(Le titre est un haiku de Matsuo Bashô (trad. Roger Munier))

Le premier geste de Hugh, en revenant des cours, était devenu de se débarrasser de cet uniforme trop strict pour se mettre plus à l’aise. La chaleur l’avait poussé à prendre un vieux pantalon de jogging trop grand qui lui glissait sur les hanches et un ample tee shirt blanc frappé du sceau de la nerv qu’il aimait mettre pour trainer. Pied nus, il buvait une petite bouteille d’eau gazeuse tout en regardant au-dehors les sportifs qui s’entraînaient. Il ne parvenait pas à les reconnaître d’ici, mais certainement Eiji était il des leurs. Il haussa les épaules face à ces maso, et retourna dans la relative fraîcheur de la chambre. Mais le chant des cigales les suivaient partout, même à l’intérieur. La clim, ils connaissaient pas ?

Il jeta un œil à son sac abandonné à coté de sa chaise de bureau. Il n’avait pas non plus la volonté de se mettre immédiatement à ses devoirs comme un gentil petit japonais. Il faut dire, depuis son entrevue avec Brian, il peinait à se poser. Il savait donner le change. C’était une chose dans laquelle il excellait. Son comportement était semblable à d’habitude. Mais au fond de son esprit, c’était un peu différent.

Il s’accroupit pour appuyer sur le ventilateur qui se mit à bourdonner doucement, remuant l’air tiède. Il s’agit à genoux en face, appréciant le vent qui venait décoller les mèches de cheveux collées sur ses tempes. Comme un gamin, il se prit à émettre du son pour en entendre la version hachée passée dans le ventilateur, avant de bailler.

Un soupir plus tard et il s’était laissée tomber allongé sur le dos, entre son lit et celui d’Eiji. Cette chambre était bien plus étriquée que l’ancienne. En se tendant bien, il pouvait toucher l’un et l’autre de ses pieds et de ses mains. Il cessa de se rouler au sol pour fixer le plafond, les bras croisés derrière la tête, le vent chatouillant désormais ses pieds.

Brian était dans cette ville et venait dans cette école. Cette information encore surréaliste peinait à devenir une réalité. Il sentait la chaleur, le sol de linoleum sous son dos, le vent sur ses pieds, la respiration régulière de sa poitrine… Mais il avait beau se répéter cette information, il ne parvenait pas à en faire une simple réalité.

Le bout de papier avec son numéro avait été honteusement caché dans un de ses carnets à dessin, dans l’encart mural qui servait de table de chevet. Il n’avait rien à lui dire. Ou trop de choses à lui dire.

Ce n’était pas Brian qui l’avait fuit. Pouvait il le croire ? Celui-ci avait visiblement passé le pas. Fait le deuil de leur relation et continué sa vie sur d’autres chemins, avec la maturité qui le caractérisait. Et lui ? Pas vraiment. Il en était sorti mortifié, obsédé, coupant toute possibilité quand à l’avenir et se contenant de ruminer le passé. Par erreur. Tout ça par erreur.

Hugh inspira profondément, la gorge serrée. Les choses auraient peut-être été plus simples sans Kantaro. Ou pas. Brian lui avait bien montré, non ? Qu’il vivait désormais par lui même. Mais alors, pourquoi ? Pourquoi souhaitait il ainsi garder le contact, voir recréer une relation ? Parce qu’au fond, il l’aimait bien, l’avait toujours apprécié, parce que leur séparation avait été une erreur et que même sans reprendre leur liaison, ils pouvaient se voir ? Se rendait il compte de ce que cela signifiait, pour lui ? Visiblement pas. Brian était apparemment capable, lui, de sauter d’un pied léger ces 2 années de vide et de le retrouver pour un nouveau lien sans ciller. Mais pas lui.

Kantaro… Qui par son obstination s’était immiscé dans son intimité, avait gagné en importance sans l’avoir prévu ou planifié. Il était devenu le symbole du lendemain, tandis que Brian était le passé. Hugh avait conscience qu’il y avait la une certaine injustice à s’accrocher à lui pour cette raison, mais au final, la plupart du temps, les raisons importaient peu. A la fin, seuls les actes comptaient.

Le bruit de la porte s’ouvrant ne le fit pas réagir. Il savait très bien de qui il s’agissait. Il garda la yeux fermés, faisant mine de dormir.

C'était certain, Eiji cherchait à battre un record. Leur seconde semaine de présence dans l'établissement n'était même pas terminée, qu'il était déjà collé. C'était couru d'avance, vu son obstination à sécher les cours d'espagnol ... C'est donc en tête à tête que Hugh et Kantaro avaient déjeuné au self. Le brun s'était ensuite dirigé vers la salle du conseil des élèves, laissant son petit ami partir devant à l'internat.

Le résultat avait été épinglé la veille sur les tableaux d'affichage, officialisant ce que le conseil savait déjà depuis lundi, jour du vote. Président du conseil des élèves ... C'était bien une chose à laquelle Kantaro n'avait jamais songé avant de mettre les pieds dans ce lycée. Son intérêt pour les autres était trop limité et surtout trop négatif, pour qu'il n'ait eu l'idée de se lancer dans une pareille entreprise. Mais il avait changé, du moins un peu, et si son regard n'était guère plus tendre pour la majorité, il y avait des personnes ayant franchi ses remparts. C'était pour ceux-là qu'il s'était lancé. Et puis, sur un plan plus personnel, c'était une excellente mise à l'épreuve de ses capacités.

