se tarirent quand les applaudissements répondirent à l'apothéose. Paradoxalement, Yuhei n'avait pas eu l'impression de regarder le feu d'artifice. A cet instant magique, il n'avait jamais été aussi conscient de la présence de Maiko à ses côtés.

Cette impression prégnante se confirma quand il croisa le regard enfant de sa compagne. Là! C'était elle! C'était elle qu'il voyait. Elle! Vraiment elle dans ce qu'elle était de plus belle, de plus pure et de plus vrai.

D'une main qu'il porta doucement au menton d'Aikawa, il releva le visage de cette dernière pour croiser de nouveau son regard. Ses doigts continuèrent leurs chemins pour caresser tendrement la joue de la jeune femme et se presser légèrement contre elle. Les yeux du garçon portaient encore les traces des larmes qui les avaient mouillés quelques instants plus tôt. Un sourire gagna son visage, un mince trait effectué par ses lèvres qui n'avait pas la légèreté de l'accoutumé mais était cette fois animé de sentiments profonds et puissants.

- Maiko-chan... Ce que nous vivons, nous nous le devons à tous deux, car il faut l'être pour s'aimer si tendrement.

Jamais sa voix n'avait parue emprunter un timbre si chaud, si grave et si doux.

- Maiko-chan, veux-tu bien de moi à tes cotés durant ces instants de grâce que la vie nous accorde ?

C'était formulé à sa manière. Ca ne ressemblait à rien de déjà vu. Cela résonnait comme une demande. Mais ici, pas question de fiançailles ou de mariage, c'était là juste une requête pieuse. Celle d'accompagner la jeune femme au long du fleuve du destin qui unissaient les deux êtres, sans s'inquiéter de la destination, sans en faire un engagement, mais une union simplement fondée sur leurs sentiments réciproques, rien d'autre.

Deux chemins brillants, qui lorsqu’on les empruntait menaient à deux pierres précieuses, serrèrent le cœur de Maiko. Elle ne les avait vus qu’une fois. Une funeste fois. Ils représentaient alors une chose que plus jamais la brune ne voulait voir sur le visage de son cher et tendre : la tristesse. Elle avait été à l’origine de cette tristesse et c'est pourquoi jamais plus la jeune femme ne voulait être la cause de leur apparition. Cependant, cette fois, ils ne représentaient pas la tristesse, mais une vive émotion, une joie intense, le bonheur de partager ces instants si précieux avec l’être cher. C’était ces chemins-là que Maiko voulait faire naître sur le visage de Yuhei.

Cette caresse sur sa joue était aussi douce et agréable que le vent. Ces yeux qui la regardaient la brûlaient de l’intérieur. Ce sourire quant à lui était un soleil à lui seul, il éclairait la vie de la jeune femme. Cette voix était une douce mélodie capable de la faire frissonner et vibrer de toute part. L’homme en face de Maiko était tout simplement celui qui faisait battre son cœur.

Il était aussi capable de l’arrêter l’espace d’un instant comme celui-là. Cette question avait des airs de serments, de promesses. C’était soudain, violent et terriblement troublant. Les yeux légèrement écarquillés, les joues rouges, c’est dans un murmure que la jeune femme laissa parler ses sentiments.

« Oui. »

La brune ne voulait pas se poser de questions. Elle l’aimait, il l’aimait, ces moments partagés étaient précieux. Ne pas penser à après, ne pas penser aux conséquences, pas maintenant, pas ce soir. Demain peut-être, demain serait un autre jour, demain la magie du festival aurait disparu et elle pourrait y réfléchir. Mais là, c’était hors de question !

Après avoir humé l’odeur si enivrante de son compagnon, la jeune femme se recula tout doucement. Comme si aller le plus lentement possible permettait de prolonger ce moment. Un doux sourire étira ses lèvres. Sa main prit tendrement celle de Yuhei dans la sienne et elle rejoignit la foule qui rejoignait pour certains l’allée principale du festival et pour les autres leur chez-eux.

« Et si on rentrait ? »

Oui, rentrons ensemble. Poursuivons cet instant merveilleux. Marchons main dans la main sur ce chemin qui est le nôtre. Peu importe où il nous mènera, nous serons ensemble et la lune et les étoiles éclaireront notre route. Ainsi, nous ne pourrons pas nous perdre, jamais. Ne lâche pas ma main.