Kantaro récupéra le dossier en instance. Arriver en cours d'année l'obligeait à mettre les bouchées doubles pour se mettre à jour au plus vite. Une rapide vérification pour être certain d'avoir tout ce dont il aurait besoin, et il referma le tiroir à classeurs.
Il s'apprêtait à quitter la salle, lorsque son regard se posa sur une petite grue en origami posée au-dessus de son casier personnel, cadeau de la part de la présidente du club d'arts traditionnels pour lui souhaiter bonne chance dans ses nouvelles fonctions. Sur le moment, Kantaro s'était interrogé sur ce qu'elle voulait obtenir par ce geste, mais il avait préféré écarter ces pensées négatives pour lui laisser le bénéfice du doute. Après coup, il lui avait même demandé de lui apprendre à en faire. La jeune fille s'était exécutée avec un certain plaisir, semblait-il, et lui avait laissé quelques jolies feuilles washi en prime. "Pour ta petite amie", avait-elle ajouté avec un sourire entendu.

Revenant sur ses pas, Kantaro déposa le dossier sur la grande table de réunion puis alla ouvrir son casier dans lequel il avait laissé les feuilles en question. Il mit un moment à se décider sur le motif avant d'opter pour un vert tendre imprimé de nuages et de grues en vol. Le pliage n'était pas bien compliqué et il était suffisamment pointilleux pour qu'il soit précis. Le jeune homme observa le résultat avec un petit sourire. Pour la première fois depuis leur arrivée, ils avaient deux heures pour profiter en toute quiétude de leur chambre, Urasawa étant en cours et Eiji en colle. Cette petite attention, il pouvait donc se la permettre.
Après avoir remis à plat le pliage, Kantaro le glissa sous la couverture du dossier pour ne pas risquer de l'abîmer en route. Il gagna rapidement le bâtiment d'internat en coupant par les passerelles et franchit la porte de la chambre à peine cinq minutes plus tard.

Etendu sur le sol dans un rayon de soleil, Hugh semblait dormir ou au moins somnoler. Le ventilateur faisait danser ses mèches blondes. Kantaro déposa son sac et le dossier sur son bureau avant de s'approcher, constatant avec amusement que l'américain n'avait pas traîné pour se changer. Il déplia la grue de papier et la déposa sur la table basse, puis s'assit par terre, juste à côté de Hugh, l'observant avec plaisir. Leur relation n'avait pas énormément évolué, certainement par sa faute, parce qu'il s'interrogeait sans cesse sur ce qu'il pouvait se permettre ou non. Plus de spontanéité ... C'était facile à dire mais dans la pratique ...

Espérant ne pas commettre un impair, Kantaro se pencha en avant pour déposer un baiser léger sur les lèvres de son petit ami.

Hugh surveilla les bruits créés par Kantaro. A son image, ils étaient calmes et mesurés. Il n’était pas du genre à se cogner à une chaise ou à faire glisser une pile de papier. Sauf lorsqu’il était particulièrement perturbé. Lorsqu’il le sentit s’asseoir à coté de lui, il s’attendait à une main sur sa joue. Il ouvrit les yeux, surpris, au contact de ses lèvres, avant de répondre avec langueur à son baiser, passant les bras autour de son cou. Sa peau était un peu moite, mais fraîche.

« De retour de tes responsabilités de garçon sérieux ? »

Demanda t’il à voix basse après que leurs lèvres se soient séparées. Il ne savait pas encore exactement ce que faisait Kantaro, parce que tout cela lui passait un peu au-dessus de la tête. Il savait qu’il y avait quelque chose à voir avec le conseil des élèves, mais après… Ce n’était pas demain la veille qu’il prévoyait de participer à une quelconque activité communautaire, donc…

Pas vraiment décidé à se relever, Hugh s’étira un peu, touchant le ventilateur du bout du pied. Il songeait vaguement à enlever son tee shirt, mais sa gêne à se montrer torse nu était bien plus forte que la chaleur.

« Heureusement qu’ils ont distribué ces trucs l’autre jour. Il faut vraiment trop chaud. Pourquoi y’a pas de clim’ ? »

Il roula sur le ventre, regardant Kantaro en s’appuyant sur ses coudes. Assis sur les genoux, dans la posture traditionnelle japonaise, il semblait si sérieux.

« Voilà bien un truc que tu devrais demander à ton conseil non, des clim’ dans les chambres ! »

Proposa t’il, un sourire amusé sur ses traits.

Le baiser léger devint rapidement plus approfondit lorsqu'il s'avéra que Hugh était bel et bien réveillé. Le poids léger des bras autour de son cou avait quelque chose de rassurant, gommant ses craintes et ses incertitudes concernant leur relation, rendant caduc ses hésitations. Il se sentait bête ... et heureux de l'être ... C'est un sourire franc qu'il offrit lorsque leurs lèvres se séparèrent.

Kantaro hocha la tête en guise de réponse. C'était amusant la façon dont Hugh avait pris la nouvelle au sujet de son nouveau poste. A croire qu'il ne réalisait pas vraiment ce que ça impliquait. Mais à la réflexion, Kantaro préférait ça. Il avait trop vu la petite amie du président des élèves de son premier lycée se pavaner, en regardant les autres de haut comme si c'était elle qui occupait la fonction, pour supporter ce genre de comportement dans son entourage. Mais il savait parfaitement que ce n'était pas le genre de Hugh de toute façon. Ca faisait parti des nombreuses choses qu'il aimait chez lui.

Le jeune homme leva la tête vers le plafond et le haut des murs à la mention de la clim, comme pour évaluer les possibilités d'installation dans une chambre de pensionnat.

" Bonne question ... et bonne idée. Malheureusement, ce genre de chose dépend du conseil d'administration. Tout ce que je peux faire, si le reste du conseil des élèves approuve, c'est leur en toucher deux mots. Avec de bons arguments, ça peut se défendre. "

Pourquoi ne pas tenter le coup après tout ? Qui ne tente rien ...

Kantaro changea de position, se permettant un peu plus de décontraction, et desserra le nœud de cravate pour ouvrir le haut du col de sa chemise. C'était vrai qu'il faisait chaud. Heureusement que le port de la veste n'était pas obligatoire en été. Il aurait pu se changer aussi mais, contrairement à Hugh, il aimait bien cette tenue.

Prenant la petite grue de papier qui attendant sur la table, Kantaro la déposa délicatement devant le blond. Celle-ci bascula sur le côté dès qu'il l'eut lâchée, poussée par l'air brassé du ventilateur. Il ne chercha pas à la relever et se contenta d'un sourire amusé.

" C'est ... pour toi ... "

Il se sentait bien bête à présent de devoir s'expliquer sur ce pliage, et préféra détourner rapidement le sujet.

" On n'a pas eu vraiment l'occasion d'être tranquille depuis qu'on est arrivés ici. Tu t'y fais ? "

Hugh roula sur le dos, surpris et pas vraiment sûr de ce qu'était l'objet.

" Qu'est ce que c'est ? "

Ayant visiblement raté sa tentative de diversion, Kantaro esquissa un sourire résigné.

" C'est une grue en origami. " Il hésita un instant avant de compléter. " C'est censé porter chance. "

Hugh se mit à genoux, prenant le petit objet du bout des doigts, amusé.

" C'est joli, le papier aussi, j'en avais jamais vu ! "

Reposant les yeux sur la grue, il réalisa alors exactement ce que c'était.

" C'est toi qui l'a fait ? "

Kantaro rougit légèrement, redressant la monture de ses lunettes.

" Heu ... oui ... "

Il se sentait un peu idiot d'être ainsi gêné pour si peu.

" Je l'ai fait tout à l'heure. " reprit-il " Sur un coup de tête. J'avais juste envie de t'en faire une. "

Hugh se retient de rire face à l'allure de Kantaro, qui lui rappelait celle de certains personnages un peu coincés dans ses mangas favoris, et tripota la grue avant de la reposer.

" Je savais pas que tu savais faire ce genre de trucs. "

" Je ne savais pas. C'est la présidente du club d'arts traditionnels qui m'a appris cette semaine. "

Hugh eut un petit silence avant de détourner le regard, un peu jaloux.

" Oui, j'imagine qu'il y a pas mal de gens dans le conseil que tu dois voir régulièrement ... "

Il détourna le regard, se sentant idiot de se montrer ainsi jaloux. Kantaro pencha la tête sur le côté, pas vraiment certain de savoir comment interpréter la réaction de Hugh.

" Oui ... Mais j'ai encore du mal à bien situer tout le monde. " Il regarda Hugh plus intensément. " Ca te dérange que j'ai été élu président des élèves ? "

Le blond secoua négativement la tête.

" ... Non, si tu aimes ça. Je te vois moins c'est tout. " Il amorça un sourire gêné. " Enfin, je pense que le changement joue aussi, je ne suis pas encore très à l'aise ici. "

Kantaro tendit la main pour effleurer la joue de Hugh.

" Désolé. Oui, ça me plait bien. Mais ça ne passera pas avant toi. " Lui souriant doucement, il ajouta : " C'est vrai que ça fait beaucoup de changements d'un coup ... Et j'ai pas l'impression que tu ais trouvé ton bonheur au club de manga. "

Hugh sourit, incertain du comportement à adopter face à l'effleurement. Il secoua la tête.

" Ha, non, j'ai laissé tomber, ce club est déjà assez soudé en fait, et ... " Il continua : " Et vu ce que je dessine, j'y suis pas à ma place. " Il se frotta la nuque : " J'ai pensé à aller voir du coté du club de journalisme et de photo, ça me plairait bien. "

Kantaro sourit en repensant aux dessins de Hugh et au visage assez coincé du président du club de manga, et se dit que ce n'était effectivement pas une si bonne idée. Il réfléchit un peu à l'autre club et hocha la tête d'un air approbateur.

" Je t'y vois bien en effet. Et ils ont l'air pas mal, malgré leurs difficultés à maintenir le club. "

Hugh afficha un air surpris, pas mal à coté de la plaque au niveau de toutes ces infos là.

" Ah ? Je savais pas. " Il sourit. " C'est vrai que vu ce que tu fais, tu dois tout connaître des clubs ... Enfin, j'imagine. "

Il ne savait pas trop ce que faisait Kantaro en fait. Ce dernier esquissa d'ailleurs un petit sourire amusé.

" En fait ... t'as aucune idée de ce qu'est le président du conseil ... " Il laissa échapper un léger rire. " T'exagère ! Tu sais au moins à quoi sert le conseil ? "

Hugh rougit. " Heu bah ... "

Il croisa les jambes et posa les mains sur ses pieds, agitant les genoux comme un papillon.

" Des trucs chiants genre faire des réunions et des discussions, et euh ... Wé non j'en sais rien. "

Hugh songea qu'il s’en portait très bien et que tous ces trucs là c'était juste relou. Sauf si le conseil ressemblait à celui d'Utena, là par contre ça serait chouette.

Kantaro éclata de rire à l'aveu de Hugh. " T'es terrible. " Il se calma rapidement mais garda un sourire franc sur les lèvres.

" C'est tout toi ça. J'aurais dû m'en douter. "

Hugh haussa les épaules avec un sourire pas si gêné que ça. Kantaro fit de même, préférant largement que les choses soient ainsi.

" Oui. Donc pour le club de journalisme, le président m'a l'air très bien et il essaye réellement de le remettre à flot. Un bon photographe comme toi, ça leur plairait certainement. "

Hugh se demanda s'il avait échappé à l'explication sur ce qu'était le conseil des élèves ou pas, tout en cachant le plaisir que lui avait procuré le petit compliment de la part de son ami. Il tira sur son t-shirt, ayant trop chaud malgré le ventilateur qui brassait surtout de l'air chaud.

" Tu as quelque chose de prévu cet après-midi ? " Demanda t’il, dolent.

Kantaro hocha la tête le plus sérieusement du monde - ce qui n'était pas bien difficile puisque le gêne du sérieux et du coincé était imprimé dans son ADN -.

" Oh oui ! J'ai prévu de consacrer mon après-midi à mon petit ami ! Enfin ... s'il n'a rien d'autre de prévu de son côté. "

Hugh ne s'attendait pas à une telle réponse et suspendit son geste, un peu gêné et maudissant Kantaro de lui faire avoir encore plus chaud alors qu'il n'en avait pas besoin, et se maudissant lui même au passage de se sentir touché par ce genre de propos des plus mièvres. Secouant la tête négativement bien qu'un peu mollement, il répondit lentement.

" Non, rien de prévu ... "

Il était un peu morose depuis sa rencontre avec Brian et, bien que le cachant la plupart du temps, en restait tout de même affecté et y pensait régulièrement. Le brun sourit un instant - il aimait toujours autant les réactions gênées de Hugh - avant de redevenir plus sérieux face à son air mélancolique.

" J'ai l'impression qu'il y a quelque chose qui te trotte dans la tête depuis quelques temps. "

Ce n'était pas la première fois qu'il notait ces petits passages à vide. Kantaro réfléchit un instant, avant d’ajouter :

" Hum ... ça a un lien avec l'autre fois, quand on est parti courir avec Eiji ? T'étais bizarre quand on est rentré. Je n'ai rien pu dire vu qu'il était là mais ... "

Le blond regarda le sol, gêné de se remémorer ce matin là et les sentiments qu’il avait alors éprouvé. Il avait évité d’ennuyer Kantaro avec ça, mais ...

" Ah oui, ce matin là ... J'ai fait une mauvaise rencontre. Rien de grave. "

Il eut un sourire contrit vers Kantaro, ne sachant pas trop quoi lui dire. Son ami se pencha vers lui pour plonger son regard dans le sien.

" C'est grave si ça te met dans cet état. " Répliqua t’il " Et je n'aime pas te voir comme ça. "

Posant sa main sur la joue du blond, il demanda :

" Qu'est-ce qui s'est passé ? "

Hugh haussa les épaules, évasif.

" J'ai fait la connaissance du prof d'art, et il, enfin ... Je l'ai pris en photo et il n'a pas trop aimé ça ... "

Un peu gêné de balancer le nom comme ça, mais ayant envie d’être sincère avec Kantaro, le blond redressa la tête, se forçant à sourire pour cacher sa gêne et son dépit.

" Il a effacé les photos que j'avais prises de lui, et ça m'a un peu, euh enfin ... "

Ne trouvant pas ses mots, il se contenta de sourire. Le brun eut un temps de latence avant de vraiment visualiser ce qui s'était passé.

" Attends ... Tu veux dire qu'il a pris ton appareil et effacé les photos ?! "

S’humectant les lèvres, Hugh répondit avec lenteur, cherchant à amenuiser la faute de l’adulte.

" Heu, il me l'a demandé et je lui ai donné ... "

Kantaro regarda Hugh, l'air outré.

" Mais de quel droit ... Enfin, s'il ne voulait pas, il avait juste à te demander de les effacer. Le faire de cette façon c'est ... "

Il avait une soudaine envie de dire deux mots au prof d'art. Hugh releva vivement la tête, gêné et connaissant le caractère de Kantaro, se douta qu'il avait sûrement une idée de ce genre derrière la tête.

" Non mais, c'est bon, c'est pas grave, enfin ... "

Insista t’il sans trop de conviction, mais n’ayant pas envie d’avoir de soucis avec Hasegawa-san. En fait, il avait juste envie d’oublier tout ça ... Soupirant, un ajouta du bout des lèvres :

" Sur le coup j'étais un peu embêté, mais voilà, au final, c'était pas très important. "

Kantaro secoua doucement la tête, soupirant pour prendre sur lui et ne pas s'emporter.

" Il n'empêche qu'il n'avait pas le droit de faire ça. "

Insista t’il, sûr de ce qu’il avançait. Hugh fit la moue, lui-même incertain de savoir réellement qui avait le droit de faire quoi.

" Je sais pas trop ... "

La gêne et l’ennui devaient transparaître dans sa voix même s’il ne voulait pas. Et quelque part, il se sentait soulagé ... D’avoir cette histoire sur laquelle faire peser son mal être actuel auquel Kantaro n’avait pas été insensible. L’altercation avec le professeur n’avait pas été la seule raison. Mais ça, son ami n’avait pas besoin de le savoir. Les choses étaient bien mieux ainsi.

Kantaro ne savait pas trop comment réconforter Hugh qu'il sentait las. Un peu hésitant, contrairement à son habitude, il finit par répondre.

" C'est normal que des gens n'apprécient pas forcément d'être pris en photo à leur insu. Mais ce n'est pas une raison pour agir de la sorte. "

Hugh secoua la tête avec un petit sourire mitigé.

" C'est pas grave. Si j'entre dans le club de photographie on pourra plus rien me dire. "

Kantaro sourit. C'était tout Hugh de vouloir faire profil bas alors qu'il n'était pas si en tord que ça. Lui en revanche, n'était pas certain de pouvoir passer l'éponge si facilement. Il se contenta d'un petit : " C'est sûr ... ", avant de reprendre, sur un ton décidé :

" Mais dis-moi quand ça ne va pas. J'ai l'impression de passer à côté quand je l'apprends après coup ... "

Hugh hocha la tête, un peu gêné des paroles de son ami qu’il avait l’impression de trahir d’une certaine manière.

" Je voulais pas t'embêter avec ça, c'est ... Fin, c'est pas grave. "

Il était de toutes manières plutôt du genre à fuir et oublier les ennuis qu’à les confronter. Ce n’était qu’une fois de plus qu’il agissait ainsi. Il leva son regard plissé vers son ami, scrutateur, cherchant à détourner la conversation.

" Tu gardes ton uniforme même les cours finis ? "

Kantaro baissa la tête pour regarder sa tenue puis haussa légèrement les épaules, insensible à l’allusion, et bien moins gêné que son ami par le port de cette tenue qui ne différait pas tant que ça de ses tenues habituelles.

" Quand je suis pris à faire des choses, j'y pense pas forcément, j'avoue ... "

Il sourit en relevant les yeux et en montrant le t-shirt de Hugh. Au final, ça ne changeait pas de d’habitude, ils avaient tous deux une allure qui leur était propre : celle de Hugh décontracté - il parvenait même à avoir cette allure en uniforme à force, par une étrange alchimie - et la sienne plus stricte et propre, avec ou sans uniforme.

" Toi, en revanche, tu ne traînes pas ! "

Hugh sourit, autant face au sérieux de Kantaro que face à son innocence par rapport à son allusion.

" Je supporte pas cet uniforme, c'est trop étriqué, et il fait chaud ... "

S'approchant de Kantaro, il se décida à être plus direct et tira sur la veste.

" Allez, enlève ça, c'est trop strict. "

Le brun rougit en comprenant ce Hugh voulait dire, puis sourit. Il avait encore du chemin à faire pour percevoir les allusions. Et dire que celle-ci n'avait qu'à peine été détournée ...

" Et toi tu n'as pas trop chaud ? "

Demanda t’il, renvoyant la balle un peu maladroitement. Après avoir retiré sa veste, il commença à ôter sa cravate dont il avait déjà desserré le nœud un peu plus tôt. Hugh sourit et secoua négativement la tête.

" Non, ça va ... ", avant de chuchoter plus bas, presque en aparté : " pas encore. "

Il s’assit sur les genoux de Kantaro, les mains sur ses épaules, et lui ôta les mains de sa cravate pour l'enlever lui même, un petit sourire chafouin aux lèvres. Il ne comptait pas forcement aller très loin. Il avait juste envie de le toucher, de jouer. Il était tactile, aimait les caresses et ne s’en privait pas. D’autant plus que si le brun avait souhaité sortir avec lui, c’était bien pour cela, non ? Sinon, autant rester de simples amis ...

Kantaro fut une fois de plus surpris par le changement d'attitude de Hugh et eut un léger temps de latence avant de glisser ses mains autour de sa taille et d'aller cueillir un baiser. Comme toujours amusé par le comportement sérieux du japonais, Hugh eut un petit rire et répondit un peu plus fougueusement à son baiser, tirant sur la cravate pour l'enlever entièrement, avant de s'attaquer aux boutons de la chemise, serrant ses jambes autour de la taille de Kantaro, ondulant son bassin contre le sien pour l’exciter un peu.

Kantaro soupira cherchant à retrouver ses marques, mais se sentant toujours aussi déboussolé par la confiance de Hugh et sa propre inexpérience. Il le laissa finir de déboutonner sa chemise avant d'oser passer ses mains sous le t-shirt et de le soulever pour lui ôter.

Hugh se laissa faire, bien qu'aussitôt gêné de voir ainsi exposé sa cicatrice et de replier un bras contre lui en conséquence, avant de choisir de se coller contre Kantaro pour qu’il ne la voit pas, l’embrassant de nouveau et glissant ses mains sous sa chemise pour toucher la sienne du bout des doigts. Dans son dos, le ventilateur le faisait frissonner, alors qu’il chatouillait sa peau légèrement humide de sueur.

" Je vais trop vite ? "

Il ne voulait pas non plus l’effrayer ... Kantaro répondit au baiser avec enthousiasme, ayant déjà beaucoup plus d'assurance au moins sur ça. Il nota cependant la façon de Hugh de se cacher et l'écarta légèrement de lui.

" Ca va. Mais ... tu es gêné devant moi ? "

Hugh ne put s'empêcher de replier les bras sur sa poitrine, un peu vexé de se voir repoussé ainsi, et détourna la tête, les joues rouges.

" ... Je n'aime pas ça, c'est tout. Ne regarde pas. "

Le brun fronça les sourcils avant de se saisir du poignet de Hugh et d'écarter son bras, doucement mais fermement. Il alla déposer un baiser sur la cicatrice, puis releva la tête vers lui.

" Si elle n'existait pas, tu ne serais pas là en ce moment, entre mes bras. Alors ne soit pas gêné avec moi Hugh. "

Il comprenait la gêne du blond, mais ne voulait pas qu'elle persiste entre eux. Kantaro déposa un nouveau baiser, au niveau du cou cette fois.

" Je t'aime Hugh. Je t'aime en entier ... "

Hugh rouvrit les yeux, qu'il avait fermés presque malgré lui au moment où son ami - toujours pas amant mais ça viendra un jour - l'avait forcé à écarter son bras, et afficha un air surpris et quelque peu touché par ses paroles. Posant les mains sur la nuque de Kantaro, frissonnant sous ses lèvres, il murmura :

" Merci ... "

Etait-ce vraiment ainsi que l’on devait répondre à un je t’aime ? Kantaro ne sembla pas s’en émouvoir, serrant Hugh contre lui, simplement heureux d'avoir réussit à transmettre ce qu'il ressentait, et laissa courir ses doigts le long de la colonne du blond, qui aurait ronronné s’il le pouvait, et s’amusait du contact encore une fois platonique que Kantaro avait avec lui. Il se demandait s’il avait peur d’aller plus loin, et si c’était conscient, ou pas ...

Repoussant légèrement Kantaro pour finir de déboutonner sa chemise, il la tira sur ses épaules, puis lui ôta entièrement avant d'embrasser doucement sa clavicule, remontant vers son épaule.

" Tu es timide ... "

Murmura t’il avec amusement. Kantaro se laissa déshabiller retenant un soupir sous les lèvres aventureuses, mais vira écarlate à la remarque de Hugh. Il resta un moment figé, incertain, avant d'avouer :

" C'est pas ça ... Je ... C'est juste que je ne sais pas ce que je peux faire ... ni comment d'ailleurs ... "

Hugh laissa glisser ses mains des épaules jusqu'au ventre de Kantaro, les laissant juste posées là, aguicheuses.

" Tu peux tout faire. Tu n'as qu'à faire ce dont tu as envie. C'est ce que je fais. "

Etait-ce si difficile à comprendre, à communiquer ? Il avait conscience d’être un peu plus désinhibé et à l’aise que certains jeunes de son âge, mais ... Kantaro était aussi tellement retenu. Il le poussa doucement en arrière avant de l'embrasser lentement. Celui-ci ferma les yeux sous la caresse avant de se retrouver au sol, les paroles de Hugh dansant dans sa tête. Ce dont qu'il avait envie ... Essayant de ne pas trop penser à ce qu'il faisait, Kantaro laissa sa main glisser plus bas, passant sous le tissu pour errer sur les fesses de Hugh. Il soupira.

" Alors je peux t'enlever ça ? "

Agréablement surpris de l'audace nouvelle de Kantaro, Hugh laissa errer ses lèvres sur son visage et dans son cou, ne parvenant pas à se départir de son sourire un peu amusé. Surpris par sa question qu’il n’aurait pas imaginée venir ainsi, il jeta un coup d’œil à la porte avant de hausser mentalement les épaules.

" Oui. "

...


Le jeu amoureux des deux jeunes garçons, dans l’intimité tiède de leur chambre commune, était allé un peu plus loin qu’il ne l’avait prévu. Hugh se demanda un instant si Kantaro était prêt, s’il ne se forçait pas trop, mais laissa bien vite tomber ces idées pour profiter du plaisir qu’il ressentait. Il ne le cachait pas : il adorait ça.

Dire qu'il était mal à l'aise était un euphémisme. Il n'avait même pas de mots pour qualifier l'état de confusion dans lequel était son esprit où tournait en boucle la scène précédente. Il avait embrassé un prof. Non. Il avait embrassé son prof, son sensei. Il avait embrassé un homme. Volontairement.
Pas un baiser volé comme quand Nakamura s'était jeté sur lui pour une raison plus ou moins foireuse, pas un câlin furtif qu'il aurait pu attribuer à de l'alcool, de la fièvre, ou un délire sous influence. Il aurait pu avoir l'excuse du questionnement pour le premier baiser, mais pour le second... ça avait été entièrement sa volonté, ou son instinct, de continuer là où le premier lui avait plu.
En état de choc, le jeune homme avait fui vers sa chambre, inconscient d'avoir laissé derrière lui un enseignant au moins tout aussi choqué – et de la manière égoïste qu'avait parfois les adolescents de réfléchir, il s'en fichait un peu – bien décidé à trouver une occupation suffisant pour lui vider l'esprit. Oh, le connaissant, cette occupation ne serait pas bien dure à trouver : aller courir suffisamment de tours de terrain pour tomber raide de fatigue et ne plus être capable de réfléchir. D'ici la fin de cette année, il pourrait viser les championnats nationaux avec autant d'entrainement. Le seul hic à cette réflexion, qui justifiait un détour par les dortoirs alors qu'il ne demandait qu'à filer dehors, était sa tenue de sport, correctement rangée dans sa chambre après un passage au lavage. Hors de question de ne serait-ce que penser à aller courir avec l'uniforme.

Eiji fit irruption dans la chambre d'une manière nettement plus brutale qu'à son habitude. Dommage . S'il avait juste poussé délicatement la porte pour ne pas déranger ceux qui étaient déjà présents, il aurait pu rendre sa présence, et donc la scène, beaucoup moins désagréable pour tous les présents.

" Désolé, je fais que..."

La fin de la phrase mourut sur ses lèvres alors qu'Eiji prenait conscience de ce que ses yeux voyaient. Hugh, dévêtu, affalé sur la table au milieu de la chambre, et Kantaro agenouillé devant lui, la tête à un endroit où elle n'aurait jamais du être en train de... Impossible de détourner les yeux et de convaincre son esprit qu'il avait vu autre chose que ce qu'il y avait à voir, comme toutes les fois où son regard avait remarqué Hugh et Kanta trop près, un effleurement trop poussé qui en devenait une caresse ou un sourire complice. Sur le coup, ils avaient fait forts.
L'esprit d'Eiji ne passa pas par tout ce processus de compréhension, se contentant d'arriver directement à la case " What the fuck ?" et de décider qu'il en avait déjà bien trop vu pour vouloir savoir ce qui allait se passer ensuite.

Le jeune homme ne prit pas le temps de s'excuser - qui devait s'excuser dans la situation,ça restait encore à voir – et quitta la pièce en claquant la porte, plus dans le but de la refermer rapidement que par colère, sans prendre garde que la porte, trop brusquée, avait choisi de rebondir et de rester entrebâillée.
Le sportif avait dépassé depuis longtemps le stade de la colère pour en rester à celui, un peu plus étrange, du désœuvrement.Avec le gout, un peu amer, d'une trahison qui n'en était pas une. Il avait toujours su que Hugh était gay. Quand à Kantaro... il savait qu'il détestait les femmes, mais n'avait pas imaginé – ou voulu croire – qu'il puisse changer de bord. Ils n'avaient pas de compte à lui rendre mais.... il aurait préféré ne rien savoir.
Au final, la pire chose dans cette histoire, c'est qu'il n'avait pas pu récupérer ses affaires de sport. Qu'allait-il pouvoir faire maintenant, pour s'occuper l'esprit ?

Hugh avait renoncé à se taire et se laissait aller à gémir langoureusement à voix basse sous les attention de son ami, des papillons battant en tous sens dans son bas ventre. Il n’était pas très loin de l’extase lorsque la porte s’ouvrit brutalement, laissant entrer Eiji dont les paroles furent aussi interrompus dès qu’il eut posé les yeux sur eux.
Très occupé à prendre son pied, il réalisa ce qu’il se passait lorsque Kantaro recula vivement sa tête, couvrant ses cuisses et son bras ventre de sa chemise tiré à la va vite. Il n’eut le temps de protester que d’un grognement étouffé lorsque soudain son regard rencontra celui d’Eiji, lui donnant la sensation d’une chape de plomb lui tombant sur les épaules.

Le contact fut de courte durée, le jeune homme faisant marche arrière aussitôt, claquant la porte avec suffisamment de vigueur pour qu’elle se re ouvre derrière lui, laissant entendre le pas furieux de ses pas qui s’éloignaient. Mu plus par l’instinct que par les pensées, Hugh se leva, une main tenant la chemise sur son bas ventre dans une parodie classique de l’étudiant en dortoir qui s’était retrouvé surpris lors de ses ébats – bien qu’habituellement, dans ce genre de scène c’était souvent un oreiller dont il était question – et se leva pour refermer la porte, croisant le regard d’un duo d’amies qui passaient par la et ouvrir de grands yeux face à la scène. Il entendit leurs couinement hystériques derrière la porte tout juste refermée, ou il tourna le loquet d’un air décidé avant de se retourner vers Kantaro, les joues un peu rouges et le regard fuyant.

Hugh était partagé entre la frustration d’avoir été ainsi interrompu, la colère face à l’interruption d’Eiji et sa réaction, et la gêne pour Kantaro de l’avoir amené dans une telle situation. Lui même devait l’avouer, c’était gênant qu’Eiji ait appris les choses… De cette manière la.

Hugh releva le regard vers le visage écarlate de Kantaro, cherchant ses mots.

« … Je, euh, Kantaro… Je suis désolé, excuse moi. »

Si Kantaro n’avait pas encore goûté au plaisir de se voir pointé du doigt, rejeté et méprise parce qu’il était gay – ou du moins, avait une relation avec une garçon, ce qui suffisait pour être aussitôt tamponné « gay » par les accros des petites boites qui leur permettaient de porter sur le monde un regard lourd de préjugés confortables qui ne leur demandaient pas de réfléchir – il venait d’en avoir un échantillon. Et un plutôt gênant. Eiji n’était pas n’importe qui. Hugh se sentait totalement responsable de la situation. Après tout, c’était lui qui avait initié kantaro à agir ainsi, même s’il n’avait pas prévu de faire aller les choses jusque la au début… Il aurait pris plus de précautions alors.

Kantaro était incapable de dire s'il aimait ce qu'il était en train de faire. Trop d'inconnues venaient se greffer sur ses actes pour qu'il en prenne vraiment la mesure. Il avait même du mal à intégrer l'idée que c'était bien lui. Malgré tout, il ne lui venait même pas à l'idée de s'arrêter : Hugh, lui, aimait. Si l'acte en soit le laissait incertain, le plaisir du blond en revanche était communicatif, excitant même ... Et il comptait bien faire son possible pour le conduire au plus loin.

Un peu plus ancré dans la réalité que son ami, Kantaro perçut le bruit de la porte. Il lui fallut cependant un certain temps avant de réaliser pleinement ce qu'il impliquait. Instinctivement, le jeune homme se recula, arrachant un grognement de protestation de la part de Hugh, et attrapa la première chose qui lui tomba sous la main - en l'occurrence sa chemise - pour couvrir en partie la nudité du blond.
Lorsqu'il tourna enfin la tête, ce fut pour reconnaître la silhouette d'Eiji désertant les lieux à vive allure. La notion que leur ami n'aurait pas dû ce trouver là à cette heure l'effleura un instant, avant de laisser place à d'autres considérations plus importantes : les conséquences ...

L'esprit en ébullition, il ne réalisa pas vraiment que la porte était restée ouverte, ni que Hugh était allé la fermer, à clé cette fois. Il releva le regard lorsque ce dernier lui parla, pour tomber face à un visage écarlate qui devait sans doute être équivalent au sien. Etre surpris dans cette situation était affreusement embarrassant. Il lui fallut une bonne dose de volonté pour se mettre debout et rejoindre le blond dont il caressa doucement la joue.

" Pourquoi tu t'excuses ? Ce n'est pas de ta faute s'il est revenu si tôt. Il n'aurait pas dû être là en fait ... On ne pouvait pas prévoir. "

Kantaro soupira en jetant un œil au verrou à présent tourné.

" Et j'aurais dû fermer la porte à clé ... "

Son regard se reporta aussitôt sur Hugh, auquel il offrit un petit sourire contrit.

" J'irais lui parler à la sortie de son entraînement de kendo. On peut pas laisser les choses comme ça ... "

Il aurait même dû parler à Eiji bien plus tôt. Peut-être alors aurait-il frappé avant d'entrer dans la chambre. Ou peut-être pas ... Kantaro avait repoussé ce moment, se doutant que le kendoka n'apprécierait pas du tout la nouvelle. Mais la façon dont il venait de l'apprendre était pire ... S'il avait pu prévoir ...

Le dos collé à la porte, Hugh hocha lentement la tête, acquiescant sans trop de convictions aux paroles de Kantaro qui voulait que les tords soient partagés. C’était le genre de chose qu’ils n’auraient jamais put prévoir. Eiji n’aurait pas du rentrer à ce moment la, mais un hasard malin avait fait en sorte que si… Et pourquoi n’était-il par arrivé quelques instants avant, quand ils auraient put prétendre à une relative innocence ? La, il s’était vraiment fait prendre la main dans le sac. Et le stress faisait visiblement jaillir de très mauvais jeux de mots dans sa tête.

Le blond releva vivement la tête aux derniers mots de Kantaro, inquiet d’avance. Il s’était déjà frotté à Eiji en colère et savait bien ce que ça donnait.

« Je ne crois pas que ce soit une bonne idée… »

Mais en même temps, ils vivaient dans la même chambre et ne pourraient pas s’éviter bien longtemps. Kantaro avait sûrement raison, mais il ne pouvait s’empêcher de se révolter à l’idée d’aller expliquer quoi que ce soit à Eiji. Il était un peu gêné aussi. Avec Brian, se balader nu dans la chambre était quelque chose de naturel, mais face à Kantaro, moins, et il y avait trop de son corps qu’il avait envie de cacher malgré tout ce qu’aurais put lui dire son ami.

« Heu, je vais me rhabiller… »

Le charme était rompu et la scène bien plus gênante qu’autre chose. Et son érection ne voulait pas se calmer et était des plus frustrante. La scène était minable au possible. Il récupéra son caleçon et son pantalon qu’il enfila d’une traite, restant un instant torse nu, peu disposé à remettre son tee shirt alors qu’il avait si chaud. Il secoua la chemise de son ami, priant pour ne pas l’avoir tachée.

Il ne parvenait pas à se décider à affronter le regard de Kantaro. C’était étrange avec lui, il avait parfois l’impression de simplement l’initier à l’homosexualité. Il y avait une barrière qu’il ne parvenait pas à franchir, sentimentalement parlant. Les éléments et le lieu n’aidaient pas. Si Kantaro avait sut toutes les envies qui le traversait, y compris celle d’aller plus loin que des gâteries, qu’en aurait il pensé ?

Il n’arrivait pas à cerner ce jeune homme parfois si sérieux qui avait une vision si chaste de l’amour. Il avait pensé que lui avoir donné sa bénédiction et se montrer lui même ouvert et décontracté aurait suffit à faire sauter toutes les barrières de Kantaro et qu’il lui serait sauté dessus, au bas mot, comme beaucoup de garçons l’auraient faits, mut par leurs hormones avant toutes choses. Mais pas lui. Kantaro restait lent et précautionneux, intimidé par la situation peut-être. C’était d’autant plus frustrant d’avoir été interrompu alors qu’ils prenaient du bon temps et que c’était Kantaro lui même qui avait initié la chose…

Sans s’en rendre compte, Hugh était partit dans ses pensées, le regard fixé sur la chemise qu’il tenait encore à la main.

Kantaro était resté un moment indécis sur ce qu'il devait faire lorsque le blond s'écarta pour aller se revêtir. Il l'observa en silence pendant qu'il faisait disparaître de sa vue une moitié de son corps sous le pantalon ôté un peu plus tôt. Ce fut à ce moment qu'il réalisa la frustration qu'il ressentait d'avoir été brusquement interrompu. Est-ce qu'il en était de même pour Hugh ? De façon très égoïste, il l'espérait, parce que cela aurait signifié qu'il ne s'y était pas trop mal pris pour cette première fois. Son regard erra sur la nuque de son ami, comme cherchant un signe pour le renseigner à ce sujet.

Lui tournant toujours le dos, Hugh s'était figé, plongé dans une sorte de méditation que le brun n'arrivait pas à déchiffrer. S'il avait pu avoir connaissance de la moitié de ses pensées, il aurait pu le détromper sur bien des points. Car, si Kantaro était si lent et attentif, ce n'était pas par pudeur ou chasteté. Ses sentiments pour Hugh avaient réveillé sa libido, jusqu'à présent endormie, et il aurait volontiers répondu à ses attentes s'il les avait exprimées. Sans connaissance des envies de son petit ami, le japonais répugnait à aller plus vite par respect pour lui, parce que ça ne se faisait pas, tout simplement. A cela venait se greffer son inexpérience et sa maladresse dans le domaine, et la crainte de décevoir les attentes de Hugh. C'était d'ailleurs probablement la chose qui lui faisait le plus peur dans leur relation ...

Bien loin de tout ça à cet instant, Kantaro se rapprocha, plaquant son torse contre le dos de Hugh pour l'enlacer tendrement. Il prit la parole sur un ton calme qui se voulait rassurant, la bouche tout près du visage encore rouge.

" Ne t'inquiète pas. Ca ira. Il n'est plus aussi obtus qu'il a pu l'être sur le sujet. Et puis c'est notre ami. "

Il lui déposa un baiser sur la tempe, puis resta un moment à respirer son odeur, tandis que des mèches blondes lui chatouillaient la joue. Alors que revivait mentalement les évènements, les paroles de Hugh vinrent se rappeler à son bon souvenir. "Faire ce dont il avait envie" ... Est-ce que ça incluait également de prendre l'initiative alors que son ami semblait avoir renoncé à l'idée ? Jusqu'à présent, il avait attendu que ce soit lui qui lui fasse signe, mais peut-être devait-il passer outre ses hésitations ... Prendre le contrôle de la situation lui ressemblait bien plus, même s'il avait encore beaucoup à apprendre de Hugh.

" En attendant ... je ne peux décemment pas te laisser dans cet état ... "

Sa main était descendue appuyer ses dires, sans complexe. Le corps de son ami était encore bouillant d'excitation, tout comme le sien en fait. Eiji n'était pas près de revenir, Kenji était en cours et, cette fois-ci, la porte était fermée à clé ... Reprenant là où ils avaient été interrompus, Kantaro prit les commandes de leur jeu amoureux avec beaucoup plus d'assurance pour ce second round. Ils avaient tout le temps, et le brun comptait bien satisfaire Hugh cette fois.